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Remettre l'école au centre de la société


Tribune de Jean-Pierre Chevènement, Libération, 5 septembre 2011.


Remettre l'école au centre de la société
L’Ecole française est en panne. Ce phénomène n’est pas nouveau. Depuis 1995, la proportion des élèves atteignant le niveau du bac stagne autour de 68-69%. Plus grave, le nombre d’élèves "décrocheurs" touche environ un cinquième des effectifs. Chaque année, 150 000 jeunes sortent du système éducatif sans véritable qualification. Les statistiques comparatives de l’OCDE dites PISA, montrent une lente régression du système éducatif français en trois domaines : la langue, les maths et les sciences. Cette panne est le symptôme du délitement de l’Ecole républicaine dont les valeurs (savoir, effort, autorité des maîtres) ont cessé d’être portées depuis déjà fort longtemps.

Ma critique va au-delà des suppressions de postes. Elle touche à la fois l’indifférence que la Droite manifeste à l’égard de l’Ecole publique et les dérives des pédagogies qui, au prétexte de laisser les élèves "construire leur savoir", les abandonnent en fait à l’obscurantisme. Jadis fer de lance de "la lutte contre l’ignorance", l’Ecole devient "lieu de vie", ouverte à tous les vents.

Il est nécessaire de réagir. Bien entendu, on ne relèvera l’Ecole de la République qu’avec la République elle-même. L’Ecole doit être remise au centre de la société et les enseignants, convaincus qu’ils font le plus beau métier du monde, au service de valeurs toujours jeunes : celles de la République.

Je propose deux priorités. D’abord, donner des moyens aux écoles primaires et maternelles. Il faut que celles-ci puissent combler, dès l’âge le plus tendre, les retards qu’on observe chez beaucoup d’enfants en matière de vocabulaire et de grammaire. On doit pouvoir réduire de quatre à un le nombre des élèves "décrocheurs" par des pédagogies plus actives et plus directives. Ce sont les classes les plus défavorisées qui ont le plus besoin d’une école structurée. Deuxième objectif, accroître à nouveau le nombre des élèves ayant accès à l’enseignement supérieur. La France s’était engagée aux sommets de Lisbonne (2000) et de Barcelone (2002) à porter à 50% le nombre de jeunes poursuivant leurs études jusqu’au niveau de la licence (bac + 3). Cet objectif n’a pas été tenu. La proportion stagne à 25%, alors qu’elle dépasse 40% dans les pays nordiques, au Japon, en Corée, ou s’en approche, comme aux Etats-Unis et en Grande Bretagne. Le niveau de formation des jeunes est un avantage comparatif décisif dans la compétition internationale. L’Education nationale doit redevenir la grande priorité d’une République aujourd’hui à refaire.


Mots-clés : école, éducation
Rédigé par Jean Pierre Chevenement le Lundi 5 Septembre 2011 à 09:48 | Lu 2671 fois



1.Posté par Thierry BECKER le 05/09/2011 11:12
Louable et nécessaire sursaut, mais n'est -il pas contradictoire, pardonnez-moi, de souhaiter d'une part "des pédagogies plus actives et plus directives", et d'autre part de fustiger "les dérives des pédagogies" qui abandonneraient la construction du savoir par le professeur- nous savons tous que cette dérive, si jamais elle a eu lieu, n'est que le dévoiement d'une pédagogie moins verticale, absolument nécessaire avec les élèves en difficulté, notamment au lycée professionnel, où, grâce à des pédagogies actives, de nombreux élèves perdus pour l'enseignement long, sont restructurés et guidés vers le diplôme, et l'emploi.
Bien sûr, pour atteindre les objectifs de démocratisation, la formation en alternance des professeurs débutants, détruite, il faut bien le dire, par l'actuel pouvoir, doit être repensée et réinstituée. L'enjeu est particulièrement crucial si l'on pense au risque que comporte l'interruption d'une transmission des expériences, mais aussi à l'ignorance croissante du projet républicain d'éducation chez certains.
Par ailleurs, le très récent entretien entre Marcel Gauchet et Philippe Meirieu montre qu'un équilibre se construit actuellement entre personnes de bonne volonté au service de l' éducation du plus grand nombre.

2.Posté par Judith ARDON le 07/09/2011 10:09
Je voudrais signaler que l'ascenseur social marchait relativement bien avant que l'on ne décide de mettre l'enfant au coeur du système éducatif. L'élève a disparu. Les programmes cherchent à éduquer et pas assez à enseigner. CF "Le pacte immoral". L'éducation nationale est le premier employeur national et le 7ème mondial. N'y a t'il pas un problème ? Si en plus on croise cela avec les résultats, ça ressemble à du foutage de gueule. L'école doit être au coeur de la république, porteuse et créatrice de républicain, d'égalité, de fraternité et donner le savoir pour accéder à la liberté. Il faut oser mettre un coup de balai dans les salles et arrières des ministères, où se masturbent intellectuellement les théoriciens faiseurs d'un système foireux. Et ce sont les enseignants, nos enfants et la république qui payent l'addition. L'argent n'est pas le coeur du problème.

3.Posté par FRANCOIS FONTENOY le 11/09/2011 10:24
Il faut cesser de s'occuper de pédagogie (surtout à la mode des bobos libéraux-libertaires), et privilégier le Savoir qui libère...

4.Posté par Judith ARDON le 11/09/2011 21:15
Cette phrase résume bien la situation.

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