Monsieur le Ministre d’Etat,
La loi de programmation militaire 2009-2014 est évidemment remise en cause par la crise des finances publiques et les engagements pris à Bruxelles de réduire le déficit public à 3% du PIB en 2013. La mission Défense voit ses crédits réduits de 3,6 milliards d’euros, réduction partiellement compensée par une croissance aléatoire de recettes exceptionnelles. Les trois rapporteurs de la Commission des Finances évaluent à ce titre la perte de ressources potentielles à 5 milliards d’euros sur la période 2009-2014.
Les rapporteurs évoquent également un risque de cannibalisation des dépenses d’équipement par les dépenses de fonctionnement, dérapage observé en 2009 à hauteur de 1,2 milliard d’euros.
Ce n’est pas une petite encoche !
A cela s’ajoute le surcoût des opérations extérieures, seulement partiellement pris en compte par la réserve de précaution interministérielle. Au total, il pourrait manquer, selon les rapporteurs de la Commission des Finances, entre 10 et 35 milliards d’euros sur la durée de la loi de programmation militaire.
La loi de programmation militaire 2009-2014 est évidemment remise en cause par la crise des finances publiques et les engagements pris à Bruxelles de réduire le déficit public à 3% du PIB en 2013. La mission Défense voit ses crédits réduits de 3,6 milliards d’euros, réduction partiellement compensée par une croissance aléatoire de recettes exceptionnelles. Les trois rapporteurs de la Commission des Finances évaluent à ce titre la perte de ressources potentielles à 5 milliards d’euros sur la période 2009-2014.
Les rapporteurs évoquent également un risque de cannibalisation des dépenses d’équipement par les dépenses de fonctionnement, dérapage observé en 2009 à hauteur de 1,2 milliard d’euros.
Ce n’est pas une petite encoche !
A cela s’ajoute le surcoût des opérations extérieures, seulement partiellement pris en compte par la réserve de précaution interministérielle. Au total, il pourrait manquer, selon les rapporteurs de la Commission des Finances, entre 10 et 35 milliards d’euros sur la durée de la loi de programmation militaire.
Enfin, le risque n’est pas mince de voir les crédits du ministère de la Défense servir de gisement d’économies, si les prévisions de croissance du gouvernement (2 % pour l’an prochain) devaient s’avérer trop optimistes, comme l’indique l’OCDE qui table sur une progression de 1,6 % seulement. Vous devrez donc vous battre, Monsieur le Ministre d’Etat, pour défendre bec et ongles vos crédits ! Dans une enveloppe de plus en plus contrainte, vous êtes en effet affronté à des choix de plus en plus difficiles.
Dans les arbitrages réalisés, l’argument industriel passe avant l’argument militaire : c’est ainsi que le « bourrage » de votre budget par l’acquisition de treize Rafales supplémentaires va conduire à décaler au-delà de 2014 la rénovation à mi-vie des 77 Mirages 2000-D que le Chef d’Etat major de l’Armée de l’Air qualifiait, le 7 octobre 2009, d’«élément central de notre stratégie de modernisation de l’aviation de combat. »
La dégradation de notre capacité en matière d’aviation de transport militaire, consécutive au retard de l’A 400 M et à l’obsolescence des Transall, va obérer notre capacité de projection prévue à hauteur de 30 000 hommes sans relève pendant un an sous préavis de six mois. Or, cet objectif, selon le projet de loi, ne serait plus atteint qu’à hauteur de 95 % en 2011 et 90 % en 2013.
J’observe que les effectifs, en exécution budgétaire, sont inférieurs de 4 000 équivalents temps plein aux prévisions. La modification brutale et injuste du régime de retraite des personnels non officiers est très mal ressentie. Il est nécessaire que vous trouviez une solution pour maintenir le minimum garanti, soit environ 600 euros par mois, après quinze ans de services. C’est un contrat de confiance passé avec nos soldats !
Le diable se niche, dit-on, dans les détails. Le LRU (lance-roquette unitaire) devait remplacer le LRM depuis l’interdiction des armes à sous munitions respectée par la France mais que n’ont signée ni les Etats-Unis, ni la Russie, ni la Chine, ni l’Inde, ni le Pakistan, ni Israël. Notons que sur deux régiments LRM, l’un, celui de Haguenau, a été supprimé. L’autre, le 1er RA de Belfort, devait recevoir le LRU. Celui-ci devait permettre à l’armée de terre de conserver une capacité de frappe tout temps vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce que ne peut faire l’arme aérienne. Le général, chef d’Etat major de l’Armée de Terre, soulignait en octobre 2009 la valeur dissuasive de ce système d’armes, dont sont dotés Américains et Britanniques, et qui permet d’emporter une charge de 70 kilos à 70 km avec un écart décamétrique. Or, le LRU est décalé : les crédits de paiement, 25 millions d’euros en 2010, sont ramenés à 7,8 millions d’euros en 2011. Cela signifie que nous n’avons quasiment plus d’artillerie. En effet, la Loi de programmation militaire prévoyait par ailleurs la livraison de soixante-neuf automoteurs à roues « Caesar » de 155 mm pendant la période 2009-2014. Les livraisons – vingt-cinq en 2010 – sont ramenées à quatre en 2011. Les autorisations d’engagement tombent de 30 millions en 2010 à 1,97 en 2011. Est-ce bien sérieux ?
Les arbitrages financiers peuvent-ils se substituer à l’appréciation politico-militaire ? Je souhaite, Monsieur le Ministre d’Etat, que vous vous penchiez sur ce dossier du LRU.
Bien entendu, un budget, une loi de programmation ne prennent sens que dans une perspective politico-militaire plus large. En 2013, nous avons réintégré la structure militaire de l’OTAN au prétexte de faire avancer la défense européenne. Il n’a évidemment rien résulté de tel, bien au contraire : jamais l’effort de défense des pays européens n’a été aussi réduit – 1 % environ de leur PIB, à l’exception de la France et de la Grande-Bretagne.
Vous avancerez en sens inverse les accords de défense franco-britanniques du 2 novembre 2010. Mais ces accords se placent, vous le savez bien, sur un strict plan bilatéral et répondent à une logique essentiellement budgétaire.
Nous avons accepté, par le traité de Lisbonne, que l’OTAN soit pour les pays qui en sont membres, l’instance d’élaboration et de mise en œuvre de leur politique de défense. La réintégration de l’OTAN par la France qui s’en est ensuivie, a un coût, en personnels et en crédits. Rappelons que l’OTAN accuse cette année un déficit de 650 millions de dollars qui pourrait atteindre 1,4 milliard en 2011. Mais l’OTAN n’est pas seulement une organisation, c’est une politique. C’est d’abord notre participation à la FIAS en Afghanistan. Celle-ci représente plus de 50 % du surcoût des opérations extérieures. Le sommet de Lisbonne a semblé fixer un calendrier de retrait alors qu’il eût fallu réviser à la baisse les objectifs trop ambitieux arrêtés au sommet de Bucarest : nous n’exporterons pas la démocratie à l’occidentale en Afghanistan. En refusant de nous fixer le seul objectif réaliste : dissocier les Pachtounes du terrorisme international d’Al Quäida, nous nous mettrons dans un engrenage dont nous ne pourrons pas sortir honorablement. A cet égard, la résolution sortie du sommet de Lisbonne ne signifie rien d’autre qu’un alignement sur les positions américaines à venir, quelles qu’elles soient. Nous n’avons d’autre moyen de peser sur les décisions, qui seront prises le moment venu par le Président américain, que par la capacité d’influence que vous pourrez peut-être exercer sur les responsables militaires et politiques américains. La politique de contre-insurrection ne peut réussir que si elle est menée par une force autochtone.
La décision la plus grave prise au sommet de Lisbonne est évidemment le ralliement de la France sans tambour ni trompettes, à une défense antimissile vis-à-vis de laquelle nous avions marqué nos réserves voire notre hostilité depuis 1984. La déclaration finale précise que la défense antimissile deviendra – je cite – « partie intégrante de notre posture générale de défense ». Nous n’avons pas obtenu que soit précisé le fait que la DAMB ne saurait être qu’un complément à la dissuasion et non un substitut. Bien au contraire, l’OTAN endosse la posture de défense américaine qui repose sur une triade : nouvelles armes conventionnelles, défense antimissile et armes nucléaires dont le rôle est appelé à se réduire. La déclaration de Lisbonne vise à « réduire – je cite – notre dépendance dans la stratégie de l’OTAN à l’égard des armes nucléaires ».
Cette orientation est néfaste, Monsieur le Ministre d’Etat. Elle contribuera à saper la crédibilité et la légitimité de notre dissuasion nucléaire. Or celle-ci reste nécessaire. La France n’est pas menacée que par le terrorisme. L’évolution rapide de la géographie des puissances en Asie et au Moyen-Orient comporte des risques bien supérieurs. Que seront demain les relations entre la Russie et les Etats-Unis ? Ne soyons pas naïfs, l’idée d’un monde sans armes nucléaires n’est pas pour demain : les Etats-Unis et la Russie détiennent 9 000 et 13 000 têtes nucléaires, plus de 90 % du total. Pour les stratèges du Pentagone, les arsenaux russe et chinois sont dimensionnants. Si nous avons calibré notre dissuasion en fonction du principe de stricte suffisance, la Chine, l’Inde, le Pakistan, la Corée du Nord continuent de développer leurs arsenaux. Le Pakistan refuse l’ouverture d’une négociation sur l’interdiction de la production de matières fissiles à usage militaire. La Chine sur ce sujet refuse tout moratoire. Les Etats-Unis enfin ne sont pas à la veille de ratifier les traités d’interdiction des essais nucléaires pourtant signés en 1992. Le président Obama ne dispose pas de la majorité des deux tiers au Sénat, soit 67 sénateurs, nécessaire pour pouvoir ratifier le traité. Aussi bien pour des raisons industrielles, le démantèlement des arsenaux existants, à supposer qu’il soit décidé, prendrait au moins trois décennies. La vérité est que les Etats-Unis ont les moyens de mener des guerres conventionnelles à longue distance, pas la France.
Ce n’est que récemment que la France a fait évoluer son langage sur la défense antimissile. Le Président de la République, dans son discours de Cherbourg, en janvier 2008, a admis que la défense antimissile pouvait être un « complément » de la dissuasion nucléaire. L’argument est connu : la possession d’un glaive ne dispense pas de se donner la protection d’un bouclier.
Mais dans la lutte entre le glaive et le bouclier, il n’y a pas d’exemple que le glaive ne l’ait pas, en définitive, emporté. Le limes romain, la grande muraille de Chine, la ligne Maginot, le Mur de l’Atlantique ont tous été percés ou contournés. D’ores et déjà, on sait, par des renseignements puisés aux meilleures sources, que les interceptions réalisées par les Etats-Unis, dans des conditions d’exercice, ne réussissent qu’à 80 %. L’étanchéité du bouclier spatial n’est pas assurée. On évoque aussi le souci de sécurité exprimé par nos alliés en Europe. Encore faudrait-il que ceux-ci commencent par renoncer à contester le principe même de la dissuasion nucléaire !
Le coût de 200 millions d’euros avancé à Lisbonne pour l’accès à un système de commandement et de contrôle dit C2 est évidemment sous-évalué. Le coût de la seule défense de théâtre (ALTBMD), premier objectif de la nouvelle approche phasée et adaptée, définie par le Président Obama à l’horizon 2015, atteindrait 833 millions d’euros selon le directeur aux Affaires Stratégiques du ministère de la Défense, à quoi il faudrait ajouter le coût des phases 3 et 4, relatives à la défense des territoires, actuellement non chiffré.
Loin d’être complémentaire de la dissuasion, la défense anti-missile se révélera inévitablement comme contradictoire : par le coût financier prohibitif qu’elle représente potentiellement et par le sentiment de fausse sécurité qu’elle ne manquerait pas d’entraîner dans l’opinion, en créant un syndrome « ligne Maginot », profondément démobilisateur pour l’esprit de défense. Il n’est que de regarder autour de nous en Europe pour constater que les partisans de la défense antimissile se recrutent essentiellement parmi les pays qui consacrent à peine
1 % de leur PIB à leur défense, dont l’opinion publique est majoritairement pacifiste et qui, nucléairement parlant, proposent un désarmement unilatéral, comme l’Allemagne, le Benelux ou la Norvège.
Nous aurons l’occasion de débattre à nouveau de cette question. Si une défense de théâtre répondant à la réalité des menaces est pour nous accessible, une défense des territoires évoquée par le Président Obama à Lisbonne est à tous égards un leurre.
Cet acquiescement à la défense antimissile est une des conséquences fâcheuses de la décision prise de réintégrer l’organisation militaire de l’OTAN. « On ne peut pas ne pas acquiescer, dira-t-on, à la déclaration conjointe de tous nos alliés au sein de l’OTAN. « On ne peut pas ne pas» c’est la philosophie des suivistes. Je ne pense pas que ce soit la vôtre. Eclairez-nous donc, M le Ministre d’Etat, sur la portée que vous donnez à la déclaration que la France a souscrite à Lisbonne.
Dans les arbitrages réalisés, l’argument industriel passe avant l’argument militaire : c’est ainsi que le « bourrage » de votre budget par l’acquisition de treize Rafales supplémentaires va conduire à décaler au-delà de 2014 la rénovation à mi-vie des 77 Mirages 2000-D que le Chef d’Etat major de l’Armée de l’Air qualifiait, le 7 octobre 2009, d’«élément central de notre stratégie de modernisation de l’aviation de combat. »
La dégradation de notre capacité en matière d’aviation de transport militaire, consécutive au retard de l’A 400 M et à l’obsolescence des Transall, va obérer notre capacité de projection prévue à hauteur de 30 000 hommes sans relève pendant un an sous préavis de six mois. Or, cet objectif, selon le projet de loi, ne serait plus atteint qu’à hauteur de 95 % en 2011 et 90 % en 2013.
J’observe que les effectifs, en exécution budgétaire, sont inférieurs de 4 000 équivalents temps plein aux prévisions. La modification brutale et injuste du régime de retraite des personnels non officiers est très mal ressentie. Il est nécessaire que vous trouviez une solution pour maintenir le minimum garanti, soit environ 600 euros par mois, après quinze ans de services. C’est un contrat de confiance passé avec nos soldats !
Le diable se niche, dit-on, dans les détails. Le LRU (lance-roquette unitaire) devait remplacer le LRM depuis l’interdiction des armes à sous munitions respectée par la France mais que n’ont signée ni les Etats-Unis, ni la Russie, ni la Chine, ni l’Inde, ni le Pakistan, ni Israël. Notons que sur deux régiments LRM, l’un, celui de Haguenau, a été supprimé. L’autre, le 1er RA de Belfort, devait recevoir le LRU. Celui-ci devait permettre à l’armée de terre de conserver une capacité de frappe tout temps vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce que ne peut faire l’arme aérienne. Le général, chef d’Etat major de l’Armée de Terre, soulignait en octobre 2009 la valeur dissuasive de ce système d’armes, dont sont dotés Américains et Britanniques, et qui permet d’emporter une charge de 70 kilos à 70 km avec un écart décamétrique. Or, le LRU est décalé : les crédits de paiement, 25 millions d’euros en 2010, sont ramenés à 7,8 millions d’euros en 2011. Cela signifie que nous n’avons quasiment plus d’artillerie. En effet, la Loi de programmation militaire prévoyait par ailleurs la livraison de soixante-neuf automoteurs à roues « Caesar » de 155 mm pendant la période 2009-2014. Les livraisons – vingt-cinq en 2010 – sont ramenées à quatre en 2011. Les autorisations d’engagement tombent de 30 millions en 2010 à 1,97 en 2011. Est-ce bien sérieux ?
Les arbitrages financiers peuvent-ils se substituer à l’appréciation politico-militaire ? Je souhaite, Monsieur le Ministre d’Etat, que vous vous penchiez sur ce dossier du LRU.
Bien entendu, un budget, une loi de programmation ne prennent sens que dans une perspective politico-militaire plus large. En 2013, nous avons réintégré la structure militaire de l’OTAN au prétexte de faire avancer la défense européenne. Il n’a évidemment rien résulté de tel, bien au contraire : jamais l’effort de défense des pays européens n’a été aussi réduit – 1 % environ de leur PIB, à l’exception de la France et de la Grande-Bretagne.
Vous avancerez en sens inverse les accords de défense franco-britanniques du 2 novembre 2010. Mais ces accords se placent, vous le savez bien, sur un strict plan bilatéral et répondent à une logique essentiellement budgétaire.
Nous avons accepté, par le traité de Lisbonne, que l’OTAN soit pour les pays qui en sont membres, l’instance d’élaboration et de mise en œuvre de leur politique de défense. La réintégration de l’OTAN par la France qui s’en est ensuivie, a un coût, en personnels et en crédits. Rappelons que l’OTAN accuse cette année un déficit de 650 millions de dollars qui pourrait atteindre 1,4 milliard en 2011. Mais l’OTAN n’est pas seulement une organisation, c’est une politique. C’est d’abord notre participation à la FIAS en Afghanistan. Celle-ci représente plus de 50 % du surcoût des opérations extérieures. Le sommet de Lisbonne a semblé fixer un calendrier de retrait alors qu’il eût fallu réviser à la baisse les objectifs trop ambitieux arrêtés au sommet de Bucarest : nous n’exporterons pas la démocratie à l’occidentale en Afghanistan. En refusant de nous fixer le seul objectif réaliste : dissocier les Pachtounes du terrorisme international d’Al Quäida, nous nous mettrons dans un engrenage dont nous ne pourrons pas sortir honorablement. A cet égard, la résolution sortie du sommet de Lisbonne ne signifie rien d’autre qu’un alignement sur les positions américaines à venir, quelles qu’elles soient. Nous n’avons d’autre moyen de peser sur les décisions, qui seront prises le moment venu par le Président américain, que par la capacité d’influence que vous pourrez peut-être exercer sur les responsables militaires et politiques américains. La politique de contre-insurrection ne peut réussir que si elle est menée par une force autochtone.
La décision la plus grave prise au sommet de Lisbonne est évidemment le ralliement de la France sans tambour ni trompettes, à une défense antimissile vis-à-vis de laquelle nous avions marqué nos réserves voire notre hostilité depuis 1984. La déclaration finale précise que la défense antimissile deviendra – je cite – « partie intégrante de notre posture générale de défense ». Nous n’avons pas obtenu que soit précisé le fait que la DAMB ne saurait être qu’un complément à la dissuasion et non un substitut. Bien au contraire, l’OTAN endosse la posture de défense américaine qui repose sur une triade : nouvelles armes conventionnelles, défense antimissile et armes nucléaires dont le rôle est appelé à se réduire. La déclaration de Lisbonne vise à « réduire – je cite – notre dépendance dans la stratégie de l’OTAN à l’égard des armes nucléaires ».
Cette orientation est néfaste, Monsieur le Ministre d’Etat. Elle contribuera à saper la crédibilité et la légitimité de notre dissuasion nucléaire. Or celle-ci reste nécessaire. La France n’est pas menacée que par le terrorisme. L’évolution rapide de la géographie des puissances en Asie et au Moyen-Orient comporte des risques bien supérieurs. Que seront demain les relations entre la Russie et les Etats-Unis ? Ne soyons pas naïfs, l’idée d’un monde sans armes nucléaires n’est pas pour demain : les Etats-Unis et la Russie détiennent 9 000 et 13 000 têtes nucléaires, plus de 90 % du total. Pour les stratèges du Pentagone, les arsenaux russe et chinois sont dimensionnants. Si nous avons calibré notre dissuasion en fonction du principe de stricte suffisance, la Chine, l’Inde, le Pakistan, la Corée du Nord continuent de développer leurs arsenaux. Le Pakistan refuse l’ouverture d’une négociation sur l’interdiction de la production de matières fissiles à usage militaire. La Chine sur ce sujet refuse tout moratoire. Les Etats-Unis enfin ne sont pas à la veille de ratifier les traités d’interdiction des essais nucléaires pourtant signés en 1992. Le président Obama ne dispose pas de la majorité des deux tiers au Sénat, soit 67 sénateurs, nécessaire pour pouvoir ratifier le traité. Aussi bien pour des raisons industrielles, le démantèlement des arsenaux existants, à supposer qu’il soit décidé, prendrait au moins trois décennies. La vérité est que les Etats-Unis ont les moyens de mener des guerres conventionnelles à longue distance, pas la France.
Ce n’est que récemment que la France a fait évoluer son langage sur la défense antimissile. Le Président de la République, dans son discours de Cherbourg, en janvier 2008, a admis que la défense antimissile pouvait être un « complément » de la dissuasion nucléaire. L’argument est connu : la possession d’un glaive ne dispense pas de se donner la protection d’un bouclier.
Mais dans la lutte entre le glaive et le bouclier, il n’y a pas d’exemple que le glaive ne l’ait pas, en définitive, emporté. Le limes romain, la grande muraille de Chine, la ligne Maginot, le Mur de l’Atlantique ont tous été percés ou contournés. D’ores et déjà, on sait, par des renseignements puisés aux meilleures sources, que les interceptions réalisées par les Etats-Unis, dans des conditions d’exercice, ne réussissent qu’à 80 %. L’étanchéité du bouclier spatial n’est pas assurée. On évoque aussi le souci de sécurité exprimé par nos alliés en Europe. Encore faudrait-il que ceux-ci commencent par renoncer à contester le principe même de la dissuasion nucléaire !
Le coût de 200 millions d’euros avancé à Lisbonne pour l’accès à un système de commandement et de contrôle dit C2 est évidemment sous-évalué. Le coût de la seule défense de théâtre (ALTBMD), premier objectif de la nouvelle approche phasée et adaptée, définie par le Président Obama à l’horizon 2015, atteindrait 833 millions d’euros selon le directeur aux Affaires Stratégiques du ministère de la Défense, à quoi il faudrait ajouter le coût des phases 3 et 4, relatives à la défense des territoires, actuellement non chiffré.
Loin d’être complémentaire de la dissuasion, la défense anti-missile se révélera inévitablement comme contradictoire : par le coût financier prohibitif qu’elle représente potentiellement et par le sentiment de fausse sécurité qu’elle ne manquerait pas d’entraîner dans l’opinion, en créant un syndrome « ligne Maginot », profondément démobilisateur pour l’esprit de défense. Il n’est que de regarder autour de nous en Europe pour constater que les partisans de la défense antimissile se recrutent essentiellement parmi les pays qui consacrent à peine
1 % de leur PIB à leur défense, dont l’opinion publique est majoritairement pacifiste et qui, nucléairement parlant, proposent un désarmement unilatéral, comme l’Allemagne, le Benelux ou la Norvège.
Nous aurons l’occasion de débattre à nouveau de cette question. Si une défense de théâtre répondant à la réalité des menaces est pour nous accessible, une défense des territoires évoquée par le Président Obama à Lisbonne est à tous égards un leurre.
Cet acquiescement à la défense antimissile est une des conséquences fâcheuses de la décision prise de réintégrer l’organisation militaire de l’OTAN. « On ne peut pas ne pas acquiescer, dira-t-on, à la déclaration conjointe de tous nos alliés au sein de l’OTAN. « On ne peut pas ne pas» c’est la philosophie des suivistes. Je ne pense pas que ce soit la vôtre. Eclairez-nous donc, M le Ministre d’Etat, sur la portée que vous donnez à la déclaration que la France a souscrite à Lisbonne.