Verbatim
- Matthieu Belliard : Manuel Valls parlait "d'apartheid ethnique", Gérard Collomb redoutait que l'on finisse par vivre "face à face" après avoir vécu "côte à côte" et Edouard Philippe mentionne des "dérives communautaires, une sécession insidieuse dont nous ne voulons pas". On a perdu beaucoup de temps, Jean-Pierre Chevènement ?
Jean-Pierre Chevènement : Tous ces discours sont marqués d'un certain pessimisme, aucun ne dore la situation. Mais où sont les mesures concrètes qui auraient permis de traiter les problèmes liés à l'immigration ? L'immigration n'est pas qu'un flux entre pays d'origine et pays de destination. C'est un ensemble de problématiques complexes qu'il faut appréhender dans leur ensemble si l'on veut que ces flux migratoires soient correctement accueillis. Il y a un lien entre notre capacité d'intégration et l'immigration. Je suggérerais que l'on parle à la fois d'immigration et de la panne de l'intégration. Comment remettre en route la machine à faire des Français ? La France le veut-elle ? Les candidats à notre nationalité ont-ils cette volonté ? Comprennent-ils ce que cela implique ? Des droits, bien sûr, mais aussi des devoirs.
Quand j'entends Edouard Philippe parler de quotas, à quoi va-t-on les appliquer ? Au regroupement familial ? C'est très difficile. Aux étudiants ? Nous voulons être attractifs. Les deux principales sources de l'immigration sont d'une part les visas touristiques, qui ont doublé depuis une bonne dizaine d'années : il y a en 4 300 000 par an. Qui peut s'assurer que ces touristes rentrent bien chez eux ? D'autre part, les demandes d'asile qui ont explosé et ont été multiplié par 2 en l'espace de 5 ans alors qu'elles diminuent dans les pays voisins. Il y a là des masses impressionnantes et nous ne sommes pas dotés des moyens de faire face à ces problèmes.
- Le Président de la République dit qu'il lui manque un Chevènement.
Il y a bien des jeunes Chevènement dans les générations qui viennent ! C'est au Président de la République de trouver l'homme idoine.
- Que conseillez-vous à Emmanuel Macron ?
Je me garde de donner des conseils. Il faut avoir une vision à long terme avec les pays d'origine qu'il faut aider à se développer, à devenir des Nations responsables, à maîtriser leur destin et d'abord leur destin démographique. La fécondité, quand elle atteint 6 ou 7 enfants par femme, pose des problèmes insolubles. Il faut avoir une panoplie de moyens, qui existent, pour mener une politique cohérente.
- Christophe Castaner est-il l'homme de la situation ?
Je ne veux pas dauber sur Castaner, qui a une tâche extrêmement difficile avec le maintien de la sécurité. On ne peut pas l'accabler d'un dysfonctionnement qui est très localisé.
Harpon était handicapé, il ne faisait pas la carrière à laquelle il estimait avoir droit. Il était radicalisé depuis quelques années mais ça ne se savait guère. Il y a certainement eu un dysfonctionnement quand il a tenu des propos inadmissibles au lendemain de la tuerie de Charlie Hebdo et que cela n'est pas remonté dans la hiérarchie.
Source : La Matinale - Europe 1