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"Ne peut-on pas donner un coup de pouce à l'islam ?"


Entretien de Jean-Pierre Chevènement au Parisien, propos recueillis par Myriam Encaoua et Henri Vernet, 31 janvier 2018.


Le Parisien : Quel est le bilan de la Fondation pour l’Islam de France que vous présidez, à l’heure où Emmanuel Macron rouvre le chantier de l’organisation de l’Islam ?
Jean-Pierre Chevènement : Le président de la République souhaite accélérer l’organisation de l’Islam de France. Ce chantier, je l’ai ouvert il y a 20 ans lorsque j’étais ministre de l’Intérieur. Il est, en effet, temps d’accélérer. Nous souhaitons y contribuer, à notre place, au sein de la Fondation de l’Islam de France. Notre but est de combattre l’idéologie salafiste, terreau du terrorisme islamiste, en ouvrant des chemins d’élévation intellectuelle, morale, spirituelle et en contribuant notamment à une meilleure connaissance de l’Islam et de ce que sont aujourd’hui les musulmans de France. La Fondation s’adresse à tous les Français. Elle n’est pas une autorité religieuse. L’instance représentative du culte, que j’ai contribué à mettre en place de 1997 à 2000, c’est le Conseil français du culte musulman.

Faut-il dépasser le CFCM ?
Le problème vient essentiellement de la domination de fait du CFCM par les trois fédérations de mosquées des principaux pays d’origine de l’immigration – Algérie, Maroc, Turquie. Le président de la République a souhaité que soit améliorée la représentativité du CFCM. Des élections sont prévues en 2019. Il y a une marge de négociation entre les musulmans en France et la puissance publique pour définir les contours d’une instance qui permettrait, par exemple, de remédier à l’insuffisante formation des imams et de drainer les financements nécessaires à leur rémunération.

Comment concrètement l’Etat peut mieux intégrer l’Islam à la République sans toucher à la Loi de 1905 ?
Il y a 2500 lieux de culte musulman en France et 700 imams rémunérés, dont 300 le sont par les Etats d’origine de l’immigration. Il serait bon que les futurs imams et aumoniers aient une formation en théologie comparée, en histoire, en philosophie et en droit qui leur permette de restituer le message de l’Islam dans toute sa diversité et sa profondeur historique.

Comment y parvenir ?
Nous ne pouvons pas intervenir dans la formation religieuse. Mais nous encourageons déjà une formation profane au sein de la Fondation. Des pôles publics d’islamologie sont en train d’être mis en place dans 5 grandes villes universitaires. Nous avons accordé des bourses à 400 étudiants qui préparent des diplômes universitaires « Laïcité Société Religions ». Nous aidons aussi les imams à perfectionner leur français, car beaucoup ne le parlent pas suffisamment. Le prêche du vendredi doit se dire en français même si l’arabe est la langue du Coran. Au total, notre objectif est de favoriser l’émergence en France d’un Islam cultivé qui sera la meilleure réponse à l’idéologie fruste et brutale du salafisme.

Une taxe sur le halal pour remplacer les financements étrangers, vous y êtes favorable ?
Oui. Une redevance ou une contribution volontaire à une association cultuelle permettrait de payer convenablement les imams et de les inciter à faire des études longues, comme cela est le cas pour les curés, les pasteurs, les rabbins qui sont formés à bac +5.

La société française, depuis les attentats, vit en situation tendue, votre réponse par la culture et l’éducation n’est pas angélique ?
Non, elle est juste. La France a montré une forte résilience. Nos concitoyens n’ont pas fait d’amalgame entre une poignée de djihadistes et la grande masse des musulmans. L’opinion ne s’est pas égarée sur des chemins de surenchères mortifères.

Sur la laïcité, le président doit parler plus fort ? Il a évoqué une forme de « radicalisation de la laïcité » ?
A ma connaissance, la laïcité n’a tué personne en France. Il vaut mieux la définir historiquement : elle est plus que la tolérance, elle a une dimension culturelle, émancipatrice. Le président s’est exprimé avec force dans le discours de rupture de jeûne du CFCM en juin dernier. « Fonder son identité politique et sociale sur sa seule foi, c’est admettre que sa foi n’est pas compatible avec la République », a-t-il dit. Ce qu’on demande aux musulmans, c’est d’appliquer la loi républicaine. Il faut être ferme là-dessus. Les religions doivent observer une certaine retenue dans l’espace public de débat où les citoyens doivent s’exprimer de manière argumentée.

Mais concrètement alors, comment avancer sur cette organisation de l’Islam ? La loi de 1905 doit-elle être modifiée ?
Je regrette que l’Islam se soit installé en France seulement après la loi de 1905. Parce que toutes les religions ont bénéficié d’un coup de pouce initial, de la part de l’Etat. Pour l’Islam il faudrait qu’une négociation s’engage entre les autorités musulmanes et l’Etat pour que certaines mesures puissent être prises, auxquelles on n’a peut-être pas pensé jusqu’à présent.

Par exemple ?
On a évoqué le sujet crucial de la formation des imams : à la faveur des dispositions qui s’appliquent en Alsace-Moselle, ne serait-il pas possible de créer une faculté de théologie musulmane à Strasbourg ?

Avec de l’argent public ?
Les universités fonctionnent avec l’argent public. Il y a une faculté de théologie catholique, une autre protestante. Le principe de séparation posé par la loi de 1905 ne doit pas être interprété de manière telle qu’il devienne un obstacle à l’organisation d’un culte musulman conforme aux principes républicains.

Peut-on y remédier ?
C’est une question que la République doit être capable de poser sereinement. Ne peut-on pas donner un petit coup de pouce, par voie négociée, qui permette une meilleure organisation du culte musulman ? La République laïque n’est pas un régime de faiblesse. Elle doit se donner les moyens de faire respecter les principes républicains sans reculer devant le pragmatisme dont ont su faire preuve en leur temps les pères de la loi de 1905.

Source : Le Parisien


Rédigé par Chevenement.fr le Jeudi 1 Février 2018 à 14:59 | Lu 3377 fois



1.Posté par Sylvie CARLI le 01/02/2018 19:09
Cher Jean-Pierre Chevènement,
Tout d'abord je précise n'être pas particulièrement "politisée".
Pourtant je prends la peine de saluer ENFIN l'émergence d'un raisonnement IN-TEL-LI-GENT ! Merci d'intervenir avec votre sage approche. La France peut donner-là un magnifique exemple au monde civilisé ! Donc, MERCI de faire ce que nous attendons des hommes politiques : améliorer notre quotidien et anticiper les conflits de notre société... etc. :)

2.Posté par Carl GOMES le 01/02/2018 19:40
Ce n'est pas à l'Etat d'intégrer l'Islam à la République; c'est aux musulmans qui ont choisi ou dont les parents ont choisi de venir en France de s'intégrer en faisant les efforts nécessaires. Enfin c'est mon avis...

3.Posté par Pierre Henri DREVON le 01/02/2018 22:56
phdrevon@hotmail.fr
"Notre but est de combattre l’idéologie salafiste [...] en contribuant notamment à une meilleure connaissance de l’Islam"

C'est drôle, j'aurais pensé plutôt à contribuer à une meilleure connaissance de la République...

Je dois retarder, l'avenir est sans doute aux religions...

4.Posté par Abel BELBATI le 06/02/2018 11:35
Fragment Tiré du texte paru dans l'Edition l'Escarbille:
https://blogs.mediapart.fr/edition/lescarbille/article/010218/la-laicite-de-l-egalite-republicaine-pas-celle-des-castes-episode-n-i
" Vous me connaissez mâle la même ardeur me brûle et le plaisir s'accroît quand les faits se reculent " est le cri de guerre des tâcherons de l'alésage des corps francs . "Boutons l'islam hors des classes et des cours de récréation , laïcité à l'école , pas de foulard pour l'écolière , pas de foulard pour sa maman" .
Ironie du destin : si le foulard de la maman ne regarde qu'elle , celui de l'écolière concerne maintenant la loi de 2004 - donc la République - mais aucunement l'islam qui ne sollicite que les "moukalafoune" , ceux qui ont l'âge de raison .
Pour défendre le projet de loi interdisant le voile à l’école , Luc Ferry, faussaire impénitent ,l’a maquillé en projet pour l’interdiction des « signes religieux ostensibles à l’école » .Toutefois , par précaution, il a pris le soin de détourner le regard de l’opinion - comme on détourne l’attention du bébé de sa douleur – en pointant du doigt une « atteinte à la liberté religieuse des élèves » (sic !) .
Quelqu’un a dû lui signaler que l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 [1] rend ridicule cet argument. Luc Ferry, le madré, a sorti de sa manche un atout maître : les circulaires Jean Zay de 1936 et 1937 [2].
Luc Ferry invoque les circulaires Jean Zay uniquement pour faire taire l'opposition.
Démontrons que toute cette histoire n'est qu'un enfumage.
Analyse comparée des circulaires Jean Zay et de la loi de 2004 .
Les circulaires Jean Zay, sans équivoque, forcent le retour au calme : « les écoles doivent rester l'asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas ». Leur spectre embrasse le champ politique et le champ religieux : toutes les monstrations, quelle qu’en soit la forme, relatives à l’un et à l’autre sont prohibées.
Pour ce qui concerne le religieux. Les circulaires Jean Zay réalisent donc une restriction dans l’espace légal couvert par l’article 2 de la loi du 09 décembre 1905 . Cette restriction est justifiée par l’urgence de maintenir l’ordre public : elle relève donc de la section III, de ladite loi, intitulée « Police des Cultes ».
Soulignons que la Constitution, la Convention Européenne des Droits de l’Homme [3]et celle de l’ONU, autorisent explicitement les restrictions de cette nature quand il s’agit du maintien de l’ordre public. Notons que l’article 55 de la Constitution donne à ces accords internationaux une portée supérieure à la loi.
La loi de 2004, sur « les signes religieux ostentatoires », d’évidence, ne couvre qu’une infime partie de cette restriction réalisée par les circulaires Jean Zay dans l’espace légal couvert par l’article 2 de la loi du 09 décembre 1905. Elle vient fermer la porte des écoles aux troubles à l’ordre public imputables à l’exploitation de l’affaire du «voile dit islamique » et seulement cela.
Malgré le caractère vexatoire que certains croient déceler dans cette loi, notons que les Français musulmans la respectent au pied de la lettre et ce d’autant mieux qu’ils se savent victimes d’une cabale qui, sur le fond, ne repose sur rien de sérieux et qui n’a que trop duré : pour eux, l’enfant n’a aucune obligation envers Dieu : il n’est tenu à aucun des cinq piliers de l’islam, il demeure un musulman en devenir comme il est un citoyen en devenir.
Remarque:le fait que l’enfant musulman n’a aucun devoir envers Dieu devait normalement couper court à l’affaire du voile ; mais nos gouvernants ont « oublié » de s’enquérir de la question, tout simplement ; comme c’est ballot !
Les Français musulmans ont droit à la protection de la loi - comme tous les autres Français - que la menace vienne d’une infime partie des leurs ou du reste de la société et ce, quelle qu’en soit la nature.
Contrairement aux circulaires Jean Zay, la loi de 2004, sur « les signes religieux ostentatoires » ne protège donc pas l’écolier musulman - ni ses parents, par ricochet - des menaces nées des agitations orchestrées, au mépris des lois de la République, sous couvert de laïcité, par des hommes et des femmes politiques clientélistes et les lobbies des intérêts particularistes S.H.A.F.
[1]https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000508749
[2]http://classes.bnf.fr/laicite/references/Circulaire_de_Jean_Zay_1936.pdf

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