Le Monde paru ce jour prête à François Mitterrand une maxime : « On ne dit pas non au Chancelier de l’Allemagne » que je n’ai jamais entendu dans sa bouche. Ce qui doit guider les dirigeants de la France, c’est l’intérêt de la France inséparable de l’intérêt européen, avec bien sûr le souci des compromis notamment avec son grand voisin.
Or, hier à Berlin, le Président de la République a fait de Madame Merkel deux concessions majeures en acceptant :
1. que le droit de vote d’un pays au sein du Conseil européen puisse être suspendu pour laxisme, en contravention avec les traités existants ;
2. que la coordination économique et budgétaire s’opère au niveau de l’Union à vingt-sept, et pas au niveau des seize pays qui ont adopté la monnaie unique où se pose justement ce problème, les onze autres pays qui ont gardé leur monnaie pouvant procéder à des ajustements monétaires.
Certes la France est soumise à la pression des marchés financiers. Il est loin le temps où le général de Gaulle déclarait : « la politique de la France ne se fait pas à la corbeille ».
Invité à une émission de télévision, en février 2009, le Président de la République déclarait : « J’observe tous les jours l’évolution de ce qu’on appelle les « spreads », les primes de risque sur un certain nombre de pays ».
Monnaie unique ou pas, la pression des marchés financiers recrée non plus entre les monnaies mais entre les Etats les tensions que reflétaient autrefois - avant 1999 – les parités monétaires affrontées à la spéculation. Quel échec !
L’erreur initiale de la monnaie unique conçue à Maastricht a été de faire comme si les nations n’existaient pas, avec leurs structures économiques différentes, leurs cultures spécifiques, et leurs politiques éventuellement divergentes. La souveraineté monétaire de chaque pays a été transférée à une instance déconnectée du suffrage universel, la Banque Centrale Européenne indépendante, sans qu’ait été mis en place un gouvernement économique de la zone euro dont le rôle eût été de ne pas laisser se creuser les écarts de compétitivité entre les différents pays et d’ouvrir un sentier de croissance partagé. Le mot « gouvernement économique » semble aujourd’hui accepté mais quel en est le contenu ?
Or, hier à Berlin, le Président de la République a fait de Madame Merkel deux concessions majeures en acceptant :
1. que le droit de vote d’un pays au sein du Conseil européen puisse être suspendu pour laxisme, en contravention avec les traités existants ;
2. que la coordination économique et budgétaire s’opère au niveau de l’Union à vingt-sept, et pas au niveau des seize pays qui ont adopté la monnaie unique où se pose justement ce problème, les onze autres pays qui ont gardé leur monnaie pouvant procéder à des ajustements monétaires.
Certes la France est soumise à la pression des marchés financiers. Il est loin le temps où le général de Gaulle déclarait : « la politique de la France ne se fait pas à la corbeille ».
Invité à une émission de télévision, en février 2009, le Président de la République déclarait : « J’observe tous les jours l’évolution de ce qu’on appelle les « spreads », les primes de risque sur un certain nombre de pays ».
Monnaie unique ou pas, la pression des marchés financiers recrée non plus entre les monnaies mais entre les Etats les tensions que reflétaient autrefois - avant 1999 – les parités monétaires affrontées à la spéculation. Quel échec !
L’erreur initiale de la monnaie unique conçue à Maastricht a été de faire comme si les nations n’existaient pas, avec leurs structures économiques différentes, leurs cultures spécifiques, et leurs politiques éventuellement divergentes. La souveraineté monétaire de chaque pays a été transférée à une instance déconnectée du suffrage universel, la Banque Centrale Européenne indépendante, sans qu’ait été mis en place un gouvernement économique de la zone euro dont le rôle eût été de ne pas laisser se creuser les écarts de compétitivité entre les différents pays et d’ouvrir un sentier de croissance partagé. Le mot « gouvernement économique » semble aujourd’hui accepté mais quel en est le contenu ?
Le Fonds européen de stabilisation financière, mis en place le 9 mai dernier, n’est pas un remède suffisant à la crise de l’euro. J’observe en effet que contre l’avis initial de la France, l’Allemagne a obtenu que chaque pays ne garantisse les futures levées d’argent qu’à hauteur de sa contribution au Fonds.
Le refus de la solidarité financière des Etats pour la mise en œuvre de plans de sauvetage éventuels est une grave faute. Un tel dispositif, en cas de crise grave, favorisera le creusement d’écarts de taux entre les différents pays. Comme je l’ai expliqué, le 3 juin, lors du débat sur la loi de finance rectificative, ce mécanisme sera profondément déstabilisateur.
A ce défaut de solidarité entre les Etats, s’ajoute le plan de rigueur mis en œuvre par le gouvernement allemand, le 7 juin dernier : 81 milliards d’euros d’économies sur quatre ans. S’il y a un pays qui, dans la zone euro, pouvait faire l’économie d’un plan de rigueur, c’était l’Allemagne, dont le faible déficit budgétaire à 5 % du PIB tient essentiellement à la conjoncture. Le plan allemand, venant s’ajouter aux plans de rigueur décidés simultanément presque partout ailleurs dans la zone euro, va rendre plus difficile la sortie de crise :
• D’abord en accroissant la pression de la spéculation sur les enchères des dettes lancées par les autres pays, comme le manifeste déjà l’écart des taux entre l’Allemagne et la France.
• Ensuite en pesant sur une reprise économique que les institutions internationales ont révisée à la baisse pour ce qui concerne la zone euro : entre 0,2 % et 2,2 % en 2011. Or seule la croissance et d’importantes plus-values fiscales peuvent gommer les déficits. Les réductions de dépenses n’y suffiront pas.
• Enfin et surtout, le différentiel de croissance avec les pays émergents accélèrera les délocalisations industrielles.
C’est dans ce contexte que va se tenir le Conseil européen le 17 juin. .
Plusieurs des mesures envisagées (réforme du pacte de stabilité ; renforcement de la discipline budgétaire) vont renforcer la pression pour la mise en œuvre de plans de rigueur massifs et simultanés. Derrière la prose amphigourique des projets de textes soumis au Conseil, on ne discerne aucun moyen concret d’ouvrir, à l’horizon 2020, une perspective pour la croissance et pour l’emploi, en dehors de la lancinante incitation à la « réforme structurelle du marché du travail ». On en connaît la signification : il s’agit d’introduire toujours plus de précarité dans le statut des travailleurs : contrats a durée déterminée, intérim, temps partiel, etc.
Sous la pression des marchés financiers, le Président de la République a annoncé une révision de la Constitution en vue d’y introduire, à l’exemple allemand, une disposition visant à supprimer le déficit budgétaire : je doute, Monsieur le Ministre, qu’il y ait une majorité des deux tiers des parlementaires pour introduire dans notre loi fondamentale une clause aussi rigide, qui interdirait tout ajustement ultérieur. Cette proposition ressemble à un couteau sans lame auquel manquerait le manche.
M. Copé déclarait il y a quelques jours, si j’en crois le journal Le Monde : « Il faut donner des gages aux Allemands ». C’est chose faite depuis hier : Le retrait aux pays dits « laxistes » de l’Union de leur droit de vote au Conseil des ministres est antidémocratique, blessant pour toutes les nations européennes et d’ailleurs contraire au texte des traités. Pour réformer ceux-ci, il faudrait l’unanimité ! Encore une fois le Président de la République agite un sabre de bois !
Certes on doit changer les règles du jeu dans la zone euro. Mais pas en transformant l’Union européenne en chiourme !
Toujours dans la même veine, M. Trichet a proposé un « fédéralisme budgétaire », qui priverait les Parlements nationaux de leur prérogative essentielle : le vote du budget de la nation. Ce n’est pas ainsi qu’on remédiera au déficit démocratique des institutions européennes. Certes M. Van Rompuy a tempéré : il ne s’agirait, selon lui, que « d’examiner les hypothèses retenues, les recettes et les dépenses, sans entrer dans les détails ».
Tout cela est encore trop flou. S’il est évident qu’une coordination de politiques économiques dans leur ensemble et pas seulement des politiques budgétaires est nécessaire, se pose déjà la question du cadre : au niveau de la zone euro à seize, ou dans l’Europe à vingt-sept ? La réponse tombe sous le sens : il s’agit de donner une tête politique à l’euro. C’est donc au niveau de l’Eurogroupe que cette coordination indispensable devrait s’effectuer et non pas au niveau de l’Europe à vingt-sept, comme M. Sarkozy l’a accepté hier à Berlin. Bien sûr, on ne peut réviser les traités européens qu’à vingt-sept mais là n’est pas la priorité. On peut inventer en dehors des traités et ceux-ci peuvent être interprétés intelligemment. Ils prévoient d’ailleurs des coopérations renforcées. Enfin, il n’y a pas besoin d’inventer l’Eurogroupe : il existe déjà.
Les questions de mots ont leur importance : il ne s’agit pas de mettre en place une vague « gouvernance », mais un « gouvernement économique ». Fort bien ! Mais quel doit être son contenu ? Là est l’essentiel, Monsieur le Ministre.
Nous entendons trop parler de sanctions et même de sanctions préventives. Soyons sérieux : la répression ne doit pas être confondue avec la prévention – tous les ministres de l’Intérieur vous le diront -. Et le pacte de stabilité a montré son inadéquation, comme le cas de l’Espagne, qui satisfaisait aux critères, l’a montré.
Venons-en aux propositions :
Ce qui serait raisonnable ce serait un processus itératif : le Conseil européen approuverait, sur proposition de la Commission, un cadre général de prévisions macroéconomiques, éventuellement ventilé par pays. Il reviendrait aux Parlements nationaux de délibérer et d’établir une programmation, d’ailleurs révisable, des recettes et des dépenses. En cas de désaccord, le Conseil européen chercherait à dégager un compromis, à charge par le gouvernement concerné de le faire ratifier par son Parlement. Il s’agirait donc d’un document de programmation concernant l’évolution de l’économie dans son ensemble aussi bien que celle des Finances Publiques. Les parlements continueraient, dans ce cadre, à voter le budget.
Le gouvernement allemand devrait être incité à infléchir sa politique en relâchant la pression qu’il exerce notamment sur l’évolution des normes salariales. Sans doute est-ce là d’abord l’affaire du patronat et des syndicats. Mais dans le passé le gouvernement allemand n’a-t-il pas impulsé des plans comme l’Agenda 2010 ou les différents plans Harz, du nom du conseiller économique de M. Schröder ?
De même la BCE devrait-elle être encouragée à ouvrir davantage le robinet monétaire, en prenant en pension, en cas de besoin manifeste, les titres d’emprunt d’Etat de façon à stopper la spéculation. Il y a là un vrai mécanisme de solidarité européenne défensive. Sur ce sujet, il est important qu’un accord intervienne entre la France et l’Allemagne avant le remplacement de M. Trichet à la tête de la BCE.
La cohésion franco-allemande est nécessaire. Elle ne peut cependant se résumer à l’alignement d’un pays sur un autre. L’amitié va avec la franchise, celle-ci devant toujours s’exprimer avec le respect qu’inspire un grand peuple dont les réussites nous réjouissent. L’Europe a besoin de l’Allemagne mais, comme le suggérait déjà Wilhelm Röpke, en 1945, l’Europe doit aussi protéger l’Allemagne contre les tentations qui naissent de la conscience de son mérite, à ses yeux insuffisamment reconnu par les autres.
Un grand patron allemand, M. Gehrard Cromme, est venu à Paris le 1er juin dernier pour dire, je le cite : « Les Allemands doivent prendre les Français comme ils sont, et réciproquement. On ne les changera pas. Et ce sont précisément ces différences qui rendent notre coopération unique et notre capacité à faire des compromis si importante ». M. Cromme a vanté à juste titre la compétitivité allemande. Il a omis de mentionner le fait que l’excédent commercial allemand se réalise à 60 % sur les pays de la zone euro.
Il y a beaucoup de reproches que nous ne devons pas faire à l’Allemagne : elle défend légitimement ses intérêts, mais au-dessus des intérêts nationaux, et cela est vrai pour la France comme pour l’Allemagne, il y a un intérêt européen et même un intérêt encore supérieur, celui de l’humanité tout entière.
La baisse du cours de l’euro, qui ne doit malheureusement rien à l’action de la Banque centrale européenne, contribuera aussi à la compétitivité de l’Allemagne : un euro à 1,20 dollar est plus compétitif qu’un euro à 1,50. Cela dégage des marges pour la croissance et l’Allemagne doit bien considérer que l’euro n’est pas seulement la monnaie de l’Allemagne mais celle de quinze autres pays et potentiellement, à terme, celle de tous les pays de l’Union européenne qui voudront y adhérer. La zone euro n’a pas été une mauvaise affaire pour l’Allemagne. Ainsi vis-à-vis de la France, elle a quadruplé son excédent commercial qui atteint 20 Milliards d’euros soit 1 % de notre produit national brut ou encore 170 Milliards de francs contre 28 en 1982.
Beaucoup de nos concitoyens se demandent ce que veut réellement l’Allemagne : remodeler la zone euro pour en exclure les pays de l’Europe du Sud ? Ce serait la négation de l’Europe ! Et il vaut mieux dire dès maintenant à nos amis allemands que cette fracture serait pour nous inacceptable. Pour l’Europe et pour la France elle-même, dont l’industrie a souffert d’une monnaie trop forte, probablement parce que nous ne disposons pas des mêmes spécialisations que l’Allemagne sur des créneaux très porteurs, comme la machine-outil. Sans doute y a-t-il beaucoup à balayer devant notre porte pour muscler notre tissu productif et notamment développer les grosses PMI mais une grande zone euro prospère est dans l’intérêt de l’Allemagne elle-même.
Il faut des disciplines. Certes ! Mais il faut trouver le bon équilibre entre la responsabilité de chaque Etat et la solidarité qui doit s’exercer entre pays membres. L’Europe doit être une grande ambition partagée. Chaque pays européen doit y trouver son compte, à commencer par l’Allemagne et la France.
J’ai tout à fait confiance dans la capacité de dialogue qui peut s’instaurer de peuple à peuple. Mais cela donne à nos dirigeants de grands devoirs. Un peu de lucidité sur le passé : les règles du jeu de la monnaie unique sont à revoir ! Mais surtout une ferme résolution pour l’avenir : celui-ci n’est pas au fédéralisme mais à une meilleure coordination de nos politiques – et cela est déjà assez difficile -. Nous devons ainsi bâtir une Europe de la croissance et du progrès social. Avec les nations, cadres irremplaçables de la démocratie, et non pas contre elles, ou même simplement sans elles. C’est ce langage de vérité et de réalisme qui servira le mieux la cause de l’amitié franco-allemande à laquelle je suis profondément attaché et par conséquent celle de l’Europe.
La purge, Monsieur le Ministre, n’est pas une stratégie ! La France et l’Europe ont besoin d’un projet mobilisateur !
Le refus de la solidarité financière des Etats pour la mise en œuvre de plans de sauvetage éventuels est une grave faute. Un tel dispositif, en cas de crise grave, favorisera le creusement d’écarts de taux entre les différents pays. Comme je l’ai expliqué, le 3 juin, lors du débat sur la loi de finance rectificative, ce mécanisme sera profondément déstabilisateur.
A ce défaut de solidarité entre les Etats, s’ajoute le plan de rigueur mis en œuvre par le gouvernement allemand, le 7 juin dernier : 81 milliards d’euros d’économies sur quatre ans. S’il y a un pays qui, dans la zone euro, pouvait faire l’économie d’un plan de rigueur, c’était l’Allemagne, dont le faible déficit budgétaire à 5 % du PIB tient essentiellement à la conjoncture. Le plan allemand, venant s’ajouter aux plans de rigueur décidés simultanément presque partout ailleurs dans la zone euro, va rendre plus difficile la sortie de crise :
• D’abord en accroissant la pression de la spéculation sur les enchères des dettes lancées par les autres pays, comme le manifeste déjà l’écart des taux entre l’Allemagne et la France.
• Ensuite en pesant sur une reprise économique que les institutions internationales ont révisée à la baisse pour ce qui concerne la zone euro : entre 0,2 % et 2,2 % en 2011. Or seule la croissance et d’importantes plus-values fiscales peuvent gommer les déficits. Les réductions de dépenses n’y suffiront pas.
• Enfin et surtout, le différentiel de croissance avec les pays émergents accélèrera les délocalisations industrielles.
C’est dans ce contexte que va se tenir le Conseil européen le 17 juin. .
Plusieurs des mesures envisagées (réforme du pacte de stabilité ; renforcement de la discipline budgétaire) vont renforcer la pression pour la mise en œuvre de plans de rigueur massifs et simultanés. Derrière la prose amphigourique des projets de textes soumis au Conseil, on ne discerne aucun moyen concret d’ouvrir, à l’horizon 2020, une perspective pour la croissance et pour l’emploi, en dehors de la lancinante incitation à la « réforme structurelle du marché du travail ». On en connaît la signification : il s’agit d’introduire toujours plus de précarité dans le statut des travailleurs : contrats a durée déterminée, intérim, temps partiel, etc.
Sous la pression des marchés financiers, le Président de la République a annoncé une révision de la Constitution en vue d’y introduire, à l’exemple allemand, une disposition visant à supprimer le déficit budgétaire : je doute, Monsieur le Ministre, qu’il y ait une majorité des deux tiers des parlementaires pour introduire dans notre loi fondamentale une clause aussi rigide, qui interdirait tout ajustement ultérieur. Cette proposition ressemble à un couteau sans lame auquel manquerait le manche.
M. Copé déclarait il y a quelques jours, si j’en crois le journal Le Monde : « Il faut donner des gages aux Allemands ». C’est chose faite depuis hier : Le retrait aux pays dits « laxistes » de l’Union de leur droit de vote au Conseil des ministres est antidémocratique, blessant pour toutes les nations européennes et d’ailleurs contraire au texte des traités. Pour réformer ceux-ci, il faudrait l’unanimité ! Encore une fois le Président de la République agite un sabre de bois !
Certes on doit changer les règles du jeu dans la zone euro. Mais pas en transformant l’Union européenne en chiourme !
Toujours dans la même veine, M. Trichet a proposé un « fédéralisme budgétaire », qui priverait les Parlements nationaux de leur prérogative essentielle : le vote du budget de la nation. Ce n’est pas ainsi qu’on remédiera au déficit démocratique des institutions européennes. Certes M. Van Rompuy a tempéré : il ne s’agirait, selon lui, que « d’examiner les hypothèses retenues, les recettes et les dépenses, sans entrer dans les détails ».
Tout cela est encore trop flou. S’il est évident qu’une coordination de politiques économiques dans leur ensemble et pas seulement des politiques budgétaires est nécessaire, se pose déjà la question du cadre : au niveau de la zone euro à seize, ou dans l’Europe à vingt-sept ? La réponse tombe sous le sens : il s’agit de donner une tête politique à l’euro. C’est donc au niveau de l’Eurogroupe que cette coordination indispensable devrait s’effectuer et non pas au niveau de l’Europe à vingt-sept, comme M. Sarkozy l’a accepté hier à Berlin. Bien sûr, on ne peut réviser les traités européens qu’à vingt-sept mais là n’est pas la priorité. On peut inventer en dehors des traités et ceux-ci peuvent être interprétés intelligemment. Ils prévoient d’ailleurs des coopérations renforcées. Enfin, il n’y a pas besoin d’inventer l’Eurogroupe : il existe déjà.
Les questions de mots ont leur importance : il ne s’agit pas de mettre en place une vague « gouvernance », mais un « gouvernement économique ». Fort bien ! Mais quel doit être son contenu ? Là est l’essentiel, Monsieur le Ministre.
Nous entendons trop parler de sanctions et même de sanctions préventives. Soyons sérieux : la répression ne doit pas être confondue avec la prévention – tous les ministres de l’Intérieur vous le diront -. Et le pacte de stabilité a montré son inadéquation, comme le cas de l’Espagne, qui satisfaisait aux critères, l’a montré.
Venons-en aux propositions :
Ce qui serait raisonnable ce serait un processus itératif : le Conseil européen approuverait, sur proposition de la Commission, un cadre général de prévisions macroéconomiques, éventuellement ventilé par pays. Il reviendrait aux Parlements nationaux de délibérer et d’établir une programmation, d’ailleurs révisable, des recettes et des dépenses. En cas de désaccord, le Conseil européen chercherait à dégager un compromis, à charge par le gouvernement concerné de le faire ratifier par son Parlement. Il s’agirait donc d’un document de programmation concernant l’évolution de l’économie dans son ensemble aussi bien que celle des Finances Publiques. Les parlements continueraient, dans ce cadre, à voter le budget.
Le gouvernement allemand devrait être incité à infléchir sa politique en relâchant la pression qu’il exerce notamment sur l’évolution des normes salariales. Sans doute est-ce là d’abord l’affaire du patronat et des syndicats. Mais dans le passé le gouvernement allemand n’a-t-il pas impulsé des plans comme l’Agenda 2010 ou les différents plans Harz, du nom du conseiller économique de M. Schröder ?
De même la BCE devrait-elle être encouragée à ouvrir davantage le robinet monétaire, en prenant en pension, en cas de besoin manifeste, les titres d’emprunt d’Etat de façon à stopper la spéculation. Il y a là un vrai mécanisme de solidarité européenne défensive. Sur ce sujet, il est important qu’un accord intervienne entre la France et l’Allemagne avant le remplacement de M. Trichet à la tête de la BCE.
La cohésion franco-allemande est nécessaire. Elle ne peut cependant se résumer à l’alignement d’un pays sur un autre. L’amitié va avec la franchise, celle-ci devant toujours s’exprimer avec le respect qu’inspire un grand peuple dont les réussites nous réjouissent. L’Europe a besoin de l’Allemagne mais, comme le suggérait déjà Wilhelm Röpke, en 1945, l’Europe doit aussi protéger l’Allemagne contre les tentations qui naissent de la conscience de son mérite, à ses yeux insuffisamment reconnu par les autres.
Un grand patron allemand, M. Gehrard Cromme, est venu à Paris le 1er juin dernier pour dire, je le cite : « Les Allemands doivent prendre les Français comme ils sont, et réciproquement. On ne les changera pas. Et ce sont précisément ces différences qui rendent notre coopération unique et notre capacité à faire des compromis si importante ». M. Cromme a vanté à juste titre la compétitivité allemande. Il a omis de mentionner le fait que l’excédent commercial allemand se réalise à 60 % sur les pays de la zone euro.
Il y a beaucoup de reproches que nous ne devons pas faire à l’Allemagne : elle défend légitimement ses intérêts, mais au-dessus des intérêts nationaux, et cela est vrai pour la France comme pour l’Allemagne, il y a un intérêt européen et même un intérêt encore supérieur, celui de l’humanité tout entière.
La baisse du cours de l’euro, qui ne doit malheureusement rien à l’action de la Banque centrale européenne, contribuera aussi à la compétitivité de l’Allemagne : un euro à 1,20 dollar est plus compétitif qu’un euro à 1,50. Cela dégage des marges pour la croissance et l’Allemagne doit bien considérer que l’euro n’est pas seulement la monnaie de l’Allemagne mais celle de quinze autres pays et potentiellement, à terme, celle de tous les pays de l’Union européenne qui voudront y adhérer. La zone euro n’a pas été une mauvaise affaire pour l’Allemagne. Ainsi vis-à-vis de la France, elle a quadruplé son excédent commercial qui atteint 20 Milliards d’euros soit 1 % de notre produit national brut ou encore 170 Milliards de francs contre 28 en 1982.
Beaucoup de nos concitoyens se demandent ce que veut réellement l’Allemagne : remodeler la zone euro pour en exclure les pays de l’Europe du Sud ? Ce serait la négation de l’Europe ! Et il vaut mieux dire dès maintenant à nos amis allemands que cette fracture serait pour nous inacceptable. Pour l’Europe et pour la France elle-même, dont l’industrie a souffert d’une monnaie trop forte, probablement parce que nous ne disposons pas des mêmes spécialisations que l’Allemagne sur des créneaux très porteurs, comme la machine-outil. Sans doute y a-t-il beaucoup à balayer devant notre porte pour muscler notre tissu productif et notamment développer les grosses PMI mais une grande zone euro prospère est dans l’intérêt de l’Allemagne elle-même.
Il faut des disciplines. Certes ! Mais il faut trouver le bon équilibre entre la responsabilité de chaque Etat et la solidarité qui doit s’exercer entre pays membres. L’Europe doit être une grande ambition partagée. Chaque pays européen doit y trouver son compte, à commencer par l’Allemagne et la France.
J’ai tout à fait confiance dans la capacité de dialogue qui peut s’instaurer de peuple à peuple. Mais cela donne à nos dirigeants de grands devoirs. Un peu de lucidité sur le passé : les règles du jeu de la monnaie unique sont à revoir ! Mais surtout une ferme résolution pour l’avenir : celui-ci n’est pas au fédéralisme mais à une meilleure coordination de nos politiques – et cela est déjà assez difficile -. Nous devons ainsi bâtir une Europe de la croissance et du progrès social. Avec les nations, cadres irremplaçables de la démocratie, et non pas contre elles, ou même simplement sans elles. C’est ce langage de vérité et de réalisme qui servira le mieux la cause de l’amitié franco-allemande à laquelle je suis profondément attaché et par conséquent celle de l’Europe.
La purge, Monsieur le Ministre, n’est pas une stratégie ! La France et l’Europe ont besoin d’un projet mobilisateur !