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Pour aller plus loin dans l’effort de péréquation des ressources des collectivités territoriales


Intervention de Jean-Pierre Chevènement au Sénat lord du débat PPL Action publique locale, mercredi 30 mars 2011.


Pour aller plus loin dans l’effort de péréquation des ressources des collectivités territoriales
La proposition de loi déposée par les sénateurs communistes et du parti de gauche nous donne l’occasion de revenir sur l’évolution de la fiscalité locale, suite à la suppression de la taxe professionnelle par la loi de finances pour 2010, et plus généralement sur l’insuffisance des mécanismes de péréquation entre les collectivités locales, compte tenu de l’écart de potentiel fiscal par habitant : celui-ci varie du simple au double pour les régions, du simple au quadruple pour les départements, et de un à mille entre les communes !

La péréquation devrait permettre de corriger les inégalités les plus choquantes. Or, l’insuffisance des recettes fiscales des collectivités locales après la suppression de la taxe professionnelle ne le permet guère. C’est le principal mérite de la proposition de loi qui nous est soumise d’abonder très significativement – 18 Milliards d’euros – le montant des ressources fiscales perçues par les collectivités locales. Sans doute le rapporteur de la Commission des Finances, M. Charles Guené, puis vous-même, Monsieur le Ministre, avez fait observer que cet alourdissement de la fiscalité des entreprises va à l’encontre de l’objectif recherché par la suppression de la taxe professionnelle. Certes, mais le montant de la taxe fixé à 0,3 % peut être ramené à 0,2 voire 0,1 % : cela représenterait encore 6 Milliards d’euros, beaucoup plus que les sommes que la loi de finances prévoit de consacrer à la péréquation.

Surtout ce n’est pas la même assiette qui est visée.

La proposition de loi présentée par Madame Marie-France Beaufils ouvre une piste intéressante en prévoyant l’imposition des actifs financiers et non pas des seuls actifs industriels immobiliers ou mobiliers. Elle répond à la volonté de lutter contre la financiarisation de l’économie. J’approuve cette volonté dans la mesure où elle pourrait favoriser l’investissement industriel et décourager les placements spéculatifs. Il me semble cependant que la proposition de loi suppose largement le problème résolu, en l’absence d’un rétablissement des contrôles sur les mouvements de capitaux permettant d’enrayer la fuite des capitaux et les délocalisations industrielles. Le fonds de l’affaire c’est le privilège exorbitant donné aux capitaux qui se déplacent à la vitesse de la lumière de pouvoir s’investir là où ils le souhaitent et en particulier là où le très bas coût de la main d’œuvre et l’absence de protection sociale et de réglementation environnementale, autorisent des profits incomparablement supérieurs à ceux que permettent les investissements productifs dans nos pays anciennement industrialisés.

Vous avez évoqué les investissements étrangers en France. Mais vous n’avez rien dit des investissements français à l’étranger !

Le stock de notre épargne à l’étranger est passé de 80 Milliards d’euros en 1982 à plus de 1500 Milliards d’euros aujourd’hui grâce à la libération des mouvements de capitaux (1/01/1990) et à la mondialisation financière qui s’en est suivie. A l’exode de notre épargne, l’un des principaux atouts de la France – 17 % du revenu national – répond le rétrécissement de la base industrielle du pays : 30 % de la valeur ajoutée en 1982 et 13 % seulement aujourd’hui. Or, l’industrie tire tout le reste, l’exportation, la recherche et même l’emploi dans les services aux entreprises notamment. Il me semble que l’instauration d’une « flat tax » sur les exportations de capitaux est une bonne idée un peu différente de celle de Mme Beaufils mais répondant à la même préoccupation.

À défaut d’accroître le montant des ressources fiscales consacrées à la péréquation, je crains que celle-ci reste très insuffisante.

La loi de finances pour 2011 fixe des objectifs très modestes puisque l’objectif de ressources, s’agissant du fonds de péréquation des recettes fiscales intercommunales et communales est fixé à 2 % seulement des recettes fiscales à l’horizon 2015, soit seulement 1 Milliard d’euros avec une montée en charge progressive à hauteur de 215 Millions d’euros en 2012. Ces montants sont très faibles eu égard aux ressources fiscales perçues en 2010 par les communes – environ 30 Milliards et par les EPCI environ 15 Milliards. Par ailleurs, la dotation au profit des Fonds départementaux « structures défavorisées » correspond à une dotation de 445 Millions d’euros. Le débat parlementaire a conduit à considérer que les 2 % s’entendaient « hors FDPTP », ce que je demande au gouvernement de bien vouloir confirmer.

La péréquation horizontale organisée entre collectivités d’un même territoire ne doit pas – soit dit en passant – se substituer à la péréquation nationale définie par l’Etat et organisée de manière verticale. La péréquation horizontale ne doit avoir pour but que d’affiner la péréquation nationale et en particulier de mieux prendre en compte les charges particulières d’un territoire.

Cette disposition est favorable à l’intercommunalité. Encore faudra-t-il redéfinir les notions de potentiel fiscal et de potentiel financier. Quoi qu’on fasse cependant, les efforts de péréquation resteront insuffisants tant qu’on n’agira pas sur le volume des montants financiers concernés. Nul ne doit l’ignorer !

S’agissant de la péréquation départementale et régionale portant sur le produit de la CVAE créée par la loi de finances 2010, le rapport Durieux-Subremon avait pointé la faiblesse des effets péréquateurs entre les régions : 0,6 %, et même entre les départements : 2,5 %. La loi de finances 2011 a prévu la création de deux fonds de péréquation, l’un régional, l’autre départemental, simplifiant ainsi le dispositif des « quatre fonds » retenu en 2010 mais les garanties de compensation – à l’euro près – des ressources fiscales des collectivités territoriales viendront encore rogner la part consacrée à la péréquation.

L’absence d’objectif chiffré résultant de la volonté d’affiner les simulations ne traduit-elle pas tout simplement l’absence d’ambition ? Le thème de la péréquation ne doit pas servir de feuille de vigne pour dissimuler la grande misère de beaucoup de collectivités.

Il faut, comme l’avait dit notre Président du groupe RDSE, M. Yvon Collin, aller plus loin dans la politique de péréquation pour répondre à une volonté républicaine d’affirmer une plus grande solidarité au niveau des territoires. Je rappelle les propositions faites à cette tribune le 27 septembre 2010 par Jacques Mezard de prendre en compte deux critères qui pourraient remplacer celui de potentiel fiscal et rendre ainsi la péréquation plus efficace :

- d’abord le revenu global des habitants sur le modèle allemand ;
- d’autre part celle plus importante de la population, tant il est vrai que l’efficacité péréquatrice s’en trouverait renforcée.

La Commission des finances a désigné un groupe de travail sur la péréquation. Je rejoins certaines des préconisations de l’Association des maires de France :

- gommer les effets de seuil ;
- définir un périmètre de ressources aussi large que possible ;
- éviter une « double peine » pour les territoires accueillant des activités industrielles ;
- intégrer la notion de revenu par habitant.

Si poussée et méritoire que puisse être la réflexion du groupe de travail désigné par la Commission des Finances, je crains malheureusement que l’objectif de péréquation qui résulte du pacte républicain, lequel ne va pas sans la solidarité des territoires, ne puisse être atteint en l’absence d’une ressource fiscale additionnelle. C’est le grand mérite de la proposition de Madame Marie-France Beaufils que d’avoir lancé le débat sur cette question. Elle permet de voir tout l’intérêt à la fois pour les collectivités et pour le pays de la création d’une taxe décourageant la fuite de l’épargne nationale et favorisant à l’inverse le réinvestissement en France de cette épargne et la contribution à la relocalisation industrielle de beaucoup de nos grands groupes qui ont largement bénéficié du soutien de la collectivité nationale. Ces grands groupes – dix-huit français parmi les deux cents premiers mondiaux – plus que l’Allemagne, autant que la Grande-Bretagne – sont un atout mais à une condition : ils devraient se préoccuper davantage de « renvoyer l’ascenseur », bref de maintenir et de développer en France une part plus substantielle de leur activité et d’y favoriser le développement d’entreprises sous-traitantes. Ils nourriraient ainsi l’emploi, les cotisations sociales, les plus-values fiscales, y compris au bénéfice des collectivités locales.

C’est évidemment une autre idée que celle de la proposition de loi qui nous est soumise qui ouvre un débat utile. C’est pourquoi le groupe RDSE, dans sa majorité, émettra une abstention positive sur le vote de la proposition de loi.


Rédigé par Jean-Pierre Chevènement le Mercredi 30 Mars 2011 à 18:39 | Lu 2856 fois


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