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"Sans la Russie, il manque quelque chose à l'Europe"


Jean-Pierre Chevènement était l'invité de l'émission "28 minutes" sur Arte. Il débattait avec Bernard Guetta sur le thème : "L'Europe comptera t-elle dans le monde de demain ?". L'émission est présentée par Elisabeth Quin.


Verbatim express :

  • Si l'Europe veut compter dans le monde du XXIe siècle, qui sera dominé par la Chine et les États-Unis, il faut naturellement qu'elle resserre ses liens, mais qu'elle le fasse en partant de la démocratie, qui vit dans les nations. Par conséquent ce devrait être une Europe à géométrie variable.
  • Cette Europe doit impliquer la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Italie, l'Espagne, la Pologne, la Russie, qui sont les grands pays qui peuvent permettre à l'Europe d'exister par rapport à la Chine et aux États-Unis.
  • Sur l'Ukraine, on fait miroiter que l'Europe va déverser sur eux des fonds structurels, et que les accords d'association de Vilnius vont se transformer en intégration : c'est une erreur.
  • La responsabilité des dirigeants ukrainiens est évidemment engagée, mais je pense que l'Europe devrait être créatrice de paix et ne doit pas ranimer des remugles de Guerre Froide.
  • C'est une erreur pour l'Europe de vouloir choisir entre l'Ukraine et la Russie. Nous n'avons pas à choisir : nous devons au contraire mener un dialogue qui associe les uns et les autres.

  • Je pense qu'on s'est trompé dans la manière de concevoir l'Europe. On a fait peser sur les nations des crimes qu'elles n'ont pas commis en leur imputant la Première Guerre mondiale, qui est le fait d'un étroit cénacle de dirigeants, essentiellement de l'Allemagne impériale.
  • Les nations sont le cœur vivant de la démocratie, parce que dans les nations, on s'entend. Je propose qu'on construise l'Europe à partir des nations.

  • Dans ma conception de l'Europe, l'entrée de la Turquie n'a pas d'importance. Il vaudrait mieux éviter un référendum négatif qui créerait des tensions absolument inutiles.
  • La Turquie est un grand pays émergeant, aux portes de l'Europe. Nous devons avoir les meilleures relations avec elle.

  • La Russie est un grand pays européen. Sans la Russie, il manque quelque chose à l'Europe. Qu'est ce que l'Europe sans le roman russe, la musique russe, la danse russe ? N'oublions pas non plus que dans les deux guerres mondiales, les Russes nous ont apporté un soutien signalé. Nous n'aurions pas gagné la bataille de la Marne s'ils n'étaient pas venus à notre rescousse en Prusse-Orientale, et dans la Seconde Guerre mondiale c'est eux qui ont subi le plus grand nombre de pertes (25 millions). Stalingrad, ça ne s'oublie pas.

  • La monnaie unique comporte un pêché originel. Au prétexte de vouloir forcer l'Europe dans un sens fédéral, de faire une nation européenne qui n'existe pas puisqu'il n'y a pas de peuple européen, on a juxtaposé des nations dont les économies sont très hétérogènes.
  • L'Europe est en panne, en tout cas elle est au devant d'une phase de stagnation de longue durée.
  • La place de l'Europe dans le monde diminue. La régression de l'Europe est tout à fait frappante. Démographiquement, nous étions 20% en 1900, nous sommes 7% aujourd'hui, nous serons 3,5% de l'humanité en 2050. Économiquement, 27% des exportations mondiales en 2000, 17% aujourd'hui ! Je ne parle pas même pas des questions diplomatiques et militaires.

  • Il faut faire une Europe articulée sur un projet, sur l'essentiel, c'est à dire la croissance, la monnaie, l'industrie, l'énergie, la défense, la sécurité, et surtout pas sur la teneur en cacao du chocolat !
  • La monnaie surévaluée qui est celle de l'Europe, l'euro, pèse lourdement sur la croissance européenne, et sur la notre, et sur nos exportations. Tant que nous n'aurons pas résolu ce problème, il n'y aura pas de place pour la croissance, pour un modèle social que nous voulons rénover mais maintenir, et aussi pour une capacité militaire.

  • J'ai vu François Hollande il y a peu. Je lui ai expliqué que, ce qui est embêtant avec les allègements de cotisations sociales qui sont prévus pour les entreprises, c'est qu'il ne soit pas possible de cibler en faveur des entreprises industrielles, ou bien des petites et moyennes entreprises industrielles. François Hollande m'a répondu que ce n'est pas possible parce que la législation européenne nous l'interdit. Ne pourrait-on pas imaginer une clause qui permettrait aux pays qui ont un retard de compétitivité, de pouvoir cibler sur l'industrie un certain nombre d'aides ? Mais le ministre qui pourrait préparer ce dossier n'existe pas.
  • Il faudrait quand même qu'on réfléchisse à une Europe plus souple, à une Europe à la carte, à une Europe à géométrie variable, parce que M. Cameron aura le soutien de Mme. Merkel, et que les autres finiront par suivre.


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le Mercredi 29 Janvier 2014 à 22:22 | Lu 3240 fois


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