Un malentendu historique originel pèse sur l’actuelle politique économique de la zone euro. La France a cru s’approprier avec l’euro la puissance du mark allemand, mais, en fait, c’est l’Allemagne - en l’occurrence Helmut Kohl et le président de la Bundesbank de 1988 à 1991, Karl Otto Pöhl - qui a imposé ses conditions à la France : indépendance de la Banque centrale, critères de convergence astreignants, prolongés par le pacte de stabilité conclu à Amsterdam en 1997.
Le modèle allemand - lutte exclusive contre l’inflation, indifférence au taux de change - a mis la croissance européenne en berne depuis 1991 et a fait de l’Europe le spectateur impuissant de son déclin économique. Certes l’Allemagne peut aujourd’hui se targuer d’un excédent commercial de 200 milliards d’euros en 2007, mais celui-ci est la contrepartie d’une compression des coûts salariaux et de la demande interne depuis sept ans, qui entraîne chez elle une croissance encore plus faible que chez ses partenaires de la zone euro. La politique économique allemande n’offre pas seulement l’exemple d’une stratégie non coopérative en Europe. Elle constitue pour l’Allemagne même un choix malthusien, privilégiant les intérêts des rentiers et du capital financier sur ceux du monde du travail et sur la croissance.
Le modèle allemand - lutte exclusive contre l’inflation, indifférence au taux de change - a mis la croissance européenne en berne depuis 1991 et a fait de l’Europe le spectateur impuissant de son déclin économique. Certes l’Allemagne peut aujourd’hui se targuer d’un excédent commercial de 200 milliards d’euros en 2007, mais celui-ci est la contrepartie d’une compression des coûts salariaux et de la demande interne depuis sept ans, qui entraîne chez elle une croissance encore plus faible que chez ses partenaires de la zone euro. La politique économique allemande n’offre pas seulement l’exemple d’une stratégie non coopérative en Europe. Elle constitue pour l’Allemagne même un choix malthusien, privilégiant les intérêts des rentiers et du capital financier sur ceux du monde du travail et sur la croissance.
Que faire face à la récession qui s’étend inexorablement ? Le pacte de stabilité fonctionne à contre-emploi, et la Banque centrale européenne refuse de baisser ses taux. A peu près tous les responsables politiques en France, de gauche ou de droite, ont réclamé depuis des années un gouvernement économique de la zone euro (1), voire un changement des statuts de la Banque centrale, des pouvoirs réels donnés à l’Eurogroupe [ministres de l’Economie des pays de la zone euro, ndlr] pour lutter contre l’appréciation du change, la non-prise en compte dans le calcul des déficits budgétaires des dépenses publiques consacrées à la recherche, etc. La ratification du traité de Lisbonne semble avoir enterré ces velléités de réforme.
La France et l’Europe restent tétanisées face à la fuite en avant du système étatsunien : surendettement intérieur et extérieur, chute du dollar, enlisement au Moyen-Orient. Nos réflexes sont d’un autre temps : celui où les épargnants allemands grugés par la spoliation originelle de 1948 assignaient la défense de l’épargne comme seul objectif à la Bundesbank. La Banque centrale européenne maintient dans un contexte entièrement nouveau les priorités de la «Buba». L’économie française étouffe d’avoir importé un modèle qui ne convient ni à sa démographie ni à son industrie… Deux facteurs peuvent cependant conduire à l’avènement d’un véritable gouvernement économique de la zone euro : la pression des Etats-Unis en vue de provoquer une relance européenne, à travers l’acceptation de déficits accrus, et le basculement prévisible des mentalités outre-Rhin. Les syndicats allemands en effet supportent de plus en plus mal la cure d’austérité qui leur a été imposée depuis sept ans. Avec le ralentissement économique, le commerce extérieur allemand, selon la fédération du patronat allemand, cessera de contribuer en 2008 à la croissance. Comment enfin ne pas voir que le surgissement au-dessus de la barre fatidique de 5 % des voix d’un nouveau parti à gauche de l’échiquier politique allemand - die Linke - peut peser de manière déterminante dans le sens d’une réorientation keynésienne de la politique économique ? Le SPD sera obligé de tenir compte de ce nouveau partenaire, et c’est tout l’axe de la politique allemande qui peut se déplacer dans les années qui viennent. La levée du malentendu originel sur l’euro ouvrirait un nouvel horizon à la coopération franco-allemande. La zone euro pourrait alors jouer le rôle d’un espace keynésien. Ce serait l’intérêt de l’Europe, mais aussi des Etats-Unis et du reste du monde.
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(1) Un colloque a été organisé à ce sujet par la Fondation Res Publica le 18 février à Paris. www.fondation-res-publica.org
Voir la tribune sur le site de Libération
La France et l’Europe restent tétanisées face à la fuite en avant du système étatsunien : surendettement intérieur et extérieur, chute du dollar, enlisement au Moyen-Orient. Nos réflexes sont d’un autre temps : celui où les épargnants allemands grugés par la spoliation originelle de 1948 assignaient la défense de l’épargne comme seul objectif à la Bundesbank. La Banque centrale européenne maintient dans un contexte entièrement nouveau les priorités de la «Buba». L’économie française étouffe d’avoir importé un modèle qui ne convient ni à sa démographie ni à son industrie… Deux facteurs peuvent cependant conduire à l’avènement d’un véritable gouvernement économique de la zone euro : la pression des Etats-Unis en vue de provoquer une relance européenne, à travers l’acceptation de déficits accrus, et le basculement prévisible des mentalités outre-Rhin. Les syndicats allemands en effet supportent de plus en plus mal la cure d’austérité qui leur a été imposée depuis sept ans. Avec le ralentissement économique, le commerce extérieur allemand, selon la fédération du patronat allemand, cessera de contribuer en 2008 à la croissance. Comment enfin ne pas voir que le surgissement au-dessus de la barre fatidique de 5 % des voix d’un nouveau parti à gauche de l’échiquier politique allemand - die Linke - peut peser de manière déterminante dans le sens d’une réorientation keynésienne de la politique économique ? Le SPD sera obligé de tenir compte de ce nouveau partenaire, et c’est tout l’axe de la politique allemande qui peut se déplacer dans les années qui viennent. La levée du malentendu originel sur l’euro ouvrirait un nouvel horizon à la coopération franco-allemande. La zone euro pourrait alors jouer le rôle d’un espace keynésien. Ce serait l’intérêt de l’Europe, mais aussi des Etats-Unis et du reste du monde.
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(1) Un colloque a été organisé à ce sujet par la Fondation Res Publica le 18 février à Paris. www.fondation-res-publica.org
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