- Tout pays est toujours seul dans les grands moments de son histoire. Il doit compter d'abord sur lui-même. Mais l'initiative de François Hollande a rencontré le succès à l'ONU. Il y a un consensus apparent, maintenant il faut passer aux travaux pratiques.
- Pour moi l'essentiel n'est pas dans l'utilisation de la force militaire : il faut savoir s'en servir, mais à bon escient. L'essentiel est toujours politique : pourquoi va t-on l'utiliser ?
- Ma thèse est qu'il faut restaurer l'Irak et la Syrie comme des États vivables pour leurs populations. Il faut pour cela que chacun agisse sur ses clients, car cette guerre est une guerre par procuration, principalement entre l'Iran et les monarchies du Golfe, mais aussi la Turquie.
- Il faut exercer toutes les pesées pour aller : 1/ vers un Irak fédéral, parce que c'est là qu'est né Daesh 2/ vers un gouvernement syrien représentatif. Qu'on y aille par étapes me paraît inévitable.
- Dans un premier temps, vouloir éliminer Bachar Al-Asad, c'est casser ce qu'il reste de l’État syrien, qui est un État déplorable, mais qui a le mérite d'exister. Or, quant on casse un État, comme en Irak, on dissout son administration, sa police, son armée, etc, et on récolte Al Qaeda, puis Daesh. Quant on casse un État, comme en Libye, on récolte finalement un pays anarchique. Le chaos.
- Pour l'instant il faut qu'il y ait un état-major qui se constitue, que les contacts soient pris, pour que sur le terrain, Daesh soit séparé des fameux rebelles modérés. Qu'est ce qu'un rebelle modéré ? C'est un rebelle qui tourne ses armes d'abord contre Daesh. Il faut le dire.
- On a beaucoup sous-estimé l'enracinement de Bachar Al-Asad en 2012. Je rappelle que dans la foulée des révolutions arabes, la France a voulu prendre le train en marche, en Libye, en Syrie, et cela a donné des résultats qui, quand même, ne sont pas tellement brillants. On s'est appuyé sur des rebelles modérés qui ne tenaient pas le terrain. Et finalement on se retrouve dans une situation où il y a d'un côté les islamistes radicaux, qu'ils s'appellent Daesh ou Al-Nosra, et puis de l'autre côté Bachar Al-Asad.
- C'est un problème depuis la guerre du Golfe. Cela a complètement déplacé le centre de gravité de la politique arabe de la France. Nous soutenions les vecteurs de progrès dans le monde arabe, et on s'est mis à la remorque de ce qu'il y avait de plus obscurantiste.
- Je pense qu'il faut conserver des relations avec l'Etat saoudien, bien entendu, mais en même temps l'amener à prendre ses distances avec toute une série de mouvements, de fondations, d'associations, qui font un travail qui consiste – qui a consisté en tout cas – à soutenir Daesh à ses débuts.
- Je pense qu'il faut ne pas parler comme George Bush, qui parlait très généralement de « guerre contre la terreur ». Nous nous battons contre le terrorisme djihadiste, qui est un ennemi qu'il faut connaître. C'est la coagulation, le syncrétisme, entre le salafisme, variante obscurantiste de l'islam, et d'autre part une idéologie complètement dégénérée qui a substitué à l'anti-impérialisme djihadiste la lutte contre les juifs et les croisés. C'est une régression médiévale, un antisémitisme haineux, qui rejette non seulement l'Occident, mais également les Arabes qualifiés de mécréants ou d'apostats, quant ils ne marchent pas dans leur ligne, c'est à dire l'immense majorité des Arabes et des musulmans.
- Je pense que Macron a raison parce qu'il a parlé du terreau. Or le terreau c'est quoi ? C'est un chômage de masse, c'est la concentration de ces jeunes dans les zones urbaines sensibles, c'est une école qui pourrait mieux marcher. D'une manière générale, ce n'est pas la faute de la République si cela ne marche pas mais faute de République. Et Macron a raison de dire cela. Pour autant il n'y a pas de culture de l'excuse. Le passage à l'acte terroriste, rien ne peut le justifier. Et il faut par conséquent être ferme, implacable.
- Je ne suis pas partisan de prolonger l'état d'urgence indéfiniment. Je pense qu'il faut d'abord assurer les bases constitutionnelles, procédé à une révision de la constitution. J'y suis favorable parce qu'elle permettra de cadrer l'utilisation de ces pouvoirs spéciaux, qui pourraient donner lieu à des dérives. Mais pour le reste, j'approuve les perquisitions administratives, j'approuve un certain nombre de mesures qui ont été prise dans l'urgence, mais un état d'urgence ne peut pas être un état permanent.
- Nous sommes dans une phase exceptionnelle. Je pense que l'unité nationale est nécessaire, et surtout, par rapport à l'immense défi qui est devant nous, plutôt que de nous perdre dans des arguties, nous devons apporter une réponse morale, à la hauteur de ce qu'est la République de ses valeurs. C'est un défi spirituel que l'on nous impose, par conséquent nous devons isoler les terroristes de la population. Cela vaut pour tous les Français, qui ne doivent pas prendre les musulmans pour des boucs-émissaires, et cela vaut pour les musulmans qui doivent clairement se dissocier de cette lèpre.