Présentation de l'épisode par France Culture : "Jean-Pierre Chevènement évoque son enfance pendant la guerre, sa famille d’instituteurs, ses études brillantes qui le conduisent à Sciences-Po et à l’Ena, puis le choc de la guerre l’Algérie qui marque son passage à l’âge adulte."
Transcription intégrale.
Gérard Courtois : Jean-Pierre Chevènement bonjour et merci de nous recevoir dans votre bureau de la Fondation Res Publica que vous avez créée en 2005 et dont le titre, la chose publique, la République, résume au fond l’engagement de toute une vie. Au moment d’engager avec vous cette conversation que nous allons prolonger jusqu’à vendredi, j’avoue être un peu inquiet, parce que retracer votre parcours qui, depuis une cinquantaine d’années, a fait de vous l’une des voix et des personnalités les plus singulières de la vie politique française, relève de la gageure, tant ce parcours est dense et tant le travail de réflexion qui l’a accompagné a été intense, comme en témoignent les 24 livres que vous avez publiés au fil des années pour défendre vos idées.
De la politique vous avez tout connu, sans soucis des conformismes, ni des conforts de carrières. Depuis les années 60, vous avez été au cœur de la reconstruction du Parti socialiste et de l’aventure de l’union de la gauche, avec ses joutes doctrinales, ses manœuvres d’appareil et ses offensives de mousquetaires ; avec ses espoirs qui étaient grands et ses déceptions qui n’ont pas été minces.
Après l’élection présidentielle de François Mitterrand en 1981, puis la victoire de Lionel Jospin en 1997, vous avez connu la responsabilité du pouvoir, successivement aux ministères de la Recherche, de l’Industrie, de l’Éducation nationale, de la Défense et enfin de l’Intérieur. Le tout ponctué de quelques retentissantes démissions quand les choix des gouvernants heurtaient vos convictions et votre formule est restée dans les annales : « Un ministre ça ferme sa gueule, si ça veut l’ouvrir, ça démissionne ».
Vous avez connu des périodes de marginalité ombrageuse et des résurrections spectaculaires, sans oublier l’enracinement dans votre fief de Belfort ; une candidature présidentielle pour le moins décoiffante en 2002 et, depuis une quinzaine d’années, un rôle de vigie toujours aussi attentif à la marche du monde et à celle de la France. A vos yeux, la politique c’est « l’histoire en train de se faire ». Et pendant ce demi-siècle, faire avancer l’histoire a été pour vous une exigence à la fois intellectuelle et, me semble-t-il, existentielle.
Mais au commencement de l’histoire, il y a la vôtre. Vous êtes né à Belfort le 9 mars 1939, vos deux parents étaient instituteurs. Comment cette date de naissance et comment ce milieu familial vous ont-ils façonné ? Quel a été, au fond, le paysage de votre enfance et le moment de votre enfance ?
Jean-Pierre Chevènement : Vous savez, je suis un enfant de la campagne. J’ai été élevé dans ces régions limitrophes de la Suisse - on est à quelques kilomètres de la Suisse, seule la vallée du Doubs nous en sépare, avec ses grandes forêts de sapins, ses paysages ouverts, ses régions peuplées de vaches et de quelques rares villages dont la flèche monte vers le ciel.
Gérard Courtois : Donc une enfance campagnarde.
Jean-Pierre Chevènement : Une enfance à la campagne marquée par l’absence de mon père, puisque mon père a été fait prisonnier en 1940, donc je ne l’ai pratiquement pas connu.
Gérard Courtois : Jusqu’à l’âge de 6 ans, où il est resté en captivité.
Jean-Pierre Chevènement : Il est resté en captivité jusqu’à mes 6 ans, une captivité d’abord très dure dans des carrières où il a contracté une tuberculose, puis ensuite dans des fermes en Basse-Saxe.
Gérard Courtois : Vous aviez des nouvelles ? Votre mère avait des nouvelles ?
Jean-Pierre Chevènement : Oui, on communiquait par lettres, colis de la Croix Rouge. Ma mère glissait dans les petites meules de comté des boussoles destinées à faciliter son évasion, je revois cela encore. Mais nous étions marqués par l’occupation. Les Allemands, pendant un temps, ont occupé l’étage de l’école où nous habitions, nous étions confinés au rez-de-chaussée, ma mère et moi. Disons que ce qui m’a marqué aussi c’est ma grand-mère paralysée, à la suite de l’incendie de ses trois maisons le 18 juin 1940 par la première colonne de l’invasion allemande, que les soldats français avaient jugé utile de bloquer. Donc, l’occupation, la présence de ceux qu’on appelait les « Boches » à l’époque a pesé lourdement parce qu’on reconstruit a posteriori cette période mais la France de 1940 s’effondre et c’est un traumatisme majeur pour ma mère et pour moi qui suis dans le tête à tête avec ma mère. J’entends ma mère décrire la débâcle telle qu’elle l’a vue, et développé un certain nombre de considérations sévères sur les chefs militaires, sur l’armée française, même sur les officiers et toujours avec cette hostilité viscérale aux « Boches », car c’est comme ça qu’on les appelle. Tout le monde les appelle comme ça. Quelquefois on les appelle les « doryphores », ces insectes qui vivent sur les pommes de terre, parce qu’ils vivent sur le pays. Enfin, j’ai le souvenir de cette occupation, qui m’a évidemment marqué parce que je sentais qu’il nous était arrivé quelque chose. Ma mère, plutôt que de me confier aux petites bonnes du voisinage, avait décidé de m’emmener avec elle dans sa classe.
Gérard Courtois : Ça a fait de vous l’enfant de l’École républicaine.
Jean-Pierre Chevènement : Il est difficile d’être plus dans le jus de l’école que je l’ai été. Alors l’École républicaine, oui, parce que ma mère était d’esprit résistant, elle a même été convoquée par la Gestapo pour avoir rédiger un tract avec la postière, Mademoiselle Jost, un tract qui stigmatisait le régime de Pétain, qui était à la solde de l’occupant, etc. Donc, elle s’est fait sérieusement remonter les bretelles, si je puis dire…
Gérard Courtois : Mais pas davantage.
Jean-Pierre Chevènement : Je pense que les Allemands avaient autre chose à faire que de s’occuper du menu fretin, donc elle a eu un avertissement, elle avait été convoquée à Montbéliard et je pensais qu’elle pouvait me quitter pour toujours. On m’avait mis en pension chez une voisine, Madame Journaud, dont je revois ses adieux déchirants. En fait, elle est revenue. Donc tout cela a pesé incontestablement mais en même temps c’était l’école.
Gérard Courtois : C’est presque une image d’Épinal de la méritocratie républicaine, c’est-à-dire vos grands-parents étaient fermiers, votre grand-père était fermier et garde-forestier, vos deux parents instituteurs. Et vous, vous avez passé le baccalauréat, ce qui, à l’époque, était le privilège de même pas un jeune français sur dix.
Jean-Pierre Chevènement : On peut voir ça comme ça. Mais du côté de ma mère c’étaient des gros paysans qui se faisaient appeler « Sire de Courcelles » parce qu’ils avaient la plus grosse maison du village de Courcelles. Les choses étaient très différentes du côté de mon père, son frère qui est le seul qui a exercé vraiment la politique, était conseiller municipal socialiste du Russey, c’était un ouvrier horloger, comme mes tantes qui passaient leur temps à compter les pièces de montres et qui travaillaient pour un très modeste salaire, je peux vous le dire. Donc, j’avais une famille qui était vraiment ouvrière, qui savait ce qu’étaient les contraintes de la vie quotidienne, et l’autre branche de ma famille qui était certainement plus aisée.
Gérard Courtois : Toujours est-il que ce liquide amniotique de l’école, dans lequel vous avez baigné, fait que vous êtes devenu un bon élève, même plus précisément un très très bon élève.
Jean-Pierre Chevènement : Je suis devenu un bon élève, mais ce n’est par le fait de la pédagogie directive de ma mère. Ma mère considérait que j’étais trop en avance pour mon âge, qu'il était même regrettable que je sois tellement en avance. J’avais appris à lire à 4 ans et je dévorais les livres de sa bibliothèque. Donc, j’étais déjà dans les livres très jeune. Et ma mère était évidemment une institutrice d’un type très particulier, formée par l’École normale, avec des principes très arrêtés. Je sentais quand même le poids de l’autorité, il fallait l’appeler « Madame ».
Gérard Courtois : Vous l’appeliez « Madame » ? Dans la classe, pas à la maison ?
Jean-Pierre Chevènement : Je l’appelais « Madame » dans la classe pas à la maison, mais ma mère avait quand même des comportements qui étaient d’un personnage d’autorité.
Gérard Courtois : En tout cas, vous devenez donc un excellent élève, vous collectionnez les prix d’excellence, vous collectionnez – collectionner c’est excessif – les mentions « très bien » au bac, les accessits au concours général. On a l’impression que vous avez traversé cette période, un peu comme Fabrice à Waterloo, sans difficultés. Avec plaisir ?
Jean-Pierre Chevènement : Je dirais avec facilité, parce que ça m’intéressait, j’étais curieux. Ma mère me disait toujours : « Ah ! Ce que tu peux être fatiguant ! », car je lui posais sans cesse des questions. C’est le leitmotiv que j’ai entendu pendant toute mon enfance : « Que tu peux être fatiguant avec tes questions ! ».
Gérard Courtois : Mais elle y répondait ?
Jean-Pierre Chevènement : Elle y répondait. Je la vois sur le vélo qui nous conduisait au village voisin où était ma famille paternelle et dans une petite côte je lui posais des questions, donc elle était debout sur le pédalier et elle me disait : « Écoute, tu es fatiguant ! ».
Gérard Courtois : Vos premiers choix – on est au moment du baccalauréat –, c’est vous qui les faites, et vous les faites au fond contre les conseils qui vous sont donnés par vos maîtres du lycée de Besançon, qui vous voient déjà élève à l’École Normale Supérieure, à la rue d’Ulm, c’est le temple de l’élitisme républicain. Et vous, vous choisissez Sciences Po qui est, au fond, le repère, le temple des fils de bonne famille. C’est une transgression ? Comment vous vient ce virus de la politique ? Du goût pour la politique ?
Jean-Pierre Chevènement : Alors, pourquoi ce virus pour la politique ? Ça c’est assez bizarre. Je pense que c’est le fruit de la guerre, parce que j’ai senti que l’histoire s’introduisait dans notre quotidien. Et pour moi la politique c’était une manière de participer à l’histoire. Je sentais qu’il était arrivé quelque chose à la France et j’avais l'envie de participer à son redressement. Pour moi, c’était quelque chose de structurant, c’était l’idée que je me faisais de mon avenir et quand j’ai appris qu’il y avait une science de la politique, je me suis dit « Je ne peux pas passer à côté. S’il y a une science de la politique, je dois l’acquérir ». Mon proviseur, Monsieur Jeunet, m’a convoqué et il m’a dit : « Écoutez, vous avez un accessit au concours général de grec ancien, de géographie. Là, vous pouvez rentrer à Normale. En plus vous serez heureux. Alors que si vous faites Sciences Po, vous allez être dans un milieu qui n'est pas le vôtre. Vous serez quoi ? Chef de service ? Mais vous serez très isolé et vous serez malheureux. Alors que si vous faites Normale, vous pouvez être un des meilleurs hellénistes de France. Et si vous ne voulez pas être professeur, vous pourrez être archéologue »… Cette perspective ne m’a pas séduit.
Gérard Courtois : Et rétrospectivement ?
Jean-Pierre Chevènement : Et bien, je pense que mon proviseur avait raison.
Gérard Courtois : En tout cas votre proviseur avait raison sur un point, c’est que Sciences Po, pour un petit provincial – je mets « petit » entre guillemets –, boursier qui plus est, ça ne devait pas être une institution extraordinairement facile d’accès, culturellement.
Jean-Pierre Chevènement : Non, c’était même très dur, de se retrouver sans aucun appui à Paris. Heureusement, ma mère connaissait bien l’aumônier du Lycée Victor Hugo, l’abbé Kammerer, qui m’a introduit au 61, rue Madame, la Maison diocésaine des étudiants catholiques. J’étais en train de perdre la foi, il faut bien le dire, sous l’influence de l’un de mes professeurs, de plusieurs de mes professeurs, mais auxquels je veux quand même rendre hommage parce qu'ils ont formé mon esprit. Et je dois beaucoup à mes parents bien sûr, qui se sont sacrifiés pour moi, à mes professeurs. Mais quand je suis arrivé à Sciences Po, j’ai senti que je ne faisais pas du tout partie de ce monde. Il y avait un essaim de jolies filles sur la péniche de Sciences Po et, tout autour, des messieurs…
Gérard Courtois : le banc qui était dans le hall central…
Jean-Pierre Chevènement : Oui, le banc sur laquelle se lient les conversations. Et moi j’étais totalement… c’était la deuxième fois que je venais à Paris. J’étais venu à Paris pour le concours général, on m’avait offert un portrait des studios Harcourt.
Gérard Courtois : Je reviens sur ce que vous disiez à l’instant, vous étiez en train, dites-vous, de perdre la foi. Vous l’aviez eue ?
Jean-Pierre Chevènement : Oui, j’ai été élevé dans la religion. Enfin, à partir de 7 ans, car ma mère n’aimait pas trop les curés. Enfin, moi j’avais fait le catéchisme et j’ai même été reçu premier au concours de catéchisme du département du Doubs !
Gérard Courtois : Vous étiez tout le temps le premier ?
Jean-Pierre Chevènement : Non, c’est tout à fait particulier, ma mère, longtemps après, peu de temps avant sa mort, m’avait dit : « Je me suis aperçue que tu étais au-dessus de la moyenne quand tu as été reçu premier au concours de catéchisme ». C’est quand même une réflexion assez curieuse pour une institutrice laïque !
Gérard Courtois : Vous avez qualifié, je ne me souviens plus où, Sciences Po de « l’école des singes ». Vous ne manquiez sûrement pas d’agilité, puisque vous êtes sorti, comme d’habitude, en tête de promotion.
Jean-Pierre Chevènement : Oui, c’étaient les petits camarades qui singeaient déjà leurs parents à la tête de leur Conseil d’administration. Disons que j’avais un sentiment, quand même, de profonde relégation sociale. Heureusement, j’étais bon, mes résultats étaient bons, je connaissais beaucoup de choses, donc j’arrivais à m’affirmer sur le plan des études. Mais autrement c’était un monde assez difficile dans lequel j’essayais de me faire ma place. Et somme toute, j’ai gardé un bon souvenir de Sciences Po, surtout parce que j’ai fait un travail de recherche sur l’Allemagne, le nationalisme français devant l’Allemagne, à trois périodes. Donc, j’ai fait ce travail qui m’a amené à lire beaucoup, dans les sous-sols de la très belle bibliothèque de Sciences Po. Et puis j’ai gardé le souvenir de quelques séminaires prestigieux, ceux de Bloch-Lainé, Nora, Saint-Geours, qui me donnaient le sentiment que je pouvais réussir et égaler les meilleurs. Je suis rentré comme le « petit chose », mais dès la troisième année je savais que j’avais toutes les clés pour réussir.
Gérard Courtois : Mais sur ce mémoire de troisième année de Sciences Po sur l’Allemagne, il y a déjà, à ce moment-là, une sorte de fascination pour l’Allemagne, pour la relation franco-allemande ?
Jean-Pierre Chevènement : Oui, j’avais appris l’allemand en première langue, j’avais fait des séjours en Allemagne, à l’âge de 15 ans. J’avais été à l’Université de Vienne, pour passer un petit diplôme d’allemand. Et je m’intéressais à la littérature allemande, à la poésie allemande, à la musique allemande, parce que je faisais du piano en même temps. Je voyais bien l’immense continent qui était là, à quelques encablures, parce que ce n’est pas très loin – de Belfort à Fribourg il y a trois quart d’heure de route…
Gérard Courtois : … en même temps qui a été l’occupant…
Jean-Pierre Chevènement : … en même ça avait été l’occupant, mais j’avais quand même élargi mes perceptions. Je vais vous raconter une petite histoire. Les Allemands occupaient l'étage de l’école, où nous vivions ma mère et moi. Ma mère m’avait évidemment interdit de monter à l’étage, me disant que les Allemands avaient des bonbons empoisonnés, qu’ils l’avaient fait pendant la Première Guerre mondiale et qu’il n’y avait aucune raison qu’ils ne le fassent pas à nouveau pendant la Seconde. Donc, danger de mort. Je suis quand même monté à l’étage, où les Allemands m’ont donné une orange. Ç'était l’époque où ils devaient être en Tunisie. Et naturellement, j’ai mangé le fruit défendu, j’ai constaté les limites de l’anti-germanisme de ma mère, mais c’est par la méthode expérimentale !
Gérard Courtois : Vous disiez à l’instant que vous aviez les clés au fond pour réussir et de fait vous vous présentez sans préparation et, dites-vous, sans connaître le programme, pratiquement, au concours de l’Ena et vous avez été reçu immédiatement ?!
Jean-Pierre Chevènement : Oui, à ma grande surprise.
Gérard Courtois : Pourquoi l’Ena ? La sécurité ? L’ambition de servir l’État ?
Jean-Pierre Chevènement : Non, pour moi la motivation c’est la Science politique. Je veux savoir ce qu’est la politique et ce qu’est la science de la politique. L’Ena c’est la bourse du service public, qui me permet de ne pas me peser trop sur le budget de mes parents.
Gérard Courtois : Vous avez à peine le temps de découvrir l’Ena, même pas le temps de découvrir l’Ena, et vous êtes envoyés, vous faites vos classes à Belfort, je crois…
Jean-Pierre Chevènement : Oui, en janvier 1961…
Gérard Courtois : Et en avril, juste après le putsch raté des généraux, vous débarquez à Alger puis…
Jean-Pierre Chevènement : … puis à Cherchell, à l’école militaire, où on forme les officiers.
Gérard Courtois : Vous avez 22 ans, à ce moment-là. Vous faites un choix qui est assez décisif, très vite : vous vous portez candidat pour être, je crois, le chef du cabinet adjoint du préfet d’Oran. On est, à ce moment-là, en 1962, au lendemain des accords d’Evian. Et c’est un choix politique d’accompagner l’indépendance qui arrive de l’Algérie ?
Jean-Pierre Chevènement : D’une certaine manière oui. J’ai oublié de vous le dire, j’étais militant syndical à l’Unef et nous organisions des manifestations pour l’indépendance de l’Algérie. Néanmoins, mon service militaire était arrivé, je devais le faire, comme l’avaient fait mes parents et mes grands-parents. Donc, j’ai fait mon service militaire, j’ai fait Cherchell, j’ai choisi les SAS, qui étaient un peu les anciens bureaux arabes, pour être au contact de la population musulmane, que j’aspirais à connaître.
Gérard Courtois : Les SAS étaient les « Sections Administratives Spécialisées ».
Jean-Pierre Chevènement : Alors ma SAS était en Oranie, c’est la SAS du Krouf, Saint-Denis-du-Sig, avec un petit poste à la montagne à Aïn Cheurfa, où j’ai passé les derniers mois de la guerre. Juste avant les événements qui ont endeuillés le Sig, parce qu'il y a eu des massacres le 18 mars 1962. Et puis les SAS ont été dissoutes dans la foulée, ça ne traînait pas. Et plutôt que de rejoindre un régiment dont la destination était d’être rapatrié en France, j’ai vu un appel d’offre, on cherchait des cadres pour la préfecture d’Oran. Il faut dire que les cadres mettaient leur famille à l’abri, donc il n’y avait plus personne. Donc, j’ai fait cet acte de volontariat en pensant, comme le Général de Gaulle l’avait dit, que si l’Algérie devait devenir indépendante, mieux valait que ce fût avec la France que contre elle. Donc, j’ai choisi d’aider à l’émergence de cette Algérie indépendante et j’ai été chargé des relations avec l’armée française et avec l’armée algérienne. J’ai donc connu la zone autonome d’Oran, qui a été balayée ensuite par l’arrivée de l’armée du Maroc, à la tête de laquelle se trouvait Boumédiène qui soutenait Ben Bella. Et comme ça se passait juste après les événements d’Oran – quand on dit « les événements » c’est-à-dire les enlèvements, jai moi-même failli être enlevé, ça n’a tenu qu’à très peu de chose pour que ça tourne mal –, je suis allé avec le consul qui arrivait de Yokohama à Tlemcen pour rencontrer l’armée algérienne qui arrivait du Maroc. J’ai rencontré Ben Bella et Boumédiène le 10 juillet 1962, et nous avons obtenu la libération de deux douzaines de pieds noirs qui avaient été enlevés.
Gérard Courtois : Mais, sur Oran, en 1962, c’est la pleine période de l’OAS ?
Jean-Pierre Chevènement : C’est la pleine période de l’OAS, c’est une ville, je dirais en état rébellion. À Oran, il y a 200 000 pieds noirs au moins.
Gérard Courtois : L’OAS, pour les plus jeunes, l’Organisation de l’Armée Secrète, qui était au fond les derniers défenseurs de l’Algérie française.
Jean-Pierre Chevènement : L’OAS tenait la ville, ils nous tiraient dessus en permanence. Comme nous étions au 17ème étage de la préfecture régionale, qui dominait la ville européenne – si on se mettait vraiment au 17ème étage et pas trop près des fenêtres –, on avait la chance d’échapper aux tirs, qui étaient des tirs ascendants. Quelquefois on était attaqué au bazooka, à la 12,7, ça fait du bruit…
Gérard Courtois : C’était sportif…
Jean-Pierre Chevènement : C’était assez sportif…
Gérard Courtois : Avec un sentiment aiguë du danger ou une forme d’inconscience ?
Jean-Pierre Chevènement : Pas du tout… une totale inconscience ! Je me rappelle avoir vu le plafond me tomber sur la tête, un matin, mais ça ne m’a fait ni chaud ni froid. Ensuite, il y a eu l’indépendance de l’Algérie, référendum le 3 juillet. 5 juillet l’armée française est casernée. La zone autonome a disparu, elle ne répond plus à l’appel et l’armée algérienne du Maroc n’est pas encore là. Vacance totale du pouvoir. Seuls les ATO (Auxiliaires Temporaires Occasionnels), c’est-à-dire qu’ils n’ont aucune formation, sont chargés du maintien de l’ordre et ce sont ces gens-là qui, alors que je sors du port où je suis allé embarquer une tapisserie de Lurçat, me mettent le pistolet mitrailleur sur l’estomac, culasse en arrière. Alors là je me dis « Une secousse et je suis mort ». Un cri jaillit de l’autre côté de la rue et l’ATO qui tenait sa mitraillette l’oriente de l’autre côté.
Gérard Courtois : Donc vous sortez du champs de tir.
Jean-Pierre Chevènement : Je prends mon plus beau sprint, que je n’ai jamais fait, pour regagner ma voiture qui est garée pas très loin de là. C’est à 5 heures de l’après-midi seulement que les ordres arrivent de Paris de faire sortir les compagnies de la gendarmes mobiles et que la chasse à l’Européen s’interrompt.
Gérard Courtois : Et néanmoins vous restez jusqu’à la fin de l’année ?
Jean-Pierre Chevènement : Je finissais mon service militaire et on me demande de rester avec le consul, d'abord Herly ensuite Chaillet.
Gérard Courtois : Et vous continuez à entretenir, ou à établir plutôt, des relations avec les nouvelles autorités algériennes ? Comment ça se passe ?
Jean-Pierre Chevènement : Oui, tout à fait. Nous avons des réunions périodiques pour faire le point sur la situation en matière de sécurité. Puis je suis chargé de faire des recherches aussi pour retrouver ceux qui ont disparu. Peut-être que les listes ne correspondaient pas tout à fait à la réalité. Disons que la plupart de ces recherches sont restées infructueuses. Mais je pense qu’un certain nombre de gens sont passés à Alicante ou alors ont embarqué avec les moyens que nous mettions à disposition des pieds noirs qui n’avaient pas encore pu quitter l’Algérie. On fait venir le Lafayette qui était le porte-avion de l’époque, qui a embarqué plusieurs milliers de personnes sur son pont. Voila, c’était une période très agitée.
Gérard Courtois : Ça a été, si je puis dire, le passage à l’âge adulte, pour vous ?
Jean-Pierre Chevènement : J’ai appris à juger les gens autrement que sur leur grade ou leur formation. J’ai pu voir des gens qui prenaient des risques et puis il y a eu une guerre civile algérienne, comme il y a eu une guerre civile française. Donc pour moi, la guerre civile c’est quelque chose que j’ai vu de près et que je crains, parce que je vois le déchaînement des passions, la haine, l’aveuglement, le sang qui coule. Et j’ai vu le sang coulé, beaucoup.
Gérard Courtois : Le retour à Paris et à l’Ena a dû être quelque chose d’assez saisissant, d’assez brutale ?
Jean-Pierre Chevènement : Il a été très brutal. J’ai d’abord vu le directeur des études qui expliquait que l’administration fonctionnait comme un circuit électronique, ça m’a paru totalement surréaliste, parce que pour moi, dans la vie, les gens fonctionnent avec leur courage, avec leur initiative, avec ce qui les tient au corps, ce qui fait sens dans leur existence et cet univers un peu déshumanisé, que je découvrais, m’a sincèrement refroidi. Je suis reparti en stage à Alger, c’est un stage de décompression, qui m’a mis au contact de hauts fonctionnaires que j’ai rencontrés à nouveau par la suite. Puis j’ai fait mon deuxième stage à Vannes dans le Morbihan, au contact d’un préfet. Je raconte toujours, pour faire rire, que j’ai surtout appris à verser le vin en donnant un coup sec à la bouteille, pour éviter que la goutte de vin ne tombe sur la nappe, que c’était ce que j’avais appris à l’Ena.
Gérard Courtois : Les bonnes manières.
Jean-Pierre Chevènement : Au moins à servir le vin sans tacher la nappe !
Gérard Courtois : Ça se résume à ça ?
Jean-Pierre Chevènement : Presque ! Vous savez l’Ena est un concours d’entrée difficile, enfin en principe. Et puis un concours de sortie où les gens se battent pour sortir dans les grands corps qui prédéterminent la suite de leur carrière.
Gérard Courtois : Vous dites que c’est une caste qui se prend pour une élite.
Jean-Pierre Chevènement : C’est ce que je ressens et pourtant à l’époque les pantouflages n’étaient pas encore très nombreux. Mais l’Ena est devenue une caricature par rapport à ce que nous la décrivions. Les trois auteurs de L’Enarchie, puisque nous avions inventé le mot en 1967, c’étaient Alain Gomez, Didier Motchane et moi-même.
Gérard Courtois : … sous le pseudonyme de Mandrin.
Jean-Pierre Chevènement : Voila, sous le pseudonyme de Mandrin, et le livre s’intitulait L’Enarchie ou les mandarins de la société bourgeoise.
Gérard Courtois : C’était un brûlot terrible !
Jean-Pierre Chevènement : Assez rigolot…
Gérard Courtois : C’est sans pitié.
Jean-Pierre Chevènement : Il y a quelques descriptions qui pour moi sont très amusantes. C’est du vécu.
Gérard Courtois : Autant vous avez trouvé votre compte dans l’enseignement du lycée et de Sciences Po ensuite, autant là vraiment ce n’est pas le cas. D’ailleurs, pour la première fois, vous n’êtes pas prix d’excellence, vous n’êtes pas premier, vous êtes 42ème et vous êtes envoyé, si je me souviens bien, à la DREE (Direction des relations économiques et extérieures), qui dépend du ministère des finances.
Jean-Pierre Chevènement : Oui, au bureau des études, qui fait des statistiques, le chef du bureau s'appelle Didier Motchane.
Gérard Courtois : Et c’est là que vous rencontrez Didier Motchane.
Jean-Pierre Chevènement : Absolument.
Gérard Courtois : Mais tout ça vous a vacciné, au fond, contre l’idée de faire une carrière dans la fonction publique ? Ça vous a vraiment convaincu d’entrer en politique.
Jean-Pierre Chevènement : Disons que je n’ai plus eu envie de m’agréger à la caste des hauts fonctionnaires, que j’admirais tant quand je faisais Sciences Po. J’ai, à ce moment-là, adhéré au Parti socialiste, avec Alain Gomez, et nous avons créé le CERES, donc nous étions sur une toute autre ligne de vie.
Gérard Courtois : Vous venez de le dire, vous vous engagez à ce moment-là au Parti socialiste, mais c’est une autre étape, cruciale, celle de l’aventure du PS, de la reconstruction du PS, de l’union de la gauche et c’est une aventure dont nous reprendrons le récit demain. À demain donc.
La série en intégralité à retrouver ici.
Gérard Courtois : Jean-Pierre Chevènement bonjour et merci de nous recevoir dans votre bureau de la Fondation Res Publica que vous avez créée en 2005 et dont le titre, la chose publique, la République, résume au fond l’engagement de toute une vie. Au moment d’engager avec vous cette conversation que nous allons prolonger jusqu’à vendredi, j’avoue être un peu inquiet, parce que retracer votre parcours qui, depuis une cinquantaine d’années, a fait de vous l’une des voix et des personnalités les plus singulières de la vie politique française, relève de la gageure, tant ce parcours est dense et tant le travail de réflexion qui l’a accompagné a été intense, comme en témoignent les 24 livres que vous avez publiés au fil des années pour défendre vos idées.
De la politique vous avez tout connu, sans soucis des conformismes, ni des conforts de carrières. Depuis les années 60, vous avez été au cœur de la reconstruction du Parti socialiste et de l’aventure de l’union de la gauche, avec ses joutes doctrinales, ses manœuvres d’appareil et ses offensives de mousquetaires ; avec ses espoirs qui étaient grands et ses déceptions qui n’ont pas été minces.
Après l’élection présidentielle de François Mitterrand en 1981, puis la victoire de Lionel Jospin en 1997, vous avez connu la responsabilité du pouvoir, successivement aux ministères de la Recherche, de l’Industrie, de l’Éducation nationale, de la Défense et enfin de l’Intérieur. Le tout ponctué de quelques retentissantes démissions quand les choix des gouvernants heurtaient vos convictions et votre formule est restée dans les annales : « Un ministre ça ferme sa gueule, si ça veut l’ouvrir, ça démissionne ».
Vous avez connu des périodes de marginalité ombrageuse et des résurrections spectaculaires, sans oublier l’enracinement dans votre fief de Belfort ; une candidature présidentielle pour le moins décoiffante en 2002 et, depuis une quinzaine d’années, un rôle de vigie toujours aussi attentif à la marche du monde et à celle de la France. A vos yeux, la politique c’est « l’histoire en train de se faire ». Et pendant ce demi-siècle, faire avancer l’histoire a été pour vous une exigence à la fois intellectuelle et, me semble-t-il, existentielle.
Mais au commencement de l’histoire, il y a la vôtre. Vous êtes né à Belfort le 9 mars 1939, vos deux parents étaient instituteurs. Comment cette date de naissance et comment ce milieu familial vous ont-ils façonné ? Quel a été, au fond, le paysage de votre enfance et le moment de votre enfance ?
Jean-Pierre Chevènement : Vous savez, je suis un enfant de la campagne. J’ai été élevé dans ces régions limitrophes de la Suisse - on est à quelques kilomètres de la Suisse, seule la vallée du Doubs nous en sépare, avec ses grandes forêts de sapins, ses paysages ouverts, ses régions peuplées de vaches et de quelques rares villages dont la flèche monte vers le ciel.
Gérard Courtois : Donc une enfance campagnarde.
Jean-Pierre Chevènement : Une enfance à la campagne marquée par l’absence de mon père, puisque mon père a été fait prisonnier en 1940, donc je ne l’ai pratiquement pas connu.
Gérard Courtois : Jusqu’à l’âge de 6 ans, où il est resté en captivité.
Jean-Pierre Chevènement : Il est resté en captivité jusqu’à mes 6 ans, une captivité d’abord très dure dans des carrières où il a contracté une tuberculose, puis ensuite dans des fermes en Basse-Saxe.
Gérard Courtois : Vous aviez des nouvelles ? Votre mère avait des nouvelles ?
Jean-Pierre Chevènement : Oui, on communiquait par lettres, colis de la Croix Rouge. Ma mère glissait dans les petites meules de comté des boussoles destinées à faciliter son évasion, je revois cela encore. Mais nous étions marqués par l’occupation. Les Allemands, pendant un temps, ont occupé l’étage de l’école où nous habitions, nous étions confinés au rez-de-chaussée, ma mère et moi. Disons que ce qui m’a marqué aussi c’est ma grand-mère paralysée, à la suite de l’incendie de ses trois maisons le 18 juin 1940 par la première colonne de l’invasion allemande, que les soldats français avaient jugé utile de bloquer. Donc, l’occupation, la présence de ceux qu’on appelait les « Boches » à l’époque a pesé lourdement parce qu’on reconstruit a posteriori cette période mais la France de 1940 s’effondre et c’est un traumatisme majeur pour ma mère et pour moi qui suis dans le tête à tête avec ma mère. J’entends ma mère décrire la débâcle telle qu’elle l’a vue, et développé un certain nombre de considérations sévères sur les chefs militaires, sur l’armée française, même sur les officiers et toujours avec cette hostilité viscérale aux « Boches », car c’est comme ça qu’on les appelle. Tout le monde les appelle comme ça. Quelquefois on les appelle les « doryphores », ces insectes qui vivent sur les pommes de terre, parce qu’ils vivent sur le pays. Enfin, j’ai le souvenir de cette occupation, qui m’a évidemment marqué parce que je sentais qu’il nous était arrivé quelque chose. Ma mère, plutôt que de me confier aux petites bonnes du voisinage, avait décidé de m’emmener avec elle dans sa classe.
Gérard Courtois : Ça a fait de vous l’enfant de l’École républicaine.
Jean-Pierre Chevènement : Il est difficile d’être plus dans le jus de l’école que je l’ai été. Alors l’École républicaine, oui, parce que ma mère était d’esprit résistant, elle a même été convoquée par la Gestapo pour avoir rédiger un tract avec la postière, Mademoiselle Jost, un tract qui stigmatisait le régime de Pétain, qui était à la solde de l’occupant, etc. Donc, elle s’est fait sérieusement remonter les bretelles, si je puis dire…
Gérard Courtois : Mais pas davantage.
Jean-Pierre Chevènement : Je pense que les Allemands avaient autre chose à faire que de s’occuper du menu fretin, donc elle a eu un avertissement, elle avait été convoquée à Montbéliard et je pensais qu’elle pouvait me quitter pour toujours. On m’avait mis en pension chez une voisine, Madame Journaud, dont je revois ses adieux déchirants. En fait, elle est revenue. Donc tout cela a pesé incontestablement mais en même temps c’était l’école.
Gérard Courtois : C’est presque une image d’Épinal de la méritocratie républicaine, c’est-à-dire vos grands-parents étaient fermiers, votre grand-père était fermier et garde-forestier, vos deux parents instituteurs. Et vous, vous avez passé le baccalauréat, ce qui, à l’époque, était le privilège de même pas un jeune français sur dix.
Jean-Pierre Chevènement : On peut voir ça comme ça. Mais du côté de ma mère c’étaient des gros paysans qui se faisaient appeler « Sire de Courcelles » parce qu’ils avaient la plus grosse maison du village de Courcelles. Les choses étaient très différentes du côté de mon père, son frère qui est le seul qui a exercé vraiment la politique, était conseiller municipal socialiste du Russey, c’était un ouvrier horloger, comme mes tantes qui passaient leur temps à compter les pièces de montres et qui travaillaient pour un très modeste salaire, je peux vous le dire. Donc, j’avais une famille qui était vraiment ouvrière, qui savait ce qu’étaient les contraintes de la vie quotidienne, et l’autre branche de ma famille qui était certainement plus aisée.
Gérard Courtois : Toujours est-il que ce liquide amniotique de l’école, dans lequel vous avez baigné, fait que vous êtes devenu un bon élève, même plus précisément un très très bon élève.
Jean-Pierre Chevènement : Je suis devenu un bon élève, mais ce n’est par le fait de la pédagogie directive de ma mère. Ma mère considérait que j’étais trop en avance pour mon âge, qu'il était même regrettable que je sois tellement en avance. J’avais appris à lire à 4 ans et je dévorais les livres de sa bibliothèque. Donc, j’étais déjà dans les livres très jeune. Et ma mère était évidemment une institutrice d’un type très particulier, formée par l’École normale, avec des principes très arrêtés. Je sentais quand même le poids de l’autorité, il fallait l’appeler « Madame ».
Gérard Courtois : Vous l’appeliez « Madame » ? Dans la classe, pas à la maison ?
Jean-Pierre Chevènement : Je l’appelais « Madame » dans la classe pas à la maison, mais ma mère avait quand même des comportements qui étaient d’un personnage d’autorité.
Gérard Courtois : En tout cas, vous devenez donc un excellent élève, vous collectionnez les prix d’excellence, vous collectionnez – collectionner c’est excessif – les mentions « très bien » au bac, les accessits au concours général. On a l’impression que vous avez traversé cette période, un peu comme Fabrice à Waterloo, sans difficultés. Avec plaisir ?
Jean-Pierre Chevènement : Je dirais avec facilité, parce que ça m’intéressait, j’étais curieux. Ma mère me disait toujours : « Ah ! Ce que tu peux être fatiguant ! », car je lui posais sans cesse des questions. C’est le leitmotiv que j’ai entendu pendant toute mon enfance : « Que tu peux être fatiguant avec tes questions ! ».
Gérard Courtois : Mais elle y répondait ?
Jean-Pierre Chevènement : Elle y répondait. Je la vois sur le vélo qui nous conduisait au village voisin où était ma famille paternelle et dans une petite côte je lui posais des questions, donc elle était debout sur le pédalier et elle me disait : « Écoute, tu es fatiguant ! ».
Gérard Courtois : Vos premiers choix – on est au moment du baccalauréat –, c’est vous qui les faites, et vous les faites au fond contre les conseils qui vous sont donnés par vos maîtres du lycée de Besançon, qui vous voient déjà élève à l’École Normale Supérieure, à la rue d’Ulm, c’est le temple de l’élitisme républicain. Et vous, vous choisissez Sciences Po qui est, au fond, le repère, le temple des fils de bonne famille. C’est une transgression ? Comment vous vient ce virus de la politique ? Du goût pour la politique ?
Jean-Pierre Chevènement : Alors, pourquoi ce virus pour la politique ? Ça c’est assez bizarre. Je pense que c’est le fruit de la guerre, parce que j’ai senti que l’histoire s’introduisait dans notre quotidien. Et pour moi la politique c’était une manière de participer à l’histoire. Je sentais qu’il était arrivé quelque chose à la France et j’avais l'envie de participer à son redressement. Pour moi, c’était quelque chose de structurant, c’était l’idée que je me faisais de mon avenir et quand j’ai appris qu’il y avait une science de la politique, je me suis dit « Je ne peux pas passer à côté. S’il y a une science de la politique, je dois l’acquérir ». Mon proviseur, Monsieur Jeunet, m’a convoqué et il m’a dit : « Écoutez, vous avez un accessit au concours général de grec ancien, de géographie. Là, vous pouvez rentrer à Normale. En plus vous serez heureux. Alors que si vous faites Sciences Po, vous allez être dans un milieu qui n'est pas le vôtre. Vous serez quoi ? Chef de service ? Mais vous serez très isolé et vous serez malheureux. Alors que si vous faites Normale, vous pouvez être un des meilleurs hellénistes de France. Et si vous ne voulez pas être professeur, vous pourrez être archéologue »… Cette perspective ne m’a pas séduit.
Gérard Courtois : Et rétrospectivement ?
Jean-Pierre Chevènement : Et bien, je pense que mon proviseur avait raison.
Gérard Courtois : En tout cas votre proviseur avait raison sur un point, c’est que Sciences Po, pour un petit provincial – je mets « petit » entre guillemets –, boursier qui plus est, ça ne devait pas être une institution extraordinairement facile d’accès, culturellement.
Jean-Pierre Chevènement : Non, c’était même très dur, de se retrouver sans aucun appui à Paris. Heureusement, ma mère connaissait bien l’aumônier du Lycée Victor Hugo, l’abbé Kammerer, qui m’a introduit au 61, rue Madame, la Maison diocésaine des étudiants catholiques. J’étais en train de perdre la foi, il faut bien le dire, sous l’influence de l’un de mes professeurs, de plusieurs de mes professeurs, mais auxquels je veux quand même rendre hommage parce qu'ils ont formé mon esprit. Et je dois beaucoup à mes parents bien sûr, qui se sont sacrifiés pour moi, à mes professeurs. Mais quand je suis arrivé à Sciences Po, j’ai senti que je ne faisais pas du tout partie de ce monde. Il y avait un essaim de jolies filles sur la péniche de Sciences Po et, tout autour, des messieurs…
Gérard Courtois : le banc qui était dans le hall central…
Jean-Pierre Chevènement : Oui, le banc sur laquelle se lient les conversations. Et moi j’étais totalement… c’était la deuxième fois que je venais à Paris. J’étais venu à Paris pour le concours général, on m’avait offert un portrait des studios Harcourt.
Gérard Courtois : Je reviens sur ce que vous disiez à l’instant, vous étiez en train, dites-vous, de perdre la foi. Vous l’aviez eue ?
Jean-Pierre Chevènement : Oui, j’ai été élevé dans la religion. Enfin, à partir de 7 ans, car ma mère n’aimait pas trop les curés. Enfin, moi j’avais fait le catéchisme et j’ai même été reçu premier au concours de catéchisme du département du Doubs !
Gérard Courtois : Vous étiez tout le temps le premier ?
Jean-Pierre Chevènement : Non, c’est tout à fait particulier, ma mère, longtemps après, peu de temps avant sa mort, m’avait dit : « Je me suis aperçue que tu étais au-dessus de la moyenne quand tu as été reçu premier au concours de catéchisme ». C’est quand même une réflexion assez curieuse pour une institutrice laïque !
Gérard Courtois : Vous avez qualifié, je ne me souviens plus où, Sciences Po de « l’école des singes ». Vous ne manquiez sûrement pas d’agilité, puisque vous êtes sorti, comme d’habitude, en tête de promotion.
Jean-Pierre Chevènement : Oui, c’étaient les petits camarades qui singeaient déjà leurs parents à la tête de leur Conseil d’administration. Disons que j’avais un sentiment, quand même, de profonde relégation sociale. Heureusement, j’étais bon, mes résultats étaient bons, je connaissais beaucoup de choses, donc j’arrivais à m’affirmer sur le plan des études. Mais autrement c’était un monde assez difficile dans lequel j’essayais de me faire ma place. Et somme toute, j’ai gardé un bon souvenir de Sciences Po, surtout parce que j’ai fait un travail de recherche sur l’Allemagne, le nationalisme français devant l’Allemagne, à trois périodes. Donc, j’ai fait ce travail qui m’a amené à lire beaucoup, dans les sous-sols de la très belle bibliothèque de Sciences Po. Et puis j’ai gardé le souvenir de quelques séminaires prestigieux, ceux de Bloch-Lainé, Nora, Saint-Geours, qui me donnaient le sentiment que je pouvais réussir et égaler les meilleurs. Je suis rentré comme le « petit chose », mais dès la troisième année je savais que j’avais toutes les clés pour réussir.
Gérard Courtois : Mais sur ce mémoire de troisième année de Sciences Po sur l’Allemagne, il y a déjà, à ce moment-là, une sorte de fascination pour l’Allemagne, pour la relation franco-allemande ?
Jean-Pierre Chevènement : Oui, j’avais appris l’allemand en première langue, j’avais fait des séjours en Allemagne, à l’âge de 15 ans. J’avais été à l’Université de Vienne, pour passer un petit diplôme d’allemand. Et je m’intéressais à la littérature allemande, à la poésie allemande, à la musique allemande, parce que je faisais du piano en même temps. Je voyais bien l’immense continent qui était là, à quelques encablures, parce que ce n’est pas très loin – de Belfort à Fribourg il y a trois quart d’heure de route…
Gérard Courtois : … en même temps qui a été l’occupant…
Jean-Pierre Chevènement : … en même ça avait été l’occupant, mais j’avais quand même élargi mes perceptions. Je vais vous raconter une petite histoire. Les Allemands occupaient l'étage de l’école, où nous vivions ma mère et moi. Ma mère m’avait évidemment interdit de monter à l’étage, me disant que les Allemands avaient des bonbons empoisonnés, qu’ils l’avaient fait pendant la Première Guerre mondiale et qu’il n’y avait aucune raison qu’ils ne le fassent pas à nouveau pendant la Seconde. Donc, danger de mort. Je suis quand même monté à l’étage, où les Allemands m’ont donné une orange. Ç'était l’époque où ils devaient être en Tunisie. Et naturellement, j’ai mangé le fruit défendu, j’ai constaté les limites de l’anti-germanisme de ma mère, mais c’est par la méthode expérimentale !
Gérard Courtois : Vous disiez à l’instant que vous aviez les clés au fond pour réussir et de fait vous vous présentez sans préparation et, dites-vous, sans connaître le programme, pratiquement, au concours de l’Ena et vous avez été reçu immédiatement ?!
Jean-Pierre Chevènement : Oui, à ma grande surprise.
Gérard Courtois : Pourquoi l’Ena ? La sécurité ? L’ambition de servir l’État ?
Jean-Pierre Chevènement : Non, pour moi la motivation c’est la Science politique. Je veux savoir ce qu’est la politique et ce qu’est la science de la politique. L’Ena c’est la bourse du service public, qui me permet de ne pas me peser trop sur le budget de mes parents.
Gérard Courtois : Vous avez à peine le temps de découvrir l’Ena, même pas le temps de découvrir l’Ena, et vous êtes envoyés, vous faites vos classes à Belfort, je crois…
Jean-Pierre Chevènement : Oui, en janvier 1961…
Gérard Courtois : Et en avril, juste après le putsch raté des généraux, vous débarquez à Alger puis…
Jean-Pierre Chevènement : … puis à Cherchell, à l’école militaire, où on forme les officiers.
Gérard Courtois : Vous avez 22 ans, à ce moment-là. Vous faites un choix qui est assez décisif, très vite : vous vous portez candidat pour être, je crois, le chef du cabinet adjoint du préfet d’Oran. On est, à ce moment-là, en 1962, au lendemain des accords d’Evian. Et c’est un choix politique d’accompagner l’indépendance qui arrive de l’Algérie ?
Jean-Pierre Chevènement : D’une certaine manière oui. J’ai oublié de vous le dire, j’étais militant syndical à l’Unef et nous organisions des manifestations pour l’indépendance de l’Algérie. Néanmoins, mon service militaire était arrivé, je devais le faire, comme l’avaient fait mes parents et mes grands-parents. Donc, j’ai fait mon service militaire, j’ai fait Cherchell, j’ai choisi les SAS, qui étaient un peu les anciens bureaux arabes, pour être au contact de la population musulmane, que j’aspirais à connaître.
Gérard Courtois : Les SAS étaient les « Sections Administratives Spécialisées ».
Jean-Pierre Chevènement : Alors ma SAS était en Oranie, c’est la SAS du Krouf, Saint-Denis-du-Sig, avec un petit poste à la montagne à Aïn Cheurfa, où j’ai passé les derniers mois de la guerre. Juste avant les événements qui ont endeuillés le Sig, parce qu'il y a eu des massacres le 18 mars 1962. Et puis les SAS ont été dissoutes dans la foulée, ça ne traînait pas. Et plutôt que de rejoindre un régiment dont la destination était d’être rapatrié en France, j’ai vu un appel d’offre, on cherchait des cadres pour la préfecture d’Oran. Il faut dire que les cadres mettaient leur famille à l’abri, donc il n’y avait plus personne. Donc, j’ai fait cet acte de volontariat en pensant, comme le Général de Gaulle l’avait dit, que si l’Algérie devait devenir indépendante, mieux valait que ce fût avec la France que contre elle. Donc, j’ai choisi d’aider à l’émergence de cette Algérie indépendante et j’ai été chargé des relations avec l’armée française et avec l’armée algérienne. J’ai donc connu la zone autonome d’Oran, qui a été balayée ensuite par l’arrivée de l’armée du Maroc, à la tête de laquelle se trouvait Boumédiène qui soutenait Ben Bella. Et comme ça se passait juste après les événements d’Oran – quand on dit « les événements » c’est-à-dire les enlèvements, jai moi-même failli être enlevé, ça n’a tenu qu’à très peu de chose pour que ça tourne mal –, je suis allé avec le consul qui arrivait de Yokohama à Tlemcen pour rencontrer l’armée algérienne qui arrivait du Maroc. J’ai rencontré Ben Bella et Boumédiène le 10 juillet 1962, et nous avons obtenu la libération de deux douzaines de pieds noirs qui avaient été enlevés.
Gérard Courtois : Mais, sur Oran, en 1962, c’est la pleine période de l’OAS ?
Jean-Pierre Chevènement : C’est la pleine période de l’OAS, c’est une ville, je dirais en état rébellion. À Oran, il y a 200 000 pieds noirs au moins.
Gérard Courtois : L’OAS, pour les plus jeunes, l’Organisation de l’Armée Secrète, qui était au fond les derniers défenseurs de l’Algérie française.
Jean-Pierre Chevènement : L’OAS tenait la ville, ils nous tiraient dessus en permanence. Comme nous étions au 17ème étage de la préfecture régionale, qui dominait la ville européenne – si on se mettait vraiment au 17ème étage et pas trop près des fenêtres –, on avait la chance d’échapper aux tirs, qui étaient des tirs ascendants. Quelquefois on était attaqué au bazooka, à la 12,7, ça fait du bruit…
Gérard Courtois : C’était sportif…
Jean-Pierre Chevènement : C’était assez sportif…
Gérard Courtois : Avec un sentiment aiguë du danger ou une forme d’inconscience ?
Jean-Pierre Chevènement : Pas du tout… une totale inconscience ! Je me rappelle avoir vu le plafond me tomber sur la tête, un matin, mais ça ne m’a fait ni chaud ni froid. Ensuite, il y a eu l’indépendance de l’Algérie, référendum le 3 juillet. 5 juillet l’armée française est casernée. La zone autonome a disparu, elle ne répond plus à l’appel et l’armée algérienne du Maroc n’est pas encore là. Vacance totale du pouvoir. Seuls les ATO (Auxiliaires Temporaires Occasionnels), c’est-à-dire qu’ils n’ont aucune formation, sont chargés du maintien de l’ordre et ce sont ces gens-là qui, alors que je sors du port où je suis allé embarquer une tapisserie de Lurçat, me mettent le pistolet mitrailleur sur l’estomac, culasse en arrière. Alors là je me dis « Une secousse et je suis mort ». Un cri jaillit de l’autre côté de la rue et l’ATO qui tenait sa mitraillette l’oriente de l’autre côté.
Gérard Courtois : Donc vous sortez du champs de tir.
Jean-Pierre Chevènement : Je prends mon plus beau sprint, que je n’ai jamais fait, pour regagner ma voiture qui est garée pas très loin de là. C’est à 5 heures de l’après-midi seulement que les ordres arrivent de Paris de faire sortir les compagnies de la gendarmes mobiles et que la chasse à l’Européen s’interrompt.
Gérard Courtois : Et néanmoins vous restez jusqu’à la fin de l’année ?
Jean-Pierre Chevènement : Je finissais mon service militaire et on me demande de rester avec le consul, d'abord Herly ensuite Chaillet.
Gérard Courtois : Et vous continuez à entretenir, ou à établir plutôt, des relations avec les nouvelles autorités algériennes ? Comment ça se passe ?
Jean-Pierre Chevènement : Oui, tout à fait. Nous avons des réunions périodiques pour faire le point sur la situation en matière de sécurité. Puis je suis chargé de faire des recherches aussi pour retrouver ceux qui ont disparu. Peut-être que les listes ne correspondaient pas tout à fait à la réalité. Disons que la plupart de ces recherches sont restées infructueuses. Mais je pense qu’un certain nombre de gens sont passés à Alicante ou alors ont embarqué avec les moyens que nous mettions à disposition des pieds noirs qui n’avaient pas encore pu quitter l’Algérie. On fait venir le Lafayette qui était le porte-avion de l’époque, qui a embarqué plusieurs milliers de personnes sur son pont. Voila, c’était une période très agitée.
Gérard Courtois : Ça a été, si je puis dire, le passage à l’âge adulte, pour vous ?
Jean-Pierre Chevènement : J’ai appris à juger les gens autrement que sur leur grade ou leur formation. J’ai pu voir des gens qui prenaient des risques et puis il y a eu une guerre civile algérienne, comme il y a eu une guerre civile française. Donc pour moi, la guerre civile c’est quelque chose que j’ai vu de près et que je crains, parce que je vois le déchaînement des passions, la haine, l’aveuglement, le sang qui coule. Et j’ai vu le sang coulé, beaucoup.
Gérard Courtois : Le retour à Paris et à l’Ena a dû être quelque chose d’assez saisissant, d’assez brutale ?
Jean-Pierre Chevènement : Il a été très brutal. J’ai d’abord vu le directeur des études qui expliquait que l’administration fonctionnait comme un circuit électronique, ça m’a paru totalement surréaliste, parce que pour moi, dans la vie, les gens fonctionnent avec leur courage, avec leur initiative, avec ce qui les tient au corps, ce qui fait sens dans leur existence et cet univers un peu déshumanisé, que je découvrais, m’a sincèrement refroidi. Je suis reparti en stage à Alger, c’est un stage de décompression, qui m’a mis au contact de hauts fonctionnaires que j’ai rencontrés à nouveau par la suite. Puis j’ai fait mon deuxième stage à Vannes dans le Morbihan, au contact d’un préfet. Je raconte toujours, pour faire rire, que j’ai surtout appris à verser le vin en donnant un coup sec à la bouteille, pour éviter que la goutte de vin ne tombe sur la nappe, que c’était ce que j’avais appris à l’Ena.
Gérard Courtois : Les bonnes manières.
Jean-Pierre Chevènement : Au moins à servir le vin sans tacher la nappe !
Gérard Courtois : Ça se résume à ça ?
Jean-Pierre Chevènement : Presque ! Vous savez l’Ena est un concours d’entrée difficile, enfin en principe. Et puis un concours de sortie où les gens se battent pour sortir dans les grands corps qui prédéterminent la suite de leur carrière.
Gérard Courtois : Vous dites que c’est une caste qui se prend pour une élite.
Jean-Pierre Chevènement : C’est ce que je ressens et pourtant à l’époque les pantouflages n’étaient pas encore très nombreux. Mais l’Ena est devenue une caricature par rapport à ce que nous la décrivions. Les trois auteurs de L’Enarchie, puisque nous avions inventé le mot en 1967, c’étaient Alain Gomez, Didier Motchane et moi-même.
Gérard Courtois : … sous le pseudonyme de Mandrin.
Jean-Pierre Chevènement : Voila, sous le pseudonyme de Mandrin, et le livre s’intitulait L’Enarchie ou les mandarins de la société bourgeoise.
Gérard Courtois : C’était un brûlot terrible !
Jean-Pierre Chevènement : Assez rigolot…
Gérard Courtois : C’est sans pitié.
Jean-Pierre Chevènement : Il y a quelques descriptions qui pour moi sont très amusantes. C’est du vécu.
Gérard Courtois : Autant vous avez trouvé votre compte dans l’enseignement du lycée et de Sciences Po ensuite, autant là vraiment ce n’est pas le cas. D’ailleurs, pour la première fois, vous n’êtes pas prix d’excellence, vous n’êtes pas premier, vous êtes 42ème et vous êtes envoyé, si je me souviens bien, à la DREE (Direction des relations économiques et extérieures), qui dépend du ministère des finances.
Jean-Pierre Chevènement : Oui, au bureau des études, qui fait des statistiques, le chef du bureau s'appelle Didier Motchane.
Gérard Courtois : Et c’est là que vous rencontrez Didier Motchane.
Jean-Pierre Chevènement : Absolument.
Gérard Courtois : Mais tout ça vous a vacciné, au fond, contre l’idée de faire une carrière dans la fonction publique ? Ça vous a vraiment convaincu d’entrer en politique.
Jean-Pierre Chevènement : Disons que je n’ai plus eu envie de m’agréger à la caste des hauts fonctionnaires, que j’admirais tant quand je faisais Sciences Po. J’ai, à ce moment-là, adhéré au Parti socialiste, avec Alain Gomez, et nous avons créé le CERES, donc nous étions sur une toute autre ligne de vie.
Gérard Courtois : Vous venez de le dire, vous vous engagez à ce moment-là au Parti socialiste, mais c’est une autre étape, cruciale, celle de l’aventure du PS, de la reconstruction du PS, de l’union de la gauche et c’est une aventure dont nous reprendrons le récit demain. À demain donc.
La série en intégralité à retrouver ici.