Sur le face à face François Hollande – Marine le Pen au Parlement européen
- Je n'approuve pas la manière dont Marine le Pen a interpellé le Président de la République
- Pour revenir à votre question – souveraineté/souverainisme : je n'emploie pas le mot souverainisme, parce que pour moi, le mot République se suffit à lui-même. La démocratie et la souveraineté nationale sont, je cite le général de Gaulle, comme l'avers et l'envers d'une même médaille. S'il n'y a pas de souveraineté populaire, il ne peut pas y avoir de démocratie.
- La souveraineté au niveau de l'Europe méconnaît l'absence d'un peuple au niveau européen. Il n'y a pas de démos européen. C'est une constatation qui a été fait par le tribunal constitutionnel allemand, qui dit que le Parlement européen n'est pas un Parlement, mais la juxtaposition de 28 représentations nationales.
- Je pense qu'il ne faut pas faire l'économie du travail qui consiste à passer de la souveraineté populaire à la construction européenne, dont je suis partisan. Je veux d'ailleurs organiser un colloque à l'Assemblée nationale, sous l'égide de République moderne, avec plusieurs grands intellectuels (Régis Debray, Alain Supiot...) et plusieurs hommes politiques. Je ne veux pas mêler cela à la préparation de l'élection présidentielle. Je pense qu'il faut peu à peu élaborer un nouveau logiciel, une alternative républicaine pour le pays. Mais pour revenir à votre question, je souhaite une Europe européenne, une Europe qui signifie quelque chose pour elle-même, qui soit en quelque sorte une Europe indépendante et non pas une Europe plus ou moins vassale des États-Unis, comme c'est aujourd'hui le cas.
- Je pense que François Hollande a expédié tout cela un peu vite. Je le regrette.
Questions européennes
- Je pense qu'il faut pouvoir examiner de manière critique le bilan de la construction européenne telle qu'elle s'est faite. Il y a de bonnes choses, par exemple le marché unique est évidemment nécessaire à notre économie, on ne va pas revenir là-dessus. Inversement, la monnaie unique comporte, dès le départ, un vice de conception.
- Je prône pour ma part la création d'une monnaie commune, qui permettrait de restaurer des marges de flexibilité au sein de cette construction monétaire beaucoup trop rigide, parce qu'elle juxtapose des pays et des économies beaucoup trop hétérogènes. On voit bien ce qui s'est passé entre la Grèce et l'Allemagne. Le Portugal, l'Espagne, l'Italie, sont en position difficile. La France elle-même doit rendre des comptes à Bruxelles.
- Je pense que cette construction européenne repose sur la responsabilité des États et sur la solidarité européenne, mais dans quelles limites ? Jusqu'où l'Allemagne accepte t-elle de s'engager pour soutenir l'économie de pays excessivement endettés ? Donc il faut faire un examen critique de l'Union Européenne.
- Schengen : on a remplacé un filet de papier par un filet à maille unique. Est-ce que cela marche ? Pas toujours, la preuve c'est que l'Allemagne rétablit ses frontières avec l'Autriche.
- Il n'y a pas des réponses en noir et blanc. Je pense que dans le débat politique il faut prendre garder à ne pas démoniser, diaboliser, l'interlocuteur. Je pense qu'on doit essayer de penser de manière argumentée et de dégager des évolutions.
- Je ne suis pas du tout partisan d'une rupture avec l'Allemagne, il faut convaincre ce pays qu'ensemble nous devons trouver des solutions. On l'a fait en très petite partie. Il y a encore beaucoup de chemin à faire.
- Quand l'Allemagne prend des décisions de manière unilatérale, en matière énergétique, sur la Grèce (c'est très largement Mme Merkel et M Schauble qui ont défini l'épure), le TSCG (c'est l'Allemagne qui l'a voulu), la politique vis à vis des migrants, assez chaotique du fait de déclarations du ministre de l'Intérieur allemand et de Mme Merkel sur lesquelles ils sont revenus très rapidement...
- Je n'emploie pas le mot de souverainisme. J'ai toujours dit que le mot républicain suffisait. Mais en même temps, ce n'est pas une injure, souverainisme. Je rappelle que c'est un vocable qui est venu du Québec. Et la défense de la souveraineté nationale, en maint époques de notre histoire, je ne peux pas revenir sur la Révolution française ou les deux guerres mondiales, c'était quand même connoté positivement. Donc on ne va pas diaboliser cette épithète.
- Je ne me sens pas du tout d'accord avec le Front National, ni quant à la manière de faire, ni quant à l'idéologie profonde qui sous-tend beaucoup de leurs positions, notamment vis à vis de l'immigration.
- J'ai une pensée critique sur l'euro qui date très exactement de 1992 : quand je l'ai eu lu, j'ai compris que je ne pourrais pas attacher mon vote à un texte pareil, dont l'effet négatif apparaît avec le recul. Disons qu'il y a un virus récessionniste dans l'euro, avec le TSCG qui en même temps impose la règle d'or. Cela fonctionne avec l'Allemagne, qui a une économie particulière, des niches de haut de gamme, des avantages comparatifs qui n'ont pas les autres pays, donc vouloir imposer la même médecine à tout le monde, c'est abusif. Donc il faut pouvoir en parler avec nos amis allemands avec franchise, sans couper les ponts.
Moyen-Orient
- La voix de la France portait plus quant elle affirmait clairement qu'elle parlait au nom de la France et de sa souveraineté. Les idées républicaines ne sont pas confinées au national. Ce sont des idées qui ont une portée universelle. Je suis allé expliquer les idées de liberté et même de laïcité à Téhéran, et bien cela a été un débat très intéressant. Je leur ai expliqué que la laïcité n'était pas tournée contre la religion, mais qu'elle était simplement croyance à un espace commun dans lequel on pouvait débattre, armé de sa seule raison naturelle. Je leur ai rappelé que le Prophète fait, dans le Coran, 44 fois appel à la raison naturelle !
- Je pense que la France doit défendre ses valeurs, et qu'elle a plus de prestige quant elle défend ses valeurs, avec la cohérence de l'idée républicaine, que lorsqu'elle rejoint une sorte de bien pensence molle qui ne veut plus rien dire et qui est souvent très hypocrite. Regardez la manière dont l'Irak a été traité. Est-ce que vous ne croyez pas qu'on a utilisé la force de manière totalement disproportionnée, sans une vision d'ensemble des problèmes que posait le Moyen-Orient, avec les différentes réponses que les peuples arabo-musulmans apportent au défi de l'Occident : réponse moderniste ou réponse identitaire ? Et finalement, en y allant avec nos gros sabots à deux reprises, en 1991 et en 2003, nous avons détruit l'Etat irakien, son administration, son armée, sa police, et nous avons ouvert la voie à une guerre interconfessionnelle dont nous ne voyons pas comment on va sortir, parce qu'on a en quelque sorte offert les populations de l'ouest irakien, sunnites, d'abord à Al Qaeda, dans les années 2006-2007, puis à Daesh.
- Allant à Téhéran, j'ai plaidé pour un Irak fédéral, où les parties occidentales de l'Irak, qui sont sunnites, auraient une certaine marge de liberté, par rapport à Bagdad et un gouvernement à prépondérance chiite malheureusement très sectaire jusqu'à présent, en tout cas le premier ministre Al Maliki.
- Une coalition américano-russe suppose une volonté politique. Si on veut vraiment éradiquer Daesh, le bon sens est de s'unir. Daesh est un défi pour nous tous, la Russie, l'Europe, les Etats-Unis. C'est donc une menace face à laquelle nous devons faire front, si possible ensemble. Mais j'ai évoqué tout à l'heure l'élimination de Saddam Hussein et la destruction de l'Etat irakien. C'est là l'origine de Daesh, qui ensuite s'est entendu en Syrie, profitant du vide créé par la guerre civile.
- Si nous voulons combattre Daesh, il faut bien voir que derrière ce qui se passe aujourd'hui, il y a une guerre non pas seulement entre sunnites et chiites, mais entre l'Iran et l'Arabie Saoudite. Cette guerre religieuse est très largement instrumentée pour des raisons politiques. Est-ce que nous voulons rentrer dans cette guerre ou que la France joue un rôle d'intermédiation ? Est-ce que nous voulons sérier les priorités de façon à isoler nos adversaires ? Certes, le régime de Bachar al Assad est très antipathique, c'est le moins qu'on puisse dire, mais il ne menace pas de créer un califat islamique.
- Cette guerre est la source de cet exode lamentable, de ces millions de malheureux, qui viennent jusque sur nos côtes, et que nous sommes voués à accueillir. Mais n'oublions pas quand même qu'il y a trois ou quatre millions de réfugiés syriens dans les pays contigus : la Jordanie, le Liban, et la Turquie.
- On ne peut pas éliminer Bachar d'emblée. Il faut s'inscrire dans un processus où naturellement le régime syrien doit devenir vivable pour ses populations. Cela veut dire l'ouverture d'une négociation et une démocratisation qui devra bien avoir lieu un jour. Mais on peut travailler sur une consultation qui aurait lieu quand les conditions seront réunies.
- Je pense qu'entre les Russes et les Américains, il y a une concertation, qu'on ne nous fait pas trop voir, mais qui existe quand même, ne serait-ce que pour la coordination des frappes.
Terrorisme
- Le terrorisme djihadiste prospère sur le terreau du salafisme, lui-même soutenu par l'idéologie wahhabite qui est celle de l'Arabie Saoudite et de plusieurs monarchies du Golfe. Nous sommes alliés à ces monarchies : voilà une contradiction sur laquelle il serait bon que le gouvernement s'exprime un peu plus clairement, parce que beaucoup de gens y sont sensibles. Autant je considère qu'en politique il faut savoir être réaliste, tenir compte de ce qui existe, et par conséquent servir d'intermédiaire, autant se mettre à la remorque n'a pas le même sens.
- Il y a un très fort ressentiment contre l'Occident dans le monde arabo-musulman, que nous ne pourrons désarmer que si nous lui ouvrons des voies de progrès, si nous savons donné un sens universaliste aux valeurs républicaines.
- Quant on combat le terrorisme, moins on fait de bruit et mieux cela vaut. Je n'ai pas voté, puisque je n'étais plus sénateur, mais j'aurai voté sans doute la loi sur le renseignement. Je dois dire que sa mise en application m'interpelle quelque fois, quant au choix des hommes, parce qu'il faut être très vigilant sur le fait qu'on empiète pas sur la liberté des citoyens, et je souhaite qu'il y ait une évaluation à mi-parcours, qu'on voit comment exactement tout cela est utilisé.
- Face au terrorisme djihadiste, une certaine discrétion s'impose. Par exemple, je ne suis pas sûr que le plan « sentinelles », avec la multiplication de soldats dans tous les points sensibles, soit très efficace. Cela répond peut être à un besoin de protection, mais en même temps ça démobilise un instinct d'auto-résilience dans la population, qu'on a vu se manifester, même si ce n'était pas des Français, dans le Thalys. J'étais partisan du maintien du service national : on pourrait recréer une garde nationale, ce serait à mon avis plus utile que de confier à l'armée des tâches qui ne sont pas vraiment les siennes.
Russie et Ukraine
- Les Mistral étaient des coques non-armées. Ils peuvent servir de porte-hélicoptères, de navire hôpital, de navires pour l'de populations menacées... Un contrat avait été signé en 2010, j'étais partisan de son exécution. Je ne vais pas critiquer, la France est prise dans un réseau d'alliances, elle doit tenir compte de plusieurs considérations, c'est comme ça. Mais il y a eu beaucoup de malentendus vis-à-vis de la Russie, je pense que l'accord d'association avec l'Ukraine a été préparé sans concertation avec la Russie, et c'est méconnaître le sentiment d'humiliation qu'a éprouvé la Russie après l'effondrement de l'URSS. Elle considère y être quand même pour quelque chose, puisque c'est Eltsine qui a mis fin à l'URSS, et que c'est Gorbatchev qui a, en quelque sorte, détruit le communisme. Les Russes ont considéré qu'ils n'étaient pas payés de retour, et au lieu de les englober dans un système de sécurité collective, on a préféré recourir à ce qui était le plus simple, c'est à dire l'extension de l'OTAN vers l'est.
- Les Américains ont manifesté l'intention d'étendre l'OTAN à l'Ukraine et à la Géorgie en 2008. La France et l'Allemagne à l'époque s'y étaient opposés. Mais malgré tout, les Russes sont assez vigilants, inquiets, et on aurait pu très bien, en se mettant autour d'une table, puisqu'on avait pour objectif de créer une zone de libre-circulation de l'Atlantique au Pacifique, de faire en sorte que l'association de l'Ukraine à l'Union Européenne ne soit pas reçue comme un moyen d'isoler la Russie, et de la rejeter hors d'Europe. C'est à dire qu'on traite l'Ukraine comme un pays européen, et on tient en lisière la Russie. C'est une erreur. Il fallait faire de l'Ukraine un pays pont entre l'Europe et la Russie.
- J'espère que grâce au format de Normandie, imaginé par François Hollande (qui m'avait confié la tâche d'aller voir Vladimir Poutine à Sotchi un mois avant, début mai 2014), qui a permis que le cessez-le-feu existe aujourd'hui. Il faut des élections. Vladimir Poutine vient d'obtenir des républiques autoproclamées qu'elles renoncent à une date qui soit fixé unilatéralement par elles, c'est quand même des signes positifs de bonne volonté. Quant on peut surmonter un conflit par la diplomatie, cela vaut mieux qu'un conflit gelé qui en fait sera une guerre intermittente.
Flux migratoires et intégration
- Les réfugiés syriens sont sur notre sol. On ne peut pas, c'est l'évidence, les rejeter. C'est un devoir d'humanité. Maintenant, que les annonces faites par Mme Merkel ait été vraiment appropriée, je ne le crois pas. Mettre sur le même plan l'absorption de la RDA, c'est à dire de 16 millions d'Allemands, par d'autres allemands (65 millions), et puis le problème de 1 million de réfugiés syriens au moins cette année, comme si l'Allemagne pouvait les absorber seule, et avant d'en avoir parlé à ses partenaires, je pense que ce n'était pas forcément opportun. Mais la chancelière a fait marche arrière assez vite, elle a fermé sa frontière assez vite, et aujourd'hui quand vous écoutez M. Sigmar Gabriel, quand vous écoutez le Président de la République fédérale, vous comprenez très bien que l'accueil doit être proportionné à la capacité d'intégration.
- Je le répète : il faut traiter ces problèmes sans démagogie, si l'on ne veut pas faire le jeu du Front National et de tous ceux qui chevauchent la crainte d'une immigration désordonnée. On doit la réguler : c'est nécessaire. Et s'agissant de la Syrie, je pense qu'il faudrait remonter à la source : le chaos qui y a été institué sur la base d'une politique erronée. Il faut d'abord éteindre le conflit, et permettre à un maximum de réfugiés de retourner chez eux, de participer à la reconstruction de leur pays.
- Je ne suis pas favorable au système de quotas, qui est un système indéfiniment prolongé. Je pense qu'on pouvait prendre cette décision sur deux ans, d'accueillir par exemple pour la France 31 000 réfugiés syriens. Mais il ne faut pas enlever leur responsabilité aux Etats. On revient au sujet initial de la souveraineté nationale et populaire, de la démocratie : on doit responsabiliser chaque pays. Il y a eu un Conseil européen, un vote, et finalement les pays qui étaient minoritaires vont faire ce qu'il faut sur une base volontaire. Ils ont sauvé la face, mais on ne peut pas non plus imposer des décisions de cette nature à des pays qui ont leurs problématiques particulières.
Russie
- Je souhaite la levée des sanctions le 31 janvier 2016. Elles arrivent à terme à ce moment-là et je souhaite qu'elles ne soient pas renouvelées, car cela nous pénalise autant que la Russie. Je rappelle que la Russie fait la moitié de son commerce extérieur avec l'Europe, et pas avec les USA.
- Entretenir un foyer de discorde permanent entre l'Europe et la Russie, cela peut évidemment répondre à une certaine visée géopolitique des Etats-Unis : on contient la Russie très loin, et puis en même temps, on a l'Europe à sa main. Mais est-ce très intelligent dans un monde qui sera de plus en plus dominé par la Chine ? C'est une question que je voudrais poser à nos amis américains.
- J'ai vu Vladimir Poutine en tête à tête, en 2014, avec son conseiller diplomatique et deux interprètes. Le dialogue a duré deux heures quarante. Il s'agissait de préparer le voyage qu'il allait faire à Paris, et la suite des opérations. Vladimir Poutine m'a indiqué qu'il ne s'opposerait pas à l'élection d'un président ukrainien, il l'a même rencontré sur les plages de Normandie. Il souhaitait que le problème des régions de l'est de l'Ukraine soit réglé à l'intérieur de l'Ukraine, mais dans un cadre de régionalisation ou de décentralisation, et je lui ai dit que nous-même n'étions pas favorable à l'extension à l'Ukraine de l'OTAN, que c'était notre position. Nous avons parlé du gaz longuement, et comme vous l'avez vu, la Russie n'a pas beaucoup le gaz à l'Ukraine pendant l'hiver. D'une manière générale, cet entretien a été très positif. Je dois dire que j'ai découvert un Poutine très différent que celui que j'imaginais, souvent gai en racontant un certain nombre d'anecdotes, en même temps c'est un stratège. Ce n'est pas un enfant de choeur, mais ce n'est pas non plus un loup-garou, et je pense qu'il y a une énorme intoxication, et qu'on ne veut pas voir que derrière Poutine, il y a quand la Russie, un pays qui vient de loin (un millénaire d'histoire), qui a été notre allié dans les deux guerres mondiales, et que nous lui devons beaucoup : sans la Russie nous n'aurions pas gagné la bataille de la Marne, et sans Stalingrad, je ne suis pas sûr que nous aurions été aussi vite libérés. Il y a une certaine injustice qui vient de loin dans l'histoire. Il faudrait surmonter ces traces d'un lointain passé et considérer que le peuple russe est un grand peuple européen, que sa culture apporte beaucoup à la culture européenne, et qu'il y a une complémentarité évidente, sur le plan industriel et énergétique, entre l'Europe et la Russie. Par conséquent, la russophobie ordinaire, que l'on entend se déverser dans la plupart des médias, nuît aux intérêts de l'Europe, nuit aux intérêts de la France. Heureusement des relations tout à fait correctes se sont créées entre les dirigeants de la France et de la Russie. Cela a permis le règlement du contentieux Mistral, et cela doit permettre la levée des sanctions au début de l'année prochaine.
Sujets économiques sur la scène intérieure française
- La tâche était très difficile. François Hollande a considéré qu'il n'avait pas la marge de négociation, ou le rapport de force qui lui permettrait de revoir le traité budgétaire européen, le TSCG. Donc le reste s'en est suivi.
- Il y a eu un objectif de reconquête de compétitivité fixé par le rapport Gallois. Je l'approuve. Est-ce que le pacte de responsabilité, le CICE, qui est en fait une subvention de 25 milliards aux entreprises est suffisant ? Je crois qu'il est mal ciblé. Et quant on regarde les chiffres de la balance commerciale, on voit que le solde manufacturier ne s'améliore pas. Et cela, c'est le plus sûr indice de notre compétitivité.
- Nous sommes à la peine, et cela se répercute sur l'ensemble du climat politique, qui n'est évidemment pas le meilleur.
- Air France doit s'adapter au réel, à la concurrence des compagnies low-cost, mais l'Etat peut un certain nombre de choses. Par exemple, réviser le tarif d'Aéroport de Paris, qui est excessivement élevé. En même temps, il faut aussi que les pilotes y mettent du leur.
- Nous avons pas le réflexe allemand de la cogestion, qui est un réflexe qui vient de très loin, de l'histoire.
- Je ne vais pas joindre ma voix à tous ceux qui font comme si nous étions revenus à l'époque de Robespierre et de Saint-Just. Restons modéré dans le commentaire ! Que la presse anglo-saxonne en profite pour faire du French Bashing, c'est normal, on a l'habitude, on connaît ! Il n'y a pas eu de sang versé. On plaint naturellement ce DRH, qui a été molesté. Mais en même temps, est-ce que la politique de la direction d'Air France a été bien conçue, bien avisée ? Est-ce que les émoluments de M. de Juniac n'ont pas été très substantiellement augmentés il y a quelques mois ?
- Il faudrait que chacun y mette du sien, et que l'Etat réunisse autour d'une table les différentes parties prenantes, pour mettre un peu de raison et faire appel à l'intérêt général.
Sur le pape François
- Le pape François est un pape qui donne un sentiment d'ouverture. Je pense que le discours qu'il tient sur les divorcés/remariés, ou sur les homosexuels, correspond à l'état d'esprit de nos sociétés. Il a raison de le faire.
- Je m'interroge pour ma part sur un problème plus fondamental : est-ce que ce que j'appelle « le deuxième monde », c'est à dire tout ce qui n'est pas l'Occident, pourra rejoindre ce que les Chinois appellent un niveau de moyenne aisance, et qu'ils ont réussi très largement pour leur part, mais avec une politique de l'enfant unique, de maîtrise de leur démographie ? Moi je poserais une question au pape François : quelle contribution l’Église catholique peut apporter à la maîtrise de sa démographie par des pays, par exemple de l'Afrique subsaharienne, maîtrise qui conditionne absolument l'effort d'investissement qu'ils doivent réaliser pour leur développement ?
Ecole
- N'oublions jamais qu'en France, l'école est une institution de la République. C'est ce qui fait la grande différence avec les pays étrangers. On veut absolument que nous nous coulions sur le modèle anglo-saxon, avec des écoles qui seraient quasiment autonomes. Mais ce n'est pas cela l'école de la République. Et par conséquent, quand je regarde les résultats, quand je vois aussi la diminution des horaires, qui sont passés de 30 heures par semaines à 24 aujourd'hui, je dis que prélever encore 5 heures d'enseignements disciplinaires pour les vouer à des enseignements interdisciplinaires oh combien mal définis, cela ne va pas dans le sens de ce qu'il faudrait faire. Le bon sens indique que l'apprentissage du latin ou du grec, avec les disciplines que cela exige, vaut mieux que des programmes interdisciplinaires sur « cultures et langues de l'Antiquité » où l'on va comparer la pyramide égyptienne, le temple grec, le cirque romain, mais qu'est ce que ça va apporter à la culture de nos jeunes ?
- Les difficultés actuelles viennent largement d'une sorte de renversement copernicien, qui fait qu'au lieu qu'au centre de l'école, on ait conservé la transmission du savoir et des valeurs comme étant la tâche de l'école, de l'institution école de la République, on a dit qu'au centre de l'école, on va mettre l'élève, et « tous les élèves ensemble vont acquérir eux-mêmes leurs savoirs - c'est la théorie constructiviste. S'ils n'y arrivent pas du premier coup, on attendra l'année d'après, on ne va pas les faire redoubler. Et s'ils arrivent en sixième sans savoir lire, écrire et compter, ce n'est pas très grave, à un moment, l'étincelle se produira ». Cela, c'est une très mauvaise méthode. Ces pédagogies constructivistes ont fait la preuve de leur nocivité.
- Il ne faut pas mettre la laïcité là où elle n'a pas lieu d'être. Si on offre dans les cantines une barquette végétarienne, je trouve ça très bien, ou alors du poisson plutôt que du porc. Après tout, il faut tenir compte aussi des croyances religieuses. Encore une fois, la laïcité n'est pas tournée contre une religion. Alors évidemment, il ne faut pas aligner tout le monde sur les normes d'une minorité. Il faut être clair : l'intégration, cela veut dire que chacun fait un effort pour se retrouver, mais dans une conception de la France républicaine qui garde sa structure, un sens. Je suis par conséquent hostile au communautarisme, mais je pense que la République doit aussi savoir gérer les différences, sous le toit de principes communs.
- L'école républicaine privilégie le commun, n'exalte pas la différence, la tolère, l'accepte, mais ne l'exalte, n'enferme pas chaque enfant dans sa communauté d'origine, mais au contraire le libère en lui donnant accès aux valeurs universelles.