Carnet de Jean-Pierre Chevènement

Les choix se resserrent



Une semaine de déplacements à travers la France - Grenoble, Ivry, Marseille, La Ciotat, Toulon, Châtenois les Forges, Tournus - permet de sentir le pouls du pays, les attentes des milieux populaires à l’égard de Ségolène, l’adhésion de plus en plus franche du monde enseignant, un moment troublé, les interrogations des ingénieurs, inquiets de voir contestée leur expertise, l’élan des femmes et des jeunes dans lesquels notre candidate trouve ses meilleurs soutiens. A chaque fois, il faut argumenter sur la politique énergétique, sur le redressement de l’Europe, sur le dépassement du clivage entre le oui et le non au projet de Constitution européenne.

Au fur et à mesure que monte l’étoile de Ségolène Royal, on sent que les choix se resserrent : Sarkozy s’identifie de plus en plus à un choix de régression sociale. Bayrou ne tente pas. Certains comparent sa situation à la mienne, en 2002. Il n’y a qu’une différence : j’avais un programme, et plutôt acéré ! Bayrou n’a pas de programme : c’est son avantage mais c’est aussi son handicap. Finalement, le sigle de Désirs d’avenirs a été bien choisi : la France a-t-elle encore un « désir d’avenir » ? Ou préfèrera-t-elle se tourner vers une variété de néoconservatisme dont l’heure de gloire est passée, dans le monde anglo-saxon lui-même ? Le choix est simple.


Rédigé par Jean-Pierre Chevènement le Vendredi 6 Avril 2007 à 15:09 | Lu 7609 fois



1.Posté par Charleston (de Paris) le 07/04/2007 11:29
Le propre des pays en voie de colonisation culturelle est de copier le modèle dominateur avec un moment de retard. C'est cela qui confirmerait Paris comme une ville provinciale de New York dans les années prochaines. Avec Sarkozy, c'est ce qui va nous arriver. Le résultat en sera garanti: Troubles dans les rues. Incohérences gouvernementales de toutes sortes. Les travailleurs français payent déjà les pensions américaines par les fonds investis ici qui pompent les dividendes là-bas, Fin de projet européen structurant à la claf car l'absence de capitalisme européen va rendre l'euro inconsistant. Actuellement, il y a un retour de certains jeunes vers la France avce l'espoir Royal. Sarkozy mettrait fin à ce mouvement et précipiterait l'inverse. Pourquoi habiter une province alors qu'il est plus intéressant de vivre au coeur de l'empire à Londres ou en Amérique du Nord. La Bourse de Paris vient de se coucher devant celle de New York. Alcatel devant Lucent. Après Péchiney absorbé à Montréal. On ne sent pas encore une volonté de résister à Sarkozy qui rallie même les compagnons proches de Mitterrans comme Hanin et Tapie. La gauche plafonne au mieux à 44-46% des voix. Bayrou intéresse certes un centre inconsistant mais son ralliement à gauche est une condition à la victoire de Royal au 2e tour. Vous-mêmes n'êtes guère accepté parmi les ténors du PS qui ne font quasiment pas campagne pour Royal. Et Royal vient de revenir dans la zone des bourdes avec le Contrat première chance. Comment-est-ce possible? Bush nous prépare une crise mondiale pour coincer l'Europe dans les cordes. Qui pourra lui résister sinon une opposition au centre même de l'Empire? Je pense qu'une des grandes erreurs d ela campagne de Ségolène Royal est de ne pas parler du tout de notre politique internationale. beuacoup de gens se demandent si elle en a une ou si c'est la même que Sarkozy. À vous de démontrer qu'elle a une consistance dans ce domaine.

2.Posté par Julien le 08/04/2007 02:35
Monsieur Chevenement,

Pourquoi n'usez-vous pas des communiqués via les agences de presse pour soutenir Ségolène quand elle avance des idées ou surout quand elle se fait contre par Sarkozy ou Bayrou ?

Nous sommes dans la dernière ligne droite. Merci d'être plus réactif autour d'elle.

Cette semaine a été un peu difficile et Ségolène est à son plus bas niveau dans les sondages. Les choses gangent vite dans cette campagne. Il faut donc que la semaine prochaine soit celle de la mobilisation, de la ractivité. Merci d'avance !

3.Posté par Charleston (de Paris) le 10/04/2007 00:20
Cette semaiine peut modifier à la marge les choix des électeurs. Et il faut préparer la confrontation droite-gauche du 2e tour. Pour cela, Bayrou et Le Pen doivent être distanciés derrière Royal. Or, pour cela, il faut minimiser l'électorat des 6 formations qui se préetendent de gauche et vont monopoliser la moitié du temps de parole officiel. Ces 6 voix dites de gauche sont le plus grand danger électoral pour Ségolène Royal. Aujourd'hui elle totalise les voix de Jospin, les vôtres et celles de Mme Taubira. Mais Bayrou peut rameuter des déçus de Sarkozy, de Le Pen ou de Royal. Marquer les 2 dernières semaines de cmapagne clairement dans un discours d'opposition de gauche plus radicale sera le seul moyen de limiter au minimum l'impact électoral négatif des 6 voix qui se partagent la critique du système mais en fait surtout de Royal. Dénoncer les manipulations financières, Bush, la corruption, le racisme ordinaire, la violence faite aux gens, le communautarisme me semble devoir être effectué avec la plus extrême des vivacité. Sinon, on peut déjà penser à une recomposition totale de la gauche en vue de 2012. Ce serait dramatique pour la France dans une période où la politique est cruciale pour faire face aux problèmes mondiaux. J'ai bien peur que notre pays se trouve dans le début de conflits permanents avec une droite majoritaire dans l'appareil central de l'État ou ce qui en reste. Pire encore, la France va voir partir de nombreux cadres dynamiques vers des rivages plus accueillants en Amérique du Nord ou ailleurs en Europe et même en Asie. La prise de contrôle des entreprises du CAC 40 par les fonds américains va favoriser cet exode des qualifications professionelles encore gérable jusqu'à maintenant. Si Ségolène Royal accède au second tour, une déstabilisation de Sarkozy est possible avec le concours de Bayrou si celui-ci n'a pas été trop dénoncé par le PS auparavant.

4.Posté par Claire Strime le 10/04/2007 08:53
Mouais, l'éternel retour du vote "utile"...(qui en 25 ans a amené la gauche où l'on sait). Les différents candidats de gauche sont forcément concurrents pour ce premier tour mais pour être efficace, plutôt que de jouer sur la trouille (répétition du 21 avril, rôle néfaste du centre démocrate-chrétien, tentation de secouer le "système" en votant pour 1 pertubateur auto-proclamé tel... ), il vaut mieux donner des réponses fortes aux attentes des classes populaires et moyennes: pas de couac comme le CPC et insister sur le CDI et le rôle indispensable de la croissance pour créer des emplois (les politiques de partage du travail n'ont jamais donné de résultats même à court terme), dire que l'on va augmenter les impôts des vrais riches (pas ceux qui gagnent 4000-5000 euros/mois), être clair sur l'insécurité, ses responsables (les sortants et le système consumériste "néo-libéral" capitaliste) et ses remèdes ( ce qui exclut la mauvaise conscience humanisto-libertaire).
Le vote utile, je me souviens y avoir déjà eu droit en 1981 et 1986; ça eût marché mais l'argument s'épuise quelque peu (je ne suis pas une enfant du bon dieu mais je n'aime pas être prise pour 1 canard sauvage).

5.Posté par Lionel le 10/04/2007 09:45
Voici la position de la gauche républicaine :

http://www.gaucherepublicaine.org/lettres/527.htm#goArticle3

6.Posté par Xavier DUMOULIN le 12/04/2007 07:01
La critique du ségolisme, à gauche, repose sur un arrière fond de confusion conceptuelle. Résumons les choses.

Dans un processus de droitisation de la société française, Ségolène Royal tenterait vainement de remonter la pente en se situant sur le terrain de l'adversaire. Cette "triangulation" profiterait de facto à la droite en valorisant ses thèmes. Pour ces pourfendeurs du ségolisme, l'ordre juste ou le patriotisme républicain illustrerait cette inversion des valeurs.

Toute autre nous parait être la capacité propulsive de Ségolène Royal. Ce prétendu retournement n'est-il pas davantage un opportun retour aux sources ? Il y a déjà longtemps, Jean Poperen - cet historien de la Révolution française, grande figure regrettée du socialisme français - dans son "nouveau contrat socialiste", affichait clairement les couleurs républicaines dans son combat contre la deuxième gauche. "La gauche est pour l'ordre" énonçait-il dans une critique sévère du projet soixante huitard et libertaire. Cette approche fut aussi celle de Jean Pierre Chevènement et de son courant, le CERES devenu ensuite Socialisme et République avant la fondation du Mouvement des Citoyens et de l'actuel MRC. La gauche sociale - ébranlée par l'hégémonie idéologique néolibérale qui devait s'imposer jusque dans les principes de gestion gouvernementale de la gauche - ne devait pas accepter de se laisser supplanter par une pseudo gauche morale et différentialiste, résurgence d'une certaine deuxième gauche, véhiculant tous les ingrédients d'une posture de renoncement à rompre avec le libéralisme, autrement dit d'un accomodement avec le mouvement de la mondialisation capitaliste. Souvenons-nous des grands débats qui opposaient les tenants d'une impulsion forte de l'Etat aux chantres de la société civile et de la régulation par le marché. Ce combat, gagné dans les congrès socialistes, fut perdu dans les faits. Le paradigme européen, poussé par les vents dominants, devait vite servir de supplément d'âme à une froide gestion social-libérale, bien éloignée du projet socialiste des années 80.

Si l'on a présent à l'esprit cette réalité historique, c'est certainement un peu court de faire porter au ségolisme des responsabilités dans l'abaissement d'une vision de gauche et de perpétuer des lieux communs en stigmatisant la conduite de notre candidate. Au contraire, ses propositions en matière sociale, économique ou institutionnelle, épousent le cadre de cet ordre juste pour les plus faibles qui pâtissent aujourd'hui de la dérégulation socio-économique. Quant à l'identité nationale, point n'est besoin de faire de l'anthropologie historique pour comprendre l'importance des repères et des symboles fondateurs, la laïcité et la citoyenneté, ces deux piliers de la République, exigeant par ailleurs une éducation qui ouvre les esprits sur les chemins de la connaissance et d'un savoir critique contre l'obscurantisme. "Retour en tous points à la République" disait déjà Jean Pierre Chevènement en 2002.

Pour revenir à l'actualité de la campagne, je ne crois pas qu'il y ait dérive dans l'approche des délocalisations, la défense d'Airbus, le soutien indéfectible aux travailleurs en lutte et plus largement sur les questions économiques et sociales. Notre candidate lie concrètement ses références républicaines à la défense des salariés. Nous souhaitons tous davantage de polarisation sur les questions sociales. Et nous mesurons le génie politique de la droite qui, avec la complaisance des principaux média de l'information, détourne le débat de ces questions. Il est quelque peu injuste de confondre la cause et les effets.

Ségolène Royal s'adresse à la France qui souffre. Au lieu de se payer de mots, Ségolène Royal va au fond des choses pour redonner un désir d'avenir. Elle se situe dans une réalité incontournable, un rapport des forces économiques et sociales résultant du processus de mutations de la société. Ségolène Royal veut mettre un cran d'arrêt à la dérive néolibérale qui entame le pacte républicain et le compromis social des "trente glorieuses" de l'après-guerre. Sa méthode est tout à la fois audacieuse et réaliste. On aurait bien tort de l'identifier à un quelconque renoncement. A nous d'ailleurs d'accompagner cette perspective de compromis social dynamique et de faire du ségolisme un levier pour la transformation en France et en Europe. Cela passe, dès le premier tour, par le vote utile pour un vrai changement.


7.Posté par Claire Strime le 13/04/2007 10:50
Après mai 68, les grands partis ouvriers traditionnels furent effectivement les principaux garants de l' "ordre" (c à d la reprise du travail contre quelques miettes salariales) mais pas d'un ordre juste.

Ce qui permit à certains de refourguer leur démagogie libertaire (qui servait in fine à implanter en France le "capitalisme de la séduction" , basé sur le consumérisme tel qu'il existait déjà dans les pays anglo-saxons.

On pouvait jouer à ça au début des années 70. Mais en 2007, après 30 ans de "crise" et de régressions sociales et culturelles, la notion d'ordre et surtout d'ordre juste prend un autre contenu.

8.Posté par patfab le 13/04/2007 17:37
Pasd'accord,M charleston avec vos propos "tactiques" à l'égard des l'autre Gauche. Qu'est ce que cela veut dire, quand vous écrivez:"les 6 formations dites de gauche",on pourrait ressentir cela comme du mépris. c'est vrai qu'un peu plus loin vous semblez attendre un accord avec Bayrou.
Deux remarques: il y a une autre gauche , et aussi sincère que le PS Le MRC en a été (est?).Comme vous l'indiquez implicitement, c'est une certaine frilosité et certaines ambiguités, qui font qu'une bonne partie de l'électorat de gauche n'adhère pas définitivement à S Royal. (oui,à 10 jours du 1er tour il est temps de hausser le ton!)Heureusement justement que les autres formations sont là pour jouer ce rôle, car elles répondent à ces attentes populaires(et non pas celles des bobos obs!)On peut toujours discuter sur le bien fondé de certaines d'entres elles,leur tactique...leurs reports au second tour.
Que le PS rassemble déjà bien son électorat et les choses seront faciles! Et ce n'est certainement pas par des considérations sur le ménagement de Bayrou(après ce qu'on a dit sur lui)que vous rassurerez les classes populaires! Lorsque j'entends ce jour des considérations de même nature mais plus explicite par Rocard, je me retiens et reste donc incertain sur mon choix. 'accord avec Claire Strime:assez avec le vote utile!mais j'y regarderais à 2 fois!

9.Posté par Snyck le 15/04/2007 09:59
Extrait d'une interview d'Emmanuel Todd , dans LE MONDE du 15 Novembre 2006 :

"Nous sommes au début d’une crise. Cela va bouger très vite. Ce qui est nouveau, c’est que nous allons vers une rupture du système. Il y a l’exaspération des classes moyennes, et de vrais désarrois, de vraies paniques dans les milieux supérieurs, du fait de l’émergence de la Chine, puis de l’Inde.

Pourquoi les élites seraient-elles à ce point aveuglées ?

Marx parle de la fausse conscience. Des classes dirigeantes qui se refusent à voir parce qu’elles sont placées à un certain endroit privilégié dans la structure économique. (...) La vérité, c’est que l’on comprend beaucoup plus vite quand on souffre. (...) Mais ce qui est intéressant, c’est que le rejet remonte dans la structure sociale. Et que l’on répond aujourd’hui à la colère des classes moyennes par des candidats absurdes"
Emmanuel Todd visait à l'époque la candidature de N.Sarkozy et la perspective de la désignation de S.Royal.
A la veille du 1er tour , quelles perspectives propose la candidate aux classes moyennes paupérisées ?
Quelle réponse aux attentes suivantes ?
- baisse des prélèvements obligatoires ,
- aides aux TPE et non plus aux grandes entreprises ,
- création d'emplois peu qualifiés en franchise de charges,
- promotion de la création d'entreprises ( viables et non condamnées à terme par les charges ) et donc d'emplois.
- suppression de la taxe professionnelle etc..
Là sont les vrais enjeux pour dégripper le système , résorber le chomage , relancer la consommation , créer des richesses par l'effet de lévier sur les rentrées de TVA etc.
Ceci n'est pas une recette libérale mais une reflexion de bon sens au bénéfice final de tous les Français.

10.Posté par Snyck le 15/04/2007 12:33
En complément de ce je viens de dire , il ne faut pas s'étonner que bon nombre de nos concitoyens se rattachent à la fausse solution Bayrou qui apparait plus proche des réalités de tous les jours et déconnecté de par ses origines de la technostructure.On sent bien que le monde de l'entreprise n'est pas celui de la candidate. Je ne parle pas de celles du CAC 40 qui comptent bon nombre d'énarques et autres X mais des PME-PMI. , des commerçants , des artisans ( pas d'ASSEDIC si l'on échoue et la maison hypothéquée pour garantir le crédit du banquier , quelle retraite ?). Cela vaut aussi pour les Cadres , victimes du Libéralisme mondialisé et pressés comme des citrons par un certain patronat avide : les plus jeunes (sur)diplômés sont embauchés à des salaires indignes en attendant d'être virés dans quelques années pour les remplacer par des plus jeunes qui coûtent encore moins chers. On parle de mérite républicain mais avoir fait de longues études , les avoir financées parfois avec des petits boulots , l'effort financier des parents , et aboutir à ce constat sans en tirer les conséquences intelligibles dans son programme, c'est concrètement manquer de crédibilité pour promouvoir le Travail. Ces observations ne valent en rien négation de la necessité impérative d'améliorer la bien souvent minable condition faite aux salariés , ouvriers et employés du privé dont le sort est lié à la capacité pour les TPE , PME-PMI de dégager un minimum de bénéfice pour récompenser leurs efforts.L'Intéressement et la Participation sont bien souvent détournés . Il faut leur redonner un second souffle et dire"comment?". Redonner du pouvoir d'achat , c'est augmenter les salaires. Augmenter les salaires , c'est diminuer les charges au bénéfice de tous.Enfin , il faudra aussi quand même se poser la question qui fache la clientèle traditionnelle du PS : la remise à plat du rôle de l'Etat. Maintenir les services publics mais ne pasfermer les yeux sur les abus dont des retraites parfois injustes par rapport au privé , des traitements majorés scandaleux pour ceux des DOM-TOM , des avantages en nature d'ancien régime qui le sont tout autant pour certains hauts fonctionnaires et élus etc. Tout cela , les Français ne l'acceptent plus. Bref , on a besoin de Justice et de faire tomber quelques bastilles que la candidate la mieux placée à gauche semble bien ignorer à ce jour. On attend donc....mais pas trop longtemps...


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