Valeurs Actuelles: Vous publiez “1914-2014, l’Europe sortie de l’Histoire ? ”, un réquisitoire contre les politiques européennes menées depuis la Première Guerre mondiale…
Jean-Pierre Chevènement : C’est avant tout une mise en cause de la dévalorisation des nations, et tout particulièrement de la nôtre à la seule fin de justifier la construction d’une Europe a-nationale, post-démocratique et en définitive inféodée ! L’analyse historique montre que les nations ne sont pas à l’origine de la Première Guerre mondiale, mais que c’est un tout petit groupe d’hommes qui a décidé d’une guerre préventive dont, au fond, l’Allemagne n’avait pas besoin.
Ce premier conflit, suivi de la Seconde Guerre mondiale — je les lie toutes deux dans une analyse qui court de 1914 à 1945 —, a vu le monde passer de la première mondialisation, sous égide britannique, à la seconde, dominée par les États-Unis. Aujourd’hui, le monde bascule vers l’Asie-Pacifique et vers une nouvelle bipolarité entre la Chine et les États-Unis.
L’Europe, feignez-vous de vous interroger dans votre livre, serait donc sortie de l’Histoire ?
Oui, dès lors que la reconstruction de l’Europe s’est faite sur les plans de Jean Monnet, c’est-à-dire uniquement à travers le marché, une vision anglo-saxonne et sous protection militaire des États-Unis. Les institutions dont s’est dotée l’Europe sont essentiellement technocratiques — elles n’ont aucun compte à rendre devant les électeurs —, comme la Commission européenne, la Banque centrale, la Cour de justice de l’Union européenne… Ces institutions reposent sur une nouvelle forme de « despotisme éclairé ». Or, l’Europe ne peut se faire contre la démocratie, et par conséquent contre les nations. Pour exister à nouveau dans l’Histoire, l’Europe doit s’appuyer sur les nations, leur redonner confiance, les sortir du discrédit où elles ont été reléguées pour des crimes que les peuples en tant que tels n’ont pas commis.
Jean-Pierre Chevènement : C’est avant tout une mise en cause de la dévalorisation des nations, et tout particulièrement de la nôtre à la seule fin de justifier la construction d’une Europe a-nationale, post-démocratique et en définitive inféodée ! L’analyse historique montre que les nations ne sont pas à l’origine de la Première Guerre mondiale, mais que c’est un tout petit groupe d’hommes qui a décidé d’une guerre préventive dont, au fond, l’Allemagne n’avait pas besoin.
Ce premier conflit, suivi de la Seconde Guerre mondiale — je les lie toutes deux dans une analyse qui court de 1914 à 1945 —, a vu le monde passer de la première mondialisation, sous égide britannique, à la seconde, dominée par les États-Unis. Aujourd’hui, le monde bascule vers l’Asie-Pacifique et vers une nouvelle bipolarité entre la Chine et les États-Unis.
L’Europe, feignez-vous de vous interroger dans votre livre, serait donc sortie de l’Histoire ?
Oui, dès lors que la reconstruction de l’Europe s’est faite sur les plans de Jean Monnet, c’est-à-dire uniquement à travers le marché, une vision anglo-saxonne et sous protection militaire des États-Unis. Les institutions dont s’est dotée l’Europe sont essentiellement technocratiques — elles n’ont aucun compte à rendre devant les électeurs —, comme la Commission européenne, la Banque centrale, la Cour de justice de l’Union européenne… Ces institutions reposent sur une nouvelle forme de « despotisme éclairé ». Or, l’Europe ne peut se faire contre la démocratie, et par conséquent contre les nations. Pour exister à nouveau dans l’Histoire, l’Europe doit s’appuyer sur les nations, leur redonner confiance, les sortir du discrédit où elles ont été reléguées pour des crimes que les peuples en tant que tels n’ont pas commis.
La dévalorisation des nations, selon vous, désarme l’Europe face à la montée des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), pays animés par un fort sentiment national…
Si les nations européennes ne retrouvent pas leur sentiment à la fois national et européen, afin de définir très vite des politiques en matière de monnaie, d’énergie, de croissance, d’industrie, de défense, de politique extérieure, de sécurité, alors oui, elles seront marginalisées progressivement par ces puissances émergentes. Quand l’Europe, ou du moins ses principales nations, sera capable de définir des politiques communes sur ces sujets majeurs, alors la Commission européenne n’aura plus besoin de réglementer la teneur en cacao du chocolat !
Nous ne construirons pas l’Europe des nations, dites-vous, sans souveraineté des États. Dans ce marasme européen, la France est-elle plus en déclin que ses partenaires ?
L’abandon de notre souveraineté monétaire a entraîné celui de notre souveraineté budgétaire. Une Europe qui aurait globalement une monnaie moins surévaluée d’environ 20% connaîtrait à nouveau la croissance, pourrait rembourser ses déficits, investir et, s’il y avait un ou deux hommes d’État disponibles, renouer avec la place qui doit être la sienne sur la scène mondiale.
Plus généralement, et pour sortir du déclin, la France doit retrouver confiance en elle-même, renouer avec un récit national et cesser de se dévaloriser. Mon livre veut aussi rétablir ce récit national, à la fois véridique et roboratif. Je peux paraître isolé, mais beaucoup de Français, dans les profondeurs du pays, croient encore en la France. Tout simplement parce qu’ils n’ont rien d’autre.
Vous dites, au sujet de l’Europe, “s’il y avait un homme d’État”… Est-ce à dire qu’il n’en existe pas ?
J’attends qu’il se manifeste, à travers une vision de ce que peut être au XXIe siècle le rôle de la France.
N’avez-vous pas l’impression, en tant qu’homme de gauche, que vous prêchez dans le désert au sein de la majorité à laquelle vous appartenez ?
Je donne des avis que je crois juste à François Hollande. Il m’entend ou ne m’entend pas. J’espère que ce n’est pas totalement inutile. J’ai déclaré le 11 mars 2012 le soutenir « les yeux ouverts ». Je n’ai en rien renoncé à ma liberté d’expression.
Vos idées ont toutefois percé chez des responsables politiques comme Nicolas Dupont-Aignan. Que lui manque-t-il pour que son combat puisse servir ?
Je suis reconnaissant à Nicolas Dupont-Aignan du combat qu’il mène pour faire bouger les idées au sein de la droite, où il est l’un des rares à maintenir l’héritage du gaullisme. Mais il faut du temps et des circonstances pour que les idées puissent porter. Plus généralement, je pense qu’il faut faire confiance au patriotisme des Français. Au-dessus de la droite et au-dessus de la gauche, il y a la République, qui est le nom moderne de la France. C’est mon credo.
Que vous inspire le fait que vos idées soient aujourd’hui revendiquées par Florian Philippot, le principal conseiller de Marine Le Pen ?
Cela relève de l’art du camouflage. Je ne connais pas Florian Philippot, je ne veux pas mettre en doute sa bonne foi personnelle, mais le Front national portera toujours, à mes yeux, l’héritage de Vichy, de la collaboration, de l’OAS. De surcroît, le passage de ce parti de l’ultralibéralisme au colbertisme modernisateur me laisse immensément sceptique. Je ne crois pas en sa capacité d’incarner le salut public. Il porte gravement tort à l’image que le monde se fait de la France. Notre pays a besoin d’un sursaut républicain et pas d’un spasme rétrograde.
Que vous évoque l’idée d’un gouvernement d’union nationale ?
Je préfère que l’on parle de “salut public”, notion qui, contrairement à l’union nationale, inclut un contenu. Si un tel gouvernement devait voir le jour, le critère pour y appartenir devrait être essentiellement le dévouement à la chose publique, le courage, la capacité à appliquer une politique qui valorise nos atouts et comble nos handicaps. Il y a du pain sur la planche !
Source : Valeurs Actuelles
Si les nations européennes ne retrouvent pas leur sentiment à la fois national et européen, afin de définir très vite des politiques en matière de monnaie, d’énergie, de croissance, d’industrie, de défense, de politique extérieure, de sécurité, alors oui, elles seront marginalisées progressivement par ces puissances émergentes. Quand l’Europe, ou du moins ses principales nations, sera capable de définir des politiques communes sur ces sujets majeurs, alors la Commission européenne n’aura plus besoin de réglementer la teneur en cacao du chocolat !
Nous ne construirons pas l’Europe des nations, dites-vous, sans souveraineté des États. Dans ce marasme européen, la France est-elle plus en déclin que ses partenaires ?
L’abandon de notre souveraineté monétaire a entraîné celui de notre souveraineté budgétaire. Une Europe qui aurait globalement une monnaie moins surévaluée d’environ 20% connaîtrait à nouveau la croissance, pourrait rembourser ses déficits, investir et, s’il y avait un ou deux hommes d’État disponibles, renouer avec la place qui doit être la sienne sur la scène mondiale.
Plus généralement, et pour sortir du déclin, la France doit retrouver confiance en elle-même, renouer avec un récit national et cesser de se dévaloriser. Mon livre veut aussi rétablir ce récit national, à la fois véridique et roboratif. Je peux paraître isolé, mais beaucoup de Français, dans les profondeurs du pays, croient encore en la France. Tout simplement parce qu’ils n’ont rien d’autre.
Vous dites, au sujet de l’Europe, “s’il y avait un homme d’État”… Est-ce à dire qu’il n’en existe pas ?
J’attends qu’il se manifeste, à travers une vision de ce que peut être au XXIe siècle le rôle de la France.
N’avez-vous pas l’impression, en tant qu’homme de gauche, que vous prêchez dans le désert au sein de la majorité à laquelle vous appartenez ?
Je donne des avis que je crois juste à François Hollande. Il m’entend ou ne m’entend pas. J’espère que ce n’est pas totalement inutile. J’ai déclaré le 11 mars 2012 le soutenir « les yeux ouverts ». Je n’ai en rien renoncé à ma liberté d’expression.
Vos idées ont toutefois percé chez des responsables politiques comme Nicolas Dupont-Aignan. Que lui manque-t-il pour que son combat puisse servir ?
Je suis reconnaissant à Nicolas Dupont-Aignan du combat qu’il mène pour faire bouger les idées au sein de la droite, où il est l’un des rares à maintenir l’héritage du gaullisme. Mais il faut du temps et des circonstances pour que les idées puissent porter. Plus généralement, je pense qu’il faut faire confiance au patriotisme des Français. Au-dessus de la droite et au-dessus de la gauche, il y a la République, qui est le nom moderne de la France. C’est mon credo.
Que vous inspire le fait que vos idées soient aujourd’hui revendiquées par Florian Philippot, le principal conseiller de Marine Le Pen ?
Cela relève de l’art du camouflage. Je ne connais pas Florian Philippot, je ne veux pas mettre en doute sa bonne foi personnelle, mais le Front national portera toujours, à mes yeux, l’héritage de Vichy, de la collaboration, de l’OAS. De surcroît, le passage de ce parti de l’ultralibéralisme au colbertisme modernisateur me laisse immensément sceptique. Je ne crois pas en sa capacité d’incarner le salut public. Il porte gravement tort à l’image que le monde se fait de la France. Notre pays a besoin d’un sursaut républicain et pas d’un spasme rétrograde.
Que vous évoque l’idée d’un gouvernement d’union nationale ?
Je préfère que l’on parle de “salut public”, notion qui, contrairement à l’union nationale, inclut un contenu. Si un tel gouvernement devait voir le jour, le critère pour y appartenir devrait être essentiellement le dévouement à la chose publique, le courage, la capacité à appliquer une politique qui valorise nos atouts et comble nos handicaps. Il y a du pain sur la planche !
Source : Valeurs Actuelles