L'intervention vidéo de Jean-Pierre Chevènement débute à partir de 7min45.
Verbatim express :
Verbatim express :
- Évidemment, la politique est dure. Elle l'a toujours été. Ce qui caractérise peut-être le moment que nous vivons, c'est que le débat politique est biaisé, rétréci, sans véritable portée. Il y avait autrefois des visions qui nous soulevaient au-dessus de nous-même et qui motivaient le désintéressement.
Leçons de l'histoire du XXe siècle
- Dans mon livre, je compare deux mondialisations, et je montre qu'à l'intérieur de ces mondialisations, il se produit des changements dans la hiérarchie des puissances.
- Les mécanismes de l'explosion de la Première Guerre mondiale ne sont absolument pas expliqués par tous ceux qui sont chargés d'organiser les commémorations, par le pouvoir politique.
- Il y a un parallèle à faire entre la montée de l'Allemagne impériale dans la première mondialisation et celle de la Chine dans la seconde. Sauf qu'on peut espérer que les Chinois soient plus intelligents que les élites pangermanistes, qui portent la responsabilité de la Première Guerre Mondiale.
- C'est une grave faute de vouloir faire peser sur les nations la responsabilité de cette catastrophe, parce qu'on a ouvert la boîte de Pandore. On démonise aujourd'hui les nations pour mieux occulter ce qui se passe en Europe : la construction d'un système technocratique à l'ombre de l'Amérique, qui s'est institué dans les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. Cela fait qu'aujourd'hui l'Europe n'a plus voix au chapitre, ne défend plus réellement ses intérêts, est en pilotage automatique, avec des nations qui n'ont plus le droit de l'ouvrir.
Considérations européennes
- Le problème est dans le système de l'euro, qui met l'Allemagne dans une contradiction énorme. A la fois elle veut être très compétitive hors UE, où elle fait maintenant les ¾ de ses excédents, mais en même temps pour maintenir l'euro elle contraint les pays de l'Europe du sud à des équilibres de sous-emploi, des politiques de rigueur, un chômage de masse (50% des jeunes Espagnols par exemple).
- L’Allemagne devrait jouer un rôle de locomotive, mais elle ne le joue pas. C'est un pays aujourd'hui très précautionneux, soucieux de l'avenir de ses retraités.
- Il y a là une énorme contradiction, que peu de gens ont vue. Et je pense que c'est la responsabilité de nos dirigeants d'aider l'Allemagne à prendre conscience de cette contradiction et à lui-trouver une issue positive, dans l'intérêt d'une Europe qui est une Europe à refaire.
- Une étroite alliance entre la France et l'Allemagne permettrait de rebattre les cartes de l'Europe, permettant de construire une grande Europe de la Méditerranée à la Russie.
- L'Allemagne réalise certes 7% d'excédents commerciaux, mais elle est en Europe : elle ne peut pas se désintéresser de ce qui se passe au Sud, qui finira par l'affecter.
- Moi je propose une sortie concertée de l'euro, sa transformation en monnaie commune, de façon à unifier l'Europe, rattraper la Grande-Bretagne, qui en fait partie, et aller jusqu'à la Russie.
- Dans cette situation, la France n'est pas condamnée à attendre les décisions de l'Allemagne. Il faut penser mondial : les Etats-Unis aussi ne veulent pas de la politique restrictive menée par l'Allemagne et qui condamne l'Europe a une récession de très longue durée.
- La décision de construire la monnaie unique s'est révélée erronée. Je crois qu'il faut avoir le courage de revenir sur cette erreur, qui est la conséquence du choix fait en 1983, quand on a choisi d'arrimer le franc au mark fort.
- On rappelle toujours que j'ai dit « un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne ». C'est à cette occasion là, en 1983, que je l'ai prononcé : j'ai considéré que l'accrochage du franc à une monnaie trop forte allait condamner notre industrie. On est maintenant trente ans après : on voit le résultat.
- Il n'est pas trop tard pour opérer les sursauts nécessaires. Il faut un sursaut de la conscience.
Enjeux politiques de 2014
- La contestation monte en France. Ne nous racontons pas d'histoires : François Hollande ne va pas dissoudre l'Assemblée nationale. Ce serait se tirer une balle dans le pied. La question qui se pose est de savoir si François Hollande est prêt à changer d'orientation politique.
- François Hollande attend la reprise. Elle tarde à venir. Nous avons eu deux années de croissance absolument plate. En 2014, le gouvernement prévoit +0,9% de croissance. J'attends de voir. Mais même si cela se réalisait, cela ne suffirait pas à régler les problèmes de la France. La France a besoin d'une croissance plus forte.
Débat avec Marc Le Fur sur la situation en Bretagne
- L'écotaxe est incriminée dans les problèmes de la Bretagne. Elle a été votée à l'unanimité à l'époque. En France, il y a une crise du ferroviaire. Les portiques ont pour objectif de rétablir un équilibre avec le tout-routier.
- L'opposition veut réduire les impôts, baisser les dépenses publiques, mais il n'est jamais précisé ce que l'on veut réduire. L'UMP est enfermée dans les contradictions d'un parti d'opposition, qui dit tout et le contraire de tout, dès lors qu'il veut attiser le mécontentement. Moi je n'ai jamais tenu ce type de discours.
- Je souligne le rôle de l'euro fort et des libéralisations européennes dans la crise de la Bretagne, plutôt que l'écotaxe.
- Dans les années 60, l’État a mis le paquet pour la Bretagne. Moi je suis pour la solidarité nationale, vis-à-vis de la Bretagne comme d'autres régions souvent plus éprouvées encore.
- Il est très facile de faire du Hollande bashing. La situation actuelle résulte des décisions prises par l'ancien gouvernement. La fin des restitutions, c'est la décision de Bruno le Maire.
- Qu'est ce qu'une plus grande autonomie de la Bretagne changera à ses problèmes ? On met en marche une machine à dissoudre la France.
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