Carnet de Jean-Pierre Chevènement

La France contre les « neo-cons »


J’ai écouté attentivement l’allocution de Nicolas Sarkozy, consacrée à la politique extérieure et de sécurité.


Nicolas Sarkozy, en rendant hommage à la politique de Jacques Chirac, a bien essayé de se dédouaner de l’erreur monumentale qu’il avait commise en septembre 2006 quand il était allé, à Washington, s’excuser de « l’arrogance » de la France face à l’invasion de l’Irak par M. Bush. C’est en vain qu’il a cherché à se rattraper, le 28 février 2007, en saluant la politique extérieure de Jacques Chirac et en parlant d’« aventure » à propos de l’intervention américaine en Irak.

Une journaliste libanaise s’en étonnait : « Vous avez changé sur l’Irak ? ». A quoi Sarkozy répondait en la défiant de trouver une trace écrite de son adhésion à la guerre américaine. En effet, il n’y a aucune trace écrite de son approbation, mais il y a des traces orales de ses propos et des déclarations publiques d’hommes politiques favorables à l’intervention et connus pour leur étroite proximité avec lui : MM. Pierre Lellouche, Axel Poniatowski, Patrick Devedjian, etc.

M. Sarkozy est peut-être habile mais Nicolas « l’Américain », comme il se vantait lui-même d’être appelé, ne nous fera pas prendre des vessies pour des lanternes.

Lisons-le d’ailleurs plus attentivement : il exprime, dans sa doctrine de politique extérieure, une pensée étonnamment proche de celle des néo-conservateurs américains : comme eux, il déclare « refuser le relativisme culturel ». On croirait entendre Richard Perle, Paul Kagan, Paul Wolfowitz et leur maître à penser, Allan Bloom :

« Les valeurs doivent être imposées. Elles doivent vaincre d’autres valeurs opposées. Les cultures se livrent la guerre les unes aux autres et il est bien qu’il en soit ainsi : car c’est seulement en triomphant des autres et non en raisonnant avec eux qu’on peut affirmer des valeurs ».

Dès lors les expressions employées par Nicolas Sarkozy : « promouvoir les droits de l’Homme », « tous les peuples ont droit à la démocratie », « l’information planétaire interdit le silence », prennent tout leur sens : dans un monde dominé par une information unilatérale, le « devoir d’ingérence » nous conduira là où les Américains voudront nous faire aller.

La presse n’a pas relevé la pique adressée à Dominique de Villepin. Tandis que celui-ci avait souhaité l’évacuation des troupes américaines d’Irak « avant la fin de 2008 », Nicolas Sarkozy opine doctement : « La France n’est pas la mieux placée pour fixer un terme … Au gouvernement irakien (sic) de décider ».

Pour qui a écouté Nicolas Sarkozy avec attention, l’importance accordée en matière de politique de défense aux projections de forces à l’extérieur, les fameuses « OPEX », l’insistance mise sur les interventions « préventives » et la « capacité de frappe dans la profondeur » ne trompent pas : c’est vers une politique extérieure étroitement alignée sur celle des Etats-Unis que nous acheminerait le candidat « néo » conservateur s’il était élu.

Combien contrastent, en regard, les expressions fortes employées par Ségolène Royal lors de son intervention sur la défense, le 3 mars dernier :

« La France et l’Europe sont attachées au multilatéralisme. Puissances militaires, mais sans ambition impériale, elles entendent contribuer à la sécurité collective fondée sur le respect du droit international … La défense nationale ne signifie pas la multiplication sans discernement d’opérations extérieures qui peuvent être fort éloignées de nos intérêts directs … Sécurité d’approvisionnement européenne signifie autonomie de l’Europe vis-à-vis des Etats-Unis dans le domaine de l’armement… Devant le désordre du monde, nous devons faire émerger en Europe un acteur stratégique indépendant … Je n’engagerai qu’avec discernement nos armées dans des opérations extérieures, même si certaines sont indispensables pour préserver la paix ou contribuer à l’exécution des résolutions des Nations Unies. »

En lisant attentivement l’un et l’autre des deux candidats, on voit bien que la défense européenne distincte de l’OTAN est pour Ségolène Royal une perspective essentielle, tandis que pour Nicolas Sarkozy, OTAN et défense européenne se superposent étroitement. Entre ces deux visions, il y a l’écart qui sépare l’espérance du renoncement, la volonté que la France ne sorte pas de l’Histoire et la résignation à l’ordre établi du monde.

De ces deux visions, quelle est la plus raisonnable, celle, à court terme, de Nicolas Sarkozy ou celle, à long terme, de Ségolène Royal ?

L’avenir de la France ne se trouve évidemment pas dans une vision néo-conservatrice de l’Histoire mais dans la promesse d’une « Europe européenne », avec et par la France. On dit souvent que la France suit l’Amérique avec quelques années de retard. N’importons pas à la tête de l’Etat un néo-conservateur, quand les Américains vont donner congé à celui qu’il avaient élu ! Jouons la France contre les « néo-cons » !


Rédigé par Jean-Pierre Chevènement le Lundi 5 Mars 2007 à 16:22 | Lu 10151 fois



1.Posté par Jocelyne Galy le 05/03/2007 18:00
Oui ! Osons jouer la France contre les néo-cons, avec Ségolène Royal.
Car c'est bien elle qu’il faut pour une France du XXIè siècle, et s'il y avait un argument, fondamental, prioritaire, un préambule incontournable c’est celui-ci : (citation) « Je ne suis liée à aucun réseau, aucune puissance d'argent, aucun lobby, aucun grand média, aucune grande entreprise. »
La citation suivante peut convaincre de son intégrité (mais est-ce bien nécessaire !) : « Je n'ai personne à placer et ne dois rien à personne si ce n'est au peuple français. Je suis d'une indépendance d'esprit totale. »
Outre son intégrité, sa lucidité ne me laisse aucun doute : (citation) « … si je respecte le Parti socialiste, auquel je suis fière d'appartenir, je suis suffisamment autonome pour ne me laisser enfermer dans aucun dogme, comme je l'ai maintes fois prouvé. » et « Nous vivons une crise démocratique profonde. Je pense être la seule candidate à en avoir fait lucidement le constat, à m'être remise en cause sur la façon dont je faisais de la politique et dont doit se nouer le lien avec les électeurs. »

Et-il est utile d’ajouter que Mme Royal confirme que « "tous ceux qui se reconnaîtront dans le pacte présidentiel auront vocation à rejoindre le gouvernement et la majorité présidentielle". »

On peut conclure sans prendre de risque que la prochaine présidence pourrait – si nous le voulons - être celle de l’intégrité, de la lucidité, du rassemblement des volontés attachées au redressement de la France et de TOUS les Français, et de la synergie de compétences éprouvées qui se donnent pour vocation de relever la France.

2.Posté par deslilas le 06/03/2007 10:05
Gageons que les médias feront moins d'écho à cette analyse éclairante sur les positions internationales de N. Sarkozy et préfèreront commenter la lette que l'UMP va prochainement publier : le certificat de chiraco-gaullisme décerné par le Ministre des Affaires étrangères Douste-Blazy à son ami Nicolas.

3.Posté par Claire Strime le 06/03/2007 13:07
Certes il n'est pas à négliger que les principaux leaders démocrates (Mme Clinton la première) se prononcent maintenant contre la poursuite de la guerre en Irak (sous pression deleur opinion publique et des manifestations pacifistes de masse), mais c'est bien M.Clinton qui en 1999 a pesé pour la première sortie de l'OTAN en 50 ans (guerre dite du Kosovo contre la RFY), avec toute la panoplie des alibis humanitaires complaisamment relayés par les va-t-en-guerre du quartier latin.

Et demain, que ce soit au nom des droits de l'homme ou de la civilisation judéo-chrétienne, du "camp de la liberté", une guerre otanesque contre l'Iran, le Soudan, la Moldavie, le Turkménistan???

Il faut bien réaffirmer une vision française, et si possible européenne, du monde qui ne soit pas qu'1 simple variante de l'occidentisme.


4.Posté par Molhia le 06/03/2007 14:11
Demande de clarification

Monsieur Chevènement,

Dans Le monde daté du 6 mars, Madame Royal précise ses intentions en matière européenne :

"Les parties un et deux, sur les institutions et la Charte des droits fondamentaux n'ont pas fait vraiment débat en France. Il faudra revoir la partie trois."

Madame Royal, qui indique consulter Jacques Delors sur le sujet, n'est-elle pas en train d'oublier que le non dit "républicain" a notamment porté sur les modalités de fonctionnement des institutions (d'après la partie I du traité, la majorité qualifiée au Conseil de l'union passerait à 55% des voix, ce qui aurait pour conséquence de rendre l'Union encore plus fédérale) ?

Si Madame Royal nous impose, à son tour, cette Europe fédérale pourtant clairement rejetée par les français, pour qui doivent voter ceux qui s'y opposent ? Pour les extrêmes ?

Cordialement


5.Posté par Amir le 06/03/2007 18:02
« Jouons la France contre les « néo-cons ». C’est bien évidemment le seul ticket gagnant , bien qu’il ne s’agit pas d’un jeu mais d’un choix politique responsable et nécessaire . Une France Européenne dans un monde multipolaire permettra sans doute de voir naître un nouvel ordre mondial qui mettra fin à l'unilatéralisme américain. « Un nouveau monde va naître » Un constat cher à Jean - Pierre Chevènement, en effet, c’est tout l'équilibre des forces géopolitiques sur l'échiquier mondial qui va désormais changer. Je pense toutefois que ce choix politique peut aider, de manière objective,à rétablir le dialogue au Proche et Moyen-Orient. Il n'y a donc que la vision européenne multipolaire que la France défend bien qui peut contrer cette hégémonie américaine cher à Monsieur Sarkozy.

6.Posté par Laurent le 06/03/2007 20:09
Pour un néo-con comme vous dites je pense que le programme de l’UMP et de Nicolas Sarkozy est à Gauche même très a gauche, mais vu que sur les sujets de société qui nous concernent tous, vous ne nous proposer de l’assistanat et encore de l’assistanat: la grande maladie de notre pays.
Le jour ou un homme politique comprendra que se sont les chefs d’entreprises qui créent les emplois et la valeur ajouté et non pas l’état à travers les aides les règles etc (des rustines quoi !!!!!!!)
De la même manière pour les enseignants pour les consommateurs ; à force de vouloir tout contrôler l’état a oublié les taches les plus importantes qui lui été dévolu a savoir l’éducation la santé la formation les transports et sans oublier bien sure la sécurité des personnes !!!!!
En fin de compte personne n'a le courage d'aller jusqu'au bout des choses et le résultat me laisse tres inquiet pour l'avenir

7.Posté par Jocelyne Galy le 07/03/2007 20:08
Laurent, donc, d'après vous, certaines mesures annoncées par Nicolas Sarkozy sont à gauche?
Ah bon... Et annoncées en 2007.?...Embêtant , que les mesures utiles n'aient pas été prises depuis qu'il participe au gouvernement!!!Pourtant, 5 ans, ça donnait le temps!

Quant à votre argument de "l'assistanat" entretenu par la gauche: il ne tient pas debout... manifestement, vous avez négligé de vous informer (mais ça peut arriver) , avant de parler (ça c'est rhédibitoire! !!! ).

Copie à revoir.

8.Posté par art ray le 08/03/2007 09:31
Et si nous désignions un ou une vrai candide de gauche ?

9.Posté par Claire Strime le 09/03/2007 16:16
Sur le réseau Voltaire il est indiqué que Mme Merkel est proche des positions des néoconservateurs américains. Si cela est vrai ce n'est guère encourageant et rassurant. Un continent européen avec Mme Merkel, MM Sarkozy, Barrroso, Kaszinsczki est à éviter absolument.


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