Verbatim
- Sur la rencontre entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine – première visite du président français en Russie à l’occasion du Forum international économique de Saint-Pétersbourg, 24-25 mai
Il faut reconnaître au président Emmanuel Macron le talent de redresser des situations qui paraissaient très compromises:après l'affaire Skripal et celle des frappes americano-franco-britanniques sur la Syrie, il y avait un grand trou noir dans la relation franco-russe.
Après le très long tête-à-tête entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine, le résultat a été tout à fait remarquable. Sans nier les désaccords, le président Macron a su trouver les points de convergence et prendre appui sur eux pour aller vers des solutions, sur l'Ukraine ou la Syrie, qui sont à la portée de la main. Je n'en dirais pas autant sur l'Iran, qui est un problème infiniment plus complexe et qui a pesé sur toute la rencontre car la décision du président Trump bouleverse évidemment la donne.
Cette visite a été un grand succès y compris au Forum, devant plus de 2000 hommes d'affaires, où étaient présents les présidents Macron et Poutine, le premier ministre japonais Shinzo Abe, un vice-premier ministre chinois et Madame Lagarde. Le discours d'Emmanuel Macron fut d'une rare qualité. Par ailleurs, de très grands contrats ont été signés.
On ne peut établir d'équivalence entre Donald Trump et Vladimir Poutine : Donald Trump procède souvent par foucades ; Vladimir Poutine est un homme d'Etat réaliste, qui est au pouvoir depuis 18 ans, qui est très populaire dans son pays. Il a été réélu avec 76 % des voix il y a peu avec un taux de participation très honorable de 67 %. C'est un autre type d'homme, un réaliste pragmatique. On le voit de manière caricaturale en France où, très souvent la Russophobie se dissimule sous la Poutinophobie, si je puis dire.
Poutine a cherché à redresser l'Etat en Russie, il y est parvenu d'une certaine manière puisque si l'on prend par exemple l'indicateur de développement humain, la Russie est maintenant à une place tout à fait honorable, ce qui n'était pas le cas quand Poutine est arrivé au pouvoir. Il y a eu une croissance assez forte pendant les 10 premières années, elle a ralenti mais elle reprend, et cela sera sans doute conforté par la remontée du prix du pétrole.
- Sur la Syrie.
Il y a deux processus parallèles, qui ne se sont donc jamais rencontrés : celui d'Astana autour de la Russie, de l'Iran, de la Syrie et de la Turquie ; et le processus dit « small group », qui réunit les Occidentaux, la Jordanie, l'Arabie Saoudite et l'Egypte. Il faut que ces deux processus confluent à Genève, car c'est à Genève que se fera la conclusion politique inclusive qui permettra de mettre un terme à une guerre en Syrie qui n'a que trop duré.
Cette décision a été prise, qui prévoit qu'il y aura deux coordinateurs de part et d'autre pour faire en sorte que les deux démarches avancent de concert et aboutissent à une solution qui préserverait l'intégrité territoriale de la Syrie, accorderait un minium d'autonomie culturelle à un certain nombre de minorités sans remettre en cause l'unicité et la laïcité du gouvernement syrien qui nous tient à cœur ; faire en sorte que des initiatives humanitaires soient prises pour permettre la reconstruction de certains quartiers dévastés, le retour des réfugiés et enfin des élections pluralistes supervisées par l'ONU.
Tout cela prendra du temps mais il n'y a pas d'autre issue, sinon celle de se faire la guerre. Ce serait alors redonner sa chance à Daech. Il est important d'en finir avec Daech et trouver les bases d'un compromis possible.
Emmanuel Macron a cité deux personnages de Guerre et Paix, Bezoukhov et Karataïev, dont l'un finit par ranimer en l'autre la confiance qu'il avait perdue en la nature humaine.
- Sur l'Ukraine
Le président Macron a expliqué qu'il y avait une fenêtre d'opportunité avant les élections ukrainiennes et après l'élection de Poutine. Il faut la saisir dans les semaines qui viennent au niveau des ministres des Affaires étrangères. Sur les points essentiels - l'opération de maintien de la paix, les élections locales, la réforme constitutionnelle en Ukraine, le retrait des armes lourdes - on peut trouver des solutions ; il est donc possible de mettre fin à un conflit qui est dit gelé mais qui peut redevenir chaud.
- Sur l'Italie
L'Italie est un laboratoire qui nous a donné l'Empire romain, les Républiques de la Renaissance, le futurisme, le fascisme, Gramsci... C'est un pays inventif.
Je regrette que le président Mattarella ait refusé de tenir compte de l'accord qui s'était dégagé entre deux partis qui sont majoritaires à la Chambre ; les choses pouvaient évoluer. Le programme n'était pas très réaliste mais le programme commun en France l'était-il davantage ? On aurait vu assez rapidement que le programme était tout de même difficile à appliquer, peut-être une dissolution serait-elle intervenue, mais à un meilleur moment.
Monsieur Mattarella a fait appel à un spécialiste du FMI. Ce n'est quand même pas quelqu'un que les Italiens moyens peuvent aimer. Je ne crois pas qu'il sera investi par les Chambres, donc il va expédier les affaires courantes jusqu'aux prochaines élections...
Ce n'est pas la première fois qu'il y a un déni de démocratie
Il faut faire avec la démocratie, il faut respecter le vote, comme l'a rappelé le président Macron sans prendre parti dans les affaires de l'Italie.
- En hommage à Serge Dassault
J'ai connu Serge Dassault quand il était déjà président de Dassault, j'ai fait partie de ceux qui ont bataillé pour faire homologuer le Rafale. Je salue un grand industriel français.