Comment expliquez-vous ce retour brutal du discours sécuritaire chez Nicolas Sarkozy ? Est-ce uniquement pour masquer les dégâts de l’affaire Woerth ou les conséquences de la politique de rigueur ?
Jean-Pierre Chevènement : La sécurité, pour M. Sarkozy, est un dérivatif. La question principale est la question économique. Nicolas Sarkozy a été pris à contre-pied depuis son élection par la crise du capitalisme financier mondialisé. Il est aujourd’hui face à une situation difficile du fait de la crise de l’euro et des plans de rigueur que l’Allemagne a réussi à imposer à tous les pays de la zone euro. Le rapport de forces entre la France et l’Allemagne et la pression des marchés financiers ne lui permettent guère que de raser les murs. L’irruption massive de ce discours sécuritaire a essentiellement pour but de masquer l’extrême difficulté d’une politique de rigueur qui doit, conformément aux exigences de Bruxelles et du pacte de stabilité, ramener le déficit de l’Etat de 8 à 3% du PIB, soit presque 100 milliards d’euros à économiser en trois ans. C’est impossible, même avec une croissance forte - qu’on ne voit pas à l’horizon. Et le concours de politiques de rigueur auxquels se livrent actuellement les gouvernements de la zone euro ne peut mener qu’à une récession catastrophique.
Et pour masquer cette réalité objective, le gouvernement décide donc de mettre le projecteur sur les roms et de multiplier les expulsions…
C’est le discours classique du bouc-émissaire. Il y a bien sûr des noyaux durs de délinquance, je connais le dossier, mais on ne peut pas assimiler l’ensemble des roms à ces délinquants. On ne peut pas non plus assimiler les roms et les gens du voyage, ça n’a rien à voir. Le risque est grand de générer des amalgames. Personne n’est vraiment dupe dans le fond ; le gouvernement n’utilise pas de simples ficelles, il déroule un câble. Il y a un pas qu’aucun gouvernement ayant un peu de déontologie ne devrait franchir. A force de généralisations abusives, il a été franchi. C’est la raison pour laquelle la gauche , selon moi, ne doit pas tomber à pieds joints dans le piège qui lui est tendu. L’inégalité devant la sécurité est une réalité, il y a des gens qui souffrent plus que d’autres de la délinquance au quotidien. C’est un terrain très glissant pour la gauche. Elle devrait le savoir par expérience, et elle va devoir confier sa riposte à des gens qui savent de quoi ils parlent.
Jean-Pierre Chevènement : La sécurité, pour M. Sarkozy, est un dérivatif. La question principale est la question économique. Nicolas Sarkozy a été pris à contre-pied depuis son élection par la crise du capitalisme financier mondialisé. Il est aujourd’hui face à une situation difficile du fait de la crise de l’euro et des plans de rigueur que l’Allemagne a réussi à imposer à tous les pays de la zone euro. Le rapport de forces entre la France et l’Allemagne et la pression des marchés financiers ne lui permettent guère que de raser les murs. L’irruption massive de ce discours sécuritaire a essentiellement pour but de masquer l’extrême difficulté d’une politique de rigueur qui doit, conformément aux exigences de Bruxelles et du pacte de stabilité, ramener le déficit de l’Etat de 8 à 3% du PIB, soit presque 100 milliards d’euros à économiser en trois ans. C’est impossible, même avec une croissance forte - qu’on ne voit pas à l’horizon. Et le concours de politiques de rigueur auxquels se livrent actuellement les gouvernements de la zone euro ne peut mener qu’à une récession catastrophique.
Et pour masquer cette réalité objective, le gouvernement décide donc de mettre le projecteur sur les roms et de multiplier les expulsions…
C’est le discours classique du bouc-émissaire. Il y a bien sûr des noyaux durs de délinquance, je connais le dossier, mais on ne peut pas assimiler l’ensemble des roms à ces délinquants. On ne peut pas non plus assimiler les roms et les gens du voyage, ça n’a rien à voir. Le risque est grand de générer des amalgames. Personne n’est vraiment dupe dans le fond ; le gouvernement n’utilise pas de simples ficelles, il déroule un câble. Il y a un pas qu’aucun gouvernement ayant un peu de déontologie ne devrait franchir. A force de généralisations abusives, il a été franchi. C’est la raison pour laquelle la gauche , selon moi, ne doit pas tomber à pieds joints dans le piège qui lui est tendu. L’inégalité devant la sécurité est une réalité, il y a des gens qui souffrent plus que d’autres de la délinquance au quotidien. C’est un terrain très glissant pour la gauche. Elle devrait le savoir par expérience, et elle va devoir confier sa riposte à des gens qui savent de quoi ils parlent.
Dans quelle mesure la gauche est-elle prête ? Qui au-delà d’un Manuel Valls, spécialistes des sorties sécuritaires, peut tenir un discours crédible sur le sujet ?
La plupart des maires de gauche ont une bonne culture de ce qu’est la guerre contre la délinquance, puisqu’ils président les comités de prévention. La gauche doit comprendre que la prévention ne suffit pas. Je ne vais pas rentrer dans des considérations de personnes, j’observe simplement que le Parti Socialiste a très peu travaillé sur ces questions depuis 2002. Alors que les couches populaires, qui constituent en principe le cœur de l’électorat que doit viser la gauche, sont particulièrement victimes de la délinquance. Une politique de reconquête des couches populaires passe bien sûr d’abord par une autre politique économique, mais aussi par une politique à la fois ferme et républicaine dans le domaine de la sécurité. L’idéologie victimaire compassionnelle n’est pas la solution. Peut-être certains dirigeants du PS ne souhaitent-ils pas faire trop référence à une police de proximité dont j’ai été le concepteur.
Est-ce qu’il existe des solutions de gauche concrètes dans le domaine de la sécurité ?
La gauche doit surtout se méfier de certains réflexes conditionnés, laisser de côté sa « culture de l’excuse ». On ne peut pas se soucier que du délinquant, et laisser tomber les victimes. De 1999 à 2002, la gauche a mené sur le sujet un politique sérieuse et réfléchie : nous avions créé la politique de proximité. Peut-être l’extension, en 2002, de cette police aux petites circonscriptions n’était-elle pas opportune : la police de proximité est en effet très consommatrice d’effectifs.
Sur le plan des effectifs justement, la gauche s’est peu exprimée sur le hiatus entre le retour du discours sécuritaire et l’annonce de la baisse des effectifs de la police… Comment un gouvernement peut-il être crédible en faisant simultanément annonce de ces deux décisions en parallèle ?
C’est une très bonne question, la gauche n’a pas utilisé cet argument alors qu’il est pourtant très convaincant. On peut aussi parler du malaise de la police, qui est une réalité. J’ai gardé suffisamment de contact pour vous dire que la politique actuelle – celle du chiffre - n’est pas populaire chez les policiers.
Propos recueillis par Pierre Siankowski
La plupart des maires de gauche ont une bonne culture de ce qu’est la guerre contre la délinquance, puisqu’ils président les comités de prévention. La gauche doit comprendre que la prévention ne suffit pas. Je ne vais pas rentrer dans des considérations de personnes, j’observe simplement que le Parti Socialiste a très peu travaillé sur ces questions depuis 2002. Alors que les couches populaires, qui constituent en principe le cœur de l’électorat que doit viser la gauche, sont particulièrement victimes de la délinquance. Une politique de reconquête des couches populaires passe bien sûr d’abord par une autre politique économique, mais aussi par une politique à la fois ferme et républicaine dans le domaine de la sécurité. L’idéologie victimaire compassionnelle n’est pas la solution. Peut-être certains dirigeants du PS ne souhaitent-ils pas faire trop référence à une police de proximité dont j’ai été le concepteur.
Est-ce qu’il existe des solutions de gauche concrètes dans le domaine de la sécurité ?
La gauche doit surtout se méfier de certains réflexes conditionnés, laisser de côté sa « culture de l’excuse ». On ne peut pas se soucier que du délinquant, et laisser tomber les victimes. De 1999 à 2002, la gauche a mené sur le sujet un politique sérieuse et réfléchie : nous avions créé la politique de proximité. Peut-être l’extension, en 2002, de cette police aux petites circonscriptions n’était-elle pas opportune : la police de proximité est en effet très consommatrice d’effectifs.
Sur le plan des effectifs justement, la gauche s’est peu exprimée sur le hiatus entre le retour du discours sécuritaire et l’annonce de la baisse des effectifs de la police… Comment un gouvernement peut-il être crédible en faisant simultanément annonce de ces deux décisions en parallèle ?
C’est une très bonne question, la gauche n’a pas utilisé cet argument alors qu’il est pourtant très convaincant. On peut aussi parler du malaise de la police, qui est une réalité. J’ai gardé suffisamment de contact pour vous dire que la politique actuelle – celle du chiffre - n’est pas populaire chez les policiers.
Propos recueillis par Pierre Siankowski