Monsieur le Ministre,
Un bon point d’abord : la prétendue « règle d’or » inscrite dans la Constitution allemande qui l’intitule plus modestement « frein à la dette » ne figurera pas dans la Constitution française. La rédaction du TSCG énonçait une préférence pour la constitutionnalisation des règles fixées par le traité mais admettait aussi que « le plein respect et la stricte observance de ces règles puissent être garantis, de quelque autre façon. »
En nous proposant ce projet de loi organique, vous avez donc choisi, une autre façon d’appliquer le TSCG. J’aurais mauvaise grâce à critiquer cette non-constitutionnalisation : tant qu’à faire, une simple loi organique est moins contraignante que l’inscription dans la Constitution d’un « frein à l’endettement », comme y a procédé, en 2010, le Bundestag allemand, en limitant à 0,35% du PIB le montant du déficit public, à horizon 2016. Contrairement à nos collègues de l’UMP, je ne regrette pas l’inscription de la pseudo « règle d’or » dans la Constitution. J’observe simplement que là comme ailleurs, l’Allemagne a donné le « la », et fini par imposer son modèle d’orthodoxie à la France et aux autres pays de la zone euro. Sans doute, vous distinguez, M le Ministre entre la substance et la forme, et vous nous assurez, que ces règles sont de toute façon, de bonne gestion, qu’elles valent par elles-mêmes, que la dette est l’ennemie de la gauche, et même de la France et de sa souveraineté et qu’il eût fallu de toute façon revenir à l’équilibre budgétaire. Cette présentation est habile. En fin dialecticien, vous avez l’art de répondre à un autre argument que celui que je vous oppose.
En effet, ce n’est pas la dette, selon moi, qui plombe la zone euro. D’autres pays - Grande-Bretagne, Etats-Unis, Japon - sont plus endettés que la zone euro : 100 % du PIB pour les deux premiers, 200 % pour le troisième. Ce qui mine en réalité la monnaie unique c’est la compétitivité divergente et de façon croissante, entre les dix-sept pays qui ont cette monnaie en partage. Ainsi la France qui avait une balance commerciale équilibrée en 2001, connaît en 2011 un déficit de plus de 70 milliards d’euros, tandis que dans le même temps, l’Allemagne affiche un excédent de 158 Milliards en 2011.
Un bon point d’abord : la prétendue « règle d’or » inscrite dans la Constitution allemande qui l’intitule plus modestement « frein à la dette » ne figurera pas dans la Constitution française. La rédaction du TSCG énonçait une préférence pour la constitutionnalisation des règles fixées par le traité mais admettait aussi que « le plein respect et la stricte observance de ces règles puissent être garantis, de quelque autre façon. »
En nous proposant ce projet de loi organique, vous avez donc choisi, une autre façon d’appliquer le TSCG. J’aurais mauvaise grâce à critiquer cette non-constitutionnalisation : tant qu’à faire, une simple loi organique est moins contraignante que l’inscription dans la Constitution d’un « frein à l’endettement », comme y a procédé, en 2010, le Bundestag allemand, en limitant à 0,35% du PIB le montant du déficit public, à horizon 2016. Contrairement à nos collègues de l’UMP, je ne regrette pas l’inscription de la pseudo « règle d’or » dans la Constitution. J’observe simplement que là comme ailleurs, l’Allemagne a donné le « la », et fini par imposer son modèle d’orthodoxie à la France et aux autres pays de la zone euro. Sans doute, vous distinguez, M le Ministre entre la substance et la forme, et vous nous assurez, que ces règles sont de toute façon, de bonne gestion, qu’elles valent par elles-mêmes, que la dette est l’ennemie de la gauche, et même de la France et de sa souveraineté et qu’il eût fallu de toute façon revenir à l’équilibre budgétaire. Cette présentation est habile. En fin dialecticien, vous avez l’art de répondre à un autre argument que celui que je vous oppose.
En effet, ce n’est pas la dette, selon moi, qui plombe la zone euro. D’autres pays - Grande-Bretagne, Etats-Unis, Japon - sont plus endettés que la zone euro : 100 % du PIB pour les deux premiers, 200 % pour le troisième. Ce qui mine en réalité la monnaie unique c’est la compétitivité divergente et de façon croissante, entre les dix-sept pays qui ont cette monnaie en partage. Ainsi la France qui avait une balance commerciale équilibrée en 2001, connaît en 2011 un déficit de plus de 70 milliards d’euros, tandis que dans le même temps, l’Allemagne affiche un excédent de 158 Milliards en 2011.
Ces divergences de compétitivité proviennent pour l’essentiel d’écarts dans le développement industriel qui s’enracinent dans l’histoire longue : ainsi l’Allemagne a creusé l’écart avec la France et la Grande-Bretagne dès la fin du XIXe siècle. Les causes en sont connues : cohésion sociale exceptionnelle favorisée par la cogestion syndicats-patronat, valorisation systématique, par consensus national, du « site de production Allemagne », formation par alternance dans le cadre d’un système dual où la moitié des enfants sont orientés dès l’âge de onze ans, mise en application de la science et de la technologie dans toutes les industries, y compris les industries courantes, puissance du « Mittelstand » et des entreprises moyennes, réinvestissement des profits, presque toujours substantiels, dans l’entreprise et dans l’innovation, sous-traitance à bas prix dans les pays voisins de la « Mitteleuropa » et maîtrise de l’assemblage et de la chaine de valeur ajoutée en Allemagne même. Ces écarts sont cumulatifs, comme l’a bien montré Robert Mundell, dans une « zone monétaire non optimale ». Il se produit en Europe ce qui s’était produit en Italie après l’unification italienne et la généralisation de la lire à la péninsule : polarisation des richesses au Nord, mezzogiornisation au Sud.
Les écarts de compétitivité au sein de la zone euro ont été creusés en second lieu par le « choc de compétitivité » mis en œuvre au début des années 2000 par le Chancelier Schröder : déflation salariale, réduction de l’Etat-providence et sous-traitance à la main d’œuvre bon marché des pays proches, politique continuée par Mme Merkel avec la hausse de 3 points de la TVA en 2007. Au total, la France a perdu quinze points de compétitivité par rapport à l’Allemagne de 2000 à 2011.
Le TSCG et son document d’application, le projet de loi organique, ne sont évidemment pas des outils appropriés pour combler ces écarts de compétitivité. Au contraire, ils les creuseront davantage en déprimant l’activité dans les pays déjà en difficulté.
Vous insistez, Monsieur le Ministre, sur le fait que le projet de loi organique ne se conçoit pas indépendamment du TSCG bien sûr, ni du « paquet européen » dans lequel il y a aussi le « six packs », le « pacte pour l’euro plus », et bientôt le « two packs ».
Vous nous présentez le projet de loi organique comme un pilotage à moyen terme des finances publiques à partir d’un « solde structurel » de 0,5 % du PIB.
L’essentiel du pilotage sera dans le respect d’une trajectoire sur lequel veillera un chien de garde dénommé « Haut Conseil des Finances publiques », dont les avis s’imposeront au gouvernement et au Parlement, comme ne l’a pas caché M. le Ministre du Budget et comme vous l’avez confirmé dans votre intervention : le Parlement et le gouvernement seront liés, à peine d’encourir la foudre des marchés financiers. Vous nous assurez que les prérogatives du Parlement seront sauvegardées, qu’il pourra corriger les écarts, en décidant soit des économies soit des hausses d’impôt. Mais vous savez combien déjà cela est difficile et le deviendra toujours plus. La souveraineté budgétaire du Parlement se réduira à l’épaisseur du trait de la trajectoire censée nous conduire vers l’objectif à moyen terme de 0,5 % de « déficit structurel ». Objectif qui se dérobera au fur et à mesure que la récession va réduire les recettes fiscales. Le Parlement va se trouver enfermé dans un carcan de procédures qui conduiront à l’ingérence permanente de la Commission européenne dans l’élaboration du budget.
L’organisation de simples débats sur les orientations proposées par le gouvernement mais aussi par les institutions européennes ne saurait occulter la marginalisation de fait du Parlement. A-t-on jamais vu qu’un simple débat parlementaire sans vote puisse corriger une trajectoire dont les règles de calcul ressemblent à une mécanique quasi céleste. S’il existe un « primum movens », comme le croyait Newton qui croyait en Dieu, bref un pilote comme cela résulte de vos propos, il est clair qu’il faut le chercher du côté de la Commission européenne. Le Parlement, lui, sera mis en pilotage automatique ! La « sophistication du cadre normatif » est une litote pour décrire l’étouffement du rôle du parlement et l’avènement d’une Europe postdémocratique.
Dans la discussion du traité budgétaire, le gouvernement nous a fait miroiter deux « souplesses » : la notion de « déficit structurel » dont il n’y a de définition claire nulle part, ni en France ni en Europe. Pourriez-vous nous éclairer sur la définition qu’en donnera la Commission, et sur celle qui aurait votre préférence et que vous pourriez lui suggérer ?
Il y a par ailleurs « les circonstances exceptionnelles ». Cette notion n’est-elle pas redondante avec la première qui vise à gommer les effets de la conjoncture ? Ne serait-il donc pas temps que l’Eurogroupe s’avise des effets profondément déstabilisateurs d’une récession qui touche aujourd’hui toute la zone euro, à l’exception de l’Allemagne ? N’y aurait-il pas par exemple lieu de repousser d’un à deux ans la réalisation de l’objectif à moyen terme ?
Vous avez rejeté, Monsieur le Ministre, dans une déclaration récente l’idée d’un « choc de compétitivité » qui pourrait inverser le mouvement de désindustrialisation que la France subit depuis au moins trois décennies et demi. Evitons les querelles de mots. Il y a, vous le savez bien, un problème de compétitivité de l’économie française, ce que le Président de la République confirme en évoquant un « pacte de compétitivité ». A défaut d’une dévaluation qui aurait eu ma préférence, mais que le choix de la monnaie unique interdit à défaut d’une augmentation de la durée du travail telle que M. Fillon la propose, bien qu’il ne l’ait pas réalisée quand il était en situation de le faire, reste l’idée défendue par un économiste, M. Aghion, celle d’une « dévaluation fiscale ». Etes-vous sûr que les effets de celle-ci sur la demande ne pourraient pas être limités et compensés par l’exportation ? C’est une question essentielle à laquelle il faut pouvoir répondre avant de se prononcer sur le rapport Gallois.
C’est au début du quinquennat du nouveau Président de la République dont nous souhaitons le succès, parce qu’il sera celui de la France, que je vous demande de faire un effort d’imagination et d’audace, car il faut rendre le « site de production France » compétitif. Il faut redresser notre balance commerciale pour défendre efficacement la souveraineté de la France.
Le TSCG et la loi organique ne nous engagent pas dans la bonne direction. C’est pourquoi je ne pourrai, à regret, que confirmer, pour la loi organique, le vote négatif que j’ai émis sur le TSCG. Pour autant, les parlementaires du MRC voteront la loi de finances de 2013 car elle s’inscrit en effet dans la perspective d’un effort plus justement partagé et marque clairement deux priorités que nous approuvons en faveur de l’éducation et de la sécurité.
Pour restaurer la compétitivité de l’économie française, les vrais choix sont ailleurs que dans l’application du TSCG par la voie d’une loi organique. Il faut les faire vite, Monsieur le Ministre, dans l’intérêt de la France !
Les écarts de compétitivité au sein de la zone euro ont été creusés en second lieu par le « choc de compétitivité » mis en œuvre au début des années 2000 par le Chancelier Schröder : déflation salariale, réduction de l’Etat-providence et sous-traitance à la main d’œuvre bon marché des pays proches, politique continuée par Mme Merkel avec la hausse de 3 points de la TVA en 2007. Au total, la France a perdu quinze points de compétitivité par rapport à l’Allemagne de 2000 à 2011.
Le TSCG et son document d’application, le projet de loi organique, ne sont évidemment pas des outils appropriés pour combler ces écarts de compétitivité. Au contraire, ils les creuseront davantage en déprimant l’activité dans les pays déjà en difficulté.
Vous insistez, Monsieur le Ministre, sur le fait que le projet de loi organique ne se conçoit pas indépendamment du TSCG bien sûr, ni du « paquet européen » dans lequel il y a aussi le « six packs », le « pacte pour l’euro plus », et bientôt le « two packs ».
Vous nous présentez le projet de loi organique comme un pilotage à moyen terme des finances publiques à partir d’un « solde structurel » de 0,5 % du PIB.
L’essentiel du pilotage sera dans le respect d’une trajectoire sur lequel veillera un chien de garde dénommé « Haut Conseil des Finances publiques », dont les avis s’imposeront au gouvernement et au Parlement, comme ne l’a pas caché M. le Ministre du Budget et comme vous l’avez confirmé dans votre intervention : le Parlement et le gouvernement seront liés, à peine d’encourir la foudre des marchés financiers. Vous nous assurez que les prérogatives du Parlement seront sauvegardées, qu’il pourra corriger les écarts, en décidant soit des économies soit des hausses d’impôt. Mais vous savez combien déjà cela est difficile et le deviendra toujours plus. La souveraineté budgétaire du Parlement se réduira à l’épaisseur du trait de la trajectoire censée nous conduire vers l’objectif à moyen terme de 0,5 % de « déficit structurel ». Objectif qui se dérobera au fur et à mesure que la récession va réduire les recettes fiscales. Le Parlement va se trouver enfermé dans un carcan de procédures qui conduiront à l’ingérence permanente de la Commission européenne dans l’élaboration du budget.
L’organisation de simples débats sur les orientations proposées par le gouvernement mais aussi par les institutions européennes ne saurait occulter la marginalisation de fait du Parlement. A-t-on jamais vu qu’un simple débat parlementaire sans vote puisse corriger une trajectoire dont les règles de calcul ressemblent à une mécanique quasi céleste. S’il existe un « primum movens », comme le croyait Newton qui croyait en Dieu, bref un pilote comme cela résulte de vos propos, il est clair qu’il faut le chercher du côté de la Commission européenne. Le Parlement, lui, sera mis en pilotage automatique ! La « sophistication du cadre normatif » est une litote pour décrire l’étouffement du rôle du parlement et l’avènement d’une Europe postdémocratique.
Dans la discussion du traité budgétaire, le gouvernement nous a fait miroiter deux « souplesses » : la notion de « déficit structurel » dont il n’y a de définition claire nulle part, ni en France ni en Europe. Pourriez-vous nous éclairer sur la définition qu’en donnera la Commission, et sur celle qui aurait votre préférence et que vous pourriez lui suggérer ?
Il y a par ailleurs « les circonstances exceptionnelles ». Cette notion n’est-elle pas redondante avec la première qui vise à gommer les effets de la conjoncture ? Ne serait-il donc pas temps que l’Eurogroupe s’avise des effets profondément déstabilisateurs d’une récession qui touche aujourd’hui toute la zone euro, à l’exception de l’Allemagne ? N’y aurait-il pas par exemple lieu de repousser d’un à deux ans la réalisation de l’objectif à moyen terme ?
Vous avez rejeté, Monsieur le Ministre, dans une déclaration récente l’idée d’un « choc de compétitivité » qui pourrait inverser le mouvement de désindustrialisation que la France subit depuis au moins trois décennies et demi. Evitons les querelles de mots. Il y a, vous le savez bien, un problème de compétitivité de l’économie française, ce que le Président de la République confirme en évoquant un « pacte de compétitivité ». A défaut d’une dévaluation qui aurait eu ma préférence, mais que le choix de la monnaie unique interdit à défaut d’une augmentation de la durée du travail telle que M. Fillon la propose, bien qu’il ne l’ait pas réalisée quand il était en situation de le faire, reste l’idée défendue par un économiste, M. Aghion, celle d’une « dévaluation fiscale ». Etes-vous sûr que les effets de celle-ci sur la demande ne pourraient pas être limités et compensés par l’exportation ? C’est une question essentielle à laquelle il faut pouvoir répondre avant de se prononcer sur le rapport Gallois.
C’est au début du quinquennat du nouveau Président de la République dont nous souhaitons le succès, parce qu’il sera celui de la France, que je vous demande de faire un effort d’imagination et d’audace, car il faut rendre le « site de production France » compétitif. Il faut redresser notre balance commerciale pour défendre efficacement la souveraineté de la France.
Le TSCG et la loi organique ne nous engagent pas dans la bonne direction. C’est pourquoi je ne pourrai, à regret, que confirmer, pour la loi organique, le vote négatif que j’ai émis sur le TSCG. Pour autant, les parlementaires du MRC voteront la loi de finances de 2013 car elle s’inscrit en effet dans la perspective d’un effort plus justement partagé et marque clairement deux priorités que nous approuvons en faveur de l’éducation et de la sécurité.
Pour restaurer la compétitivité de l’économie française, les vrais choix sont ailleurs que dans l’application du TSCG par la voie d’une loi organique. Il faut les faire vite, Monsieur le Ministre, dans l’intérêt de la France !