Rédigé par Chevenement.fr le Jeudi 25 Mars 2010 à 19:07 | Lu 3672 fois
1.Posté par
SEDAT Reynaldo le 26/03/2010 21:29
[...] Le nouveau traité de désarmement "START" prévoyant de limiter à 1550 le nombre d'ogives nuclaires déployées,sera signé le 08 avril à Prague par les Présidents Barack Obama et Dmitri Medvedev,ce Barack Obama est un géant,il réussi tout ce qu'il veut,d'autant plus que sa "Réforme de la santé" vient d'être adoptée...!
2.Posté par
Clément Lacaille le 13/04/2010 18:16
Le rapport présenté par Jean-Pierre Chevènement est excellent, en raison de son exhaustivité, de sa précision, et de la pertinence de ses propositions.
A lire par tous ceux qui souhaitent parler sérieusement du désarmement.
En contre point des questions en rapport avec le TNP, voici mes réflexions concernant l'accord START II signé entre B. OBAMA et D. MEDVEDEV.
Lorsque dans son discours d’avril 2009 B.Obama exprima son souhait d’un monde « sans armes nucléaires », cet acte de communication hautement séducteur eut un grand retentissement sur ceux qui préfèrent cultiver leur sentimentalisme à l’examen lucide des réalités. Il faut reconnaître que sa parole rompait avec la vision belliciste unilatérale de son prédécesseur, et qu’elle se plaçait dans une perspective à long terme. L’annonce de ce nouvel accord américano-russe suscitait donc l’attente d’un progrès important dans la voie du désarmement.
Le texte signé le 8 avril n’est pas à la hauteur de cet espoir. Qu’apporte-t-il de nouveau ? Le traité SORT de 2002 fixait un plafond de 1700 à 2200 têtes nucléaires déployées fin 2012 ; START II abaisse ce plafond à 1550 pour 2017, soit 20 % de moins par rapport à la moyenne de l’engagement précédent et 5 ans plus tard, ce qui équivaut à une progression théorique de 4 % par an… De plus, les silences de SORT sont maintenus. Seules sont comptabilisées les têtes stratégiques déployées, et rien sur les têtes en réserve, rien sur les têtes en attente de démantèlement ( et rien n’empêche de faire glisser une arme d’une catégorie dans l’autre…), et rien non plus sur les armes dites « tactiques ». Contrairement à l’accord START I de 1991, il y a confusion entre les têtes et les vecteurs (avions et missiles), ce qui permet de compter une unité pour un vecteur qui porte plusieurs têtes…
Curieusement, la question capitale de la Défense Anti-Missile Balistique (DAMB) des USA n’est pas traitée. Or les autorités russes ont maintes fois déclaré qu’un accord sur la réduction des armes nucléaires était conditionné par un lien explicite entre ces armes offensives et cette DAMB qui contrecarre la logique de la dissuasion ; l’opposition des russes à l’installation de ce type de défense en Europe était la cause du retard dans la conclusion de l’Accord prévue fin 2009. Les américains assurent que l’Accord laisse intact leur projet de défense anti-missile, tandis que de leur côté les russes laissent entendre le contraire. Cette ambiguïté n’est pas de bon augure.
Un autre texte vient renforcer la déception suscitée par START II : la publication, le même jour, de la Nuclear Posture Review 2010, document qui actualise la doctrine officielle des USA concernant les armements nucléaires, qui engage pour une dizaine d’année, la précédente datant de 2001, et attendue avec attention suite aux déclarations d’Obama. La nouveauté est là aussi quasiment nulle. La seule inflexion notable porte sur le caractère fondamentalement dissuasif du nucléaire : les USA s’engagent à ne pas employer ces armes contre des Etats dépourvus d’armes nucléaires, et seulement en riposte à une agression nucléaire, engagement qui pourrait être révoqué en cas d’agression majeure de nature biologique…
Par ailleurs, les grandes lignes de la dissuasion américaine de 2001 sont confirmées et ne vont pas dans le sens d’un abaissement des tensions internationales. Certes la part du nucléaire diminue sensiblement dans l’ensemble du dispositif, assorti toutefois d’une volonté de le moderniser et de prévoir la production d’armes supplémentaires de manière plus réactive si les circonstances le justifient. Mais en contrepartie les deux autres piliers de la dissuasion, déjà contenus dans la NPR 2001, sont privilégiés. D’une part la Défense Anti-Missile de territoire continue de faire l’objet d’investissements considérables et est appelée à s’étendre ; les USA vont y impliquer les Etats dans l’OTAN. Or un bouclier protégeant contre les missiles, bien qu’aléatoire, affaiblit la dissuasion dont disposent les tiers et augmente d’autant l’invulnérabilité et le bellicisme potentiel de la puissance qui le met en place.
D’autre part la Dissuasion Conventionnelle fait elle aussi de remarquables progrès. La précision du renseignement, du guidage et de la puissance choisie est telle que des frappes « chirurgicales » sur des sites névralgiques peuvent obtenir des résultats décisifs au moindre coût financier, et surtout en évitant le scandale planétaire que provoquerait une arme nucléaire si son emploi n’apparaissait pas justifié par une atteinte aux intérêts vitaux. Le maniement des armes conventionnelles, psychologique ou réel, nous ramène dans des comportements plus faciles à gérer ! Les USA entreprennent de dénucléariser un certain nombre de missiles balistiques ou de croisière afin de disposer d’une panoplie d’armes de bataille, et non plus de stricte dissuasion, leur assurant une énorme supériorité sur la plupart des autres Etats. Le programme « Prompt Global Strike » -appellation d’une parfaite clarté- leur confère la capacité de frapper n’importe où dans le monde avec un préavis inférieur à 1 heure ! Ce choix de politique de défense est lui aussi ce qui se fait de mieux pour accroître le sentiment de vulnérabilité et de menace qui alimente la montée en puissance généralisée des arsenaux dans le monde.
La combinaison de ces deux piliers est dangereuse. Le maniement du glaive est d’autant plus facile, donc probable, que son détenteur se sent à l’abri des ripostes de ses adversaires, et lorsque ce détenteur est une hyperpuissance sur le déclin et obsédée par sa sécurité comme le sont les Etats-Unis actuellement, le risque de sa mise en œuvre n’est pas un fantasme. En outre cette stratégie favorise l’argument aussi fallacieux que séduisant de la suppression des armes nucléaires, récupérant ainsi le courant abolitionniste et le rapport Evans-Kawaguchi dont l’influence est évidente sur les opinions publiques médiatisées. Si par une extraordinaire révolution pacifiste les armes nucléaires étaient supprimées, ce bouclier et la dissuasion conventionnelle donneraient aux USA une supériorité et une invulnérabilité quasiment absolues ! Les bonnes intentions sont toujours aussi nombreuses en enfer…
Ainsi ces deux actes significatifs pour le désarmement que sont START II et la NPR ne sont pas de nature à provoquer la dynamique positive qui serait nécessaire pour enrayer les tensions internationales et diminuer la course aux armements. Le déséquilibre des forces entre le couple USA-Russie et les autres puissances se prolonge et favorise les investissements militaires délirants des Etats émergents.
Cette inertie va peser le mois prochain sur la Conférence d’examen quinquennale du Traité de Non-Prolifération nucléaire, autre événement capital. Il me semble que l’amélioration du climat entre les Etats avance à la même vitesse et dans le même sens que la capacité à réduire la détérioration du climat météorologique. Par contraste, la crise économique et sociale progresse vite et va s’accélérer ; or des relations multiples les unissent… Si au moins cette conférence était pour la France l’occasion de faire entendre une voix ferme, constructive et personnelle… Mais nos dirigeants en ont-ils la volonté ?
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