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"La nation, c'est le lieu de la démocratie"


Jean-Pierre Chevènement était l'invité de l'émission "France Bleu Midi Ensemble" sur France Bleu, lundi 17 février 2014. Il répondait aux questions de Daniela Lumbroso.


"La nation, c'est le lieu de la démocratie"
11202_17_02_2014_itema_20589751_0.mp3 France Bleu - Midi Ensemble  (54.08 Mo)

Verbatim express :

De la première mondialisation à la deuxième
  • Dans la première mondialisation, dominée par l'Angleterre, parce que la mondialisation a besoin d'un patron pour fonctionner, il y a une puissance qui monte à une vitesse accélérée, c'est l'Allemagne impériale. La première mondialisation, comme la seconde d'ailleurs avec la Chine, induit une modification très rapide de la hiérarchie des puissances.
  • L'idéologie pangermaniste, qui irrigue le cerveau des décideurs, notamment militaires, est au fond hésitante sur le fait de savoir si l'Allemagne doit créer un empire colonial en Afrique, ou en Europe même, jusqu'à la mer Noire et à la Baltique.
  • Je pense que cette théorie de l'hegemon est la bonne explication de la Première Guerre mondiale. Ensuite il y a des causes immédiates : la bêtise des dirigeants du Second Reich allemand, qui après avoir donnés carte blanche à l'Autriche-Hongrie à la suite de l'attentat de Sarajevo, déclenchent une guerre préventive à la suite de la mobilisation russe, dont le but est d'abattre la France pour se retourner contre la Russie. Ils envahissent dans ce but la Belgique, dont la neutralité est garantie aussi par la Grande-Bretagne. En conséquence ce dernier pays déclare la guerre à l'Allemagne.
  • Les peuples ne sont pas coupables de cette guerre. Aucun ne la voulait vraiment. Ils étaient tous plutôt heureux de la paix. Ils ont tous eu le sentiment qu'ils étaient agressés, à tord ou à raison. Même le peuple allemand a pensé qu'il était agressé par la Russie, parce que c'est ce que ses dirigeants lui ont fait croire.
  • Par conséquent, je voudrais que l'on lave les nations d'un pêché, d'un crime qu'elles n'ont pas commis. La nation, c'est la démocratie. Il ne faut pas la confondre avec le nationalisme, qui irriguait quelques cerveaux dérangés.

  • Aucun n'a vu l'horreur de la guerre qui allait être déclenchée, ni sa longueur (ils pensaient tous à une guerre courte), ni ses conséquences, tout au long du XXe siècle.
  • Les conséquences de la Première Guerre mondiale, c'est d'abord la révolution bolchévique, le communisme. Ensuite, le fascisme, le nazisme. Bien sûr c'est la crise économique qui emmène Hitler au pouvoir, mais ces idéologies prospèrent sur la critique du traité de Versailles. Cela exprime le refus de la défaite des élites allemandes, qui considèrent qu'elles n'ont pas été vraiment vaincues.
  • Toutes les monstruosités du XXIe sont contenues dans la Première Guerre mondiale : c'est la boîte de Pandore que des dirigeants inconscients ouvre, et qu'ils ne vont plus être capable de refermer.
  • Nous sommes aujourd'hui dans une seconde mondialisation, qui a produit le phénomène des pays émergents, au premier rang desquels la Chine, dont la production dans peu d'années rejoindra celles des USA, qui est dès aujourd'hui le premier client et fournisseur de tous les pays d'Asie, et même de l'Allemagne. Pays formidable de 1 400 millions d'habitants, qui doit gérer sa montée en puissance, légitime, sans bousculer les pots de fleurs. Comme disait Deng Xioping : « quand on traverse un fleuve, il faut tâter pour savoir où sont les pierres ».
  • Les USA ont effectué le pivotement de leur flotte de l'Atlantique vers le Pacifique, ils sont en train de tisser un réseau d'alliances commerciales transpacifiques et transatlantiques qui sont destinées à isoler la Chine. Prenons garde à ce que nous ne vivions pas une période similaire à celle qui a précédé la guerre de 1914.

    Diagnostic européen
  • On aurait pu penser que 70 ans après les deux guerres mondiales, l'Europe se serait rétablie. C'est ce qu'on a d'abord pu croire durant les Trente Glorieuses. Depuis l'Europe bat de l'aile, et à mon sens cela résulte de la dévalorisation excessive des nations, qui résulte peut être de ces deux guerres, et de la Première pour commencer.
  • La nation, c'est le lieu de la démocratie, où l'on s'entend, où l'on débat, où l'on décide. Quand on a une Europe aussi technocratique, construite sous ombrelle américaine, et qui le demeure après la fin de l'URSS, une Europe par le marché qui a inscrit en ses textes la soumission à l'orthodoxie du néolibéralisme, c'est à dire la croyance en l'efficience des marchés, on a une construction qu'on n'arrive pas à réformer.
  • On s'est rué dans la négociation transatlantique avec les Américains, nous n'y avons absolument aucun intérêt.
  • Tous ces vices de conception de l'Europe ont relégué les nations à la périphérie. Les États ont peu de pouvoir. Cette Europe n'est finalement qu'un chien crevé au fil de l'eau. Il faut absolument la revoir, car je crois à l'idée européenne, je pense qu'il faut resserrer la solidarité entre les nations européennes, mais il faut faire une Europe des nations et des peuples, à géométrie variable, sur les choses essentielles.
  • Si on fait une Europe de la Méditerranée à la Russie, nous pourrions peser dans le XXIe siècle, qui sera dominé par la Chine et les États-Unis. Sinon, nous serons complètement marginalisés. Donc il faut repenser la construction européenne.
  • Je propose de faire une monnaie commune à la place de la monnaie unique à cause de l'hétérogénéité des nations. La richesse se concentre à un pôle et le sous-développement à un autre. On ne sort pas de là. Et comme il y aura encore beaucoup de secousses à l'avenir, je pense qu'il faudrait que la France, parce qu'elle seule peut le faire, dise à l'Allemagne qu'il faut revoir les règles du jeu, en bonne entente.

    Décentralisation
  • Je suis contre la fusion de la Bourgogne et de la Franche-Comté. Je pense que ce qui est consacré par 1000 ans d'histoire doit être respecté.
  • On ne fera pas d'économies avec tout cela. Mais si ça devait se faire, alors je serai pour ce département qui engloberait Belfort, Montbeliard, qui pourrait s'appeler Savoureuse & Allan, que j'orienterai plutôt vers l'Alsace-Lorraine. Mais ce n'est qu'une lubie !

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le Mercredi 19 Février 2014 à 17:58 | Lu 2478 fois



1.Posté par Lefevre Michel le 20/02/2014 11:18
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Monsieur Chevenement ;Je suis tout à fait d'accord avec votre analyse.Je milite au Front de Gauche et nous sommes dans la même optique sur l'Europe et la mondialisation ! Tant que nous ne changerons pas les règles de fonctionnement démocratique nous allons vers l'aventure et le mot est faible.je ne suis pas devin mes amis non plus mais cela va mal se terminer !
l'Europe aujourd'hui est diriger par des technocrates, le peuple et ses représentants non pas de regard et de décisions sur cette machine infernale qui broie les peuples(voir ce qui c'est passé en Grèce )
Je suis pessimiste sur l'avenir ,il faut qu'un homme comme vous et tout ceux qui on le même regard sur nos problèmes en France et en Europe se rejoignent et fasse un front commun !

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