Europe 1 - Europe 1 midi (41.28 Mo)
- Le référendum grec marque la fin d'une certaine Europe. Ce non très fort aura des conséquences, contrairement aux non français ou hollandais de 2005 qui avaient été enterrés à travers le traité de Lisbonne. Là c'est difficile de faire comme s'il ne s'était rien passé.
- Les grecs ont refusé le diktat des créanciers. A la base de tout, il y a l'échec de la médecine qui avait été appliquée à la Grèce. La Grèce a perdu ¼ de son PIB, ce qui a entraîné une explosion de son ratio d'endettement : 177% du PIB, une dette qui ne pourra pas être remboursée totalement.
- Le problème posé n'est pas tellement celui de la Grèce mais de la monnaie unique elle-même. C'est une hérésie au départ. Une idée mal conçue. Elle juxtapose trop de pays hétérogènes. La Grèce est un cas limite, mais c'est vrai aussi avec le Portugal, avec l'Espagne, avec l'Italie, et même avec la France, dont le déficit avec l'Allemagne s'est creusé considérablement. Cette zone monétaire aboutit à ce que la richesse se concentre en un pôle et que la pauvreté grandit à l'autre. Cela ne marche pas.
- Il faudrait avoir une monnaie commune, symbolisant ce que nous voulons faire ensemble, et garder des monnaies nationales à usage interne.
- Ceci est un raisonnement d'économiste. De façon politique, pour répondre au non grec, il faut d'abord se mettre autour d'une table, et provisoirement avoir un mauvais accord, car il ne peut pas y avoir de bon accord, compte tenu de ce que je viens de dire. Ensuite il faudra examiner la dette grecque. Naturellement vous entendrez les Allemands qui s'exprimeront haut et fort pour dire que la Grèce doit sortir.
- François Hollande plaidera pour le maintien de la Grèce dans l'euro, mais avec peu de chance d'infléchir les oligarchies financières en général, et la détermination allemande. On va aller vers peut-être un mauvais accord politique mais le bon sens serait de s'acheminer vers un « grexit amical », une sortie de la Grèce de l'euro accompagnée. On créerait un euro-drachme qui serait lié à l'euro, on dévaluerait de 30%, et cela donnerait à la Grèce une possibilité de voir croître son économie, d'attirer davantage de touristes, de rétablir une balance agricole excédentaire, de développer des services, de l'armement. La Grèce a beaucoup d'atouts !
- Il faudrait pouvoir aider la Grèce à retrouver sa compétitivité, et écrêter sa dette dans les mêmes proportions que la dévaluation.
- Je ne joindrais jamais ma voix à ceux qui disent « A mort, A mort, qu'on les sorte ! » à propos de la Grèce. On doit se comporter autrement. L'erreur est partagée, et même son origine c'est l'Allemagne. C'est l'Allemagne qui a voulu imposer la règle d'or à tous les autres, mais tous les pays ne sont pas l'Allemagne, n'ont pas une industrie surpuissante.
- Là où je suis en désaccord avec Macron c'est que je ne crois pas que l'euro monnaie unique soit viable. Ce qui se produit aujourd'hui avec la Grèce demain se produira avec l'Espagne, le Portugal, peut être la France, et par conséquent je pense qu'il faudrait une conférence monétaire des pays de la zone euro pour remettre sur pied l'organisation monétaire de l'Europe, et prévoir que tous les pays recréerait une subdivision nationale d'un euro qui serait la monnaie commune utilisée dans les échanges internationaux. Cela montrerait que l'on garde le cap de l'unité européenne, mais cela donnerait de la souplesse.
- Ce qui arrive aujourd'hui à la Grèce pourrait arriver à d'autres pays. Le Portugal a perdu 15% de PNB, l'Italie 9%, la France stagne. Ce sont de très mauvais résultats. Quand on se trompe, et la monnaie unique est bâtie sur une erreur de conception, elle juxtapose des pays qui ne sont pas dans la même situation, il faut repartir des réalités. Je ne propose pas d'expulser la Grèce de la zone euro, les Grecs n'ont pas souhaité cela, mais de faire un grexit amical.
- Je connais par expérience la rigidité, le dogmatisme, l’apprêté de nos oligarchies. Je vois aussi l'Allemagne dont M. Kohl disait qu'il valait mieux une Allemagne européenne qu'une Europe allemande : eh bien nous y sommes ! Au pied du mur ! Et je souhaite que Mme Merkel fasse preuve d'un peu de flexibilité, gagne un peu de temps, pour qu'on puisse trouver des solutions adaptées, qui redonnent l'espérance, non pas seulement au peuple grec, mais à tous les autres, y compris le notre !
- Je suis dans une disposition amicale à l'égard de la Grèce, qui a montré dans l'histoire à plusieurs reprises son courage. Nous lui devons après tout beaucoup : la démocratie, le nom même d'Europe... Sans la Grèce, il manque quelque chose à l'Europe. Ne cassons pas tout : essayons de faire prévaloir le langage de la raison.
- J'ai combattu le traité de Maastricht en 1992, le traité Constitutionnel en 2005, le TSCG en 2012. Il y a une grande constance dans mes positions. Mais je m'exprime de façon rationnelle et argumentée, avec le souci de trouver une solution qui préserve l'idée d'Europe à laquelle je suis attachée. Je critique ses modalités, la façon dont on a construit l'Europe, qui est profondément erronée, parce qu'on a voulu la construire à la place des nations, et pas avec elles.