RFI : Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy… Il y a déjà eu plusieurs visites de chefs d’Etat français en Algérie, avec de grandes déclarations d’amitié. Et pourtant, ça n’a rien changé. Est-ce que la visite de François Hollande ne risque pas, elle aussi, de faire pschitt ?
Jean-Pierre Chevènement : Moi, je ne raisonnerais pas comme ça. Il y a, entre la France et l’Algérie, des liens profonds. Evidemment, je pense qu’il y a eu beaucoup de souffrance, et en même temps, je pense que nous devons, ensemble, regarder vers l’avenir. Il y a beaucoup à faire entre la France et l’Algérie !
Oui, mais les retombées des visites des prédécesseurs de François Hollande n’ont pas été très bonnes.
Oui, mais vous voyez les choses de manière trop négative ! J’ai moi-même été associé à plusieurs épisodes de la relation franco-algérienne depuis cinquante ans. Et par exemple, la libéralisation des visas en 1999, qui a donné lieu à cet échange de visites entre le président Bouteflika et le président Chirac.
L’Algérie est un pays avec lequel nous avons des relations économiques déjà très développées. Nous avons un excédent important sur l’Algérie ! Pourtant, nous importons d’Algérie une partie importante de notre pétrole et de notre gaz surtout.
Et par ailleurs, il y a des relations humaines exceptionnelles ! Dès lors qu’on situe notre relation à égalité, je pense que notre relation est naturelle entre Français et Algériens. Et je peux vous dire que sur le terrain, le français est encore couramment pratiqué ! C’est le deuxième pays francophone du monde après la France ! Dans l’enseignement supérieur, on parle français ! Il y a plus de 600 accords entre les universités algériennes et les universités françaises !
Jean-Pierre Chevènement : Moi, je ne raisonnerais pas comme ça. Il y a, entre la France et l’Algérie, des liens profonds. Evidemment, je pense qu’il y a eu beaucoup de souffrance, et en même temps, je pense que nous devons, ensemble, regarder vers l’avenir. Il y a beaucoup à faire entre la France et l’Algérie !
Oui, mais les retombées des visites des prédécesseurs de François Hollande n’ont pas été très bonnes.
Oui, mais vous voyez les choses de manière trop négative ! J’ai moi-même été associé à plusieurs épisodes de la relation franco-algérienne depuis cinquante ans. Et par exemple, la libéralisation des visas en 1999, qui a donné lieu à cet échange de visites entre le président Bouteflika et le président Chirac.
L’Algérie est un pays avec lequel nous avons des relations économiques déjà très développées. Nous avons un excédent important sur l’Algérie ! Pourtant, nous importons d’Algérie une partie importante de notre pétrole et de notre gaz surtout.
Et par ailleurs, il y a des relations humaines exceptionnelles ! Dès lors qu’on situe notre relation à égalité, je pense que notre relation est naturelle entre Français et Algériens. Et je peux vous dire que sur le terrain, le français est encore couramment pratiqué ! C’est le deuxième pays francophone du monde après la France ! Dans l’enseignement supérieur, on parle français ! Il y a plus de 600 accords entre les universités algériennes et les universités françaises !
Certains disent que de tous les présidents de la Ve République, François Hollande est le plus algéro-compatible...
Effectivement… Je dirais qu’il a de la symphatie pour l’Algérie. Il y a passé un certain nombre de mois…
Quand il était stagiaire de l’ENA ?
Peut-être, oui. Cela devait être à cette occasion. En même temps, François Hollande comprend la nécessité d’un rapport apaisé dont nous avons tous besoin. Parce que, n’oublions pas, il y a deux à trois millions de Franco-Algériens, peut-être un million d’Algériens, qui sont installés en France. Il y a un continuum humain entre la France et l’Algérie ! Il y a beaucoup de Français ! Peut-être 30 000 qui vivent en Algérie ! Beaucoup d’entreprises françaises qui y sont installées ! Il y a des potentialités souvent insoupçonnées !
Il y a deux mois, François Hollande a fait un geste, en reconnaissance de la répression sanglante du 17 octobre 1961 à Paris. Mais pour beaucoup d’Algériens, ça ne suffit pas. Plusieurs députés vont boycotter le discours du président français à l’Assemblée algérienne. Est-ce que la France doit formellement s’excuser pour les crimes qu’elle a commis ?
Ecoutez… Vous m’annoncez des choses que je ne connais même pas ! Vous parlez de boycott, avant même qu’il y ait un discours prononcé devant l’Assemblée nationale algérienne. Les relations entre les peuples ne sont pas fondées sur des génuflexions ou sur des actes de repentance, etc. Elles sont fondées sur la claire conscience de ce qui s’est passé entre eux.
Et comme le disait un de mes amis, qui est aussi mon maître, l’orientaliste Jacques Berque, il n’y a pas pu y avoir une étreinte aussi profonde, durant plus de cent trente ans, sans que les personnalités des deux peuples n’aient été profondément imprégnées par cette étreinte. Il y a une empreinte qui est restée, et qui fait que – eh bien écoutez – le couscous est par exemple un plat national en France. Le « toubib », tout le monde sait ce que sait, le « flouze », etc. Il y a donc une espèce d’interpénétration inconsciente. Et en fait, nous sommes beaucoup plus proches les uns des autres qu’on ne le dit généralement.
Cette relation de méfiance entre Alger et Paris, est-ce qu’elle ne durera pas aussi longtemps que la génération FLN sera au pouvoir à Alger ?
Mais pas du tout ! Je pense, au contraire, que la connaissance de l’histoire, le fait de l’avoir vécu, fait qu’il y a un intérêt pour l’autre, qui n’existera peut-être plus, quand des générations nouvelles, qui simplement sont connectées sur Internet, ont pris la place.
Autre sujet qui fâche : le Sahara occidental. Paris soutient le plan d’autonomie des Marocains. Est-ce que les Algériens n’ont pas raison, quand ils disent que Paris préfère Rabat à Alger ?
Ecoutez… Vous ne cherchez que les sujets qui fâchent ! À ma connaissance, la position de la France est très étroitement liée à celle de l’ONU. Naturellement, nous essayons de faciliter une chose entre Marocains et Algériens, parce que nous sommes pour des relations apaisées entre le Maroc et l’Algérie. Nous pensons qu’il y a beaucoup de complémentarité entre ces deux grands pays. Et par conséquent, nous ne voulons pas les opposer.
Il y a cinquante ans, au moment des accords d’Evian, de Gaulle rêvait d’un grand partenariat stratégique, entre l’industrie française et les immenses ressources de l’Algérie. Mais aujourd’hui, les Chinois talonnent les Français dans les échanges commerciaux avec l’Algérie. Est-ce que le grand rêve de Gaulle n’est pas brisé ?
C’est déjà formidable que les Chinois ne fassent que nous talonner ! Dans la plupart des pays, les Chinois nous ont déjà dépassés. La France reste très présente en Algérie. Si les Chinois y sont présents, c’est qu’effectivement ils fabriquent à très bas coût. Ça, c’est un problème plus général, qui n’intéresse pas les relations entre la France et l’Algérie.
Disons qu’il y a toute la place en Algérie, pour la France, mais aussi pour la Chine. Et nous ne devons pas avoir une vision obsidionale*. L’Algérie est un pays indépendant depuis cinquante ans, nous devons l’aider à se moderniser, à se diversifier, à bâtir le grand Etat émergent, que nous voyons sous nos yeux et qui est, comme le disait de Gaulle, la porte étroite par laquelle nous devons passer, pour atteindre tous les pays du Sud, qu’on appellerait aujourd’hui « les pays émergents ». Le premier pays émergent à la porte de la France, c’est l’Algérie ! Donc, ça vaut la peine de s’y consacrer, en dehors du regard colonial que certains continuent à maintenir, mais qui n’a plus de sens. Il faut regarder à égalité et il faut bâtir une fraternité franco-algérienne.
Propos recueillis par Christophe Boisbouvier
Source : RFI
Effectivement… Je dirais qu’il a de la symphatie pour l’Algérie. Il y a passé un certain nombre de mois…
Quand il était stagiaire de l’ENA ?
Peut-être, oui. Cela devait être à cette occasion. En même temps, François Hollande comprend la nécessité d’un rapport apaisé dont nous avons tous besoin. Parce que, n’oublions pas, il y a deux à trois millions de Franco-Algériens, peut-être un million d’Algériens, qui sont installés en France. Il y a un continuum humain entre la France et l’Algérie ! Il y a beaucoup de Français ! Peut-être 30 000 qui vivent en Algérie ! Beaucoup d’entreprises françaises qui y sont installées ! Il y a des potentialités souvent insoupçonnées !
Il y a deux mois, François Hollande a fait un geste, en reconnaissance de la répression sanglante du 17 octobre 1961 à Paris. Mais pour beaucoup d’Algériens, ça ne suffit pas. Plusieurs députés vont boycotter le discours du président français à l’Assemblée algérienne. Est-ce que la France doit formellement s’excuser pour les crimes qu’elle a commis ?
Ecoutez… Vous m’annoncez des choses que je ne connais même pas ! Vous parlez de boycott, avant même qu’il y ait un discours prononcé devant l’Assemblée nationale algérienne. Les relations entre les peuples ne sont pas fondées sur des génuflexions ou sur des actes de repentance, etc. Elles sont fondées sur la claire conscience de ce qui s’est passé entre eux.
Et comme le disait un de mes amis, qui est aussi mon maître, l’orientaliste Jacques Berque, il n’y a pas pu y avoir une étreinte aussi profonde, durant plus de cent trente ans, sans que les personnalités des deux peuples n’aient été profondément imprégnées par cette étreinte. Il y a une empreinte qui est restée, et qui fait que – eh bien écoutez – le couscous est par exemple un plat national en France. Le « toubib », tout le monde sait ce que sait, le « flouze », etc. Il y a donc une espèce d’interpénétration inconsciente. Et en fait, nous sommes beaucoup plus proches les uns des autres qu’on ne le dit généralement.
Cette relation de méfiance entre Alger et Paris, est-ce qu’elle ne durera pas aussi longtemps que la génération FLN sera au pouvoir à Alger ?
Mais pas du tout ! Je pense, au contraire, que la connaissance de l’histoire, le fait de l’avoir vécu, fait qu’il y a un intérêt pour l’autre, qui n’existera peut-être plus, quand des générations nouvelles, qui simplement sont connectées sur Internet, ont pris la place.
Autre sujet qui fâche : le Sahara occidental. Paris soutient le plan d’autonomie des Marocains. Est-ce que les Algériens n’ont pas raison, quand ils disent que Paris préfère Rabat à Alger ?
Ecoutez… Vous ne cherchez que les sujets qui fâchent ! À ma connaissance, la position de la France est très étroitement liée à celle de l’ONU. Naturellement, nous essayons de faciliter une chose entre Marocains et Algériens, parce que nous sommes pour des relations apaisées entre le Maroc et l’Algérie. Nous pensons qu’il y a beaucoup de complémentarité entre ces deux grands pays. Et par conséquent, nous ne voulons pas les opposer.
Il y a cinquante ans, au moment des accords d’Evian, de Gaulle rêvait d’un grand partenariat stratégique, entre l’industrie française et les immenses ressources de l’Algérie. Mais aujourd’hui, les Chinois talonnent les Français dans les échanges commerciaux avec l’Algérie. Est-ce que le grand rêve de Gaulle n’est pas brisé ?
C’est déjà formidable que les Chinois ne fassent que nous talonner ! Dans la plupart des pays, les Chinois nous ont déjà dépassés. La France reste très présente en Algérie. Si les Chinois y sont présents, c’est qu’effectivement ils fabriquent à très bas coût. Ça, c’est un problème plus général, qui n’intéresse pas les relations entre la France et l’Algérie.
Disons qu’il y a toute la place en Algérie, pour la France, mais aussi pour la Chine. Et nous ne devons pas avoir une vision obsidionale*. L’Algérie est un pays indépendant depuis cinquante ans, nous devons l’aider à se moderniser, à se diversifier, à bâtir le grand Etat émergent, que nous voyons sous nos yeux et qui est, comme le disait de Gaulle, la porte étroite par laquelle nous devons passer, pour atteindre tous les pays du Sud, qu’on appellerait aujourd’hui « les pays émergents ». Le premier pays émergent à la porte de la France, c’est l’Algérie ! Donc, ça vaut la peine de s’y consacrer, en dehors du regard colonial que certains continuent à maintenir, mais qui n’a plus de sens. Il faut regarder à égalité et il faut bâtir une fraternité franco-algérienne.
Propos recueillis par Christophe Boisbouvier
Source : RFI