La proposition de résolution déposée par MM Gaudin et Poniatowski constitue une nouvelle occasion de débattre de ce qu’on appelle la « transition énergétique ». La chose n’est pas nouvelle : Flaubert donnait déjà dans le « Dictionnaire des idées reçues », cette définition du mot « Epoque » : « la nôtre est une époque de transition ».
Il n’est pas douteux que le réchauffement climatique, le coût croissant des hydrocarbures et la perspective d’arrivée à maturité d’énergies nouvelles obligent à conduire une politique volontariste.
Mais la volonté politique doit être éclairée. Sur la question énergétique il y a certes beaucoup d’incertitudes mais il y a surtout beaucoup de préjugés ! Le nucléaire est ostracisé par les écologistes au nom d’un principe de précaution qui ne répond à aucune formulation scientifique et ne dit rien de plus que le proverbe de nos grands-mères : « Deux précautions valent mieux qu’une ».
Il n’est pas douteux que le réchauffement climatique, le coût croissant des hydrocarbures et la perspective d’arrivée à maturité d’énergies nouvelles obligent à conduire une politique volontariste.
Mais la volonté politique doit être éclairée. Sur la question énergétique il y a certes beaucoup d’incertitudes mais il y a surtout beaucoup de préjugés ! Le nucléaire est ostracisé par les écologistes au nom d’un principe de précaution qui ne répond à aucune formulation scientifique et ne dit rien de plus que le proverbe de nos grands-mères : « Deux précautions valent mieux qu’une ».
Or la France dans la crise de compétitivité qu’elle connaît et qu’a judicieusement analysée le rapport Gallois, ne peut ni négliger le coût des importations d’hydrocarbures bruts et raffinés soit 66 milliards d’euros en 2013, ni gaspiller l’atout que lui donne l’électricité la moins chère d’Europe, ce qui devrait constituer un avantage comparatif pour enrayer l’érosion de notre tissu industriel.
Il est temps, Monsieur le Ministre, d’introduire un peu de rigueur dans notre politique énergétique : on ne peut pas mettre tous les objectifs sur le même plan.
La priorité donnée aux énergies renouvelables sans prise en considération de leur coût est une hérésie. La production d’1 MWH dans le parc nucléaire actuel revient à 50 euros en prenant en compte les prévisions pour la déconstruction -19 milliards- ou pour le stockage des déchets ultimes à Bure -15 milliards-. En tenant compte des travaux préconisés par l’autorité de sureté nucléaire, on arrive à 55 euros le MWH.
Comparons avec le gaz 70 à 80 euros, l’éolien terrestre 80 à 85 euros, le photovoltaïque au sol : 120 à 150 euros, l’éolien offshore 150 à 250 euros.
Certes, ces énergies renouvelables – en dehors de l’éolien terrestres- ne sont pas arrivées à maturité. Mais la contribution au service public de l’électricité (CSPE) dont les 2/3 leur sont destinées, atteint déjà plusieurs milliards. Elle représente 15% du prix acquitté par le consommateur. En Allemagne ce coût dépasse 14 milliards d’euros l’an. Le nouveau ministre de l’énergie allemand, M Sigmar Gabriel vient de donner un coup de frein au développement des énergies renouvelables, le mois dernier (janvier 2014). La part des énergies fossiles dans la production d’électricité en Allemagne va demeurer stable au dessus de 60% pendant les dix prochaines années. La teneur en gaz carbonique du kwh est plus de dix fois supérieurs outre-rhin à ce qu’elle est en France. De nouvelles centrales au lignite (3GW) ou au charbon (5,3 GW) ont été ou vont y être mises en service cette année. On ne voit pas comment l’Allemagne pourra remplir l’objectif de -40% l’émission du GES en 2020 par rapport à 1999.
La facture d’électricité enfin pèse deux fois plus lourd en Allemagne qu’en France sur les ménages même si les industries bénéficient d’une exonération peu compatible avec les règles de la concurrence.
Mais il n’y a pas que le problème du coût : la caractéristique des énergies éolienne ou solaire est leur intermittence. Il faut donc effectuer des investissements pour le stockage de l’électricité - problème non résolu à ce jour - et pour les réseaux -60 milliards d’euros en Allemagne, d’ici 2020, selon le ministère de l’énergie. Bref en matière énergétique au moins l’Allemagne n’est pas un modèle à suivre ! Qui d’ailleurs paiera la facture des réseaux nécessaires à l’acheminement des flux au sein d’un « système électrique européen » ? Il faut aussi construire des centrales pour assumer la consommation de base naturellement plus forte la nuit que le jour. Rien ne peut remplacer du point de vue de la minimisation du coût de revient et de la faiblesse des émissions de gaz à effet de serre, les centrales nucléaires.
C’est pourquoi la prochaine loi de transition énergétique doit prévoir la prolongation à soixante ans des centrales existantes, moyennant les travaux de sûreté nécessaires ; cela donnera le temps de « voir venir ». J’ai entendu dire que la prochaine loi pourrait dissocier la procédure d’arrêt d’une centrale de la constitution d’un dossier de démantèlement. J’ose espérer que cette palinodie sera évitée. La fermeture du site de Fessenheim – plusieurs milliards d’euros – serait plus qu’un non-sens, alors que le gouvernement cherche 50 milliards d’économies. Je vous adjure, Monsieur le Ministre, de mesurer le signal désastreux qui serait ainsi donné aux pays étrangers qui nous observent.
Il faut au contraire prévoir la construction de nouveaux EPR car la France ne peut s’enfermer dans une stagnation économique durable et doit développer ses exportations d’électricité. Elle doit aussi mieux adapter son offre en construisant des réacteurs de 1000 MW, de préférence en coopération, car notre industrie doit aller là où est le marché. Il convient enfin de pousser les feux du projet Astrid, c’est-à-dire du réacteur de quatrième génération dont l’entrée en service industrielle n’interviendra sans doute pas avant 2040. Ce type de réacteur utilisant l’uranium 238, cent fois plus abondant que l’uranium 235, et réduisant très sensiblement les déchets à vie longue, serait une contribution majeure à un « mix énergétique » équilibré et extrêmement décarbonné.
Monsieur le Ministre, l’enjeu du climat peut nous réunir. Pour répondre à la consommation de base, le nucléaire seul n’émet pas de gaz à effet de serre. En 2015, vous aurez à obtenir l’accord de la Chine et des États-Unis à la conférence sur le climat qui se tiendra à Paris. Il faudra fixer un prix du carbone. Il pourra, un temps, être différencié. On sait cependant qu’en 2035 les émissions cumulées depuis les débuts de la révolution industrielle s’égaleront entre les pays de l’OCDE et les autres. Cette prévision peut peser en faveur du bon sens, c’est-à-dire d’un accord.
Monsieur le Ministre, malgré la découverte du gaz de schiste, les prix de l’énergie resteront durablement orientés à la hausse. Qu’il y ait lieu de mobiliser des moyens très importants pour améliorer l’efficacité énergétique dans le résidentiel existant, de concevoir pour cela un plan ambitieux, y compris en matière de formation professionnelle, nous tomberons facilement d’accord là-dessus. Sur la promotion de la recherche concernant le photovoltaïque qui pourrait trouver au Maghreb le terrain d’une expérimentation rentable, mais aussi la pile à combustible et l’économie de l’hydrogène, en coopération avec l’Allemagne, nous nous mettrons d’accord, si vous parvenez à dégager les crédits nécessaires. Mais pour cela, ne mettez pas l’argent dans des expérimentations non rentables et qui coûtent des milliards ! Surtout, Monsieur le Ministre, ne gâchez pas l’atout nucléaire de la France !
Je veux remercier, pour finir, MM. Gaudin et Poniatowski de l’occasion qu’ils ont donnée au Sénat de se pencher sur un dossier majeur, et à moi-même d’adresser un appel pressant à la cohérence gouvernementale. Celle-ci, pour convaincre, doit être marquée du sceau de la rigueur qui est d’abord une rigueur intellectuelle. Rien de ce que j’ai lu dans le projet de résolution déposé par MM. Gaudin et Poniatowski ne choque mon bon sens – c’est pourquoi je l’approuverai comme la grande majorité des sénateurs du RDSE : la réduction de notre consommation de combustibles fossiles doit être au cœur de la politique énergétique française pour les prochaines décennies. De cela nous ne désespérons pas de convaincre sinon toute la majorité, du moins sa principale composante qui se réclame encore de l’héritage des Lumières.
Il en va, Monsieur le Ministre, de la reconquête de notre compétitivité, c’est-à-dire de l’intérêt national, tel que l’a lui-même défini le Président de la République.
Il est temps, Monsieur le Ministre, d’introduire un peu de rigueur dans notre politique énergétique : on ne peut pas mettre tous les objectifs sur le même plan.
La priorité donnée aux énergies renouvelables sans prise en considération de leur coût est une hérésie. La production d’1 MWH dans le parc nucléaire actuel revient à 50 euros en prenant en compte les prévisions pour la déconstruction -19 milliards- ou pour le stockage des déchets ultimes à Bure -15 milliards-. En tenant compte des travaux préconisés par l’autorité de sureté nucléaire, on arrive à 55 euros le MWH.
Comparons avec le gaz 70 à 80 euros, l’éolien terrestre 80 à 85 euros, le photovoltaïque au sol : 120 à 150 euros, l’éolien offshore 150 à 250 euros.
Certes, ces énergies renouvelables – en dehors de l’éolien terrestres- ne sont pas arrivées à maturité. Mais la contribution au service public de l’électricité (CSPE) dont les 2/3 leur sont destinées, atteint déjà plusieurs milliards. Elle représente 15% du prix acquitté par le consommateur. En Allemagne ce coût dépasse 14 milliards d’euros l’an. Le nouveau ministre de l’énergie allemand, M Sigmar Gabriel vient de donner un coup de frein au développement des énergies renouvelables, le mois dernier (janvier 2014). La part des énergies fossiles dans la production d’électricité en Allemagne va demeurer stable au dessus de 60% pendant les dix prochaines années. La teneur en gaz carbonique du kwh est plus de dix fois supérieurs outre-rhin à ce qu’elle est en France. De nouvelles centrales au lignite (3GW) ou au charbon (5,3 GW) ont été ou vont y être mises en service cette année. On ne voit pas comment l’Allemagne pourra remplir l’objectif de -40% l’émission du GES en 2020 par rapport à 1999.
La facture d’électricité enfin pèse deux fois plus lourd en Allemagne qu’en France sur les ménages même si les industries bénéficient d’une exonération peu compatible avec les règles de la concurrence.
Mais il n’y a pas que le problème du coût : la caractéristique des énergies éolienne ou solaire est leur intermittence. Il faut donc effectuer des investissements pour le stockage de l’électricité - problème non résolu à ce jour - et pour les réseaux -60 milliards d’euros en Allemagne, d’ici 2020, selon le ministère de l’énergie. Bref en matière énergétique au moins l’Allemagne n’est pas un modèle à suivre ! Qui d’ailleurs paiera la facture des réseaux nécessaires à l’acheminement des flux au sein d’un « système électrique européen » ? Il faut aussi construire des centrales pour assumer la consommation de base naturellement plus forte la nuit que le jour. Rien ne peut remplacer du point de vue de la minimisation du coût de revient et de la faiblesse des émissions de gaz à effet de serre, les centrales nucléaires.
C’est pourquoi la prochaine loi de transition énergétique doit prévoir la prolongation à soixante ans des centrales existantes, moyennant les travaux de sûreté nécessaires ; cela donnera le temps de « voir venir ». J’ai entendu dire que la prochaine loi pourrait dissocier la procédure d’arrêt d’une centrale de la constitution d’un dossier de démantèlement. J’ose espérer que cette palinodie sera évitée. La fermeture du site de Fessenheim – plusieurs milliards d’euros – serait plus qu’un non-sens, alors que le gouvernement cherche 50 milliards d’économies. Je vous adjure, Monsieur le Ministre, de mesurer le signal désastreux qui serait ainsi donné aux pays étrangers qui nous observent.
Il faut au contraire prévoir la construction de nouveaux EPR car la France ne peut s’enfermer dans une stagnation économique durable et doit développer ses exportations d’électricité. Elle doit aussi mieux adapter son offre en construisant des réacteurs de 1000 MW, de préférence en coopération, car notre industrie doit aller là où est le marché. Il convient enfin de pousser les feux du projet Astrid, c’est-à-dire du réacteur de quatrième génération dont l’entrée en service industrielle n’interviendra sans doute pas avant 2040. Ce type de réacteur utilisant l’uranium 238, cent fois plus abondant que l’uranium 235, et réduisant très sensiblement les déchets à vie longue, serait une contribution majeure à un « mix énergétique » équilibré et extrêmement décarbonné.
Monsieur le Ministre, l’enjeu du climat peut nous réunir. Pour répondre à la consommation de base, le nucléaire seul n’émet pas de gaz à effet de serre. En 2015, vous aurez à obtenir l’accord de la Chine et des États-Unis à la conférence sur le climat qui se tiendra à Paris. Il faudra fixer un prix du carbone. Il pourra, un temps, être différencié. On sait cependant qu’en 2035 les émissions cumulées depuis les débuts de la révolution industrielle s’égaleront entre les pays de l’OCDE et les autres. Cette prévision peut peser en faveur du bon sens, c’est-à-dire d’un accord.
Monsieur le Ministre, malgré la découverte du gaz de schiste, les prix de l’énergie resteront durablement orientés à la hausse. Qu’il y ait lieu de mobiliser des moyens très importants pour améliorer l’efficacité énergétique dans le résidentiel existant, de concevoir pour cela un plan ambitieux, y compris en matière de formation professionnelle, nous tomberons facilement d’accord là-dessus. Sur la promotion de la recherche concernant le photovoltaïque qui pourrait trouver au Maghreb le terrain d’une expérimentation rentable, mais aussi la pile à combustible et l’économie de l’hydrogène, en coopération avec l’Allemagne, nous nous mettrons d’accord, si vous parvenez à dégager les crédits nécessaires. Mais pour cela, ne mettez pas l’argent dans des expérimentations non rentables et qui coûtent des milliards ! Surtout, Monsieur le Ministre, ne gâchez pas l’atout nucléaire de la France !
Je veux remercier, pour finir, MM. Gaudin et Poniatowski de l’occasion qu’ils ont donnée au Sénat de se pencher sur un dossier majeur, et à moi-même d’adresser un appel pressant à la cohérence gouvernementale. Celle-ci, pour convaincre, doit être marquée du sceau de la rigueur qui est d’abord une rigueur intellectuelle. Rien de ce que j’ai lu dans le projet de résolution déposé par MM. Gaudin et Poniatowski ne choque mon bon sens – c’est pourquoi je l’approuverai comme la grande majorité des sénateurs du RDSE : la réduction de notre consommation de combustibles fossiles doit être au cœur de la politique énergétique française pour les prochaines décennies. De cela nous ne désespérons pas de convaincre sinon toute la majorité, du moins sa principale composante qui se réclame encore de l’héritage des Lumières.
Il en va, Monsieur le Ministre, de la reconquête de notre compétitivité, c’est-à-dire de l’intérêt national, tel que l’a lui-même défini le Président de la République.