La Provence : Lors du congrès du MRC, le week-end dernier, vous avez brandi le drapeau irlandais. Y a-t-il vraiment des raisons de se réjouir du non des Irlandais au traité de Lisbonne ?
Jean-Pierre Chevènement : Le peuple irlandais a parlé pour tous les autres peuples. Au-delà même du traité de Lisbonne, il a contesté le fonctionnement très peu démocratique, pour ne pas dire antidémocratique des institutions européennes. Ni la commission, ni la banque centrale, ni la cour de justice ne rendent de compte à personne. Dans le même temps, les Irlandais ont contesté l’orientation très peu sociale de l’Europe.
Cette critique d’une Union technocratique et antisociale est partagée dans l’Europe entière. Les peuples veulent que l’Europe se fasse avec eux. Ils préfèrent une Europe à géométrie variable. On peut ainsi très bien construire une Europe dotée d’un gouvernement économique au niveau de la zone euro pour créer un espace de relance keynésienne. On peut aussi créer une Europe de la défense à la carte. Le non irlandais traduit une volonté démocratique qui débouche sur une autre conception de l’Europe. On assiste à une remise à plat de la construction européenne que M. Sarkozy avait cru pouvoir éviter avec, hélas, la complaisance d’une majorité des élus socialistes. Mais quand on va contre la volonté des peuples, il y a toujours des accidents.
En saluant la victoire du non irlandais, ne rendez-vous pas encore plus difficile votre rapprochement avec le Parti socialiste, nécessaire à la constitution d’un « parti de toute la gauche » que vous appelez de vos vœux?
Le rapprochement avec le Parti socialiste ne se fera pas à n’importe quelle condition. Il se fera sur la base d’un accord de principe. Et la réorientation de la construction européenne est évidemment à la base de la reconstruction de la gauche.
Jean-Pierre Chevènement : Le peuple irlandais a parlé pour tous les autres peuples. Au-delà même du traité de Lisbonne, il a contesté le fonctionnement très peu démocratique, pour ne pas dire antidémocratique des institutions européennes. Ni la commission, ni la banque centrale, ni la cour de justice ne rendent de compte à personne. Dans le même temps, les Irlandais ont contesté l’orientation très peu sociale de l’Europe.
Cette critique d’une Union technocratique et antisociale est partagée dans l’Europe entière. Les peuples veulent que l’Europe se fasse avec eux. Ils préfèrent une Europe à géométrie variable. On peut ainsi très bien construire une Europe dotée d’un gouvernement économique au niveau de la zone euro pour créer un espace de relance keynésienne. On peut aussi créer une Europe de la défense à la carte. Le non irlandais traduit une volonté démocratique qui débouche sur une autre conception de l’Europe. On assiste à une remise à plat de la construction européenne que M. Sarkozy avait cru pouvoir éviter avec, hélas, la complaisance d’une majorité des élus socialistes. Mais quand on va contre la volonté des peuples, il y a toujours des accidents.
En saluant la victoire du non irlandais, ne rendez-vous pas encore plus difficile votre rapprochement avec le Parti socialiste, nécessaire à la constitution d’un « parti de toute la gauche » que vous appelez de vos vœux?
Le rapprochement avec le Parti socialiste ne se fera pas à n’importe quelle condition. Il se fera sur la base d’un accord de principe. Et la réorientation de la construction européenne est évidemment à la base de la reconstruction de la gauche.
Ce « parti de toute la gauche », comment et avec qui comptez-vous le construire ?
Ce qui est important d’abord, c’est que l’une des cinq formations qui se réunissent périodiquement au sein du comité de liaison de la gauche – en l’occurrence le MRC – affirme clairement le cap. Dans la perspective de la constitution d’un parti de toute la gauche, le MRC est en mesure de jouer le rôle d’aiguillon et de catalyseur.
À partir de là, nous savons bien qu’il y aura des obstacles à surmonter. Le Parti socialiste est hégémonique à gauche, mais il ne peut pas accéder au pouvoir dans les conditions actuelles. Cela lui fait une belle jambe d’être le parti le plus puissant de la gauche si la gauche est condamnée à demeurer durablement minoritaire. Il faut donc créer un électrochoc qui, comme le congrès d’Epinay de 1971, provoque une dynamique et entraîne des centaines de milliers de sympathisants et fasse basculer l’électorat. Mais cela ne suffit pas ; il faut aussi de clairs repères républicains afin de reconquérir l’appui des couches populaires.
Le « parti de toute la gauche » devra-t-il englober le Parti communiste ?
Concernant le PC, il ne faut pas qu’il s’enferme sur lui-même, sinon, il va courir à de nouvelles déconvenues. Combien plus efficaces seraient les militants communistes, dont chacun connaît la valeur et le dévouement, s’ils pouvaient militer à l’intérieur d’un vaste ensemble de la gauche.
Le 13 juillet, la conférence sur le projet d’union de la Méditerranée se tiendra à Paris. Approuvez-vous cette initiative de Nicolas Sarkozy ?
L’idée en elle-même était bonne. Mais on constate que, pour l’essentiel, l’Allemagne de Madame Merckel a vidé cette union de la Méditerranée de son contenu. Il n’y aura pas de crédits supplémentaires et tous les projets devront être instruits par la commission de Bruxelles. On est retombé de la sorte dans le processus de Barcelone qui s’est soldé par un échec. Nous sommes confrontés à ce que M. Sarkozy a accepté, à savoir à la rupture de l’équilibre fondateur entre la France et l’Allemagne. Après le traité de Lisbonne et en vertu de critères démographiques, la France ne pèsera plus que les ¾ de l’Allemagne. Et l’on voit dès aujourd’hui que l’Allemagne s’octroie un véritable droit de veto sur des initiatives comme celle de l’union de la Méditerranée, qui, en elle-même, était louable.
Etes-vous choqué par la présence à Paris, le 14 juillet, du chef de l’Etat syrien, Béchir Al-Assad ?
Il aurait mieux valu commencer par une formule moins ambitieuse que cette réunion à quarante, et, par exemple, par une formule à 5 + 5, les cinq pays du Maghreb et les cinq pays européens riverains de la rive nord de la Méditerranée. Cela aurait certainement été plus efficace dans un premier temps. Et puis on aurait élargi au Proche-Orient où les problèmes sont loin d’être résolus.
Il ne suffit pas d’une prestation de M. Sarkozy à Jérusalem pour régler le problème de la création de l’Etat palestinien. M. Sarkozy a pris un risque. Maintenant, je ne vais pas le critiquer. Je pratique une opposition constructive. Dès lors qu’il a pris ce risque, je l’approuve.
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Voir l'entretien sur le site de La Provence
Ce qui est important d’abord, c’est que l’une des cinq formations qui se réunissent périodiquement au sein du comité de liaison de la gauche – en l’occurrence le MRC – affirme clairement le cap. Dans la perspective de la constitution d’un parti de toute la gauche, le MRC est en mesure de jouer le rôle d’aiguillon et de catalyseur.
À partir de là, nous savons bien qu’il y aura des obstacles à surmonter. Le Parti socialiste est hégémonique à gauche, mais il ne peut pas accéder au pouvoir dans les conditions actuelles. Cela lui fait une belle jambe d’être le parti le plus puissant de la gauche si la gauche est condamnée à demeurer durablement minoritaire. Il faut donc créer un électrochoc qui, comme le congrès d’Epinay de 1971, provoque une dynamique et entraîne des centaines de milliers de sympathisants et fasse basculer l’électorat. Mais cela ne suffit pas ; il faut aussi de clairs repères républicains afin de reconquérir l’appui des couches populaires.
Le « parti de toute la gauche » devra-t-il englober le Parti communiste ?
Concernant le PC, il ne faut pas qu’il s’enferme sur lui-même, sinon, il va courir à de nouvelles déconvenues. Combien plus efficaces seraient les militants communistes, dont chacun connaît la valeur et le dévouement, s’ils pouvaient militer à l’intérieur d’un vaste ensemble de la gauche.
Le 13 juillet, la conférence sur le projet d’union de la Méditerranée se tiendra à Paris. Approuvez-vous cette initiative de Nicolas Sarkozy ?
L’idée en elle-même était bonne. Mais on constate que, pour l’essentiel, l’Allemagne de Madame Merckel a vidé cette union de la Méditerranée de son contenu. Il n’y aura pas de crédits supplémentaires et tous les projets devront être instruits par la commission de Bruxelles. On est retombé de la sorte dans le processus de Barcelone qui s’est soldé par un échec. Nous sommes confrontés à ce que M. Sarkozy a accepté, à savoir à la rupture de l’équilibre fondateur entre la France et l’Allemagne. Après le traité de Lisbonne et en vertu de critères démographiques, la France ne pèsera plus que les ¾ de l’Allemagne. Et l’on voit dès aujourd’hui que l’Allemagne s’octroie un véritable droit de veto sur des initiatives comme celle de l’union de la Méditerranée, qui, en elle-même, était louable.
Etes-vous choqué par la présence à Paris, le 14 juillet, du chef de l’Etat syrien, Béchir Al-Assad ?
Il aurait mieux valu commencer par une formule moins ambitieuse que cette réunion à quarante, et, par exemple, par une formule à 5 + 5, les cinq pays du Maghreb et les cinq pays européens riverains de la rive nord de la Méditerranée. Cela aurait certainement été plus efficace dans un premier temps. Et puis on aurait élargi au Proche-Orient où les problèmes sont loin d’être résolus.
Il ne suffit pas d’une prestation de M. Sarkozy à Jérusalem pour régler le problème de la création de l’Etat palestinien. M. Sarkozy a pris un risque. Maintenant, je ne vais pas le critiquer. Je pratique une opposition constructive. Dès lors qu’il a pris ce risque, je l’approuve.
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