A moins de sacrifier le volet social, il est temps d’imaginer un grand plan de relance économique à l’échelle européenne, au contraire de ce que prévoit la pseudo-« Constitution » . Les premiers sondages concernant les élections européennes du 13 juin prochain montrent qu’avec le nouveau mode de scrutin régionalisé, où il faut réunir environ 7 % des voix pour obtenir un élu au Parlement de Strasbourg, les forces émergentes ou les petits partis sont impitoyablement laminés, comme ils le sont déjà, à travers la répartition des financements publics et des temps d’antenne à la télévision. C’est ainsi que crédité de 5 % des voix par un sondage récent, le MRC ne pourrait avoir un seul élu. La France sera donc essentiellement représentée par des députés UMP, PS et UDF, tous ardents soutiens du projet dit de « Constitution européenne ». Un brelan de députés lepénistes incarnera l’opposition-repoussoir à l’Europe maastrichtienne, dont 49 % des Français, il y a douze ans, ne voulaient pas. Plus que jamais, le système sera ainsi verrouillé.
De la pseudo-« Constitution européenne » qui, conclue entre vingt-cinq peuples, ne pourra avoir d’autre valeur que celle d’un traité, il sera peu question dans la campagne . Et pour cause ! Elle n’a pas encore été adoptée. Par un subterfuge qui en dit long sur la sorte de « démocratie » qui prévaut en Europe, la date de la conférence intergouvernementale préposée à son adoption a été repoussée au lendemain de l’élection européenne elle-même, les 17 et 18 juin prochains. Or, si ce projet dit de Constitution peut comporter certaines dispositions utiles comme l’institution d’une présidence stable pour l’Union, il constitue, pour l’essentiel, non pas un simple « contenant », qui permettrait ensuite de faire évoluer son « contenu », en pesant de l’intérieur pour une Europe plus sociale, plus autonome, etc., mais une véritable « Constitution libérale » qui prédétermine le contenu des politiques, en les soumettant au « principe d’une économie ouverte où la concurrence est libre », formule déjà employée par le traité de Maastricht et répétée à satiété (articles III 69 et III 70 notamment). C’est sur cette disposition que s’appuient ainsi la Commission européenne et particulièrement M. Monti pour empêcher l’Etat d’assurer le sauvetage d’Alstom. Bruxelles préfère livrer cette entreprise à Siemens et ériger ainsi ú ô paradoxe ! ú un monopole, au nom de « la concurrence » !
Le projet dit de « Constitution européenne » perpétue, par ailleurs, les critères de Maastricht et le pacte de stabilité budgétaire, asphyxiants pour la croissance. Il institutionnalise le pouvoir exorbitant d’une banque centrale indépendante dont la politique monétaire frileuse a contribué à l’immobilité, depuis trois ans, de l’économie européenne. C’est pourquoi il est tout à fait hypocrite de prétendre faire approuver cette Constitution, en brandissant le drapeau de « l’Europe sociale », comme le fait le PS. Michel Rocard sait bien qu’il ne dit pas la vérité quand il écrit : « Il y a des gens qui croient que l’Europe est libérale, parce qu’elle l’a choisi. Mais pas du tout, ce sont nos électeurs dans chaque pays, qui se sont ralliés à cette philosophie folle, selon laquelle on n’a pas besoin d’Etat, de services publics, de Sécurité sociale. » Michel Rocard a-t-il oublié qu’en 1999, douze gouvernements sur quinze au sein de l’Union européenne étaient des gouvernements sociaux-démocrates ? On peut être sûr que le projet de fixation d’un salaire minimum commun, évoqué par François Hollande, se heurtera à de fortes réticences des dix pays nouveaux adhérents (les PECO), qui n’entendent pas perdre leur avantage comparatif principal, qui réside dans le bas niveau de leurs salaires. On n’en finirait plus de compter, hélas, depuis vingt ans, les « chartes sociales » qui ont accompagné la construction d’une Europe fondée sur la concurrence : ces documents n’ont permis aucune avancée sociale. Ils ont même autorisé quelques reculs : ainsi pour le travail de nuit des femmes, au nom du principe d’égalité. On peut être sûr, de la même manière, que l’intégration au traité de la « Charte des droits fondamentaux » conduira à une judiciarisation qui se fera au détriment des Parlements : la jurisprudence européenne se substituera à la volonté des peuples.
Sur tous ces points ú sauf peut-être le dernier ú, le MRC et le PCF partageaient le même point de vue critique. Il est clair cependant que les divergences sur la citoyenneté, comme équilibre de droits et de devoirs, sur la République et sur la nation, et par conséquent sur la construction de l’Europe comme union de nations, le cas échéant à géométrie variable, sur un projet d’indépendance partagée, n’ont pas permis la conclusion d’un accord. La direction du PCF a préféré un mini-arrangement avec la gauche dite « mouvementiste », notamment en Ile-de-France, sur le modèle de la liste « Bouge l’Europe ! » de 1999. La « Charte citoyenne pour une autre Europe » proposée par le PCF juxtapose les voeux pieux mais ne porte aucun projet conséquent de redressement de la construction européenne. Elle s’inscrit dans une logique fédéraliste.
Dans le même temps, le PS qui, de concert avec les Verts, soutient le projet dit de « Constitution européenne », appelle à « voter utile », c’est-à-dire contre le gouvernement, renouvelant la manoeuvre réussie des élections régionales, et contribuant à vider encore un peu plus le débat politique de tout contenu.
Dans ce théâtre d’ombres, on ne s’étonnera pas de voir l’UMP prendre le contre-pied des positions affirmées par le président de la République, pour réclamer un référendum sur la pseudo-« Constitution européenne » et pour refuser l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne.
Pour compléter le tableau, on voit s’affronter, en un combat fratricide, deux listes souverainistes dont les leaders, MM. de Villiers et Pasqua, se sont abstenus de concourir à l’élection directive, la présidentielle.
Dans ces conditions le Mouvement républicain et citoyen refuse de participer à un simulacre, sans nullement renoncer au combat. Il se mobilisera pour obtenir un référendum sur le projet dit de « Constitution européenne ». L’Elysée a fait savoir que le moment n’était pas encore venu de trancher entre la voie parlementaire et la voie référendaire. Mais le chef de l’Etat s’était engagé à recourir au référendum. Il aurait mauvaise grâce à le refuser, alors que pratiquement toutes les formations représentées au Parlement ou non le lui réclament.
Un non au référendum n’aurait pas d’autre conséquence que de nous ramener au traité de Nice. Celui-ci rend plus difficile, paraît-il, la formation de majorités au sein du Conseil. Mais est-ce réellement un inconvénient ? Le système dit de la « pondération démographique », proposé par M. Giscard d’Estaing, crée un déséquilibre bien supérieur au poids relatif de chacun au sein de l’Union, par la combinaison des majorités possibles au sein du Conseil. Cette « idée de polytechnicien » crée un tel déséquilibre entre l’Allemagne et la France (encore une fois bien supérieur au rapport des populations) qu’on peut se demander si le couple franco-allemand, pourtant indispensable, pourrait, à la longue, y résister. Quant à l’adhésion de la Turquie, souhaitable si l’Europe reste une « union de nations », elle ferait, avec ses soixante-quinze millions d’habitants, exploser le système des votes à la majorité qualifiée.
Le retour au traité de Nice ú pour lequel je n’ai pourtant pas voté ú obligerait la construction européenne à se développer à géométrie variable, sur la base de coopérations renforcées dans les domaines essentiels pour l’affirmation d’un acteur stratégique en Europe (monnaie, défense, politique industrielle, recherche, fiscalité). Seule une coopération intergouvernementale « à la carte » peut permettre le contournement d’institutions européennes à la fois pléthoriques et opaques.
Dès maintenant s’impose, au sein de la zone euro, une complète réforme de l’architecture mise en place par le traité de Maastricht. L’assouplissement du pacte de stabilité budgétaire, par la non-prise en compte des dépenses d’investissement (grands travaux d’infrastructure, recherche notamment) doit permettre une relance urgente. Les coupes budgétaires opérées par M. Sarkozy se font à contre-emploi. Il est temps d’imaginer un grand plan de relance à l’échelle européenne, bref de faire le contraire de ce que prévoit la pseudo-« Constitution européenne ». Il n’y aura pas d’« Europe sociale » sans cela.
Les prochaines élections européennes ne permettront en rien le redressement d’un processus qui revêt désormais les apparences de la fatalité. Seuls les enjeux intérieurs compteront, aux yeux du PS, de l’UMP et de l’UDF qui sur le fond, c’est-à-dire la pseudo-« Constitution », sont, pour l’essentiel, d’accord.
C’est pourquoi le « non » au référendum sur le traité dit « constitutionnel » permettra seul d’ouvrir à nouveau l’horizon et de refonder la construction de l’Europe dans la démocratie des nations, à l’aune des défis de la globalisation.
De la pseudo-« Constitution européenne » qui, conclue entre vingt-cinq peuples, ne pourra avoir d’autre valeur que celle d’un traité, il sera peu question dans la campagne . Et pour cause ! Elle n’a pas encore été adoptée. Par un subterfuge qui en dit long sur la sorte de « démocratie » qui prévaut en Europe, la date de la conférence intergouvernementale préposée à son adoption a été repoussée au lendemain de l’élection européenne elle-même, les 17 et 18 juin prochains. Or, si ce projet dit de Constitution peut comporter certaines dispositions utiles comme l’institution d’une présidence stable pour l’Union, il constitue, pour l’essentiel, non pas un simple « contenant », qui permettrait ensuite de faire évoluer son « contenu », en pesant de l’intérieur pour une Europe plus sociale, plus autonome, etc., mais une véritable « Constitution libérale » qui prédétermine le contenu des politiques, en les soumettant au « principe d’une économie ouverte où la concurrence est libre », formule déjà employée par le traité de Maastricht et répétée à satiété (articles III 69 et III 70 notamment). C’est sur cette disposition que s’appuient ainsi la Commission européenne et particulièrement M. Monti pour empêcher l’Etat d’assurer le sauvetage d’Alstom. Bruxelles préfère livrer cette entreprise à Siemens et ériger ainsi ú ô paradoxe ! ú un monopole, au nom de « la concurrence » !
Le projet dit de « Constitution européenne » perpétue, par ailleurs, les critères de Maastricht et le pacte de stabilité budgétaire, asphyxiants pour la croissance. Il institutionnalise le pouvoir exorbitant d’une banque centrale indépendante dont la politique monétaire frileuse a contribué à l’immobilité, depuis trois ans, de l’économie européenne. C’est pourquoi il est tout à fait hypocrite de prétendre faire approuver cette Constitution, en brandissant le drapeau de « l’Europe sociale », comme le fait le PS. Michel Rocard sait bien qu’il ne dit pas la vérité quand il écrit : « Il y a des gens qui croient que l’Europe est libérale, parce qu’elle l’a choisi. Mais pas du tout, ce sont nos électeurs dans chaque pays, qui se sont ralliés à cette philosophie folle, selon laquelle on n’a pas besoin d’Etat, de services publics, de Sécurité sociale. » Michel Rocard a-t-il oublié qu’en 1999, douze gouvernements sur quinze au sein de l’Union européenne étaient des gouvernements sociaux-démocrates ? On peut être sûr que le projet de fixation d’un salaire minimum commun, évoqué par François Hollande, se heurtera à de fortes réticences des dix pays nouveaux adhérents (les PECO), qui n’entendent pas perdre leur avantage comparatif principal, qui réside dans le bas niveau de leurs salaires. On n’en finirait plus de compter, hélas, depuis vingt ans, les « chartes sociales » qui ont accompagné la construction d’une Europe fondée sur la concurrence : ces documents n’ont permis aucune avancée sociale. Ils ont même autorisé quelques reculs : ainsi pour le travail de nuit des femmes, au nom du principe d’égalité. On peut être sûr, de la même manière, que l’intégration au traité de la « Charte des droits fondamentaux » conduira à une judiciarisation qui se fera au détriment des Parlements : la jurisprudence européenne se substituera à la volonté des peuples.
Sur tous ces points ú sauf peut-être le dernier ú, le MRC et le PCF partageaient le même point de vue critique. Il est clair cependant que les divergences sur la citoyenneté, comme équilibre de droits et de devoirs, sur la République et sur la nation, et par conséquent sur la construction de l’Europe comme union de nations, le cas échéant à géométrie variable, sur un projet d’indépendance partagée, n’ont pas permis la conclusion d’un accord. La direction du PCF a préféré un mini-arrangement avec la gauche dite « mouvementiste », notamment en Ile-de-France, sur le modèle de la liste « Bouge l’Europe ! » de 1999. La « Charte citoyenne pour une autre Europe » proposée par le PCF juxtapose les voeux pieux mais ne porte aucun projet conséquent de redressement de la construction européenne. Elle s’inscrit dans une logique fédéraliste.
Dans le même temps, le PS qui, de concert avec les Verts, soutient le projet dit de « Constitution européenne », appelle à « voter utile », c’est-à-dire contre le gouvernement, renouvelant la manoeuvre réussie des élections régionales, et contribuant à vider encore un peu plus le débat politique de tout contenu.
Dans ce théâtre d’ombres, on ne s’étonnera pas de voir l’UMP prendre le contre-pied des positions affirmées par le président de la République, pour réclamer un référendum sur la pseudo-« Constitution européenne » et pour refuser l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne.
Pour compléter le tableau, on voit s’affronter, en un combat fratricide, deux listes souverainistes dont les leaders, MM. de Villiers et Pasqua, se sont abstenus de concourir à l’élection directive, la présidentielle.
Dans ces conditions le Mouvement républicain et citoyen refuse de participer à un simulacre, sans nullement renoncer au combat. Il se mobilisera pour obtenir un référendum sur le projet dit de « Constitution européenne ». L’Elysée a fait savoir que le moment n’était pas encore venu de trancher entre la voie parlementaire et la voie référendaire. Mais le chef de l’Etat s’était engagé à recourir au référendum. Il aurait mauvaise grâce à le refuser, alors que pratiquement toutes les formations représentées au Parlement ou non le lui réclament.
Un non au référendum n’aurait pas d’autre conséquence que de nous ramener au traité de Nice. Celui-ci rend plus difficile, paraît-il, la formation de majorités au sein du Conseil. Mais est-ce réellement un inconvénient ? Le système dit de la « pondération démographique », proposé par M. Giscard d’Estaing, crée un déséquilibre bien supérieur au poids relatif de chacun au sein de l’Union, par la combinaison des majorités possibles au sein du Conseil. Cette « idée de polytechnicien » crée un tel déséquilibre entre l’Allemagne et la France (encore une fois bien supérieur au rapport des populations) qu’on peut se demander si le couple franco-allemand, pourtant indispensable, pourrait, à la longue, y résister. Quant à l’adhésion de la Turquie, souhaitable si l’Europe reste une « union de nations », elle ferait, avec ses soixante-quinze millions d’habitants, exploser le système des votes à la majorité qualifiée.
Le retour au traité de Nice ú pour lequel je n’ai pourtant pas voté ú obligerait la construction européenne à se développer à géométrie variable, sur la base de coopérations renforcées dans les domaines essentiels pour l’affirmation d’un acteur stratégique en Europe (monnaie, défense, politique industrielle, recherche, fiscalité). Seule une coopération intergouvernementale « à la carte » peut permettre le contournement d’institutions européennes à la fois pléthoriques et opaques.
Dès maintenant s’impose, au sein de la zone euro, une complète réforme de l’architecture mise en place par le traité de Maastricht. L’assouplissement du pacte de stabilité budgétaire, par la non-prise en compte des dépenses d’investissement (grands travaux d’infrastructure, recherche notamment) doit permettre une relance urgente. Les coupes budgétaires opérées par M. Sarkozy se font à contre-emploi. Il est temps d’imaginer un grand plan de relance à l’échelle européenne, bref de faire le contraire de ce que prévoit la pseudo-« Constitution européenne ». Il n’y aura pas d’« Europe sociale » sans cela.
Les prochaines élections européennes ne permettront en rien le redressement d’un processus qui revêt désormais les apparences de la fatalité. Seuls les enjeux intérieurs compteront, aux yeux du PS, de l’UMP et de l’UDF qui sur le fond, c’est-à-dire la pseudo-« Constitution », sont, pour l’essentiel, d’accord.
C’est pourquoi le « non » au référendum sur le traité dit « constitutionnel » permettra seul d’ouvrir à nouveau l’horizon et de refonder la construction de l’Europe dans la démocratie des nations, à l’aune des défis de la globalisation.