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Sur le rapport Balladur et la réforme des collectivités territoriales


Intervention de Jean-Pierre Chevènement au Sénar pendant le débat sur la réforme des collectivités territoriales, mercredi 18 mars 2009.


Sur le rapport Balladur et la réforme des collectivités territoriales
La République avait fondé son organisation territoriale sur les départements et sur les communes. Le rapport au Président de la République du Comité Balladur privilégie clairement, je le cite, « la bipolarisation des institutions locales au profit de la région et de l’intercommunalité ». Cette rupture avec le modèle républicain correspond au projet d’une « Europe des régions », plus ou moins inspiré du modèle des Länder allemands.


I – Commençons par les communes

Dans la forme, la compétence générale de nos 36.600 communes sera certes préservée mais, pour les investissements les plus significatifs, elles ne pourront guère l’exercer : en effet, les régions et les départements cantonnés dans des compétences spéciales, définies par la loi, pourront plus difficilement les aider.

1. Le système des financements croisés a été désigné par le Président de la République et par le Comité Balladur comme « le pelé, le galeux d’où vient tout le mal ». Je voudrais dénoncer cette idée reçue. D’abord les financements croisés ont été voulus par l’Etat à travers les contrats de plan. On ne peut vouloir une chose et son contraire. L’Etat continue d’ailleurs à solliciter les différents niveaux des collectivités pour le financement des lignes TGV nouvelles. Sans financements croisés, il n’y aurait pas eu de plan « Universités 2000 » et de modernisation de nos locaux universitaires. Et je connais beaucoup de projets de gymnases et de salles polyvalentes dans nos communes qui n’auraient pu aboutir sans les « financements croisés ». L’abolition de la compétence générale des régions et des départements bridera inévitablement l’élan de la décentralisation. Tel est d’ailleurs bien l’objectif affirmé par le Président de la République, le 5 mars dernier, je le cite : « faire des économies sur les dépenses ». Mais est-il bien raisonnable, au moment où on parle de « relance », de vouloir casser l’investissement des collectivités locales qui représente les trois-quarts de l’investissement public ? Cette réforme de notre organisation territoriale dont l’esprit contrarie celui de la décentralisation est inopportune en période de crise.

(l'intégralité de l'intervention de Jean-Pierre Chevènement en vidéo)


2. A cet égard la suppression de la taxe professionnelle est un mauvais coup supplémentaire à l’intercommunalité et au développement local. Certes le Président de la République s’est-il engagé à compenser intégralement les pertes de recettes qui en résulteront pour les collectivités. Mais cet engagement figera une situation qui est, par elle-même, évolutive : la taxe professionnelle est un impôt très dynamique dont les bases, même amputées de la part salariale, progressent chaque année. Or les compensations envisagées par le Président de la République dans son discours du 5 mars dernier : cotisation minimale sur la valeur ajoutée ou taxe sur les conventions d’assurance, ne sont pas à la hauteur. Les moyens dont disposent les intercommunalités en seront inévitablement affectés à la baisse, ce qui pénalisera la lutte contre la ségrégation urbaine, le développement économique local et la solidarité intercommunale.

3. L’intercommunalité est un acquis majeur pour la décentralisation car elle met en commun des compétences stratégiques que les communes isolées pouvaient difficilement exercer. A mes yeux, beaucoup des critiques faites à l’intercommunalité ne sont pas pertinentes : les périmètres seraient quelquefois arbitraires ? Mais ils peuvent être corrigés selon des règles de majorité qualifiée qui donnent aux Préfets un réel pouvoir. Les mutualisations de services, dont la Cour des Comptes déplorait le retard en 2005, ne pouvaient se réaliser du jour au lendemain. Elles ont d’ailleurs beaucoup progressé. Le coût pour les finances publiques est resté modeste, compte tenu de l’ampleur des résultats enregistrés : plus de 90 % du territoire et de la population concernés. Enfin, les recrutements supplémentaires dans les EPCI, quelquefois déplorés, ont légitimement correspondu à l’exercice de compétences souvent jusqu’alors délaissées par les communes.

L’intercommunalité ne doit pas pour autant faire disparaître la commune, échelon de base et, si je puis dire, école élémentaire de notre démocratie. Les établissements publics de coopération intercommunale ne sont pas un quatrième niveau de collectivités. Ce sont des coopératives de communes et les communes sont irremplaçables comme échelons de proximité. Si je partage la plupart des préconisations faites pour l’achèvement et la rationalisation de la carte de l’intercommunalité, je suis plutôt réticent quant à l’élection au suffrage universel direct des organes délibérants des EPCI. L’élection directe du Président délégitimerait les maires. Même le système de l’élection des conseillers communautaires par fléchage en même temps que celle des conseillers municipaux, dit système PLM, pose problème à mes yeux, même si cette proposition a été reprise par la mission du Sénat sur la réorganisation territoriale.

Je voudrais faire observer que ce système de fléchage ne sera pas applicable aux communes de moins de 3500 habitants qui pratiquent le panachage. Faut-il, comme le suggère la mission du Sénat, supprimer cette pratique pourtant très démocratique pour ce qui est des petites communes ? Pour les autres, il introduira par l’application de la proportionnelle des listes un esprit inévitablement plus partisan, là où l’entente se faisait de maire à maire, chacun étant assuré de représenter la légitimité de sa commune. Je suis sensible à cet égard à la réserve exprimée dans son discours du 5 mars par le Président de la République, je le cite : « Je souhaite que se poursuive la concertation sur l’élection au suffrage universel direct des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre qui pose à mon sens beaucoup de questions ». C’est l’esprit et la vocation de l’intercommunalité qui sont en cause. Je souhaite pour ma part que les intercommunalités restent des coopératives de communes et pas des « communes nouvelles » comme l’article 11 du projet de loi de réforme des collectivités locales annexé au rapport Balladur en ouvre la possibilité, dès lors qu’une majorité des deux tiers des conseils municipaux représentant la moitié de la population le demanderait. Ce projet d’article 11 traduit selon moi une méconnaissance de l’esprit de l’intercommunalité et un retour à l’esprit de la loi Marcellin de 1971. Mais il est cohérent avec le dessein de dévalorisation de nos communes qui me paraît sous-jacent au projet de réforme. L’intercommunalité est le remède à l’émiettement de nos communes, réelle spécificité française, mais il serait absurde de vouloir y substituer 2.500 « communes nouvelles ». Bref, l’intercommunalité est un moyen de revaloriser les communes, pas de les dévaloriser.


II – Quelques mots maintenant sur les départements, eux aussi victimes désignées de la réforme.

1. Un mot d’abord sur le démantèlement partiel des départements au profit des métropoles. Celui-ci aboutira à des départements croupions réduits à leurs zones rurales. En réalité, les compétences des départements sont des compétences de proximité et il n’y a rien à gagner à vouloir tout chambouler. Mais qu’un tel projet ait pu germer est un révélateur de la volonté réelle qui sous-tend la réforme : à défaut de pouvoir le casser, il faut réduire le département !

2. D’où le projet de faire élire ensemble conseillers régionaux et conseillers départementaux. Certes, avec le mode de scrutin actuel, les conseils régionaux apparaissaient-ils quelque peu « hors sol ». Tel est du moins mon jugement personnel. Le remède proposé est de créer un système PLM dans le cadre de circonscriptions infra-départementales. Si l’on veut absolument faire élire ensemble les conseillers régionaux et les conseillers départementaux, pourquoi faut-il que ce soit dans le cadre de circonscriptions particulières découpées au sein de chaque département, et pas dans le cadre du département, si ce n’est pour dévaloriser celui-ci en fonction du principe « diviser pour régner » ? Il me semble qu’en procédant à cette élection dans le cadre du département, on éviterait le charcutage électoral, toujours nuisible à une réforme territoriale qui devrait privilégier le consensus.

3. La région, selon moi, ne peut pas tout faire. Elle n’est pas faite pour la proximité. Même en matière de développement économique, elle ne peut pas répondre aussi efficacement que les départements et les intercommunalités à la demande de développement endogène des entreprises. Il est bon que, pour la création de zones d’activités par exemple, la compétence économique soit partagée entre tous les niveaux de collectivités, y compris les départements.

4. Enfin, la région, à mes yeux, ne doit pas être laissée seule à disposer des fonds européens comme le propose la mission Belot. L’Etat, gardien de la cohésion nationale et de l’intérêt général, doit conserver à côté de la région un droit de regard éminent sur cette affectation.

Je ne dirai rien quant aux regroupements de régions ou de départements envisagés. Il y a là une boite de Pandore propice à toutes les dérives plus ou moins ethnicistes, que vous pourriez bien regretter d’avoir ouverte. Nos concitoyens de Corse l’avaient bien compris en refusant par référendum en 2003 la fusion des deux départements de Haute Corse et de Corse du Sud.


Tout dans les propositions de la Commission Balladur n’est pas à rejeter, loin de là : l’achèvement de la carte de l’intercommunalité, la fin des « pays », la rationalisation des syndicats de communes, approuvés d’ailleurs par la mission Belot, sont des propositions de bon sens. Selon moi, le sont également le plafonnement des effectifs des exécutifs locaux ou le projet d’un « Grand Paris » qui répond à l’atout qu’est l’existence d’une ville monde pour la France. Mais la réforme gagnerait à montrer plus de pragmatisme et à s’insérer dans le modèle républicain français, sans vouloir à toute force lui en substituer un autre. La réforme y gagnerait en particulier la possibilité d’un consensus qui est la condition même de son succès.


Rédigé par Jean-Pierre Chevènement le Mercredi 18 Mars 2009 à 21:35 | Lu 5389 fois



1.Posté par ZIARKOWSKI Daniel le 25/03/2009 10:47
LE PLAT RATÉ DE LA REFORME GÉNÉRALE DES POLITIQUES PUBLIQUES
Certains vont encore considérer que le moment n’est pas encore à la Réforme Générale des Politiques Publiques ou aux conséquences du rapport BALLADUR que je ne conteste pas tant il est pédagogique mais que je conteste dans sa programmation post RGPP. :
J‘ai extrait deux passages du rapport BALLADUR à titre d’exemples. Je m’appuie également sur le discours du Président de la République à la réception de ce rapport dont voici 2 extraits :
" […/…]
Pour ma part, je n’entends pas fuir mes responsabilités. Cette réforme, j’y crois profondément pour une raison simple : elle est essentielle pour le pays et les Français l’attendent. Je souhaite donc qu’elle aboutisse.
[…/…]
Je demande donc au Premier ministre, en lien étroit avec le Parlement, de procéder d’ici l’été à l’élaboration d’un texte reprenant vos propositions. Il pourra d’ailleurs utilement partir du projet que vous m’avez aimablement transmis, Monsieur le Président. Quatre mois, c’est un bon délai pour approfondir le consensus et élaborer, sur un sujet complexe, le texte législatif. […/…] "
Ces extraits du rapport le démontrent et l’affirment. Il y a bel et bien une RGPP de et dans la RGPP.
Si on considère le discours précité et la volonté de tout mettre en œuvre avant cet été, en particulier par les propositions qui seront à ratifier par l’assemblée et le sénat, on risque d’avoir une mise en œuvre, pour partie, avant l’échéance de 2014 préconisée par le rapport (le rapport exprime pour 2014 les élections qui pourraient se tenir au niveau des régionales, ce qui constituerait une date butoir de mise en œuvre de toutes les propositions). Cela touche l’E.N. et Jeunesse et sports pour ces extraits, mais aussi et surtout de nombreux services d’État ou de collectivités territoriales.
Dans le premier extrait du rapport Balladur, on parle de la médecine scolaire mais aussi des contrôles de centres de vacances par Jeunesse et Sports (donc affectation de ses services au département) :
" […/…]
En tout état de cause, il est impératif de mettre un terme aux interventions concurrentes de la commune, du centre d’action sociale communal et du centre intercommunal. Encore le Comité doit-il ajouter que ce redécoupage ne sera complet que si l’État transfère aux départements de nouvelles compétences (handicap, médecine scolaire, enfance en difficulté prise en charge par la protection judiciaire de la jeunesse, agrément et contrôle des centres de vacances) pour compléter leur bloc actuel de compétences et si les rôles sont plus clairement répartis entre les organismes de sécurité sociale et les départements dans les domaines de la politique familiale.
[…/…] "
Dans le deuxième extrait du rapport, on parle de l’affectation des services formation, examens et emploi de J&S aux régions :
" […/…]
La même orientation vaut dans le domaine de la formation professionnelle tout au long de la vie. Si la responsabilité de l’État doit, a-t-il semblé au Comité, rester de définir la norme et de garantir la qualité du contenu pédagogique des formations, l’exercice exclusif par la région de la compétence correspondante constitue le scénario d’évolution le mieux adapté aux besoins et aux expériences acquises. Cette recommandation imposera de lui transférer les interventions de l’État à l’égard de certains publics, comme les personnes handicapées ou illettrées, ou en matière de formation aux métiers du sport et de la jeunesse.
[…/…] "
Aujourd’hui, nous sommes en pleine crise et nos gouvernants semblent vouloir tout faire, mais sans savoir faire. Devons-nous aussi laisser en suspend les propositions faites par le rapport avec l’appui sans conditions du Président ? Devons-nous laisser faire n’importe quoi, n’importe quand, sans fil conducteur, sans ordre de bataille ou de mise en œuvre. Devons-nous subir des envies, des humeurs, des décisions à contre sens, qui se heurtent, qui se bousculent ?
Le rapport Balladur entraîne, dans son intégralité, un vaste chamboulement de la RGPP en cours.
En effet, il remet en cause directement une certaine politique et réduit les affirmations selon lesquelles on peut faire des économies grâce à la RGPP :
Cela fait 1 an et demie que l’on met en œuvre des réunions, qu’on ouvre et alimente des sites, que l’on distribue des circulaires et autres documents gouvernementaux, que l’on crée des arrêtés …. Que l’on dépense de l’argent, du temps pour tout changer une fois que tout se met en œuvre.
Qu’est-ce que cette nouvelle cuisine où on met sur le gaz, avec un empressement incontrôlé, un pot au feu RGPP, où on ’jette ‘ dans la casserole la viande, les légumes et où on oublie l’eau ? Résultat, une odeur de ‘cramé ‘, car c’est ainsi qu’il faut le prendre. La tambouille RGPP brûle. Elle court-circuite les ministres, les régions, les départements, les services de l’État, mais surtout, elle brouille la vision du public sur son prochain service public à tous les échelons (commune et grande métropole, département, région et État), tout en augmentant l’angoisse de ceux qui sont en charge de ces politiques et services publics. De plus en plus fort, ils se posent questions quant à leurs missions, leur avenir, leur affectation où la carte scolaire risque de ne plus être la norme, leur promotion et l’autorité en charge de cette dernière (ministère, maire, président de conseil régional, préfigurateur, directeur ? …), leur famille.
Comment comprendre une réforme quand celui qui la mène change tout brutalement, sans prévenir, sans rassembler, sans écouter, arguant de son seul instinct politique ou impressionné par sa chute dans les sondages ? Comment avoir une ligne de conduite tracée, soit disant au cordeau, quand celui qui tient le bout de la ficelle ne tient pas en place et repart en arrière ou va de gauche à droite ? La précipitation personnelle prend le pas sur la participation gouvernementale. On raconte tout et souvent n’importe quoi, comme en attestent ces 26 milliards prêtés aux banques et qui " ramèneront de l’argent à l’État ". Certes, l’État les prête à 8 % sur 3 ans mais, considérant que les caisses sont vides et la France en faillite (propos du Président et de son Premier Ministre), ces 26 milliards ont été empruntés sur 10 ans à raison de 3,5% (source officielle du gouvernement et d’Éric WOERTH en particulier). Or, n’importe qui peut faire, grâce à Internet, un calcul des intérêts à 8% sur 3 ans et à 3,5% sur 10 ans : on s’aperçoit alors que les intérêts à 10 ans sont largement supérieurs aux intérêts sur 3 ans. Donc l’État ne va pas gagner d’argent, il va en perdre moins !!! Ce qui se passe au niveau de la RGPP aggrave encore une situation précaire où pourtant tous les efforts doivent être tentés, en cette crise, pour préserver l’ensemble de nos concitoyens et par la même, leur service public.
Il faut qu’ensemble nous contestions la mise sous presse de ce guide Michelin de la grande bouffe des crédits de l’État au travers de tout ce qui a été mis en œuvre dans la RGPP et qui est remis en cause. On stigmatise nos concitoyens sur les nécessités d’économies alors qu’on fait paraître, après un an et demie de RGPP, un rapport, une contre-expertise venant à nouveau tout remettre en question, ce qui tend à prouver que l’argent du contribuable payerait deux réformes de l’administration… Drôle de conception des économies !
Cette RGPP est infondée et illégitime. Elles est infondée car l’État n’apporte pas la preuve d’un mode de fonctionnement plus efficace avant d’initier sa réforme. Elle est illégitime dans sa mise en œuvre car uniquement descendante et antidémocratique avec des effets d’annonces contradictoires entre eux. On demande aux Français de comprendre mais ils ne comprennent plus.
On a voulu faire un plat traditionnel qui complairait à tous, un pot au feu de promesses et d’économies mais, comme je l’ai écrit, il a brûlé car fait sans aucune recette ni respect du temps de cuisson. Le cuisinier en chef , sans scrupules, a jeté le pot au feu, car il a oublié l’eau qu’il a déja utilisée en urgence pour le bain du bébé RGPP. Aujourd’hui il a tout jeté, l’eau du bain, le bébé, le pot au feu. Il ne reste qu’une grande casserole vide et vide de sens !!!! Pourtant, suite aux interventions et à la dernière circulaire du Premier Ministre en date du 27/02/2009, le pot au feu est, semble-t-il, toujours au menu !!!

Ce qui est plus navrant, ce sont nos députés et sénateurs qui laissent faire sans se poser questions en laissant le gouvernement se passer de leur avis en mettant tout en oeuvre par des arrêtés et des circulaires court-cricuitant ainsi l'assemblée et le sénat.
NOUS SOMMES DANS UNE DEMOCRATIE AU GARDE A VOUS QUI SEMBLE NE DESTINER CEUX ELUS PAR LE PEUPLE POUR LE PEUPLE PLUS EN CRAINTE DE CE QU'ILS VONT PERDRE QUE CE QUE CHAQUE CITOYEN AURAIT A GAGNER.

Daniel ZIARKOWSKI


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