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Sortons du déni de démocratie en Europe


Une tribune de Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre, président du club République moderne, parue dans Le Monde, édition des 26 et 27 juin 2016.


Le fonctionnement opaque et technocratique des institutions européennes est rejeté partout. Même la Grande-Bretagne qui s’était pourtant ménagé un statut spécial en Europe vient de manifester spectaculairement son attachement aux prérogatives de son Parlement.

Le peuple britannique n’a pas cédé au chantage et à la peur orchestrés par les milieux économiques dominants. Son vote courageux et massif a montré qu’il mettait la démocratie, c’est-à-dire le contrôle des décisions qui le concernent, au-dessus de tout.

Le Royaume-Uni a manifesté encore une fois son esprit d’indépendance et son caractère qui est justement ce pour quoi nous l’aimons. Le peuple britannique est un peuple insulaire et en même temps c’est un peuple européen. Il vit au rythme de « l’anglosphère ». Cela fait partie des réalités qu’avait discernées jadis avec finesse le général de Gaulle.

Un service rendu à l’Europe
Je demande aux dirigeants européens d’accueillir avec fair-play et sans esprit vindicatif la décision souveraine du peuple britannique. Rien ne serait pire qu’une volonté punitive de la part des élites européennes. La négociation d’un statut d’association du Royaume-Uni au marché unique européen, sur le modèle norvégien, peut intervenir dans les deux ans qui viennent, délai donné par l’article 50 du traité de Lisbonne

Surtout, le « Brexit » peut être un service rendu à l’Europe. Il peut être une deuxième chance donnée à l’idée européenne : celle d’une refondation démocratique qui articulerait la démocratie qui vit dans les nations avec une démocratie européenne qui reste à construire. Il ne suffit pas de dire qu’on fera demain ce qu’on n’a pas fait hier.

Comment oublier que, après le référendum du 29 mai 2005 rejetant clairement le projet de traité constitutionnel européen proposé par la Convention alors présidée par M. Giscard d’Estaing, nos gouvernants se sont engagés dans un effrayant déni de démocratie ? Enfin le traité de Lisbonne reprenait presque mot pour mot le texte du projet de traité rejeté à 55 % par le peuple français.

Cela ne fut possible que par l’accord du PS et de l’UMP, c’est-à-dire de Nicolas Sarkozy et de François Hollande, accord rendu indispensable par la nécessité de réunir une majorité des trois cinquièmes au Congrès de Versailles en septembre 2008. Ce déni de souveraineté et de démocratie n’a évidemment pas été oublié et pèse lourdement sur le fonctionnement de la démocratie dans notre pays (tout comme la non-renégociation du traité budgétaire européen de 2012).

Une conférence chargée de redéfinir les institutions européennes
Pour sauver l’idée européenne, je demande la réunion à bref délai d’une conférence chargée de redéfinir les institutions européennes et de repenser le modèle de développement qui résulte notamment du traité budgétaire de 2012 et qui plombe la croissance européenne.

Cette conférence pourrait s’inspirer d’un précédent : celui de la conférence de Messine qui, après l’échec de la Communauté européenne de défense, a permis, en 1955, de remettre l’Europe sur les rails et de préparer le traité de Rome. Cette Conférence se tiendrait à vingt-sept, avec un statut spécial d’observateur pour la Grande-Bretagne.

Cette conférence aurait pour objet la renégociation des traités sur les trois questions cruciales dont la méconnaissance a conduit à l’affaissement de l’actuelle construction européenne : la souveraineté, c’est-à-dire la démocratie, la prospérité et l’indépendance stratégique.

D’abord rendre à la souveraineté populaire et à la démocratie leurs droits dans une Europe confédérale qui serait faite de l’entente et de la coopération entre les nations : cela suppose une réorganisation profonde des compétences et, le cas échéant, du mode de désignation des institutions européennes (Conseil, Commission, Parlement, Cour de justice, Banque centrale européenne).

L’« Europe européenne » du général de Gaulle
Il faudrait notamment outiller le Conseil européen où vit la légitimité démocratique en le dotant des services capables de préparer et d’exécuter ses décisions. De même le Parlement européen devrait procéder des Parlements nationaux pour que les compétences déléguées puissent être démocratiquement contrôlées.

Ensuite, rendre à l’économie européenne les clés de la prospérité en revoyant profondément les règles actuelles en matière de politique économique et monétaire. Le paradigme néolibéral – la croyance en l’efficience des marchés – ne peut se substituer à la définition de politiques industrielles et d’un cadrage social. Le modèle mercantiliste allemand (excédent extérieur supérieur à 10 % du PIB) est intransposable aux autres pays et notamment à ceux de l’Europe du Sud. Il faut redéfinir un modèle européen de développement acceptable pour tous les Européens.

Enfin, il faut donner à l’Europe la capacité stratégique qui lui a toujours fait défaut depuis l’origine. Nous nous rapprocherions ainsi de l’« Europe européenne » dont parlait jadis le général de Gaulle.

Bien entendu, la Grande-Bretagne, le moment venu, aura toute sa place dans ce projet d’une Europe capable d’exister stratégiquement par elle-même et pour elle-même, dans le monde du XXIe siècle. N’oublions pas que le peuple britannique est un grand peuple européen et que nous partageons avec lui de très nombreux intérêts communs, notamment dans le domaine de la sécurité, si important aujourd’hui.

Source : Le Monde


Mots-clés : brexit, europe, grande-bretagne
Rédigé par Jean Pierre Chevenement le Samedi 25 Juin 2016 à 13:07 | Lu 5768 fois



1.Posté par Claude ANGOT le 17/08/2016 18:30
L'Angleterre, symbole de l'économie ultra-libérale, faux-nez et cheval de Troie de l'économie américaine n'est entrée dans la ''Communauté Européenne'' que pour la détruire sinon gêner son développement. Toutes ses exigences ultra-libérales ont été acceptées par les hommes politiques de l'époque, sous quelles promesses?. Avant l'entrée des anglais, il existait au sein de la ''Communauté Européenne'' une préférence communautaire dans les échanges commerciaux, et une recherche d'harmonisation sociale, fiscale et autres, ainsi qu'un protectionnisme rationnel envers les importations originaires de pays à dumping social, tous tiraient dans la même direction. Tout cela a été abandonné à la demande des anglais qui réclamaient une concurrence totale entre les pays de l'UE, chacun, maintenant tirant dans son sens et n'arrivant à rien nous amène à la situation économique et sociale désastreuse actuelle. Avec les traités TFUE et TUE qui gèrent le fonctionnement de l'UE, ce n'est plus l'unité, mais la guerre de tous contre tous avec chacun ses lois, ses règlements etc..... La seule solution serait de mettre fin à cette absurdité, sortir de l'UE et après, peut-être reconstruire une Europe sur des bases démocratique, ne pas laisser tous les pouvoirs à une ''Commission Européenne'', qui a actuellement un pouvoir sans contrôle, supérieur à celui de notre actuel Président , et qui est composée de gens non élus et cooptés (le copain du copain, entre ‘’potes'') et que cette commission soit obligatoirement contrôlée par les parlements de chacun des pays, qui eux sont démocratiquement élus. Mais plus jamais ne faire confiance à Bruxelles ou aux anglais, et soumettre les décisions importantes aux peuples par référendum, il n'est plus possible de faire confiance aux politiciens qui semblent être incompétents sinon en sujétion aux multinationales ou financières (Voir le tapis rouge déroulé devant Mr Baroso, l’ancien président de la Commission Européenne, par la banque Goldmann-Sax, à se demander qui cet homme a t'il bien pu servir : la banque ou l'Europe. Il est à remarquer que l’actuel président de la commission européenne : Mr J.C. Junker, ancien 1er ministre du Luxembourg, pays qui pratique le secret bancaire comme le meilleur des paradis fiscaux, traine avec lui le scandale Luxlac, qu’en penser ? qui peut-il servir : les banques luxembourgeoises, l’état du Luxembourg, les multinationales ou l’Europe ?).
Continuez votre action d’homme indépendant des partis politiques, vous êtes l’un des derniers politiques dans lequel le peuple ait encore confiance. Vous avez mis fin à votre carrière politique en démissionnant d’un gouvernement avec lequel vous n’étiez pas d’accord, l’avenir vous a donné entièrement raison contre tous. Combiens, sans honneur, ont avalé des couleuvres grosses comme des pythons et tout cela sans vomir. Tenez bon.

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