- Actualité de l’idée républicaine
Par un paradoxe qui n’est qu’apparent, l’idée républicaine en France a repris de la force au fur et à mesure que la société française se fragmentait. Ce n’est pas par hasard qu’on parle aujourd’hui de « l’archipel français ».
Cette fragmentation a plusieurs causes :
D’abord et avant tout par l’effet d’un néo-libéralisme triomphant tout au long des années 1980-1990-2000. Près de trois décennies de déréglementation, de dérégulation installent un capitalisme financier mondialisé, la libération des mouvements de capitaux favorisant les délocalisations industrielles et la désindustrialisation. Partout les fractures se creusent, économiques, sociales, territoriales, générationnelles. On n’a pas fini de faire le bilan de « la mondialisation heureuse » et de cette Europe transformée en « petit coin de Paradis ».
La sécession des élites fait étroitement corps avec cette dérégulation généralisée qui s’installe en Europe et dans le monde à la faveur de l’Acte Unique. Elle l’explique et elle s’en nourrit.
La deuxième cause de cette fragmentation sociale est dans l’idéologie libérale-libertaire et particulièrement dans l’hyper-individualisme libéral qui fait émerger « la société des individus », aux antipodes des valeurs collectives républicaines.
Les Rebeus, les Céfrans, le bobos, les gilets jaunes les paysans abandonnés au fond de leurs déserts ruraux composent un paysage éclaté sur lequel règnent Last, but not the least « les élites mondialisées ».
Ces deux forces de déconstruction font apparaître le besoin du commun au fur et à mesure qu’elles le détruisent. Ce besoin du commun peut s’exprimer sous des formes caricaturales, on parlera de « populisme », mais il peut faire renaître une conception exigeante de la République, seul antidote à l’archipélisation de la France.
Ces deux forces de déconstruction font apparaître le besoin du commun au fur et à mesure qu’elles le détruisent. Ce besoin du commun peut s’exprimer sous des formes caricaturales, on parlera de « populisme », mais il peut faire renaître une conception exigeante de la République, seul antidote à l’archipélisation de la France.
- L’idée républicaine, une idée exigeante
Il y a un lien étroit entre la souveraineté et la citoyenneté, le citoyen est une parcelle du souverain ; Entre la citoyenneté et l’École, formatrice du citoyen ; Entre la liberté, notamment religieuse, et la laïcité ; Entre la laïcité et l’espace du débat républicain d’où résulte la définition de l’intérêt général sanctionnée par le suffrage universel ; Il y a un lien enfin entre la liberté et l’égalité : égalité devant la loi, égalité des chances qui n’est pas l’égalitarisme, mais la chance donnée à chacun d’aller au bout de ses possibilités. C’est le but de l’État social appuyé sur l’idée du service public.
Il y a un lien enfin entre la souveraineté populaire et la nation entendue au sens de communauté de citoyens proscrivant toute distinction fondée sur la race, le sexe, la religion ou la philosophie. A ne pas confondre avec la conception ethnique de la nation.
Pour résumer, oui au métissage, non au communautarisme. La nation fonde ce puissant sentiment d’appartenance sans lequel il n’y a pas de démocratie. Seul ce sentiment d’appartenance peut fonder l’acceptation du fait majoritaire.
C’est pourquoi le civisme suppose le patriotisme républicain, car le citoyen ne va pas sans abnégation et cette abnégation implique qu’on reconnaisse l’existence d’une réalité plus grande que soi : la nation française, l’intérêt de la collectivité. La nation telle qu’il nous appartient de la continuer. C’est pourquoi la République est un combat.
Oui, j’ai dit combat, car les déconstructeurs de la République sont allés trop loin.
Le moment est venu de rompre en visière avec une conception hors-sol de l’Europe, avec une vision purement économiciste du monde, avec les déconstructeurs de la France républicaine et avec la masse de ceux qui ont renoncé à porter ses valeurs.
- Le combat républicain exige des idées claires
I. Un combat sur deux fronts
Oui, la République avec ses élus et ses fonctionnaires – je pense en particulier aux professeurs - est en première ligne pour prévenir et combattre les régressions identitaires que constituent aussi bien l’islamisme que le suprémacisme blanc et pour faire triompher les éternels principes de la Révolution française que sont la liberté, l’égalité, la fraternité auxquels j’ajouterai la laïcité qui d’ailleurs en découle.
Ces principes sont plus actuels que jamais au XXIe siècle et il incombe à la France de les réaffirmer pour ce qui la concerne, étant donné, bien entendu, qu’il appartient à chaque peuple de s’en saisir à sa manière. Un écrivain allemand, Ernst Curtius, écrivait jadis que l’universalisme était la spécificité de la France. Qu’on nous reconnaisse donc le droit de défendre cette spécificité contre les tenants du droit divin que sont les islamistes. Ceux-ci, si on les écoutait, nous ramèneraient non pas au Moyen-Âge mais bien avant, au VIIème siècle de notre ère, au temps du Prophète et de ses compagnons. Si nous appliquions ce principe à la France, il nous faudrait revenir au temps du roi Dagobert ! Plutôt que de couper nos pantalons à mi-mollet, il nous faudrait mettre notre culotte à l’envers !
D’un côté les islamistes qui fournissent le terreau du djihadisme et favorisent le repli communautariste et de l’autre, ceux que j’appelle les « suprémacistes blancs », qui sont les partisans de la nation ethnique et qui récusent par définition la conception civique de la nation, la France comme communauté de citoyens sans distinction de race, de sexe ou de religion.
C’est ce combat sur deux fronts que, par les temps difficiles qu’elle affronte, la République doit mener avec des idées claires. L’idée qu’une religion – en l’occurrence l’islam – serait au-dessus de la critique n’est pas acceptable. Mais si la critique des textes bibliques et du Nouveau Testament n’avait pas existé, il n’y aurait eu ni la Réforme ni l’évolution libérale de l’Église catholique qui n’est plus aujourd’hui celle du Syllabus.
II. Ne pas confondre les actes anti-musulmans et l’exégèse coranique
Les actes criminels commis contre les musulmans doivent être condamnés avec la même force que les attentats visant les synagogues et les églises. Contre de tels actes, je suis prêt à aller manifester. Mais je ne veux pas me faire complice de ceux qui entendent soustraire les textes sacrés à tout effort d’exégèse comme le prétendent les tenants de l’interprétation littéraliste de ces textes. Encore moins ne veux je me faire complice de ceux qui, prennant appui sur le ressentiment, veulent entretenir les musulmans français dans un état d’esprit victimaire propice à tous les repliements.
Que, dans une manifestation récente contre ce concept fumeux et ambivalent d’islamophobie, on ait vu une fillette arborer l’étoile jaune, comme si la situation des musulmans en France aujourd’hui était comparable à celle des juifs sous l’occupation, en dit long sur la perversité de ce genre de manifestation et sur la dérive idéologique de leurs instigateurs. Honte à eux ! Honte à ceux qui mélangent la juste indignation devant le crime de Bayonne et l’islamisme militant qui faisait crier « Allah ou akbar ! » à une poignée de manifestants.
Naturellement, je ne suis pas sans apercevoir les relents d’électoralisme et la complaisance affichée par certains élus à l’égard des dérives que leur devoir serait de combattre chez les musulmans enclins au repliement victimaire plutôt que de les encourager !
Bien entendu, ce combat serait plus facile si la République s’efforçait parallèlement de faire mieux vivre son message d’égalité, en permettant à chacun d’aller au bout de ses possibilités. C’était le but des CODAC, des commissions départementales d’accès à la citoyenneté que j’ai créées en 1999 pour promouvoir dans les administrations et dans les entreprises un recrutement « à l’image de la population ».
Ne confondons donc pas le racisme anti-musulman et la liberté de penser qui appartient à tous les citoyens, musulmans ou autres. Ne tombons pas otages des obscurantistes qui veulent empêcher l’islam d’évoluer, comme toutes les religions, et de se mettre en phase avec le monde moderne. Jamais le Prophète n’a condamné l’effort de la connaissance, bien au contraire. Ancien Président de la FIF, je cite : « Allez chercher le savoir… jusqu’en Chine ».
Halte donc à la manipulation des musulmans par de faux frères que ne motivent que le clientélisme électoral et le souci de faire fructifier leur fonds de commerce ! Halte à l’exploitation du ressentiment pour semer la haine et miner la paix civile.
III. L’Islam n’est pas l’islamisme
À ce stade, je veux mettre en garde contre une seconde confusion : l’islam compatible avec les valeurs de la République n’est pas l’islamisme. L’islam est une religion, la République la respecte. L’islamisme, lui, est une idéologie d’autant plus dangereuse qu’elle se pare des atours de la religion. Ceux qui confondent islam et islamisme font le jeu de celui-ci : ce sont des fauteurs de guerre civile.
Un besoin de clarté se fait jour parce qu’il y a beaucoup de confusion. La pédagogie est nécessaire pour que la France puisse sortir de la zone des tempêtes où elle est entrée, happée par ce que les Anglo-saxons appellent la globalisation, depuis déjà au moins trois décennies. Cette globalisation a multiplié les fractures de toutes natures jusqu’à menacer l’unité nationale elle-même. Et pour défendre « l’espace du commun », il n’y a que la République. Notre tâche commune est de mener un combat pédagogique pour faire reculer les obscurantismes et pour réconcilier les Français sur ce que « République » signifie. Nous sommes confrontés à plusieurs défis : non seulement le terrorisme mais aussi le communautarisme qui nie l’espace commun et mine des territoires qui se sentent abandonnés par la République.
En troisième lieu, le défi migratoire qui résulte de déséquilibres à long terme insupportables. Un défi qu’on ne peut relever que si la société d’accueil est capable d’intégrer les « nouveaux arrivants », dans l’intérêt de tous, y compris celui des immigrants d’hier, désormais intégrés à la communauté nationale. Enfin, se greffant sur toutes ces menaces à l’unité nationale, un quatrième défi : la montée continue de l’extrême droite depuis 1984. Celle-ci est la mauvaise réponse à de bonnes questions, comme disait jadis un ancien Premier ministre. Son accès au pouvoir nous rapprocherait dangereusement de la guerre civile. Celle-ci s’avance toujours à bas bruit.
IV. D’abord des idées claires
Pour répondre à tant de défis et mettre en œuvre les réponses adéquates, il faut d’abord avoir les idées claires et savoir ce que les mots veulent dire. On mélange trop souvent, je l’ai dit, islam et islamisme, on confond asile et migration. Des idées fausses circulent sur la laïcité dont une bonne compréhension serait pourtant un des éléments de la solution de nos problèmes. La laïcité n’a jamais tué personne !
Ce confusionnisme s’exprime même au sein du parti majoritaire, où on voit un député donner des leçons à un ministre qui a eu le courage de dire ce qu’il fallait dire, en déconseillant une manifestation évidente de différentialisme, tout en précisant qu’il voulait convaincre et non pas interdire.
La France compte environ 5 millions de citoyens de confession ou de culture musulmane. Ces musulmans ont le droit de pratiquer leur culte et j’ai, en tant que ministre de l’Intérieur, œuvré, comme mes successeurs, à faire en sorte qu’ils puissent le faire dignement. La contrepartie était l’engagement, signé le 28 janvier 2000, de respecter sans exception les principes de la République. Cet engagement a-t-il été respecté ? Je répondrai tout à l’heure à cette question.
Revenons aux concepts :
La laïcité n’est pas seulement une règle d’organisation. C’est un principe qui n’a été acquis qu’à la suite d’un combat de plus d’un siècle, de 1789 à 1905. Ce principe, qui découle de la liberté d’opinion religieuse proclamé par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, ne peut être détaché de son substrat historique et culturel qu’est l’idéal des Lumières.
La laïcité sépare le domaine des religions du domaine où, ensemble, quelle que soit leur croyance, les citoyens participent à l’élaboration de la volonté générale, c’est-à-dire de la loi républicaine, et cela à la lumière de la Raison naturelle, sans exciper de la Révélation propre à chacun pour imposer son dogme. C’est pour cela que l’École laïque a été créée, l’école qui forme le citoyen, à la fois par la transmission des connaissances et par l’éducation du sens critique, c’est-à-dire de la capacité à penser par soi-même, indissociable du sens civique. C’est Jean Macé, le fondateur de la Ligue de l’Enseignement qui définissait la laïcité comme « le combat contre l’ignorance ». J’invite ses lointains successeurs à revenir aux sources.
Bien sûr, chacun peut trouver dans sa foi les motivations qui le feront agir. Mais dans l’espace public de la citoyenneté, il est fermement invité à ne pas cultiver des arguments d’autorité mais des arguments autant que possible rationnels. C’est cela l’esprit laïque.
V. Pour un Islam de France compatible avec la République
Le problème posé par l’organisation de l’islam est qu’il n’existait quasiment pas en France avant 1905, sauf en Algérie où la loi ne s’est pas appliquée. Alors que les trois « cultes reconnus » auparavant avaient été, eux, organisés avec le concours et l’aval de l’État, dès le début du XIXème siècle. Dans le cadre de la loi de 1905, l’État n’a pas le droit d’intervenir dans ce domaine de l’organisation des cultes. Comme la morale de Kant, « l’État a les mains pures, mais il n’a pas de mains ». Donc l’islam est laissé à lui-même, ce qui n’est le cas dans aucun pays musulman.
Cette situation fait que la formation des imams en France est assurée pour l’essentiel par les Frères musulmans, la Turquie, c’est-à-dire le ministère des Affaires religieuses d’Ankara, la « Dianet » portant un projet dans l’Est de la France. Cette situation est-elle satisfaisante, sachant que les ministres du culte, dans les trois religions reconnues avant 1905, sont formés à Bac + 5 ? Comment dans ces conditions combattre le salafisme et l’islamisme qui est le terreau du djihadisme ?
Bernard Cazeneuve avait envisagé un double dispositif : la création d’une Fondation laïque reconnue d’utilité publique, à vocation principalement éducative et culturelle, et par ailleurs une association cultuelle relevant de financements privés et des musulmans eux-mêmes. Cette association n’a pas encore vu le jour.
La Fondation pour l’islam de France, que préside après moi Ghaleb Bencheikh, citoyen courageux et théologien éclairé, fait un travail remarquable, mais cette fondation ne dispose que d’un soutien « epsilonesque ». D’où vient le désintérêt des Pouvoirs publics pour cette fondation pourtant infiniment précieuse ? Est-ce la marque d’une méconnaissance du sujet ? Ou tout simplement d’une incapacité intellectuelle à se saisir du sujet ? J’ai fait plusieurs propositions qui sont restées jusqu’à ce jour sans écho : création par exemple, à Strasbourg, d’une Faculté de théologie musulmane à côté des deux facultés existantes, l’une catholique, l’autre protestante.
Les Pouvoirs publics ne peuvent se désintéresser de la formation des imams. Bernard Cazeneuve a suscité la création de diplômes universitaires « laïcité, religion, République ». Initiative utile et méritoire, mais tout à fait insuffisante. Les Pouvoirs publics sont de fait paralysés. Ils ne pourront intervenir que si, au nom de l’ordre public et du maintien de la cohésion sociale, ils prennent les moyens de vérifier le contenu des formations des imams que les mosquées seront autorisées à recruter. L’adjonction d’un simple visa est parfaitement conforme à la loi de 1905 qui vise expressément l’ordre public comme limite à l’expression de la foi religieuse.
VI. Ce que nous voile le voile : la montée du communautarisme
L’affaire du voile cristallise les passions. Je n’ai pas à me prononcer sur les motivations des femmes qui le portent, volontairement ou parce qu’il leur est imposé. Qu’on le veuille ou non, le voile est un marqueur identitaire. Cette signalétique vestimentaire, plus encore que les habitudes alimentaires, débouche sur un séparatisme identitaire de fait. Dès lors que la religion n’est plus seulement une affaire de croyance mais une affaire de mœurs, elle peut heurter les valeurs républicaines. Comme l’écrit Philippe Gaudin1 : « Si le voile désigne au premier coup d’œil une femme comme étant musulmane, cela signifie en islam (qu’elle le sache ou non, que cela lui plaise ou non) qu’elle est réservée à un homme musulman et que ses enfants seront, du seul fait de leur naissance, des musulmans ». Et Philippe Gaudin ajoute que ce point de vue est celui de tous les fondamentalistes y compris les quiétistes. Ce point soulevé par un chercheur à l’esprit large, professeur à l’École Pratique des Hautes Études, ne me paraît guère contestable.
Le repli identitaire qu’affichent certains de nos concitoyens à travers une signalétique vestimentaire ou capillaire particulière (et cela s’applique à toutes les religions) pose problème, mais ce n’est pas tant un problème de laïcité que de cohésion sociale, ou si l’on préfère de bonne intégration à la communauté des citoyens qui est la définition de la République française. L’intégration souvent caricaturée veut simplement dire « appropriation des codes sociaux qui permettent à la liberté de s’exercer ». À juste titre, le CFCM a réclamé pour les musulmans vivant en France un « droit à l’indifférence ». Mais qui ne voit que ce « droit à l’indifférence » implique qu’on ne multiplie pas les signes de sa différence ?
Il me semble que c’est l’intérêt bien compris de nos concitoyens musulmans de faire l’effort qu’ont fait, avant eux, les vagues migratoires successives qui ont façonné la France au long des siècles. C’est la seule manière de prévenir les antagonismes, les surenchères et les différentes formes de radicalisation. Il va de soi qu’en contrepartie, la République doit faire l’effort d’intégrer les nouveaux citoyens, non seulement au plan économique et social, mais aussi et surtout à travers leur apport à la construction de notre nation : la France d’hier et plus en encore celle du XXIe siècle.
Je connais bien évidemment tous les arguments mis en avant pour justifier une altérité de mœurs qui – osons le dire – ne peut que saper la cohésion sociale et créer les conditions d’un affrontement que notre tâche est de prévenir par un effort de compréhension et d’éducation réciproques. Ces arguments (piété, pudeur) ne sont pas sérieusement étayés par les textes sacrés de l’islam, comme je me le suis fait plusieurs fois confirmer par les plus hautes autorités religieuses de l’islam. Bien sûr, ce peut être une forme d’affirmation identitaire. Mais une telle affirmation sert-elle la concorde civique ? Je ne propose pas d'interdire tel ou tel affichage, mais je ne m’interdis pas, comme Jean-Michel Blanquer, de dire ce que j’en pense. La confrontation des idées est nécessaire. Car il en va de la concorde civile et de l’amitié civique qui répondent à l’intérêt de tous nos concitoyens, à commencer par ceux de confession musulmane.
Ai-je, en développant cette opinion, outrepassé les bornes de la bienséance ? Il me semble que j’ai seulement voulu aider à l’émergence tranquille au sein de la société française d’un islam éclairé, moderne et accepté de tous. C’est d’abord une affaire de cohésion sociale et de bonne intégration. Ce n’est que secondairement une affaire de « laïcité ». Cessons de caricaturer celle-ci et essayons de la comprendre à la lumière de son contexte historique et sociologique.
La loi de 1905 a posé un principe, celui de la séparation et donc de neutralité de l’État, principe auquel elle a d’emblée apporté quelques exceptions, à son article 2.
Il me semble que le modèle républicain a une ambition plus vaste : prévenir les dérives communautaristes et différentialistes qui susciteraient ou aggraveraient des phénomènes de ségrégation et des inégalités croissantes au sein de la société française. La République a quelque chose à voir avec l’égalité et le slogan « égaux mais séparés » qui était la justification de l’apartheid ne saurait être le sien. C’est à ce combat d’idées qu’il faut appeler nos concitoyens à participer, quelle que soit leur religion ou leur croyance pour « faire France » à nouveau. Une France multiethnique, multiconfessionnelle, métissée donc mais pas « communautariste », au sens où la loi doit y rester la même pour tous.
Ce combat exigeant pour tous va au-delà de ce qu’implique une stricte définition de la laïcité mais pas de ce qu’exige la République. Celle-ci est un corps de principes cohérent dont on ne peut isoler un seul (la laïcité, la citoyenneté ou l’égalité) sans ruiner l’ensemble.