Monsieur le Ministre,
J’étais de ceux qui trouvaient que le « grand emprunt » était une bonne idée : les Français épargnent beaucoup. Or, notre économie est stagnante. Elle s’est installée depuis plus de trois décennies dans un chômage de masse désespérant pour les jeunes. Notre pays se désindustrialise. Les délocalisations industrielles frappent beaucoup plus l’emploi que ne le prétendent des économistes myopes ou des faiseurs de rapport aux ordres, car pour évaluer leur impact, il faut prendre en compte les emplois que nos entreprises suppriment en France ou tout simplement ne créent pas, au regard de ceux qu’en revanche elles permettent à l’étranger, et notamment dans les pays à bas coût. C’est vraiment se moquer du monde que de soutenir, comme l’a fait un récent rapport du Conseil d’Analyse Economique à Mme Idrac, que l’implantation de nos entreprises à l’étranger a un impact positif sur l’emploi en France, alors qu’en 2009 nous avons perdu 470 000 emplois !
Les entreprises du CAC 40 n’ont pas créé d’emploi en France depuis cinq ans. Or l’Etat est pour elles aux petits soins. Nos multinationales ont leur logique : elles veulent profiter des très bas coûts salariaux et s’installer là où elles supputent la plus forte croissance dans les années à venir. Mais cette logique est mortifère pour l’économie française : elle contribue à la désindustrialisation et au tassement de notre croissance.
J’étais de ceux qui trouvaient que le « grand emprunt » était une bonne idée : les Français épargnent beaucoup. Or, notre économie est stagnante. Elle s’est installée depuis plus de trois décennies dans un chômage de masse désespérant pour les jeunes. Notre pays se désindustrialise. Les délocalisations industrielles frappent beaucoup plus l’emploi que ne le prétendent des économistes myopes ou des faiseurs de rapport aux ordres, car pour évaluer leur impact, il faut prendre en compte les emplois que nos entreprises suppriment en France ou tout simplement ne créent pas, au regard de ceux qu’en revanche elles permettent à l’étranger, et notamment dans les pays à bas coût. C’est vraiment se moquer du monde que de soutenir, comme l’a fait un récent rapport du Conseil d’Analyse Economique à Mme Idrac, que l’implantation de nos entreprises à l’étranger a un impact positif sur l’emploi en France, alors qu’en 2009 nous avons perdu 470 000 emplois !
Les entreprises du CAC 40 n’ont pas créé d’emploi en France depuis cinq ans. Or l’Etat est pour elles aux petits soins. Nos multinationales ont leur logique : elles veulent profiter des très bas coûts salariaux et s’installer là où elles supputent la plus forte croissance dans les années à venir. Mais cette logique est mortifère pour l’économie française : elle contribue à la désindustrialisation et au tassement de notre croissance.
On ne s’en sortira pas sans un investissement massif, à la fois public et privé. Sinon, nous ne pourrons pas offrir, demain, des emplois dignes de ce nom à notre jeunesse. Voilà pourquoi, a priori, l’idée du grand emprunt me paraissait une bonne idée, celui-ci étant le moyen de motiver l’épargne française au service de l’investissement, de la croissance et de l’emploi, en France.
Et puis il y a eu le rapport de MM. Juppé et Rocard et la transposition que vous en faites, à travers l’article 4 de la Loi de Finances rectificative.
J’avais souhaité un grand emprunt à hauteur de 60 milliards : trois points du PIB pour transformer l’épargne des Français en investissements d’avenir. Nous n’en sommes qu’à 22 milliards, un point du PIB, puisque 17 milliards proviennent du remboursement par les banques de fonds publics qui leur avaient été alloués. C’est mon premier motif de déception, mais ce n’est pas le seul !
Naïvement, je m’étais demandé comment rendre compatible cet effort, si modeste soit-il, avec les engagements que vous avez pris à Bruxelles de réduire le déficit budgétaire d’ici 2013 de cinq points du PIB, c’est-à-dire 100 milliards d’euros. Vous-même avez réclamé, Monsieur le Ministre, un effort d’économies budgétaires de 50 milliards, cure d’austérité qui va frapper d’abord les couches populaires et moyennes. La réponse à ma naïve question est simple : à l’examen, le « grand emprunt » est fait pour n’être pas consommé. Tel est d’ailleurs l’objet des mécanismes opaques que vous nous proposez.
Le grand emprunt ne sera qu’une usine à gaz de plus et il ne contribuera guère à la compétitivité de l’économie française.
D’abord il y a trop de dépenses non consomptibles (ou non consommables), 16 milliards sur 35 ! Que feront les dix universités heureusement élues des 5 milliards de dotations du « plan campus » ? Seuls les intérêts produits seront disponibles pour ces universités ! Et pour quoi faire ? Acquitter les redevances annuelles des futurs partenariats public-privé qui seront mis en œuvre pour rénover le patrimoine immobilier universitaire ! On aurait pu imaginer procédure plus rapide et plus efficace pour retaper les amphis !
Tout se passe comme si l’Etat, à travers le « grand emprunt », était appelé à financer le capital des Fondations d’universités pour compenser la ladrerie des grandes entreprises françaises.
Une seule exception : le milliard versé au plateau de Saclay pour conforter son rayonnement scientifique pourra être consommé intégralement : il est vrai que 40 % de notre potentiel scientifique s’y concentre déjà !
Une même procédure lente et inefficace se retrouve pour les cinq à dix « campus d’excellence ». L’ANR gardera et placera la dotation de 5,9 milliards et les campus dits d’excellence percevront seulement le revenu de ce placement. Le même schéma se retrouve encore pour le Fonds de valorisation de la recherche, 1 milliard non consomptible, les Instituts Carnot (500 M€ non consomptibles) et les Instituts de recherche technologique (2 milliards € consomptibles dans la limite de 25%). Le gouvernement a été très soucieux de fixer des règles qui empêchent la dépense publique. Quelle en est la raison ? Ne s’agirait-il pas d’une raison « maastrichtienne », c'est-à-dire très déraisonnable ? Tout cela, à seule fin de constituer des « actifs » pour l’Etat, promesse d’un étalement prolongé dans la durée du plan dit d’investissement.
Pour ce qui est des dépenses consomptibles -19 milliards- la procédure consiste à doter des opérateurs (Oseo, Ademe, Onera, CDC, etc. qui sélectionneront à leur tour les projets d’opérateurs de second rang, en fonction de cahiers des charges établis par le Commissaire général à l’investissement assisté par la Commission Juppé-Rocard. Là encore vous ne faites pas dans la simplicité et la dépense a vocation à être étalée sur plusieurs années. Que sera le rôle du Commissaire Général à l’Investissement ? Non pas de veiller à l’accélération de l’investissement, comme l’intitulé de sa fonction pourrait le laisser croire, mais s’assurer de la régularité de la procédure sous le contrôle du gouvernement. Question accessoire : pourquoi ne pas avoir placé le Commissaire Général à l’Industrialisation sous l’autorité du Ministre de la Relance ? Pourquoi faire simple, encore une fois, quand on peut faire compliqué ?
L’étalement sur plusieurs années des fonds consomptibles du « grand emprunt » dépendra du choix des opérateurs de second rang, sous le contrôle de la Commission Juppé-Rocard et en dernier ressort de l’Etat. Le grand emprunt ne sera-t-il pas une « poire pour la soif », très opportun dans les temps de grande disette budgétaire que vous nous promettez ? La montagne du « grand emprunt » aura ainsi accouché d’une souris !
Il n’est pas possible de laisser dans le flou les conditions dans lesquelles les fonds mobilisés pour le grand emprunt seront dépensés. Il ne suffit pas d’un « jaune » budgétaire publié chaque année sous la responsabilité conjointe du Commissaire général à l’Investissement et d’une Commission présidée par MM. Juppé et Rocard … C’est une curieuse idée que de mélanger ainsi les fonctions de proposition, de décision et d’évaluation. Quelle garantie donnez-vous d’un minimum d’impartialité de l’Etat ?
Ma seconde observation concernera le choix des affectations, même si elles sont réalisées au compte-goutte : en effet, le « grand emprunt », dont la charge incombera in fine à l’ensemble des contribuables, va concerner, en priorité, la recherche, l’enseignement supérieur, les hautes technologies et d’une manière générale les « pôles d’excellence », les thématiques d’excellence, les laboratoires d’excellence, etc. Quand l’excellence est partout, elle risque de n’être nulle part et on voit très bien où seront les bénéficiaires : dans les grandes métropoles, là où sont concentrés les cadres supérieurs. C’est de la redistribution à rebours !
Passe encore si vraiment le grand emprunt allait doper la compétitivité du pays ! Mais on ne peut qu’être très sceptique quant au lien entre les affectations d’investissement prévues et la compétitivité globale de l’économie. La liaison entre la dépense de formation et de recherche d’une part et la croissance d’autre part a pu être établi « ex-post », ainsi que l’ont montré les excellentes études de M. Philippe Aguilhon. Mais ce qui fait l’apport d’une université à la croissance du pays sont-ce ses investissements patrimoniaux ? Ne sont-ce pas surtout les qualités des professeurs et des enseignants et par conséquent le prix qu’on les paye ? Le rapporteur de la Commission des Finances du Sénat, M. Marini, a montré que la dépense universitaire – 1,3 % du PIB en France – nous met loin derrière l’effort fait aux Etats-Unis ou dans les pays scandinaves : 2,2 % du PIB. L’effet de rattrapage sera réduit, comme l’a observé M. Marini et l’effet sur la croissance potentielle très faible, de l’ordre de 0,1 % par an, selon votre rapporteur, et quasiment infinitésimal après 2014.
Ce grand emprunt, Monsieur le Ministre, aurait pu être un moyen de stopper la désindustrialisation accélérée du pays. A côté de quelques initiatives utiles : financement des entreprises innovantes, renforcement d’Oseo, soutien des pôles de compétitivité, comment ne pas s’étonner de voir que 185 Millions d’euros seulement sont prévus, à la suite des « Etats Généraux de l’Industrie » réunis, en octobre dernier, à grands sons de trompe, à l’initiative du Président de la République, pour financer, sous forme d’avances remboursables, un « dispositif – je cite – en faveur de la relocalisation compétitive d’entreprises industrielles ». On croît rêver : c’est vraiment l’Himalaya accouchant d’un souriceau ! Ce n’est pas ainsi, Monsieur le Ministre, qu’on va enrayer la désindustrialisation.
De celle-ci en effet, les vraies causes sont ailleurs : elles sont dans les règles du jeu biaisées que nos dirigeants ont acceptées depuis plus de deux décennies : libération totale des capitaux, y compris à l’égard des pays tiers, ouverture incontrôlée du marché européen, démantèlement, au nom de la concurrence, de politiques industrielles, choix d’une monnaie surévaluée. Ces règles du jeu conduisent nos grandes firmes à privilégier l’investissement à l’étranger et d’abord dans les pays à bas coût. Nous sommes désarmés par l’euro fort, face aux dévaluations compétitives du dollar, du yuan et de la livre britannique.
Nos multinationales n’ont aucune raison de changer de comportement tant que les responsables politiques n’auront pas changé les règles du jeu. Avec ce « grand emprunt », le gouvernement n’en prend pas le chemin. Au contraire, loin d’être un outil de redressement, le « grand emprunt », par ses modalités mêmes, se coule dans le moule de ces règles nocives.
J’aurais aimé pouvoir applaudir à cette initiative. Votre grand emprunt risque bien de rester – et je le regrette - comme une « grande illusion ». Hélas, Monsieur le Ministre, n’est pas Renoir qui veut : toute cette tuyauterie compliquée est certes une œuvre, mais de bureaucrates, dont l’art suprême consiste à contourner les règles, désormais caduques, posées jadis par le traité de Maastricht. Plus que le chef d’œuvre cinématographique de Renoir, leur art évoque ces grandes structures de ferraille tordue, à travers lesquelles les plasticiens contemporains nous donnent à contempler l’infini du Vide !
Et puis il y a eu le rapport de MM. Juppé et Rocard et la transposition que vous en faites, à travers l’article 4 de la Loi de Finances rectificative.
J’avais souhaité un grand emprunt à hauteur de 60 milliards : trois points du PIB pour transformer l’épargne des Français en investissements d’avenir. Nous n’en sommes qu’à 22 milliards, un point du PIB, puisque 17 milliards proviennent du remboursement par les banques de fonds publics qui leur avaient été alloués. C’est mon premier motif de déception, mais ce n’est pas le seul !
Naïvement, je m’étais demandé comment rendre compatible cet effort, si modeste soit-il, avec les engagements que vous avez pris à Bruxelles de réduire le déficit budgétaire d’ici 2013 de cinq points du PIB, c’est-à-dire 100 milliards d’euros. Vous-même avez réclamé, Monsieur le Ministre, un effort d’économies budgétaires de 50 milliards, cure d’austérité qui va frapper d’abord les couches populaires et moyennes. La réponse à ma naïve question est simple : à l’examen, le « grand emprunt » est fait pour n’être pas consommé. Tel est d’ailleurs l’objet des mécanismes opaques que vous nous proposez.
Le grand emprunt ne sera qu’une usine à gaz de plus et il ne contribuera guère à la compétitivité de l’économie française.
D’abord il y a trop de dépenses non consomptibles (ou non consommables), 16 milliards sur 35 ! Que feront les dix universités heureusement élues des 5 milliards de dotations du « plan campus » ? Seuls les intérêts produits seront disponibles pour ces universités ! Et pour quoi faire ? Acquitter les redevances annuelles des futurs partenariats public-privé qui seront mis en œuvre pour rénover le patrimoine immobilier universitaire ! On aurait pu imaginer procédure plus rapide et plus efficace pour retaper les amphis !
Tout se passe comme si l’Etat, à travers le « grand emprunt », était appelé à financer le capital des Fondations d’universités pour compenser la ladrerie des grandes entreprises françaises.
Une seule exception : le milliard versé au plateau de Saclay pour conforter son rayonnement scientifique pourra être consommé intégralement : il est vrai que 40 % de notre potentiel scientifique s’y concentre déjà !
Une même procédure lente et inefficace se retrouve pour les cinq à dix « campus d’excellence ». L’ANR gardera et placera la dotation de 5,9 milliards et les campus dits d’excellence percevront seulement le revenu de ce placement. Le même schéma se retrouve encore pour le Fonds de valorisation de la recherche, 1 milliard non consomptible, les Instituts Carnot (500 M€ non consomptibles) et les Instituts de recherche technologique (2 milliards € consomptibles dans la limite de 25%). Le gouvernement a été très soucieux de fixer des règles qui empêchent la dépense publique. Quelle en est la raison ? Ne s’agirait-il pas d’une raison « maastrichtienne », c'est-à-dire très déraisonnable ? Tout cela, à seule fin de constituer des « actifs » pour l’Etat, promesse d’un étalement prolongé dans la durée du plan dit d’investissement.
Pour ce qui est des dépenses consomptibles -19 milliards- la procédure consiste à doter des opérateurs (Oseo, Ademe, Onera, CDC, etc. qui sélectionneront à leur tour les projets d’opérateurs de second rang, en fonction de cahiers des charges établis par le Commissaire général à l’investissement assisté par la Commission Juppé-Rocard. Là encore vous ne faites pas dans la simplicité et la dépense a vocation à être étalée sur plusieurs années. Que sera le rôle du Commissaire Général à l’Investissement ? Non pas de veiller à l’accélération de l’investissement, comme l’intitulé de sa fonction pourrait le laisser croire, mais s’assurer de la régularité de la procédure sous le contrôle du gouvernement. Question accessoire : pourquoi ne pas avoir placé le Commissaire Général à l’Industrialisation sous l’autorité du Ministre de la Relance ? Pourquoi faire simple, encore une fois, quand on peut faire compliqué ?
L’étalement sur plusieurs années des fonds consomptibles du « grand emprunt » dépendra du choix des opérateurs de second rang, sous le contrôle de la Commission Juppé-Rocard et en dernier ressort de l’Etat. Le grand emprunt ne sera-t-il pas une « poire pour la soif », très opportun dans les temps de grande disette budgétaire que vous nous promettez ? La montagne du « grand emprunt » aura ainsi accouché d’une souris !
Il n’est pas possible de laisser dans le flou les conditions dans lesquelles les fonds mobilisés pour le grand emprunt seront dépensés. Il ne suffit pas d’un « jaune » budgétaire publié chaque année sous la responsabilité conjointe du Commissaire général à l’Investissement et d’une Commission présidée par MM. Juppé et Rocard … C’est une curieuse idée que de mélanger ainsi les fonctions de proposition, de décision et d’évaluation. Quelle garantie donnez-vous d’un minimum d’impartialité de l’Etat ?
Ma seconde observation concernera le choix des affectations, même si elles sont réalisées au compte-goutte : en effet, le « grand emprunt », dont la charge incombera in fine à l’ensemble des contribuables, va concerner, en priorité, la recherche, l’enseignement supérieur, les hautes technologies et d’une manière générale les « pôles d’excellence », les thématiques d’excellence, les laboratoires d’excellence, etc. Quand l’excellence est partout, elle risque de n’être nulle part et on voit très bien où seront les bénéficiaires : dans les grandes métropoles, là où sont concentrés les cadres supérieurs. C’est de la redistribution à rebours !
Passe encore si vraiment le grand emprunt allait doper la compétitivité du pays ! Mais on ne peut qu’être très sceptique quant au lien entre les affectations d’investissement prévues et la compétitivité globale de l’économie. La liaison entre la dépense de formation et de recherche d’une part et la croissance d’autre part a pu être établi « ex-post », ainsi que l’ont montré les excellentes études de M. Philippe Aguilhon. Mais ce qui fait l’apport d’une université à la croissance du pays sont-ce ses investissements patrimoniaux ? Ne sont-ce pas surtout les qualités des professeurs et des enseignants et par conséquent le prix qu’on les paye ? Le rapporteur de la Commission des Finances du Sénat, M. Marini, a montré que la dépense universitaire – 1,3 % du PIB en France – nous met loin derrière l’effort fait aux Etats-Unis ou dans les pays scandinaves : 2,2 % du PIB. L’effet de rattrapage sera réduit, comme l’a observé M. Marini et l’effet sur la croissance potentielle très faible, de l’ordre de 0,1 % par an, selon votre rapporteur, et quasiment infinitésimal après 2014.
Ce grand emprunt, Monsieur le Ministre, aurait pu être un moyen de stopper la désindustrialisation accélérée du pays. A côté de quelques initiatives utiles : financement des entreprises innovantes, renforcement d’Oseo, soutien des pôles de compétitivité, comment ne pas s’étonner de voir que 185 Millions d’euros seulement sont prévus, à la suite des « Etats Généraux de l’Industrie » réunis, en octobre dernier, à grands sons de trompe, à l’initiative du Président de la République, pour financer, sous forme d’avances remboursables, un « dispositif – je cite – en faveur de la relocalisation compétitive d’entreprises industrielles ». On croît rêver : c’est vraiment l’Himalaya accouchant d’un souriceau ! Ce n’est pas ainsi, Monsieur le Ministre, qu’on va enrayer la désindustrialisation.
De celle-ci en effet, les vraies causes sont ailleurs : elles sont dans les règles du jeu biaisées que nos dirigeants ont acceptées depuis plus de deux décennies : libération totale des capitaux, y compris à l’égard des pays tiers, ouverture incontrôlée du marché européen, démantèlement, au nom de la concurrence, de politiques industrielles, choix d’une monnaie surévaluée. Ces règles du jeu conduisent nos grandes firmes à privilégier l’investissement à l’étranger et d’abord dans les pays à bas coût. Nous sommes désarmés par l’euro fort, face aux dévaluations compétitives du dollar, du yuan et de la livre britannique.
Nos multinationales n’ont aucune raison de changer de comportement tant que les responsables politiques n’auront pas changé les règles du jeu. Avec ce « grand emprunt », le gouvernement n’en prend pas le chemin. Au contraire, loin d’être un outil de redressement, le « grand emprunt », par ses modalités mêmes, se coule dans le moule de ces règles nocives.
J’aurais aimé pouvoir applaudir à cette initiative. Votre grand emprunt risque bien de rester – et je le regrette - comme une « grande illusion ». Hélas, Monsieur le Ministre, n’est pas Renoir qui veut : toute cette tuyauterie compliquée est certes une œuvre, mais de bureaucrates, dont l’art suprême consiste à contourner les règles, désormais caduques, posées jadis par le traité de Maastricht. Plus que le chef d’œuvre cinématographique de Renoir, leur art évoque ces grandes structures de ferraille tordue, à travers lesquelles les plasticiens contemporains nous donnent à contempler l’infini du Vide !