Carnet de Jean-Pierre Chevènement

La vérité de M. Monti sur l’affaire Alstom : mensonges, bras de fer et coups tordus



M. Monti, ancien Commissaire européen à la concurrence, publie aujourd’hui dans le Figaro un article intitulé « Ma vérité sur l’affaire Alstom », intéressant à plus d’un titre :

1) D’abord il confirme que ce n’est pas M. Sarkozy qui est à l’origine du « sauvetage d’Alstom » en 2003. Dans le gouvernement Raffarin, le ministre de l’Economie et des Finances est alors M. Mer et je suis bien placé pour savoir que l’impulsion venait du Président de la République lui-même que j’avais alerté le 23 mai 2003 sur la situation critique d’Alstom.

2) M. Monti développe une argumentation spécieuse concernant l’entrée de l’Etat au capital d’Alstom. Il reconnait d’abord que la Commission européenne doit rester « strictement neutre quant au régime de propriété des entreprises –publique ou privée- » mais il admet aussi qu’au nom de la « concurrence », il s’oppose d’abord à l’entrée de l’Etat au capital d’Alstom, entamant ensuite une négociation tracassière avec M. Mer et le PDG d’Alstom, M. Kron pour « réduire les désavantages concurrentiels infligés aux autres producteurs européens » (c’est-à-dire Siemens pour l’essentiel). C’est alors qu’au printemps 2004, M. Sarkozy, devenu entre temps Ministre de l’Economie et des Finances, et escorté de Cécilia, fait, selon M. Monti, « irruption dans le dossier ».

M. Monti finit par accepter la recapitalisation d’Alstom pour quatre ans par l’Etat à hauteur de 20 %, moyennant 1,6 milliard d’euros de cessions d’actifs (pour l’essentiel les turbines industrielles à Siemens et les Chantiers de l’Atlantique au norvégien Aker Yards qui entend désormais s’en débarrasser au profit d’un fonds de pensions anglo-saxon). Rudes exigences en contrepartie d’une participation publique de 200 M€ !

M. Monti demande également qu’Alstom noue des partenariats industriels : ce qu’il fera, deux ans plus tard, non pas avec Siemens mais avec Bouygues qui a remplacé l’Etat au capital. Ces exigences ont-elles quelque chose à voir avec la concurrence ? M. Monti se retranche avantageusement derrière « nos règles communes » et appelle au secours « les petits pays » qui pourraient prendre ombrage de l’intervention de « leaders politiques forts et déterminés dans les grands pays ». Cette présentation des choses est insupportable. Elle fait mieux comprendre les ressorts du « non » français au référendum du 29 mai 2005. Curieusement, on omet d’en parler lors des cérémonies commémoratives du cinquantième anniversaire du traité de Rome...

3) M. Monti nie par ailleurs avoir jamais demandé la fermeture d’aucun site d’Alstom qu’il présente curieusement comme « le groupe de Belfort ». M. Monti en est resté aux années quatre-vingt dix, quand Alstom employait 8 400 personnes à Belfort. L’effectif n’y est plus aujourd’hui que de 2 800. Alstom emploie en Europe 25 000 personnes. Cette focalisation sur Belfort est étrange. M. Sarkozy, quand il s’est rendu dans notre ville, a déclaré publiquement devant une dizaine d’élus franc-comtois, que M. Monti lui avait demandé la fermeture du site de Belfort. Je ne pense pas qu’il l’ait inventé.

* *

Il est grand temps que l’Union européenne revoie ses règles en matière de concurrence et qu’en la matière, la Commission soit remplacée par une autorité indépendante. Cela mettra un terme à la boulimie de pouvoirs de la Commission et aux « bras de fer » insupportables destinés à faire « plier » un Etat (en l’occurrence la France) devant une instance qui se prend pour le gouvernement de l’Europe.

Il serait temps aussi que l’Union européenne, comme le propose Ségolène Royal, fasse sienne le concept de « politique industrielle », même si celui-ci est considéré comme un gros mot par les parangons du libéralisme doctrinaire.

« La vérité de M. Monti sur l’affaire Alstom » met en relief tout ce avec quoi l’Europe doit rompre : mensonges, bras de fer et coups tordus au nom d’un dogmatisme libéral et réactionnaire et d’une frénésie de pouvoir bureaucratique.


Rédigé par Jean-Pierre Chevènement le Vendredi 23 Mars 2007 à 18:32 | Lu 6980 fois



1.Posté par Hayahaya le 24/03/2007 14:50
Encore merci pour votre travail d'education citoyenne, Mr Chevenement

2.Posté par GRINDA Yvon le 24/03/2007 15:35
A chacun son échelle !
Je suis chef d'entreprise d'une petite PME , mais aussi chevènementiste depuis 1969.
La commission de Bruxelles (Directive 91/414) m'impose de lui fournir des dossiers sur une molécule végétale connue depuis 1905
dont je suis le seul extracteur européen.
Nous avons des dossiers prouvant l'inocuité de cette molécule qui sont refusés parcequ'ils ne sont pas GLP (Good Laboratory Practise) car datant des années 1980-90 où cet agrément n'existait pas.
Or, comme par hasard, les sociétés consultantes (ou de "consulting" puisque tout le monde parle anglais) sont toutes d'origine britannique et les normes imposées sont dupliquées
(aussi comme par hasard) sur les Normes de l'E.P.A. (Environment Protection Agency) des U.S.A.
Les grandes multinationales n'y voient rien à redire puisque c'est eux-même qui fixent des normes draconiennes pour se retrouver en situation de monopole....alors que dans les médias qui sont à leur "botte" on nous vente la libre concurrence !
Aprés 30 ans de travail (et exportant dans le monde entier) je suis en période de licenciements avant la "dead-line" (c'est à dire la date butoir imposé par notre propre Ministère ! ).
Désabusé, avez vous dit ?





3.Posté par Snyck le 24/03/2007 21:13
Personne ne doute de l'opportunité de défendre notre outil industriel mais qui défend les PME-PMI , TPE , artisans , commeçants , notamment à la campagne , submergées de tracasseries en tous genres , de charges démesurées. Celui ou celle qui l'aura compris gagnera les élections . Baissez les charges , mettez en mesure de créer des emplois , supprimez la taxe pro , probablement quelques voitures de fonction et beaucoup de privilèges. Il reste peu de temps en terme de programme .D'accord sur le drapeau et la Marseillaise mais c'est un peu court tout cela jusqu'à présent.Réhabilitez le travail , le mérite , le reste , pour le moment ne nous parle pas car votre mutisme aux uns et aux autres crée de plus en plus de frustrations.Nous ne nous faisons guère d'illusions mais c'est on jamais , le bénéfice du doute. Probablement pas suffisant. Il faudra contractualiser tout cela et nous serons vigileants.

4.Posté par lienemann le 24/03/2007 22:56
Si Yvon grinda le souhaite, je peux tenter, avec d'autres députés européens, de harceler la commission européenne sur ses demandes. En effet je constate comme lui que dans de nombreux domaines( en particulier les études d'impact financées par la commission ), ce sont des bureaux d'études anglo-saxon qui sont la plupart du temps retenus. ne nous résignons pas!

5.Posté par Cabanel Shéhérazade le 25/03/2007 11:16
C'est une question de lobbys que les anglo-saxons savent très bien utiliser. J'ai appris que depuis le début, la France au lieu d'envoyer ses meilleurs recrues à Bruxelles se contentait à présence quotidienne, de quelques fonctionnaires sans aucun moyen.
Là est la différence que l'on devine à travers votre triste expérience.
La France parle d'Europe mais les Britanniques pour ne citer qu'eux utilisent très bien l'Europe à leur profit (tout en la critiquant, pas d'euro, un chèque dérogatoire).
Que l'Etat français envoient nos meilleurs délégués, pèsent avec des moyens mulitipliés sur les politiques de bruxelles. Et puis, -c'est énervant à la fin !- que l'Etat français arrête d'être présent uniquement pour la PAC comme si la france n'était qu'un grenier et une étable !
J'espère que S. Royal va gagner et qu'elle mettra sur la table les politiques de l'europe sur lesquelles il y a rapt néo-conservateur d'europe et d'outre atlantique.

6.Posté par Olivier le 25/03/2007 13:40
Il est nécessaire de défendre l'industrie française et européenne comme vous le soulignez depuis longtemps. L'avenir d'un pays ne peut reposer à 75% sur un secteur tertiaire fortement soumis à la conjoncture mondial, notamment en ce qui concerne le secteur touristique. La défense des industries nationales et la lutte contre les délocalisations doivent être des priorités pour retrouver le chemin de la croissance et de l'emploi. Sans oublier d'investir davantage dans la recherche et l'innovation.


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