Verbatim express :
En réponse aux questions de Laurent Ruquier sur l'hypothèse de nommer Jean-Pierre Chevènement à Matignon
En réponse aux questions de Laurent Ruquier sur l'hypothèse de nommer Jean-Pierre Chevènement à Matignon
- La situation va en s'aggravant depuis longtemps. Le précipice s'est rapproché. Il est possible que ceux qui font la même politique depuis des années s'avisent qu'ils pourraient en changer.
- Il faut que cette idée fasse du chemin dans la tête de François Hollande, et pour le moment, je pense qu'il n'en est pas encore tout à fait là !
- Je ne revendique rien. C'est un métier difficile. Et j'ai beaucoup de sympathie pour Jean-Marc Ayrault. C'est un homme courageux, qui dans les étroites limites qui lui sont laissées, fait ce qu'il peut.
- Je pense qu'il faudrait faire un gouvernement qui donne le sentiment qu'on puisse changer de cap. Aujourd'hui ce n'est pas du tout le cas.
- C'est un gouvernement assez monocolore, assez social-libéral. Avec peut-être une exception, Arnaud Montebourg. Il est l'exception qui confirme la règle.
- Je me laisse une grande marge de choix, de façon à impressionner assez ceux avec lesquels il faudra négocier, pour sortir du piège dans lequel nous nous sommes mis il y a déjà très longtemps. Traité de Maastricht, monnaie unique : voyez le résultat !
- Manuel Valls est un bon ministre de l'Intérieur. C'est une fonction délicate à exercer, surtout quand on appartient à un gouvernement de gauche. Je parle d'expérience !
- Arnaud Montebourg fait du bon travail. Le « fabriqué en France », si vous permettez que je ne dise pas « made in France », c'est un bon thème. Quand j'étais ministre de l'Industrie, au début des années 1980, il y avait presque six millions de travailleurs dans l'industrie. Aujourd'hui, il en reste 3 millions. Je ne dis pas qu'il n'y avait pas des efforts de productivité à faire, mais quand même : ça interroge !
- Comment redresser la situation ? J'ai quelques idées.
"Il n'y a pas de politiques sans risques, mais il y a des politiques sans chance". (Pierre Mendès-France)
- Je vois que la situation est de plus en plus préoccupante. Je pourrais passer mon temps à insulter François Hollande. Honnêtement, il y a suffisamment de gens qui s'en chargent !
- J'ai une position argumentée, qui vient de loin. J'ai démissionné en 1983 pour m'opposer au choix de la politique du franc fort. Et on en est toujours là ! On est victime d'une monnaie surévaluée. L'euro est beaucoup trop fort.
- Il y a des choix erronés qui ont été faits, et qui ont été redoublés au moment du traité de Maastricht, quand on a choisi de confondre le franc avec le mark.
- Quand on se trompe, il faut être capable de le reconnaître, de revenir en arrière à la bifurcation, et au lieu d'aller à droite, d'aller à gauche !
- Il ne s'agit pas aujourd'hui de sortir de l'euro mais de le transformer. Tout cela doit se faire en bonne intelligence avec l'Allemagne. C'est la France et l'Allemagne qui ont créé la monnaie unique. Cela s'est révélé être une erreur, parce qu'on a mis ensemble des pays très différents.
- Je suis pour une monnaie commune à la place de la monnaie unique. La monnaie commune, c'est un panier de monnaies, une monnaie qui en rassemble plusieurs autres, qui peuvent fluctuer dans des marges négociées. Cela s'appellerait l'euro-franc, l'euro mark, etc.
- Faisons aussi une grande Europe confédérale avec les Anglais, peut-être un jour avec les Russes, avec d'autres en Méditerranée, pour exister dans le XXIe siècle, face à la Chine, qui est la puissance montante, et aux États-Unis, puissance lentement déclinante.
- Nous avons besoin de nous donner de l'air, de remonter la pente. De faire reculer le chômage et pour cela créer des emplois. Nous avons perdu 15 points de compétitivité avec l'Allemagne, comment allons-nous les remonter ? Avec des petites réformettes ? Je n'y crois pas. Seul un réaménagement du système de l'euro peut nous permettre de le faire.
- Il faut que François Hollande en arrive à la même conclusion que moi. Ce n'est pas encore le cas aujourd'hui.
Le patriotisme, c'est l'amour des siens. Le nationalisme, c'est la haine des autres" (Romain Gary)
- On confond la nation et le nationalisme. La nation, c'est le cadre de la démocratie, c'est le lieu de la solidarité. Le nationalisme c'est une perversion de la nation.
- On discrédite excessivement les nations à causes des deux guerres mondiales, mais ce ne sont pas elles qui sont entrées en guerre les unes contre les autres, ce sont les élites dirigeantes de l'Allemagne impériale qui, il faut bien le dire, ont choisi de faire une guerre préventive pour desserrer la menace russe qu'elles croyaient percevoir, avec l'idée de mettre hors-jeu la France en six semaines, et pour cela en violant la neutralité de la Belgique. Donc ils se sont mis à dos l'Empire britannique, qui s'inquiétait déjà de la montée de la puissance de l'Allemagne et de ses armements navals en particulier.
- Il y a déjà eu une mondialisation avant celle que nous connaissons aujourd'hui. La 1ère mondialisation, avant 1914, était sous l'hégémonie de la Grande-Bretagne. Mais la mondialisation a besoin pour fonctionner d'un État patron, pour manier le "gros bâton".
- Les élites allemandes ont donc pris le risque d'une guerre européenne, et cette guerre européenne est devenue mondiale avec l'entrée en guerre de la Grande-Bretagne puis des États-Unis.
- Aujourd'hui, nous avons la montée de la Chine, et ce sont les Américains qui tiennent le gros bâton. La Chine aura d'ici 2020 la même puissance économique que les États-Unis. Donc quand moi je vois les dirigeants Chinois, je leur dis toujours d'être beaucoup plus prudent que ne l'ont été les dirigeants de l'Allemagne impériale.
- Le « big business » américain a vu l'intérêt du marché chinois. Il y a envoyé ses capitaux et il a désindustrialisé les États-Unis. Les Etats-Unis ont un gigantesque déficit commercial de 200 milliards de dollars avec la Chine. Les Chinois deviennent très riches, accumulent plusieurs milliers de milliards de réserves en bons du Trésor américain. Ces derniers sont obligés de parler poliment à leurs créanciers.
- Ce n'est pas parce que Marine Le Pen revêt une tenue camouflée que je lui ressemble !
- Pour moi la nation c'est la communauté des citoyens. Je ne donne pas une définition ethnique de la nation.
- Ce serait quand même très grave pour l'image de la France que Marine Le Pen devienne ministre des Transports par exemple. Ce serait un effet de pollution sur un certain nombre d'idées auxquelles je tiens.
- Je ne fais en aucune manière confiance au FN. Ce sont des démagogues. Ce sont des gens qui ont trouvé le moyen de se confondre avec la couleur de la muraille. Mais ils portent des idées qui sont dangereuses pour la République.
PMF disait une chose : « il y a deux sortes d'hommes politiques. Ceux qui se répètent et ceux qui se contredisent». Je préfère faire partie de la première catégorie !
- Quand je vois aujourd'hui les électeurs bretons, qui sont des électeurs socialistes, qui expriment beaucoup de colère et d'incompréhension, je me dis que le temps est peut être venu de leur dire que leurs poulets ont dû mal à se vendre face à la concurrence de ceux venus du Brésil, qui bénéficient d'un réal très bas, et que d'autre part les Allemands utilisent une main d’œuvre sous-payée en provenance d'Europe centrale grâce à la directive Bolkestein.
- L'OMC veut libéraliser les échanges agricoles. Les pays les plus opposés à cette libéralisation, c'est la Chine, l'Inde, le Brésil. L'agriculture c'est encore la moitié de la population active mondiale.
- La compression du budget de la Politique Agricole Commune (PAC) en Europe explique aussi les difficultés de notre agriculture et de notre filière agro-industrielle.
- Je ne me revendique pas comme souverainiste mais comme républicain. Je reconnais qu'il y a une politique européenne qui marche à peu près depuis une cinquantaine d'années, c'est la PAC. Mais elle est en crise.
"Gouverner, c'est choisir" (PMF)
- Nous sommes embarqués dans un système qui prend l'eau. Cela s'appelle la monnaie unique. On a fait une politique de déflation. Le chômage est très important en Europe notamment chez les jeunes. Certains pays vont devoir être aidés de nouveau. Les Allemands n'ont pas envie de mettre la main à la poche éternellement.
- Ce système de la monnaie unique me fait penser au tonneau des Danaïdes et va devoir être repris complètement.
- Il est important qu'il y ait des hommes politiques qui disent : « Vous avez fait fausse route. Le moment est venu de redresser la barre et de donner la priorité à l'emploi, à la réindustrialisation, en en prenant les moyens ».
- Je suis un élu de la République, en tant que tel responsable devant le peuple Français. Gouverner dans le système actuel c'est difficile, surtout s'il faut faire des choix courageux. Avec les médias, on passe d'une bulle à une autre. On oublie que gouverner, c'est proposer une vue de long terme, c'est faire des choix. Comme disait Pierre Mendès-France, « gouverner, c'est choisir ».
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