Jean-Pierre Chevènement salue la prise de risque de Nicolas Sarkozy, qui a invité Bachar al-Assad à Paris. En revanche, l'ancien ministre de la Défense se montre plus critique quant à la politique menée par le président. Il s'oppose notamment au retour de la France dans l'Otan et s'interroge sur le paradoxe entre la multiplication des opérations extérieures et la réduction des effectifs.
Le journal du dimanche : La venue à Paris de Bachar el-Assad suscite la controverse...
Je ne fais pas partie de ceux qui désapprouvent l'invitation à Paris de Bachar el-Assad. En politique, il faut savoir prendre des risques. En l'occurrence, Nicolas Sarkozy a raison d'en prendre. La Syrie est une pièce stratégique du puzzle du Proche et du Moyen-Orient. Il est utile pour la France d'avoir un contact avec ce pays. Si l'on fait l'Union pour la Méditerranée, il faut le faire avec tous les pays riverains. Sans exception. Mener cette démarche avec des critères uniquement éthiques nous aurait fait courir le risque de nous retrouver dans un cercle plutôt étroit. Et nous aurait conduit à l'impuissance.
L'Union pour la Méditerranée vous parait-elle une bonne initiative?
C'était une bonne idée au départ. Elle est, hélas, largement vidée de son contenu, en raison notamment des exigences de l'Allemagne. Angela Merkel a imposé la présence dans l'Union pour la Méditerranée (UPM) des vingt-sept pays de l'Union européenne et exigé que soit maintenu le cadre du processus de Barcelone. Un cadre très contraignant qui aboutira à ce que tous les dossiers de l'UPM soient instruits en dernier ressort par la Commission européenne. Quand on connaît la lourdeur de fonctionnement et les contraintes de la Commission, qui, à ma connaissance, ne dispose pas de ligne budgétaire supplémentaire, on peut s'interroger sur l'efficacité future de l'UPM. Donner à la Commission le dernier mot revient à priver l'UPM d'une large partie de son autonomie.
Le malaise de l'armée grandit chaque jour. Peut-on parler de divorce entre les militaires et Nicolas Sarkozy?
Il y a évidemment une question de style. Dire aux militaires comme l'a fait le président: "Vous êtes des amateurs", ne me semble pas adroit, c'est le moins qu'on puisse dire. Ce n'est d'ailleurs pas souvent que l'on voit un chef d'état-major de l'armée de terre donner sa démission de façon aussi spectaculaire. Il y a aussi un problème de fond: la réduction annoncée de 54.000 postes pour une armée fortement "dégraissée" n'est guère compatible avec les multiples engagements extérieurs de notre armée. Engagements d'ailleurs très éloignés de nos intérêts nationaux. Je pense au Kosovo et à l'Afghanistan, deux opérations qui se font sous commandement de l'Otan. Il y a aujourd'hui dix-sept opérations militaires extérieures dans lesquelles nos forces sont impliquées. On est loin de l'inspiration gaulliste de notre politique de défense. Un pays qui remet à d'autres, dans le cas qui nous occupe à l'organisation militaire intégrée de l'Otan, le soin de sa défense, abandonne la maîtrise de sa politique étrangère et de son destin. Je suis très préoccupé par l'abandon du consensus en matière de défense auquel en tant qu'ancien ministre de la Défense je suis très attaché et auquel j'avais contribué à rallier le PS. J'étais partisan de la dissuasion nucléaire avant tout le monde. C'est sous mon influence que le PS l'accepta en 1978.
Voir l'entretien sur le site du JDD
Le journal du dimanche : La venue à Paris de Bachar el-Assad suscite la controverse...
Je ne fais pas partie de ceux qui désapprouvent l'invitation à Paris de Bachar el-Assad. En politique, il faut savoir prendre des risques. En l'occurrence, Nicolas Sarkozy a raison d'en prendre. La Syrie est une pièce stratégique du puzzle du Proche et du Moyen-Orient. Il est utile pour la France d'avoir un contact avec ce pays. Si l'on fait l'Union pour la Méditerranée, il faut le faire avec tous les pays riverains. Sans exception. Mener cette démarche avec des critères uniquement éthiques nous aurait fait courir le risque de nous retrouver dans un cercle plutôt étroit. Et nous aurait conduit à l'impuissance.
L'Union pour la Méditerranée vous parait-elle une bonne initiative?
C'était une bonne idée au départ. Elle est, hélas, largement vidée de son contenu, en raison notamment des exigences de l'Allemagne. Angela Merkel a imposé la présence dans l'Union pour la Méditerranée (UPM) des vingt-sept pays de l'Union européenne et exigé que soit maintenu le cadre du processus de Barcelone. Un cadre très contraignant qui aboutira à ce que tous les dossiers de l'UPM soient instruits en dernier ressort par la Commission européenne. Quand on connaît la lourdeur de fonctionnement et les contraintes de la Commission, qui, à ma connaissance, ne dispose pas de ligne budgétaire supplémentaire, on peut s'interroger sur l'efficacité future de l'UPM. Donner à la Commission le dernier mot revient à priver l'UPM d'une large partie de son autonomie.
Le malaise de l'armée grandit chaque jour. Peut-on parler de divorce entre les militaires et Nicolas Sarkozy?
Il y a évidemment une question de style. Dire aux militaires comme l'a fait le président: "Vous êtes des amateurs", ne me semble pas adroit, c'est le moins qu'on puisse dire. Ce n'est d'ailleurs pas souvent que l'on voit un chef d'état-major de l'armée de terre donner sa démission de façon aussi spectaculaire. Il y a aussi un problème de fond: la réduction annoncée de 54.000 postes pour une armée fortement "dégraissée" n'est guère compatible avec les multiples engagements extérieurs de notre armée. Engagements d'ailleurs très éloignés de nos intérêts nationaux. Je pense au Kosovo et à l'Afghanistan, deux opérations qui se font sous commandement de l'Otan. Il y a aujourd'hui dix-sept opérations militaires extérieures dans lesquelles nos forces sont impliquées. On est loin de l'inspiration gaulliste de notre politique de défense. Un pays qui remet à d'autres, dans le cas qui nous occupe à l'organisation militaire intégrée de l'Otan, le soin de sa défense, abandonne la maîtrise de sa politique étrangère et de son destin. Je suis très préoccupé par l'abandon du consensus en matière de défense auquel en tant qu'ancien ministre de la Défense je suis très attaché et auquel j'avais contribué à rallier le PS. J'étais partisan de la dissuasion nucléaire avant tout le monde. C'est sous mon influence que le PS l'accepta en 1978.
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