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Entretien avec Nicolas Baverez dans Le Nouvel Observateur: "Faut-il démondialiser?"


Entretien paru dans le Nouvel Observateur du 8 septembre 2011.


Entretien avec Nicolas Baverez dans Le Nouvel Observateur: "Faut-il démondialiser?"
Jean-Gabriel Fredet (Nouvel Observateur) - Après avoir encensé la mondialisation, on porte aux nues maintenant la « démondialisation ». Qu’en pensez vous ?
Jean-Pierre Chevènement: La crise de la mondialisation financière nous oblige à réfléchir sans tabous. En 2008, l’opinion a découvert que la théorie de l’efficience des marchés relevait du mythe et que nous vivions dans un système hyper-spéculatif , excessivement globalisé, favorisant des mouvements d’amplification irrésistibles.

Dans le même temps, les Français ont pris conscience du déclassement de l’Europe et du rétrécissement de leur industrie qui ne représente plus que 13% de notre valeur ajoutée aujourd’hui. Dès lors, si le mot de « démondialisation » a l’inconvénient de suggérer qu’on pourrait revenir en arrière, il réintroduit l’idée que l’on peut corriger les excès d’une mondialisation « biaisée » et revenir sur les excès du néolibéralisme.

Nicolas Baverez: Avant de juger, les faits. La mondialisation n’est ni « heureuse » ni « malheureuse », c’est un fait historique, le grand principe du XXI° siècle. Elle procède de trois mouvements. L’universalisation du capitalisme d’abord qui a fait entrer l’humanité dans l’âge d’une histoire commune à défaut d’être convergente. Ensuite la multipolarité, synonyme de désoccidentalisation du monde. Au-delà de la Chine, de l’Inde, du Brésil, de la Russie, pointe une deuxième vague d’émergents - Indonésie,Turquie, Afrique du sud- qui fait basculer le centre de gravité du monde et met fin au monopole de l’histoire détenu par l’Occident. Ce système multipolaire est enfin profondément hétérogène tant du point de vue des valeurs que des cultures ou des institutions.

La mondialisation ne tombe pas du ciel ; son histoire démarre en 1979 avec la désinflation organisée par Paul Volcker à la tête de la Banque centrale américaine et la déréglementation initiée par Madame Thatcher. Elle coïncide avec l’invasion de l’Afghanistan et le début de la fin de l’Union soviétique ; avec le lancement des quatre modernisations qui fondent les Trente Glorieuse chinoises.

Triomphante durant la décennie 1990, après la chute du Mur de Berlin qui fait disparaître toute alternative au capitalisme, cette mondialisation est confrontée, à partir de 2001, à des chocs en chaîne, provoqués par la démesure américaine et les réactions qu’elle suscite : krach des nouvelles technologies et attentats du 11 septembre en 2001, guerres d’Afghanistan et d’Irak, enchaînement des bulles spéculatives culminant avec la chute de Lehman Brothers en 2008. Aujourd’hui, le monde continue à être bouleversé par des chocs dont la violence crée une incertitude permanente: crise de la dette souveraine, déstabilisation de la zone euro et dégradation de la notation financière des Etats-Unis ; révolutions du monde arabo-musulman; tragédies du Japon frappé par la catastrophe de Fukushima.

Le fil conducteur de cette histoire c’est le surgissement- ou le retour- au premier plan de l’histoire de la Chine et de l’Inde.Alors que dans les années 2000, la croissance mondiale est en moyenne de 1,6% dans les pays développés et de 5,9% dans les émergents, elle est de 7,5% dans les BRIC. La Chine est devenue la deuxième puissance économique derrière les Etats-Unis. Le Brésil, talonne la France. Cette mondialisation compte des gagnants et des perdants, à l’intérieur même des continents et parfois des pays. La Chine, grand gagnant est en même temps le pays le plus inégalitaire du monde et l’ampleur des déséquilibres ne permet plus d’exclure de sérieux dérapages en dépit du pilotage exceptionnel du Parti communiste chinois qui a engagé une profonde modification de son modèle avec une augmentation des salaires et le début d’une protection sociale.

Le grand succès historique et moral de la mondialisation demeure d’avoir, en deux décennies, sorti plus d’un milliard d’hommes de la pauvreté pour les faire accéder à la classe moyenne grâce à une très forte croissance. Contrepartie : la remise en question des rentes dont bénéficiait la population des démocraties occidentales en termes de niveau de vie, via la capacité d’endettement public et privé. D’où, à l’inverse, un choc négatif sur leurs classes moyennes, confrontées au surendettement et au chômage.

Si on ne s’oppose pas à un mouvement historique, on peut en revanche peser sur lui, essayer de le réguler, d’aménager des transitions pour soutenir les sociétés les plus déstabilisées.

Jean-Pierre Chevènement: Avant de décrire cette mondialisation comme un « fait », il faut dire qu’elle est d’abord un choix politique. Le triomphe du néolibéralisme avec l’élection de Thatcher et de Reagan s’est traduit , au nom du dogme de « l’efficience des marchés » par une complète dérégulation, notamment en matière financière. La financiarisation aboutit à la dictature d’un actionnariat prédateur. En Europe, cette déréglementation s’est faite à partir de l’Acte Unique sur la base du quel 300 directives dont celle de libération des mouvements de capitaux ont être prises. Avec la libéralisation des services publics et l’interdiction des politiques industrielles, cette dérégulation généralisée à l’échelle du monde a provoqué la crise globale du capitalisme financier. Et c’est par ce que ce choix politique est remis en cause, parce que le système qu’il a mis en place s’effondre que le mot de « démondialisation » rencontre autant d’écho. Car la démondialisation est aussi politique. C’est la fin de l’hyperpuissance américaine en tant que puissance hégémonique. Le monde se fragmente, avec un « G2 » - les Etats-Unis et la Chine - et entre les deux, variable d’ajustement, l’Europe dont le déclin s’accélère avec les délocalisations. Face à cette mondialisation biaisée, n’avons-nous pas le droit de défendre notre modèle politique et social ?

Nicolas Baverez: La mondialisation ne se limite pas à l’avènement de la finance. Le développement des émergents n’est pas guidé par la finance mais par l’économie réelle et la production - industrielle en Chine, agricole au Brésil, post-industrielle en Inde. Pas plus qu’on ne doit confondre la mondialisation et la finance, il ne faut pas réduire le capitalisme au modèle de la croissance à crédit des Etats-Unis. Pour être universel, le capitalisme est plastique. C’est un caméléon qui s’adapte à l’hétérogénéité des valeurs et des institutions. Il est né avec la liberté politique mais il s’adapte en Russie ou en Chine avec la fusion du parti communiste et des nouvelles élites économiques.

Définir la mondialisation par la remise en cause de la démocratie et de l’Etat-Providence n’est pas davantage exact. Parmi les « BRIC », deux pays ne sont pas des démocraties - la Chine et la Russie -, mais deux autres, l’Inde et le Brésil, garantissent la liberté politique. Partout la protection sociale accompagne le développement : en Chine avec la mise en place d’une assurance santé et retraite, comme au Brésil avec les programmes d’aide aux plus pauvres.

Un mot enfin sur les « avantages » dont la mondialisation nous dépossèderait. Depuis 1992 l’économie mondiale a connu un cycle de croissance historique de 4 à 5% l’an. Avec certes des inégalités, mais surtout l’émancipation d’un milliard d’hommes du cercle infernal de la pauvreté. La mondialisation enrichit le monde mais elle conduit les pays développés à partager des avantages dont ils étaient seuls à bénéficier.

Jean-Pierre Chevènement: Cette croissance dont vous parlez est très inégalement répartie. Les émergents qui ont surmonté les crises des années 1990 et ont adopté le modèle japonais fondé sur l’exportation ont connu une forte expansion. Mais le sort des travailleurs migrants en Chine- les « mi-gong »- ne fait pas envie . En Inde le maintien du système des castes s’accompagne de grandes inégalités. Dans les vieux pays industrialisés, la baisse des produits importés s’est accompagnée d’une modification de la répartition du revenu national au détriment des salaires et d’un recours accru à l’endettement. La crise procède de ce libre-échangisme déséquilibré.

Nicolas Baverez: Le problème c’est que la diversité du capitalisme va de pair avec l’existence de risques systémiques- financiers, sanitaires, environnementaux, industriels- qui excèdent les capacités d’intervention des Etats. Face à ces risques planétaires, les systèmes de pilotage, les régulations, restent nationaux. Ainsi les Etats-Unis abusent de l’incroyable privilège du dollar pour essayer de relancer leur économie en exportant l’inflation au monde entier. Même distorsion dans les négociations sur le commerce de l’OMC ou dans les instances qui visent la régulation financière. Si le G 20 a réussi à faire prévaloir la coopération et contenu les tentations protectionnistes pour éviter une spirale déflationniste après la chute de Lehman Brothers, il patine depuis.

Dans cet environnement, je suis d’accord pour souligner l’extrême vulnérabilité d’une Europe vieillissante, surendettée, sous-compétitive à l’exception de l’Allemagne, handicapée par une monnaie surévaluée. Mais je défends l’Acte unique comme facteur de croissance, tout en reconnaissant que l’Union n’a su élaborer ni les stratégies ni les concepts pertinents - à commencer par le principe de réciprocité - pour négocier avec les autres pôles qui structurent la mondialisation.

Par ailleurs, le statut de la BCE fondé sur la seule lutte contre l’inflation est absurde. L’interdiction du soutien financier d’un Etat-membre ou de l’achat par la banque centrale de titres de dette publique était irréaliste et a donc été contournée. L’absence de gouvernement économique pour une monnaie unique est insoutenable. L’Europe s’est révélée incapable de se fixer des règles efficaces permettant d’affronter les chocs du XXIème siècle. Face à la crise des risques souverains, elle a réagi trop tard, trop faiblement et de manière trop dispersée, jusqu’à se trouver enfermée dans un choix entre désendettement et croissance. A la différence des Etats-Unis, elle n’a ni vraie gouvernance économique, ni solidarité des transferts financiers, ni mobilité des facteurs de production. Là voilà donc aujourd’hui confrontée à une heure de vérité. Soit le fédéralisme de la zone euro, soit l’éclatement.

Le Nouvel Observateur : L’Europe est-elle prête à faire ce saut vers le fédéralisme ?
Jean-Pierre Chevènement: L’idée de ce saut n’a aucune réalité. Un mot sur l’Acte unique. Il précède la mondialisation financière parce qu’il la permet. La monnaie unique a correspondu à un choix erroné. L’erreur a été de penser que pour rééquilibrer l’Europe après la réunification allemande, nous allions « chiper » son mark à l’Allemagne et la ligoter. En fait on a plaqué sur des pays comme la France à demi-industrialisée ou la Grèce ( qui ne vit que du tourisme) une monnaie qui ne leur convenait pas.

Le péché capital a été d’oublier que l’Europe était faite de nations que presque tout -structures économiques, culture politique, repères culturels- opposait. On a cru qu’en les mettant des économies hétérogènes dans une zone monétaire, elles convergeraient. C’est le contraire qui s’est produit. La crise de l’euro est un avatar de la crise du capitalisme financier. Ce n’est pas en multipliant les plans de récession qu’on s’en sortira. L’idée d’un fédéralisme reposant sur une Union des transferts financiers entre les Etats n’a aucun sens. Les Allemands qui ont payé 1500 milliards d’euros pour les Länder de l’Est n’ont pas envie de payer pour le Péloponnèse, l’Algarve ou le Connemara.

Il faut repenser la zone euro, donner à la Banque centrale européenne le droit de racheter les titres de la dette ( ce qui équivaut à une émission monétaire relativement indolore- elle l’a d’ailleurs fait en août pour près de 50 milliards), lui donner aussi le droit d’agir sur le change, de contribuer à la croissance et l’emploi comme le fait la Reserve fédérale américaine. C’est la seule manière de sauver la monnaie unique car avec une solidarité européenne qui ne sera jamais l’égale de la souveraineté nationale, les moyens du Fonds de stabilité européen ne pourront être suffisamment augmentés.

Certains préconisent l’émission d’ « eurobonds », mais on retombe sur le même problème : pour être efficaces ces émissions devraient être gigantesques. L’Allemagne qui entend imposer un strict contrôle sur le budget des pays endettés s’y refuse. Variante coercitive du fédéralisme : ce que M. Sarkozy appelle « règle d’or » et qui est plutôt une « règle d’airain », avec mise en congé des Parlements et prise du pouvoir par les oligarchies financières et technocratiques. A défaut d’une révision complète de l’architecture de la monnaie unique donnant à la BCE le même statut que la Reserve fédérale américaine, je ne vois pas d’autre issue que la mutation de l’euro en monnaie commune, valable pour les transactions avec l’extérieur.

Le Nouvel Observateur: En attendant la mondialisation est en train de laminer le « modèle français » ...
Nicolas Baverez: Le déclassement des Français est spectaculaire. La richesse par tête est maintenant inférieure à la moyenne européenne, la croissance tourne au ralenti, les gains de productivité sont minimes. La balance commerciale accuse un déficit de 51 milliards d’euros, avec une part des exportations dans la zone euro tombée à 12%. Les dépenses et la dette publiques culminent à 56 % et 85 % du PIB. Notre pays est installé dans un chômage permanent avec 10% de la population en état d’exclusion. Mais la mondialisation et l’Europe sont des boucs émissaires: seule la France et les Français sont responsables de leur marginalisation due à un modèle fondé sur une croissance à crédit, tirée par la seule consommation, elle-même financée par des transferts sociaux, donc par la dette publique. La France est aux limites, avec une dégradation de sa notation presque inéluctable compte tenu de son incapacité à réduire les dépenses publiques et des engagements qui ont été souscrits pour secourir les Etats de la zone euro.

Si l’on accepte l’idée que la mondialisation est la trame de l’histoire du XXIème siècle, force est de constater que la France refait l’erreur qui a provoqué régulièrement ses chutes vertigineuses : elle refuse le monde tel qu’il est avec ses changements, ses chances et ses risques. C’est le même déni de réalité que dans les années 1930, face à la déflation et à la montée des totalitarismes.

A force de vivre dans la nostalgie du passé, la France oublie ses atouts : démographie, épargne, pôles d’excellence, infrastructures, services publics, patrimoine, culture, mode de vie. La France et l’Europe peuvent parfaitement gagner dans la mondialisation sans renier leur histoire et leurs valeurs, mais à la condition de se secouer.

Jean-Pierre Chevènement: Il faut renverser les règles que nous nous sommes données dans les années 1980-1990 ( Acte Unique, traité de Maastricht, OMC) quand la gauche et la droite, ensemble, ont abandonné le modèle de développement industriel, technologique, scientifique qui était le nôtre depuis la Libération. Au prétexte de l’Europe, nous avons accepté une dérégulation sans principes qui nous a privés des leviers de l’action et de cette confiance élémentaire en lui dont un peuple a besoin. Nous devons récupérer cette confiance conquérante qu’affichent les pays émergents, et pour cela nous redonner un Etat, avec un clair dessein de réindustrialisation.


Le Nouvel Observateur: Cette question sera au cœur de la campagne...
Nicolas Baverez: La campagne présidentielle va nous rappeler la nécessité de réinventer une voie pour la France et l’Europe dans la mondialisation. Sur fond de réplique du choc de 2008, de crise aiguë de la dette et de l’euro, de croissance atone, de chômage massif et de risque de dégradation pour la France (un point d’intérêt de plus représente l’équivalent de l’ISF). Car la France a épuisé le modèle de la Vème République. L’autoritarisme et la centralisation de ses institutions asphyxient l’économie et la société. La croissance à crédit financée par la dette publique est terminée. La divergence entre les trois France, celle qui est compétitive dans la mondialisation, celle qui est faussement protégée par les protections publiques et celle qui est exclue et dépend tout entière de l’Etat Providence est intenable.

La priorité absolue est désormais le désendettement, car il conditionne l’indépendance de la nation, la capacité de l’Etat à réagir aux chocs, le retour à une norme de développement durable et l’équité entre les générations. On peut augmenter les impôts mais l’essentiel de l’effort devra être effectué par des coupes dans les dépenses. Pour les inscrire dans un nouveau contrat politique, je vois trois axes. A la « réindustrialisation », je préfère le réinvestissement dans la « production » qui comprend les services publics où l’effort de productivité doit être le plus grand. Pensez à l’éducation qui voit 161.000 jeunes abandonner leur études chaque année sans savoir ni lire, ni écrire, ni compter. Il faut se remettre à produire et pas seulement à distribuer.

Deuxième priorité : élaborer un nouveau contrat social qui assure le paiement de la dette tout en répondant au défi du vieillissement. Aujourd’hui une petite fille qui naît a une chance sur deux d’être centenaire, et nous allons vers une société à cinq générations. L’organisation ternaire du cycle de vie - j’étudie, je travaille, je suis retraité - ne fonctionne plus. Il faut réorganiser, partager, redistribuer la formation et le travail sur le cycle de vie car une seule génération ne pourra en faire vivre quatre autres.

Jean-Pierre Chevènement: Il faut que l’euro retrouve un niveau compatible avec l’effort de réindustrialisation de la France. L’horizon du « triple A » que s’est donné Nicolas Sarkozy ne peut être un projet mobilisateur pour un peuple. La France a besoin d’un projet républicain et dans ce projet il y a le patriotisme, y compris sur le plan économique. Nous avons de grands groupes, 18 parmi les 200 premiers mondiaux. Mais ces groupes font leurs chiffres d’affaires, leurs bénéfices, leurs investissements à l’étranger. Il faut qu’ils investissent en France, traitent mieux leurs sous-traitants. J’ajoute que pour capitaliser sur notre épargne -un atout majeur-, il faut l’orienter vers l’industrie et remettre l’Ecole au cœur de la République. Renouer avec les valeurs de la République pour rendre aux Français la confiance en l’avenir dont leurs élites dirigeantes les ont privé par une politique qui ne se détermine plus à l’aune de l’intérêt national. Seul le projet d’une « Europe européenne » appuyée sur des nations nous permettra de desserrer les tenailles du « G2 » et de redevenir les acteurs de notre destin.

Propos recueillis par Jean-Gabriel Fredet


Rédigé par Chevenement.fr le Jeudi 8 Septembre 2011 à 18:00 | Lu 4333 fois



1.Posté par Gilbert RIBES le 08/09/2011 22:39
SORTIR L’EUROPE DE SON IMPUISSANCE POLITIQUE.

Les dirigeants politiques européens se sont condamnés eux-mêmes à l’impuissance par quatre décisions calamiteuses.

1.Acceptation d’une libre concurrence, inéquitable et déséquilibrée, avec des pays émergents comme la Chine, provoquant des ravages dans l’Union Européenne :désindustrialisation, 22 millions de chômeurs,80 millions de pauvres, stagnation des salaires et du pouvoir d’achat, développement du travail précaire, apparition de travailleurs pauvres, creusement des inégalités de revenus.
2.Limitation de ces ravages au prix de déficits et de surendettements publics permettant de maintenir la paix sociale.
3.Violation délibérée des critères du Traité de Maastricht qu’ils avaient eux-mêmes fixés.
4.Financement exclusif des déficits publics par les marchés financiers qui fixent librement les taux d’intérêt consentis et qui se refinancent à taux faible ou nul auprès de la BCE ou d’autres banques centrales.

Pour sortir de cette impuissance et de la nasse dans laquelle ils se sont enfermés eux-mêmes, les dirigeants politiques européens doivent prendre trois décisions fondamentales et indissociables.

1.Sortir d’urgence des fourches caudines des marchés financiers, en autorisant la BCE à financer directement les déficits publics, à taux faible ou nul, pendant une période transitoire de 3 à 5 ans (2011-2015),suffisamment longue pour ne pas entraver la croissance et la diminution du chômage.
2.Interdire tout déficit public (Etat, collectivités territoriales, protection sociale) au terme de cette période transitoire et fixer des programmes contraignants de réduction annuelle des déficits pour la période transitoire.
3.Taxer ou contingenter les importations dans l’Union Européenne de certains produits ou services provenant de pays dont les Balances de paiements courants avec l’Union Européenne sont fortement excédentaires, aussi longtemps qu’ils ne respecteront pas :
-Les normes sociales fixées par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et par le Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels de l’ONU
-Les Conventions Fondamentales de l’OIT
-Des Normes environnementales, sanitaires et juridiques comparables à celles de l’Union Européenne
et aussi longtemps qu’un nouveau Système Monétaire International ne sera pas mis en œuvre.

Ces trois décisions doivent être accompagnées de décisions complémentaires dans trois domaines où les dirigeants politiques européens sont également impuissants.

1.Face aux Etats-Unis et à la Chine, proposer l’instauration d’un nouveau Système Monétaire International, fondé sur un élargissement du rôle, une nouvelle définition et une augmentation du volume des DTS, avec élargissement du rôle du FMI.
2.Face aux marchés financiers, imposer une nouvelle régulation financière.
3.Face aux paradis fiscaux, imposer une transparence des opérations financières qui y transitent.




2.Posté par Michel PILLIER le 09/09/2011 11:22
Il est de notoriété publique que Baverez et Chevènement n'ont pas les mêmes présupposés idéologiques. Mais leur débat est fécond. Merci (pour une fois) au Nouvel Obs.
@ Gilbert : Je partage beaucoupde points de votre post. Mais il suffit pas d'avoir une vue claire de CE QU'IL FAUT FAIRE. Il faut aussi dire COMMENT LE FAIRE. C'est tout le problème de la stratégie politique à construire pour y arriver. C'est la-dessus que nous attendons Jean-Pierre (entre autres)

3.Posté par Gilbert RIBES le 09/09/2011 11:31
@Michel PILLIER.
Début de réponse sur le "Comment faire".

NOUVEAU SCHEMA DE REGULATION DES ECHANGES COMMERCIAUX INTERNATIONAUX.

Au lendemain de la deuxième guerre mondiale les américains avaient,dans le cadre du Plan Marshall, aidé les pays européens à se reconstruire et à se hisser,en quelques années(les « 30 Glorieuses »), à leur niveau de développement,par un transfert massif de capitaux et de technologies.Mais ils avaient maintenu des barrières douanières pour ne pas ouvrir leur pays à une concurrence inéquitable, tout en y trouvant l’opportunité de favoriser leur croissance et leur emploi et de conquérir des positions durables dans l’économie européenne.Cet exemple peut servir de modèle pour concevoir un nouveau schéma de régulation des échanges commerciaux internationaux,une nouvelle organisation de la mondialisation.

Cette organisation serait fondée sur des ensembles homogènes de pays ayant des normes sociales,environnementales,sanitaires et juridiques comparables.A l’intérieur de chaque ensemble la libre concurrence serait la règle.A l’extérieur,chaque ensemble serait en droit de se protéger contre la concurrence inéquitable d’un autre ensemble dont les normes sociales, environnementales et sanitaires ne sont pas comparables, induisant des écarts de coûts importants, ou dont les normes juridiques empêchent une juste réciprocité.

Chaque pays aurait intérêt à se regrouper avec des pays ayant des normes comparables pour créer un marché interne suffisamment vaste pour soutenir sa production et suffisamment équilibré pour que la concurrence interne soit équitable et bénéfique pour tous les partenaires de l’ensemble.

Le développement économique de chaque ensemble serait fondé prioritairement sur sa demande intérieure(c’est-à-dire la satisfaction des besoins des populations locales) et non pas sur les exportations vers les autres ensembles.Il viserait à lui assurer la plus grande autonomie économique possible et à permettre,au sein de chaque ensemble, la promotion des normes sociales, environnementales,sanitaires et juridiques les plus élevées. Les échanges commerciaux entre les différents ensembles seraient limités à la satisfaction des besoins qui ne peuvent pas être satisfaits en interne.L’objectif serait que ces échanges soient équilibrés.

Ces ensembles pourraient être régionaux,sur le modèle de l’Union Européenne,du Mercosur ou de l’Asean.Mais ils pourraient s’étendre à des pays plus lointains dès lors que les normes y seraient comparables ;c’est ainsi que l’Union Européenne,les Etats-Unis et le Japon pourraient faire partie du même ensemble,sous réserve d’un accord sur leurs politiques commerciales extérieures vis-à-vis des autres ensembles.

Ce schéma pourrait évoluer,à terme,jusqu’à une libéralisation complète des échanges commerciaux au niveau mondial, dès lors que les normes sociales,environnementales, sanitaires et juridiques finiraient par converger.

La mise en œuvre d’un nouveau système de régulation monétaire internationale (taux de change,gestion des réserves de change,mécanisme de rééquilibrage des balances de paiements courants,contrôle de la création monétaire)devrait accompagner cette nouvelle régulation des échanges commerciaux internationaux,tant à l’intérieur de chaque ensemble qu’entre les différents ensembles.

CONSEQUENCES DE CETTE NOUVELLE REGULATION DES ECHANGES COMMERCIAUX INTERNATIONAUX.

Cette nouvelle régulation provoquerait une renaissance de l’industrie dans l’Union Européenne.Cette réindustrialisation entraînerait une forte croissance des créations d’emplois,une augmentation des recettes fiscales et sociales et une réduction des déficits ,des endettements publics et des dettes extérieures et permettrait à l’Union Européenne de sortir de la crise.

Cette nouvelle régulation freinerait l’accumulation de réserves de change par les pays émergents qui ont fondé leur croissance sur les exportations et conduirait ces pays à accélérer la croissance de leur demande intérieure, de l’emploi et du pouvoir d’achat de leurs concitoyens qui ne bénéficient pas encore des retombées de leur croissance économique. Pour y parvenir ils seraient amenés à renforcer et généraliser leur système de protection sociale( santé, retraites, gratuité de l’enseignement)pour réduire le taux d’épargne des ménages(40 % pour les ménages chinois) et à accélérer le relèvement des salaires (troisième principe du « fordisme »).Pour un pays comme la Chine,il n’y a d’ailleurs pas d’autre solution ,face à la nécessité, sociale et politique, de créer 30 millions de nouveaux emplois par an.Un yuan rendu convertible et réévalué dans le cadre d’un nouveau Système Monétaire International devrait accompagner ces évolutions.


CALENDRIER DE MISE EN ŒUVRE DE CETTE NOUVELLE REGULATION DES ECHANGES COMMERCIAUX INTERNATIONAUX.

Cette nouvelle régulation des échanges commerciaux internationaux serait mise en œuvre progressivement,après une phase de concertation et de négociation au sein des instances internationales :Union Européenne et autres ensembles régionaux existants ou à créer,G 20, ONU et autres instances multilatérales existantes(ex.OMC,OIT) ou à créer(ex.OME,OMPI).

Cette phase de concertation et de négociation devrait permettre :
-d’éviter tout enchaînement de ripostes à des décisions unilatérales
-d’éviter une déstabilisation brutale des économies émergentes
-de réaliser les investissements industriels nécessaires dans les pays développés
-de définir les contours d’ ensembles régionaux homogènes
-de préparer la mise en œuvre d’un nouveau système monétaire international.
Un délai maximum de 2 ans serait fixé pour l’aboutissement de cette phase.

Une période de transition pourrait suivre pour permettre :
-aux pays émergents d’adapter leurs économies aux nouvelles règles,c’est-à-dire de substituer la croissance de leur demande intérieure à la décroissance de leurs exportations vers les pays développés
-aux pays développés de réaliser la montée en puissance de leurs productions,afin de substituer celles-ci à leurs importations provenant des pays émergents.

Les nouvelles règles de régulation devraient être fixées pour une période minimum(10 à 20 ans),afin de donner aux investisseurs un horizon suffisant pour justifier leurs investissements industriels dans les pays développés.

L’attrait du marché unique européen (500 millions de consommateurs ayant un revenu moyen élevé) et l’application de taxes compensatoires à certains produits provenant de pays émergents ou de contingentements sélectifs, pendant une période minimum garantie (10 à 20 ans), inciteront des entreprises à réaliser, dans l’Union Européenne, les investissements industriels nécessaires.
Pour les entreprises, d’origine européenne ou non-européenne, il s’agira d’une extension de capacités de production existantes,de création de nouvelles capacités ou de sous-traitance de leur production dans l’Union Européenne.










4.Posté par Michel PILLIER le 09/09/2011 17:03
Belle construction intellectuelle.
Mais mes interrogations portaient plutôt sur les conditions politiques à réunir pour que ce nouveau système mondial puisse commencer à voir le jour alors que l'ancien ( même en crise) convient très bien à beaucoup de puissants de ce monde qui utilisent précisément la crise pour faire croître leurs privilèges...

5.Posté par Gilbert RIBES le 10/09/2011 00:24
@Michel Pillier.
Comment réunir les conditions politiques?
Proposition ci-après.
CONSULTATION POPULAIRE SUR LE COMMERCE INTERNATIONAL.
Les élections présidentielles et législatives qui auront lieu dans l’Union Européenne en 2012 et au-delà doivent être centrées sur l’emploi, le pouvoir d’achat et le désendettement, c’est-à-dire la sortie de crise. Elles doivent donc être l’occasion de trancher le débat sur une nouvelle régulation des échanges commerciaux internationaux, d’approfondir les questions soulevées en 2005 lors du rejet du Traité Constitutionnel Européen et d’offrir une solution alternative à l’abandon de l’euro (qui affaiblirait l’Europe face à la Chine et aux Etats-Unis).
Pour lancer le débat sur une nouvelle régulation du commerce international et amener les dirigeants politiques européens à s’engager publiquement sur ce sujet, nous avons décidé d’organiser une consultation populaire européenne avant les élections présidentielles et législatives qui auront lieu dans l’Union Européenne en 2012 et au-delà.
La proposition qui serait soumise à cette consultation populaire serait la suivante :
« Taxer ou contingenter les importations dans l’Union Européenne de certains produits ou services provenant de pays dont les Balances de paiements courants avec l’Union Européenne sont fortement excédentaires, aussi longtemps qu’ils ne respecteront pas :
-Les normes sociales fixées par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (articles 23 à 26) et par le Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels de l’ONU (articles 2 à 15)
-Les Conventions Fondamentales de l’OIT (C87, C105, C138, et C182 notamment)
-Des Normes environnementales et sanitaires comparables à celles de l’Union Européenne
et qu’un nouveau Système Monétaire International ne sera pas mis en œuvre ».
Le Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne offre deux possibilités :
-adresser une Pétition au Parlement Européen, conformément à l’article 227
-adresser une Initiative Citoyenne Européenne à la Commission Européenne, conformément à l’article24.
Nous mettrons en œuvre les deux possibilités.
Toutefois l’Initiative Citoyenne Européenne n’étant pas applicable avant février 2012, nous lancerons une procédure préalable afin d’accélérer le lancement du débat. Cette procédure préalable respectera au plus près les règles fixées par le Règlement du Parlement et du Conseil relatif à l’Initiative Citoyenne Européenne, visera les mêmes objectifs et permettra de préparer dans les meilleures conditions le lancement officiel de l’Initiative Citoyenne Européenne, dès qu’elle sera applicable.



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