Le Chef de l'État a publiquement posé le dilemme entre « bombe iranienne » et « bombardement de l'Iran ». Son ministre des Affaires étrangères l'a relayé en déclarant qu'il fallait « se préparer à la guerre ».
Affirmer d'emblée, au départ d'une crise, une « logique de guerre », c'est évidemment prêter la main à une prophétie autoréalisatrice.
Après la rencontre de Nicolas Sarkozy avec George. W Bush, on peut craindre que ces déclarations ne marquent notre alignement et la résignation de la France à laisser le champ libre à l'aventurisme militaire des faucons américains.
Que ceux-ci puissent laisser entrevoir la menace de frappes militaires sur les sites stratégiques de l'Iran pourrait à la limite se concevoir, si cette menace pouvait contribuer à amener ce grand pays à soumettre son industrie nucléaire civile à tous les contrôles de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). La menace cependant est à double tranchant : elle pourrait aussi favoriser en Iran le camp des durs, comme on croit l'apercevoir avec le remplacement du négociateur iranien, Ali Larijani.
Mais que vient faire la France là-dedans ? Croit-on que la surenchère verbale de la France rende la menace plus crédible ? Surtout, notre pays ne maîtrise pas les paramètres essentiels de la situation dans la région, qu'il s'agisse du retrait américain de l'Irak ou d'un règlement de paix négocié entre Israéliens et Palestiniens. Sur ces deux conflits majeurs, la décision est, pour l'essentiel, dans la main des États-Unis.
Affirmer d'emblée, au départ d'une crise, une « logique de guerre », c'est évidemment prêter la main à une prophétie autoréalisatrice.
Après la rencontre de Nicolas Sarkozy avec George. W Bush, on peut craindre que ces déclarations ne marquent notre alignement et la résignation de la France à laisser le champ libre à l'aventurisme militaire des faucons américains.
Que ceux-ci puissent laisser entrevoir la menace de frappes militaires sur les sites stratégiques de l'Iran pourrait à la limite se concevoir, si cette menace pouvait contribuer à amener ce grand pays à soumettre son industrie nucléaire civile à tous les contrôles de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). La menace cependant est à double tranchant : elle pourrait aussi favoriser en Iran le camp des durs, comme on croit l'apercevoir avec le remplacement du négociateur iranien, Ali Larijani.
Mais que vient faire la France là-dedans ? Croit-on que la surenchère verbale de la France rende la menace plus crédible ? Surtout, notre pays ne maîtrise pas les paramètres essentiels de la situation dans la région, qu'il s'agisse du retrait américain de l'Irak ou d'un règlement de paix négocié entre Israéliens et Palestiniens. Sur ces deux conflits majeurs, la décision est, pour l'essentiel, dans la main des États-Unis.
Une politique américaine, gravement erronée, a conduit à la radicalisation d'une partie du monde musulman. La prudence et l'intérêt voudraient que la France continue à jouer la carte de l'islam modéré et de la modernisation des sociétés en cause, en favorisant par des propos responsables la désescalade plutôt que la surenchère.
L'intérêt de l'Iran, vieille nation, riche de potentialités immenses, est de rompre son isolement actuel, d'obtenir la levée des sanctions qui la frappe, notamment américaines, d'attirer les investissements étrangers qui lui permettront d'exploiter ses ressources pétrolières et gazières et de moderniser ses industries. Le régime iranien est loin d'être un bloc. Le président Ahmadinejad, soumis à réélection en 2009, vient de perdre les élections municipales.
La société iranienne est moderne ; la jeunesse, éduquée, aspire au changement. Pour autant, la tentation existe de flatter à des fins de propagande interne le nationalisme iranien, en faisant miroiter l'obtention d'une arme nucléaire. Mais là n'est pas l'intérêt véritable de l'Iran : la prolifération nucléaire qui en résulterait dans la région serait hautement déstabilisatrice. Depuis la fin du régime baasiste à Bagdad, l'Iran n'a pas besoin de l'arme nucléaire pour être la puissance prépondérante de la région.
L'Iran peut se contenter d'une situation « à la japonaise » et continuer à respecter le traité de non-prolifération dont il est signataire. Rien ne peut lui interdire le développement d'une industrie nucléaire civile, dès lors qu'il s'effectue sous le contrôle de l'AIEA. D'ailleurs, la République islamique ne prétend pas se doter d'armes nucléaires et d'après M. ElBaradei, il lui faudrait entre trois et huit ans pour y parvenir. Ce sont ses manquements passés qui nourrissent aujourd'hui le soupçon qu'il lui faut dissiper.
Les déclarations de Dick Cheney sur « les graves conséquences » qu'encourrait l'Iran, nourrissent la crainte que dans une période préélectorale, propice aux manipulations d'opinion, le premier prétexte venu soit utilisé pour procéder à des frappes militaires, au nom de la cause sacrée de la défense du droit d'Israël à l'existence.
Cette tentation serait grosse d'immenses dangers : exacerbation de la guerre civile en Irak, retour des talibans en Afghanistan, déstabilisation des régimes arabes sunnites, pris entre le marteau américain et l'enclume de la rue, recrudescence de la guerre au Liban et au Proche-Orient, regain du terrorisme, nouveau choc pétrolier qui toucherait d'abord l'Europe, la Chine et le Japon.
Dans ce contexte, la sécurité d'Israël serait beaucoup plus menacée. Les Européens doivent donc poursuivre les discussions avec les autorités iraniennes afin que celles-ci s'engagent solennellement et publiquement à accepter tous les contrôles de l'AIEA, et notamment les formules permettant d'interdire un enrichissement de l'uranium au-delà du seuil de 5 % (il faut atteindre 93 % pour un usage militaire).
La France servirait mieux la paix et ses intérêts à long terme en oeuvrant dans ce sens plutôt qu'en tentant de prendre la tête d'une campagne européenne en vue d'imposer à l'Iran des sanctions en dehors du cadre de l'ONU, pénalisant ainsi ses propres entreprises. Les autres pays européens - Allemagne, Grande-Bretagne - ne jouent pas les boutefeux, à la différence de Bernard Kouchner. Quant à la Russie, on l'a vu avec la visite de Vladimir Poutine en Iran, elle empoche les contrats tout en se payant le luxe de tenir un discours plus équilibré.
Malgré des déclarations flamboyantes, Nicolas Sarkozy n'est pas dénué d'un certain pragmatisme. La France peut beaucoup pour retenir les États-Unis sur une voie qui serait fatale, y compris pour eux-mêmes. Instruits par le précédent irakien de 2003, les « faucons » savent qu'ils ne peuvent frapper qu'avec le lâche acquiescement des Européens.
Sans se laisser instrumentaliser par quiconque, la France doit rester fidèle à sa vocation : Il faut aider les États-Unis à sortir du bourbier où ils se sont mis. Pour cela, il ne faut pas leur demander naïvement : « Que pouvons-nous faire pour vous aider en Irak ? », mais leur montrer la voie d'un dégagement honorable, qui passe bien évidemment par un accord global avec l'Iran, seule puissance à même de les y aider ; Il n'y a pas de politique qui vaille en dehors de ces réalités.
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Voir également les actes du colloque de la Fondation Res Publica du 20 novembre 2006 : La sécurité du Moyen Orient et le jeu des puissances
L'intérêt de l'Iran, vieille nation, riche de potentialités immenses, est de rompre son isolement actuel, d'obtenir la levée des sanctions qui la frappe, notamment américaines, d'attirer les investissements étrangers qui lui permettront d'exploiter ses ressources pétrolières et gazières et de moderniser ses industries. Le régime iranien est loin d'être un bloc. Le président Ahmadinejad, soumis à réélection en 2009, vient de perdre les élections municipales.
La société iranienne est moderne ; la jeunesse, éduquée, aspire au changement. Pour autant, la tentation existe de flatter à des fins de propagande interne le nationalisme iranien, en faisant miroiter l'obtention d'une arme nucléaire. Mais là n'est pas l'intérêt véritable de l'Iran : la prolifération nucléaire qui en résulterait dans la région serait hautement déstabilisatrice. Depuis la fin du régime baasiste à Bagdad, l'Iran n'a pas besoin de l'arme nucléaire pour être la puissance prépondérante de la région.
L'Iran peut se contenter d'une situation « à la japonaise » et continuer à respecter le traité de non-prolifération dont il est signataire. Rien ne peut lui interdire le développement d'une industrie nucléaire civile, dès lors qu'il s'effectue sous le contrôle de l'AIEA. D'ailleurs, la République islamique ne prétend pas se doter d'armes nucléaires et d'après M. ElBaradei, il lui faudrait entre trois et huit ans pour y parvenir. Ce sont ses manquements passés qui nourrissent aujourd'hui le soupçon qu'il lui faut dissiper.
Les déclarations de Dick Cheney sur « les graves conséquences » qu'encourrait l'Iran, nourrissent la crainte que dans une période préélectorale, propice aux manipulations d'opinion, le premier prétexte venu soit utilisé pour procéder à des frappes militaires, au nom de la cause sacrée de la défense du droit d'Israël à l'existence.
Cette tentation serait grosse d'immenses dangers : exacerbation de la guerre civile en Irak, retour des talibans en Afghanistan, déstabilisation des régimes arabes sunnites, pris entre le marteau américain et l'enclume de la rue, recrudescence de la guerre au Liban et au Proche-Orient, regain du terrorisme, nouveau choc pétrolier qui toucherait d'abord l'Europe, la Chine et le Japon.
Dans ce contexte, la sécurité d'Israël serait beaucoup plus menacée. Les Européens doivent donc poursuivre les discussions avec les autorités iraniennes afin que celles-ci s'engagent solennellement et publiquement à accepter tous les contrôles de l'AIEA, et notamment les formules permettant d'interdire un enrichissement de l'uranium au-delà du seuil de 5 % (il faut atteindre 93 % pour un usage militaire).
La France servirait mieux la paix et ses intérêts à long terme en oeuvrant dans ce sens plutôt qu'en tentant de prendre la tête d'une campagne européenne en vue d'imposer à l'Iran des sanctions en dehors du cadre de l'ONU, pénalisant ainsi ses propres entreprises. Les autres pays européens - Allemagne, Grande-Bretagne - ne jouent pas les boutefeux, à la différence de Bernard Kouchner. Quant à la Russie, on l'a vu avec la visite de Vladimir Poutine en Iran, elle empoche les contrats tout en se payant le luxe de tenir un discours plus équilibré.
Malgré des déclarations flamboyantes, Nicolas Sarkozy n'est pas dénué d'un certain pragmatisme. La France peut beaucoup pour retenir les États-Unis sur une voie qui serait fatale, y compris pour eux-mêmes. Instruits par le précédent irakien de 2003, les « faucons » savent qu'ils ne peuvent frapper qu'avec le lâche acquiescement des Européens.
Sans se laisser instrumentaliser par quiconque, la France doit rester fidèle à sa vocation : Il faut aider les États-Unis à sortir du bourbier où ils se sont mis. Pour cela, il ne faut pas leur demander naïvement : « Que pouvons-nous faire pour vous aider en Irak ? », mais leur montrer la voie d'un dégagement honorable, qui passe bien évidemment par un accord global avec l'Iran, seule puissance à même de les y aider ; Il n'y a pas de politique qui vaille en dehors de ces réalités.
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Voir également les actes du colloque de la Fondation Res Publica du 20 novembre 2006 : La sécurité du Moyen Orient et le jeu des puissances