Verbatim express:
Le marché mondial a besoin d'un état patron pour fonctionner
Le marché mondial a besoin d'un état patron pour fonctionner
- Historiquement, nous avons connu deux périodes de mondialisation libérale : la première sous l'égide de la Grande-Bretagne, qui s'étend de 1860 à 1914 environ – et qui se conclut sur la 1ère GM – puis une seconde mondialisation qui s'affirme dans la seconde moitié du XXe siècle. C'est la mondialisation sous l'égide des États-Unis. La comparaison entre les deux mondialisations est utile parce qu'il y a beaucoup de similitudes et quelques différences.
- Il y a une chose qui frappe, c'est que le grand marché mondial, pour exister, a besoin de ce que j'appelle un hegemon : c'est à dire un patron. Ce patron au XIXe siècle, c'est la Grande-Bretagne, son Empire et sa puissance navale.
- Pour bien comprendre l'éclatement de la 1ère guerre mondiale, il faut passer par la théorie de l'hegemon : la montée en puissance de l'Allemagne impériale menaçait l'Empire britannique. La guerre préventive déclenchée par l'Allemagne contre la Russie et la France a entraîné la réaction de la Grande-Bretagne puis des États-Unis.
- Nous sommes désormais, jusqu'à aujourd'hui, dans la mondialisation sous l'égide des Etats-Unis, mais on voit que là aussi la hiérarchie des puissances s'est beaucoup modifiée. Il y a les pays émergents et au premier rang d'entre eux, il y a la Chine, formidable puissance dont la Banque Mondiale nous dit que son PNB aura dépassé celui des États-Unis avant 2020. Et 2020, c'est demain !
- La montée en puissance économique, financière, et demain militaire, de la Chine pose le problème du XXIe siècle, qui est dès maintenant structuré par cette bipolarité.
Les conséquences de l'émergence de la Chine
- L'émergence chinoise risque t-elle d'être conflictuelle ? Ce risque existe. Et quand il m'est arrivé de rencontrer des dirigeants chinois, je leur ai dit de ne surtout pas suivre l'exemple de l'Allemagne impériale de Guillaume II, qui s'est ensuivie de la surenchère nazie.
- Les Chinois, s'ils gèrent leur montée en puissance avec trop d'arrogance, dans la mer de Chine par exemple, peuvent ouvrir la voie à des incidents qui pourraient ne pas être contrôlés. Les voisins de la Chine ne voient pas avec sympathie cette ascension.
- Il faut apprendre à vivre avec la différence. Beaucoup de Français apprennent le chinois, c'est très bien. Et rappelez-vous une chose, c'est que la bipolarité a un avantage. Il vaut mieux avoir deux patrons qu'un seul, car vous pouvez jouer à la marge. Washington restera notre allié, mais Pékin n'est pas notre ennemi.
- Sur l'hypothèse de l'entrée de Dongfeng au capital de PSA : je tiens à ce que le groupe français préserve son autonomie décisionnelle, et son autonomie technologique. C'est un fleuron de l'économie française qu'on ne doit pas perdre mais Peugeot doit se développer sur le 1er marché du monde : la Chine.
- A ce jour aucune décision n'est prise. L’État pourrait aussi rentrer dans le capital de PSA. Et General Motors est déjà au capital de PSA : pourquoi pas Dongfeng ? Quant aux proportions, ça se discute et il faut avoir en vue l'intérêt national.
Rebattre les cartes de l'Europe
- L'Europe c'est plusieurs nations. Il faut voir grand, et il faut voir l'Europe à la lumière du XXIe siècle. Toutes ces nations, du Maghreb jusqu'à la Russie, il faut leur donner un squelette qu'elles sont loin aujourd'hui d'avoir.
- Il faut complètement rebattre les cartes de l'Europe parce que, telle qu'elle a été conçue aujourd'hui, elle nous conduit dans le mur. On le voit malheureusement tous les jours.
- Sur Lampedusa, il faut être pratique, et il ne faut pas céder à la dictature de l'émotion. Une politique migratoire est nécessaire : nous avons 3 200 000 chômeurs, par conséquent on peut accueillir un certain nombre de gens, notamment ceux qui ont des spécialités où nous n'avons pas les qualifications qui seraient nécessaires.
- Il faut assumer la politique migratoire, mais l'assumer humainement. La solution est dans le développement de l'Afrique.
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