Comme si une rupture fondamentale n’était pas intervenue entre l’union douanière à Six de 1957 et le gonflement de la bulle libérale à laquelle l’Europe s’est progressivement identifiée depuis le début des années quatre-vingt-dix.
L’Europe a été pour nos prédécesseurs et pour nous-mêmes un projet ambitieux, porteur de paix, de croissance, de prospérité. Mais, au long des quinze dernières années, l’ambition s’est diluée, les partis pris dogmatiques, les dérives bureaucratiques et les dysfonctionnements se sont multipliés. Les citoyens européens, et ce serait une illusion de ne s’arrêter qu’aux cas néerlandais et français, ne se retrouvent plus dans une institution éloignée de leurs préoccupations, mais envahissante et tatillonne.
Perte de sens
Cette dégradation traduit, en premier lieu, une perte de sens. Le modèle d’origine, un marché commun, comportant une dose de préférence, avec des politiques volontaristes et structurantes, dans les secteurs commercial et agricole par exemple, a permis une croissance forte des échanges intra et extra communautaires et la sauvegarde des intérêts de ses membres. Dans la dernière décennie, on a privilégié, au nom de la globalisation, une attitude combinant la résignation et le dogme de la libre concurrence, parfois contre l’intérêt des entreprises et des consommateurs. Sur leur écran de contrôle, les institutions européennes n’ont plus retenu qu’un nombre restreint de données : dérégulation, privatisation, lutte contre l’inflation s’agissant de la BCE. Tout effort d’harmonisation fiscale et sociale est apparu contraire au dogme, la croissance n’est plus qu’une résultante, l’Union est un espace ouvert à tous vents, alors même que nos concurrents les plus « libéraux » ne répugnent pas à protéger d’artifices divers leurs propres intérêts.
L’Europe a été pour nos prédécesseurs et pour nous-mêmes un projet ambitieux, porteur de paix, de croissance, de prospérité. Mais, au long des quinze dernières années, l’ambition s’est diluée, les partis pris dogmatiques, les dérives bureaucratiques et les dysfonctionnements se sont multipliés. Les citoyens européens, et ce serait une illusion de ne s’arrêter qu’aux cas néerlandais et français, ne se retrouvent plus dans une institution éloignée de leurs préoccupations, mais envahissante et tatillonne.
Perte de sens
Cette dégradation traduit, en premier lieu, une perte de sens. Le modèle d’origine, un marché commun, comportant une dose de préférence, avec des politiques volontaristes et structurantes, dans les secteurs commercial et agricole par exemple, a permis une croissance forte des échanges intra et extra communautaires et la sauvegarde des intérêts de ses membres. Dans la dernière décennie, on a privilégié, au nom de la globalisation, une attitude combinant la résignation et le dogme de la libre concurrence, parfois contre l’intérêt des entreprises et des consommateurs. Sur leur écran de contrôle, les institutions européennes n’ont plus retenu qu’un nombre restreint de données : dérégulation, privatisation, lutte contre l’inflation s’agissant de la BCE. Tout effort d’harmonisation fiscale et sociale est apparu contraire au dogme, la croissance n’est plus qu’une résultante, l’Union est un espace ouvert à tous vents, alors même que nos concurrents les plus « libéraux » ne répugnent pas à protéger d’artifices divers leurs propres intérêts.
Perte de repères
Faute d’avoir la volonté d’approfondir et d’harmoniser, on a privilégié une fuite en avant vers un doublement du nombre des Etats membres, sans qu’à aucun moment, l’on ait estimé utile d’interroger les citoyens européens sur ce changement quantitatif et qualitatif, ne serait-ce que pour leur indiquer où s’arrêterait la frontière.
L’espace carolingien initial se voit ainsi progressivement marginalisé par un élargissement à l’Est dont on ne connaît pas le terme ultime, comme si le centre de gravité de l’Europe pouvait être indifféremment transféré des bords du Rhin aux rives de la Mer Noire.
Perte d'âme
Les Pères Fondateurs s’étaient fixés une ambition, la réconciliation des belligérants des deux derniers siècles. Engager et poursuivre des négociations d’adhésion avec un pays, la Turquie, qui occupe militairement près de 40% d’un Etat membre et refuse de le reconnaître, n’est-ce pas dérisoire vis-à-vis de ce qui a été réalisé au-delà de toute espérance il y a cinquante ans ?
L’Europe aujourd’hui a besoin de se ressaisir et de mieux définir ses intérêts dans la mondialisation. Qui ose parler du désordre des parités monétaires qui font baisser le prix des produits fabriqués en dehors de la zone euro et entretiennent une concurrence déloyale ?
Qui ose parler de l’échange inégal que constitue la libre concurrence avec des pays à très bas salaires ou avec des pays qui s’affranchissent de leurs devoirs vis-à-vis de l’environnement, de la santé, de l’avenir de notre planète ?
Le rejet de la Constitution aurait dû susciter un débat, une réflexion approfondie à Bruxelles et dans les capitales sur le sens de cette désaffection. Il n’en a rien été. Les dirigeants ont préféré traiter par prétérition ces interrogations majeures et rechercher des subterfuges pour contourner le verdict du suffrage universel. Comme un lourd navire, la Commission pilote une UE glissant sur son erre, pas le moins du monde bloquée, mais incapable, sauf sur la directive Bolkenstein, d’imprimer la moindre inflexion de trajectoire. Même le processus d’élargissement, pour lequel on aurait pu imaginer au moins un moratoire, se poursuit comme si rien n’était arrivé.
Il est temps de réagir. Comme l’a dit Ségolène Royal, nos concitoyens ne veulent pas n’importe quelle Europe. Ils ne veulent pas d’une Europe qui ne serait qu’une zone de libre échange adossée à l’OTAN.
Comment redonner du souffle à la construction européenne et retrouver la confiance perdue ? Certainement pas en se focalisant d’emblée sur les aspects institutionnels car là n’est pas la préoccupation la plus pressante de nos concitoyens.
L'Europe par la preuve
Pour répondre à ces préoccupations, Ségolène Royal a parlé de « l’Europe par la preuve ». Il est des secteurs clés pour améliorer la compétitivité de nos pays et enrayer ainsi les délocalisations,où il convient de développer des politiques communes : recherche, innovation et formation, politique de l’énergie qui, au-delà du développement des énergies renouvelables, doit porter sur la sécurité énergétique, celle de nos approvisionnements, bref sur une véritable diplomatie de l’énergie, sur l’encouragement des énergies non carbonées, les économies indispensables dans le domaine des transports (où le solaire et l’éolien n’apportent pas la solution), ce qui suppose des choix (le ferroutage p.ex) et enfin une politique d’infrastructures plus dynamique et mieux ciblée.
Une véritable politique industrielle européenne est indispensable. Il s’agit encore aujourd’hui d’un gros mot à Bruxelles où est bannie, pour certains, la notion de champions nationaux et même européens, les seuls champions acceptés venant d’ailleurs ! Ce qui suppose que l’Europe sache, comme d’autres, se protéger, imposer des normes et réglementations sociales, sanitaires et environnementales.
Cette impulsion est nécessaire mais elle ne peut suffire. L’Europe doit se fixer comme objectif une croissance dynamique et créatrice d’emplois.
L’Europe doit se battre pour une politique industrielle, à l’instar de ce que font les Etats-Unis et les grands pays émergents. L’Europe ne doit plus s’abandonner au seul dogme de la concurrence. Comme l’a remarqué Ségolène Royal, Airbus n’aurait pu être lancé si la doctrine actuelle de l’Europe avait été applicable en 1970…
Pour réussir cela, les outils actuels ne sont pas adaptés. Le soutien à la croissance et l’emploi doit être inscrit dans les statuts de la Banque Centrale européenne. Il faut mettre en place un gouvernement économique de la zone euro pour une politique de croissance coordonnée.
Le Pacte de stabilité ne doit pas servir à freiner la croissance mais à la stimuler. Ségolène Royal propose de sortir du chiffrage du déficit les dépenses consacrées à la recherche et à l’innovation. Nous accumulons un retard très inquiétant qui risque d’être ravageur, non seulement par rapport au Etats-Unis et au Japon mais aussi face à l’Inde et à la Chine. Il est temps, j’allais dire, de passer aux choses sérieuses.
Des alliés ou des alignés ?
L’Europe doit se protéger et nous protéger. Elle doit faire reconnaître le respect de normes sociales et environnementales dans toutes les négociations de l’OMC.
La concurrence déloyale est encore moins supportable à l’intérieur de l’Europe. Il faudra proposer l’instauration de taux planchers en matière d’impôt sur les sociétés pour freiner les délocalisations fiscales.
L’Europe ne doit pas se résigner à n’être qu’une zone de libre-échange diluée dans un marché encore plus large, où nous mènerait irrésistiblement la poursuite des errements antérieurs.
Nous avons besoin d’une Europe solidaire, attachée à un modèle social et culturel, luttant, à l’intérieur comme à l’extérieur, contre le dumping social et fiscal, recherchant une harmonisation des politiques et se dotant d’armes contre la concurrence déloyale.
L’Europe doit aussi avoir la volonté de jouer sur le plan international le rôle d’une véritable puissance, alliée des Etats-Unis certes, mais indépendante. Serons-nous des alliés ou des alignés ? Question majeure dont on a vu qu’elle recevait des réponses contrastées et divergentes lors de la crise puis de la guerre en Irak, ou sur le conflit israélo-palestinien.
L’Europe, c’est ma conviction, a plus à craindre du non-dit que du débat. L’élection de Ségolène Royal devrait permettre que les peuples européens se saisissent de ce que doit être le projet européen au XXIe siècle.
Faute d’avoir la volonté d’approfondir et d’harmoniser, on a privilégié une fuite en avant vers un doublement du nombre des Etats membres, sans qu’à aucun moment, l’on ait estimé utile d’interroger les citoyens européens sur ce changement quantitatif et qualitatif, ne serait-ce que pour leur indiquer où s’arrêterait la frontière.
L’espace carolingien initial se voit ainsi progressivement marginalisé par un élargissement à l’Est dont on ne connaît pas le terme ultime, comme si le centre de gravité de l’Europe pouvait être indifféremment transféré des bords du Rhin aux rives de la Mer Noire.
Perte d'âme
Les Pères Fondateurs s’étaient fixés une ambition, la réconciliation des belligérants des deux derniers siècles. Engager et poursuivre des négociations d’adhésion avec un pays, la Turquie, qui occupe militairement près de 40% d’un Etat membre et refuse de le reconnaître, n’est-ce pas dérisoire vis-à-vis de ce qui a été réalisé au-delà de toute espérance il y a cinquante ans ?
L’Europe aujourd’hui a besoin de se ressaisir et de mieux définir ses intérêts dans la mondialisation. Qui ose parler du désordre des parités monétaires qui font baisser le prix des produits fabriqués en dehors de la zone euro et entretiennent une concurrence déloyale ?
Qui ose parler de l’échange inégal que constitue la libre concurrence avec des pays à très bas salaires ou avec des pays qui s’affranchissent de leurs devoirs vis-à-vis de l’environnement, de la santé, de l’avenir de notre planète ?
Le rejet de la Constitution aurait dû susciter un débat, une réflexion approfondie à Bruxelles et dans les capitales sur le sens de cette désaffection. Il n’en a rien été. Les dirigeants ont préféré traiter par prétérition ces interrogations majeures et rechercher des subterfuges pour contourner le verdict du suffrage universel. Comme un lourd navire, la Commission pilote une UE glissant sur son erre, pas le moins du monde bloquée, mais incapable, sauf sur la directive Bolkenstein, d’imprimer la moindre inflexion de trajectoire. Même le processus d’élargissement, pour lequel on aurait pu imaginer au moins un moratoire, se poursuit comme si rien n’était arrivé.
Il est temps de réagir. Comme l’a dit Ségolène Royal, nos concitoyens ne veulent pas n’importe quelle Europe. Ils ne veulent pas d’une Europe qui ne serait qu’une zone de libre échange adossée à l’OTAN.
Comment redonner du souffle à la construction européenne et retrouver la confiance perdue ? Certainement pas en se focalisant d’emblée sur les aspects institutionnels car là n’est pas la préoccupation la plus pressante de nos concitoyens.
L'Europe par la preuve
Pour répondre à ces préoccupations, Ségolène Royal a parlé de « l’Europe par la preuve ». Il est des secteurs clés pour améliorer la compétitivité de nos pays et enrayer ainsi les délocalisations,où il convient de développer des politiques communes : recherche, innovation et formation, politique de l’énergie qui, au-delà du développement des énergies renouvelables, doit porter sur la sécurité énergétique, celle de nos approvisionnements, bref sur une véritable diplomatie de l’énergie, sur l’encouragement des énergies non carbonées, les économies indispensables dans le domaine des transports (où le solaire et l’éolien n’apportent pas la solution), ce qui suppose des choix (le ferroutage p.ex) et enfin une politique d’infrastructures plus dynamique et mieux ciblée.
Une véritable politique industrielle européenne est indispensable. Il s’agit encore aujourd’hui d’un gros mot à Bruxelles où est bannie, pour certains, la notion de champions nationaux et même européens, les seuls champions acceptés venant d’ailleurs ! Ce qui suppose que l’Europe sache, comme d’autres, se protéger, imposer des normes et réglementations sociales, sanitaires et environnementales.
Cette impulsion est nécessaire mais elle ne peut suffire. L’Europe doit se fixer comme objectif une croissance dynamique et créatrice d’emplois.
L’Europe doit se battre pour une politique industrielle, à l’instar de ce que font les Etats-Unis et les grands pays émergents. L’Europe ne doit plus s’abandonner au seul dogme de la concurrence. Comme l’a remarqué Ségolène Royal, Airbus n’aurait pu être lancé si la doctrine actuelle de l’Europe avait été applicable en 1970…
Pour réussir cela, les outils actuels ne sont pas adaptés. Le soutien à la croissance et l’emploi doit être inscrit dans les statuts de la Banque Centrale européenne. Il faut mettre en place un gouvernement économique de la zone euro pour une politique de croissance coordonnée.
Le Pacte de stabilité ne doit pas servir à freiner la croissance mais à la stimuler. Ségolène Royal propose de sortir du chiffrage du déficit les dépenses consacrées à la recherche et à l’innovation. Nous accumulons un retard très inquiétant qui risque d’être ravageur, non seulement par rapport au Etats-Unis et au Japon mais aussi face à l’Inde et à la Chine. Il est temps, j’allais dire, de passer aux choses sérieuses.
Des alliés ou des alignés ?
L’Europe doit se protéger et nous protéger. Elle doit faire reconnaître le respect de normes sociales et environnementales dans toutes les négociations de l’OMC.
La concurrence déloyale est encore moins supportable à l’intérieur de l’Europe. Il faudra proposer l’instauration de taux planchers en matière d’impôt sur les sociétés pour freiner les délocalisations fiscales.
L’Europe ne doit pas se résigner à n’être qu’une zone de libre-échange diluée dans un marché encore plus large, où nous mènerait irrésistiblement la poursuite des errements antérieurs.
Nous avons besoin d’une Europe solidaire, attachée à un modèle social et culturel, luttant, à l’intérieur comme à l’extérieur, contre le dumping social et fiscal, recherchant une harmonisation des politiques et se dotant d’armes contre la concurrence déloyale.
L’Europe doit aussi avoir la volonté de jouer sur le plan international le rôle d’une véritable puissance, alliée des Etats-Unis certes, mais indépendante. Serons-nous des alliés ou des alignés ? Question majeure dont on a vu qu’elle recevait des réponses contrastées et divergentes lors de la crise puis de la guerre en Irak, ou sur le conflit israélo-palestinien.
L’Europe, c’est ma conviction, a plus à craindre du non-dit que du débat. L’élection de Ségolène Royal devrait permettre que les peuples européens se saisissent de ce que doit être le projet européen au XXIe siècle.