Verbatim express :
- Clemenceau est un homme très original. Il est tout à fait contre la colonisation : il considère que l'essentiel se joue en Europe, que la colonisation, c'est du temps perdu. En plus, il est très hostile à l'idée qu'il y a des civilisations supérieures, et d'autres inférieures.
- Clemenceau a passé cinq ans aux USA, juste après la guerre de Sécession. Il parlait très bien l'anglais. Il connaissait très bien le monde anglo-saxon. Mais il s'intéressait beaucoup aussi à l'Asie, et au Japon : il est très japonophile, il est en même temps japonisant. Il s'intéresse aux objets d'arts. Ça montre une grande d'ouverture d'esprit. Il s'intéresse aussi à l'histoire des religions. Lui-même est un anticlérical mais il s'intéresse à la manière dont les gens donnent sens à leur vie, à travers Confucius, Boudha, Lao-Tseu, au shintoïsme...
- Il y a très peu d'hommes politiques qui pourraient écrire le livre que Clemenceau a écrit très vieux : « Au soir de la pensée » où il récapitule tout ce qu'il pense sur un tas de sujets extrêmement divers. Ce serait très intéressant d'obliger nos politiques à écrire un « Au soir de la pensée », ce serait très instructif !
- Clemenceau a donné l'idée du titre du « J'accuse » à Émile Zola. C'est un républicain : il croît à l'égalité des hommes. Tous les hommes ont un potentiel qu'ils doivent exprimer. Et Clemenceau a multiplié, tout au long de sa vie, des gestes vraiment émouvants.
- Je crois, comme Clemenceau, que la règle protège la liberté, et que souvent la liberté laissée à elle-même peut aller à l'oppression.
- C'est très difficile de prendre pour modèle Clemenceau, car c'est un homme admirable. C'est un des grands hommes de l'histoire de France. Au XXe siècle, c'est lui qui a permis à la France de tenir en 1917, au moment le plus terrible, quand la Russie avait abandonné le combat, les Américains n'étaient pas encore arrivés, nous étions tous seuls face à l'Allemagne qui avait rapatrié ses troupes de l'est à l'ouest. C'est lui qui par son énergie a maintenu la résistance française, et a valu, longtemps après, que la France soit considérée encore comme une grande puissance, et ait sa place au Conseil de sécurité de l'ONU. Sans Clemenceau, ce ne serait pas le cas.
- Clemenceau était certainement un universaliste, mais c'était aussi un patriote français.
- Si de Gaulle a pu lancer l'appel du 18 juin, s'il y a eu la Résistance, la France libre, on le doit à Clemenceau.
- Clemenceau a affirmé que, quand il était jeune, il croyait en la bonté spontanée du suffrage universel, et avec l'âge il a un peu évolué. Pour lui, le Sénat, c'est le temps de la réflexion.
- Je crois que c'est très injuste de reprocher le traité de Versailles à Clemenceau. Wilson avait posé le principe de l'auto-détermination des peuples. La grande faiblesse de ce traité, signé par Wilson, c'est que les Américains ne l'ont pas ratifié. Les garanties données par Wilson n'ont pas été honorées. Il y avait donc dès le départ une faiblesse fondamentale : le traité de Versailles ne pouvait tenir que si les États-Unis donnaient leur garantie.
- L'héritage de Clemenceau, c'est l'universalisme : l'idée que la France est un pont vers les autres cultures. Il est pas du tout occidentaliste, comme on dit aujourd'hui, il essaye toujours de se mettre dans la tête des autres, voir comment ils raisonnent. Et naturellement, l'amour de la France, et l'idée que la République est une idée toujours neuve.
- Je pense que la France a besoin de repères pour s'en sortir. Et, ça ne peut pas venir de la droite ou de la gauche seulement : la France a besoin de se projeter dans l'avenir pour savoir quel rôle elle peut jouer, en Europe et dans le monde. Et cela demande beaucoup de réflexion, de réalisme, et en même temps de générosité, d'ouverture d'esprit. Je pense que de ce point de vue là, Clemenceau reste un modèe.