Le vrai nom de la France, disait Fernand Braudel, s’appelle diversité. Diversité des régions entre elles, des départements entre eux, diversité des peuplements. Une spécificité unique en Europe : la densité du réseau des communes héritières des vieilles paroisses : 36.600 communes, autant que dans le reste de l’ancienne Europe à quinze ! Cette diversité est une richesse. Rien ne remplacera l’immense réservoir de quasi bénévolat des 550.000 conseillers municipaux.
Pour respecter cette diversité et en tirer le meilleur parti, il faut agir avec souplesse et pragmatisme. Pas de réforme générale de l’organisation territoriale française et en particulier pas de suppression des départements, échelons de proximité irremplaçables. Des réformes ciblées, simples et pratiques, sont en revanche souhaitables.
Pour respecter cette diversité et en tirer le meilleur parti, il faut agir avec souplesse et pragmatisme. Pas de réforme générale de l’organisation territoriale française et en particulier pas de suppression des départements, échelons de proximité irremplaçables. Des réformes ciblées, simples et pratiques, sont en revanche souhaitables.
I – Je ne ferai qu’une exception pour une réforme d’ensemble : celle de la fiscalité locale.
Je suis pour une spécialisation de l’impôt par niveau de collectivités afin d’assurer une meilleure transparence et une plus grande responsabilisation des élus locaux : il existe un excellent rapport du Conseil économique et social sur ce sujet (taxe d’habitation pour les communes, taxe professionnelle pour les intercommunalités et les régions, taxes foncières pour les départements, etc.) Bien entendu une telle réforme devra s’étaler sur une période d’au moins dix ans et être accompagnée d’une politique de compensation et de péréquation de l’Etat à travers le partage de certains impôts nationaux.
Une telle réforme générale implique une volonté politique forte et une concertation entre tous les niveaux des collectivités, car elle ne peut pas s’appliquer dans un contexte d’affrontements politiques. Je propose qu’on s’y attache le plus vite possible avec comme objectif d’y parvenir si possible en 2020 sinon en 2026.
II – Pour ce qui concerne l’organisation territoriale proprement dite je ne suis pas partisan de bouleversements d’ampleur.
A) Les compétences exercées par le département (social – routes – collèges) sont mieux exercées dans la proximité qu’à l’échelon régional, souvent lointain. Plutôt que de rattacher l’équipement et l’entretien des collèges aux régions, je préférerais la solution inverse : le rattachement aux départements de l’équipement et de l’entretien des lycées. On parle beaucoup de subsidiarité à propos de la décentralisation : faisons en sorte que le maximum de compétences puissent être exercées près du terrain.
B) Les régions sont très diverses entre elles. Certaines ont une forte identité (Alsace – Bretagne). D’autres sont assez artificielles (Centre). Elles sont également très diverses en leur sein et juxtaposent des pôles distincts, quelquefois antagonistes, héritiers d’histoires particulières. Des regroupements entre régions ou entre départements sont possibles mais uniquement sur la base du volontariat. Si un département veut changer de région (cas de la Loire Atlantique), la fusion des deux régions (Bretagne et Pays de Loire) pourrait être, selon moi, soumise à référendum local. Pour le reste, je suis partisan de coopérations à géométrie variable au niveau si possible de grandes interrégionalités (le « Grand Est » par exemple, soit cinq régions : Alsace – Lorraine - Champagne Ardennes – Bourgogne – Franche-Comté) et cela sur des projets précis : transports – développement économique – coopération universitaire et scientifique. Des « interrégionalités » pourraient ainsi être constituées dans le périmètre des zones de défense. A cette échelle, la masse critique est atteinte pour promouvoir des projets tant soit peu ambitieux et pour attirer des implantations étrangères (ce dont les petites régions ne sont pas capables, faute qu’elles aient atteint un seuil critique suffisant).
C) S’agissant de la clause générale de compétence, elle doit être maintenue pour les communes et pour l’Etat bien sûr.
1. Je m’interroge sur la définition de compétences spéciales pour les départements et les régions. Je crains que cet enfermement tarisse l’initiative publique qui est l’un des grands acquis de la décentralisation. Si on devait renoncer à la compétence générale pour les Régions et les départements, je souhaiterais que les compétences spéciales soient assez largement définies, et qu’aux compétences obligatoires viennent s’ajouter des compétences facultatives dans un champ assez vaste.
2. La mise en cause répétée de financements croisés ne me paraît pas judicieuse : l’Etat ne peut pas critiquer ce qu’il a voulu à travers les contrats de plan dont l’effet général a été heureux. Beaucoup de réalisations ne pourraient pas voir le jour sans les financements croisés. Tout au plus peut-on désigner une collectivité « chef de file » (pas forcément majoritaire). Les contrats de plan et les financements croisés sont un facteur de cohérence et de dynamisation. Ne cassons pas la machine. Ou alors disons-le : c’est pour casser l’investissement des collectivités locales jugé trop important, à mon avis à tort, qu’on voudrait supprimer les financements croisés. Beaucoup des critiques qui leur sont faites (lenteur, etc.) sont superficielles et quelquefois injustes. Donc prudence vis-à-vis des « compétences spéciales ». Gardons plutôt au dispositif actuel toute sa souplesse.
D) S’agissant de l’articulation Région-département, je ne suis pas hostile à une représentation commune à travers des conseillers territoriaux à condition que les cantons soient redessinés de manière politiquement neutre : une commission rassemblant des parlementaires de toutes les sensibilités politiques serait chargée de faire des propositions. Il me semble en effet que les Conseils régionaux actuels élus à la proportionnelle avec une forte prime majoritaire sont un peu éloignés du terrain. Il serait utile de ne pas favoriser une « représentation hors sol » d’élus d’abord désignés par les appareils partisans sans qu’il soit pour autant souhaitable de revenir à la formule des Etablissements publics régionaux de 1973 (EPR) qui rassemblaient alors dans leurs conseils tous les grands élus d’une région.
L’élection de « conseillers territoriaux » aboutirait à gonfler l’effectif des conseils régionaux mais les avantages de cette formule (enracinement dans la « proximité ») balanceraient largement selon moi cet inconvénient.
III – S’agissant de l’intercommunalité, elle est la solution au problème de l’émiettement communal : mise en commun de compétences stratégiques de préférence appuyée sur une ressource forte : la Taxe professionnelle unique.
Quelques observations :
1. La critique selon laquelle les EPCI ajouteraient un niveau de collectivités locales supplémentaire n’est pas fondée. L’EPCI n’est pas une collectivité locale. C’est une « Coopérative de communes ». C’est pourquoi, après mûre réflexion, je ne suis pas favorable à l’élection au suffrage universel du Président de l’intercommunalité. Ce serait créer une double légitimité donc un quatrième niveau de collectivités. Peut-être le « fléchage » des conseillers communautaires à l’occasion des élections municipales est-il admissible pour les communautés urbaines (voire les grandes communautés d’agglomération).
2. Il y a lieu de simplifier les outils de l’intercommunalité :
a) étendre aux grandes agglomérations (plus de 250.000 habitants) le statut de « communauté urbaine » (CU) ;
b) maintenir au-dessus (entre 50.000 habitants et 250.000 habitants) les communautés d’agglomération (CA) ;
c) réserver aux petites villes et au milieu rural le statut des communautés de communes (CC).
Les cinq syndicats d’agglomérations nouvelles (SAN) devraient donc disparaître (au profit de CAou de CC).
Il n’y a au total que 2.583 EPCI. 33.600 communes sont regroupées, soit 92 % du total et 87 % de la population française. 2.583 EPCI ce n’est pas cher pour mettre en œuvre des compétences souvent laissées en friches auparavant (par exemple en matière de développement économique ou de politiques de la ville). L’intercommunalité encore une fois n’est pas un échelon supplémentaire de collectivité. La France, comme la plupart des pays d’Europe occidentale, a trois niveaux de collectivités : la commune, le département, la région.
L’intercommunalité, sous réserve d’une mutualisation des services avec la ville centre principalement, n’est pas source de gaspillages, sauf à considérer que les compétences qu’elle met en œuvre, n’avaient pas à l’être.
J’ajoute que la région parisienne, à mes yeux, requiert d’autres solutions que l’intercommunalité : soit une communauté urbaine rassemblant les quatre départements de la petite couronne soit tout simplement la Région Ile de France.
3. Il faut achever la carte de l’intercommunalité à l’horizon 2014, de préférence à l’intérieur des mêmes départements (sauf concentrations urbaines à cheval sur plusieurs).
4. Il serait souhaitable d’inciter financièrement au regroupement les intercommunalités trop petites (10.000 habitants au moins serait la bonne échelle dans les zones assez densément peuplées).
5. L’Etat devrait utiliser davantage le cadre de l’intercommunalité pour la mise en œuvre de politiques d’équipement ou de politiques nationales (ville – logement, etc.). La pratique des contrats Etat-EPCI trouverait là un bon terrain où s’exercer.
6. Il serait utile de fondre « les pays » dans les intercommunalités. Les « pays » n’ont pas de réalité institutionnelle. En tant que structures informelles ils n’ont pas d’avenir. Ils sont une source de complexification inutile. Ils doivent donc s’effacer. De même les intercommunalités devraient absorber le maximum de syndicats de communes quand cela est possible évidemment.
L’intercommunalité ainsi rationalisée pourrait servir de base à l’élection de conseillers généraux ou territoriaux. Les cantons pourraient coïncider avec une ou plusieurs intercommunalités. Les plus grandes pourraient être divisées. De même la carte des sous-préfectures pourrait-elle être revue à la lumière de celle des intercommunalités.
Au total, beaucoup des critiques de l’intercommunalité effectuées en 2004-2005 apparaissent avec le recul comme des « critiques de jeunesse », qu’il s’agisse de la défectuosité de certains périmètres, des surcoûts entraînés, ou de l’absence de mutualisation des moyens. Ces maladies infantiles de l’intercommunalité sont en voie de résorption ou peuvent être traités efficacement, pour peu que les préfets reçoivent des directives claires, à mettre en œuvre souplement dans le cadre des commissions de coopération intercommunale.
Il convient de se garder de toute démagogie concernant la réduction de certaines compétences : ainsi en matière économique, la Région n’est pas bien armée, à la différence de l’intercommunalité, pour traiter des problèmes de développement économique endogène. Il y faut la proximité. Il n’est d’ailleurs pas sûr que les régions aient la taille critique nécessaire pour favoriser réellement un développement économique exogène (implantations extérieures). Le bon sens est de laisser coexister la compétence de la région et celle de l’intercommunalité.
Le vrai danger qui menace les intercommunalités est constitué aujourd’hui par l’érosion de sa principale ressource : la TPU, aujourd’hui amputée de la part salariale (dont la progression est alignée à environ 1 % sur celle de la DGF) et plafonnée à 3,5 % de la valeur ajoutée, ce qui touche environ 40 % des bases. Par ailleurs la progression de ces mêmes bases est ralentie voire annulée par le retournement de conjoncture économique. Il faut inscrire cette difficulté de financement dans une perspective plus vaste : celle de la réforme de la fiscalité locale pour garantir une progression raisonnable de ses recettes à l’intercommunalité. La création d’une fiscalité additionnelle, aujourd’hui souvent rendue inévitable par la contradiction entre la nécessité de mener à bien de véritables projets d’agglomération et la stagnation des recettes de TPU, n’est pas une solution pour l’avenir à très long terme.
IV – Les missions de l’Etat dans la « République décentralisée »
L’Etat doit garder « la compétence générale ». Son rôle est intact, non seulement du point de vue de la péréquation - où il y a beaucoup à faire – mais aussi de l’impulsion : on le voit d’ailleurs avec le Plan de relance, dans le domaine des grandes infrastructures notamment.
Pour la cohésion et le dynamisme de l’ensemble national, rien ne peut remplacer l’Etat républicain, c’est-à-dire l’Etat des citoyens. Bien sûr, il faut donc faire une évaluation précise des compétences décentralisées. Il n’y a pas de raison en effet de maintenir des services de l’Etat dont les compétences ont disparu, sauf peut-être des services de veille et d’évaluation.
S’agissant de la mise en œuvre de ses propres compétences, l’Etat doit maintenir une administration de qualité. Celle-ci a toujours été un atout pour la France. A cet égard, la révision générale des politiques publiques est source d’inquiétudes. Elle aboutit de fait à une régionalisation de l’Administration de l’Etat et à la sous-préfectoralisation des villes chefs-lieux qui ne sont pas capitales régionales et des départements correspondants.
Il y a un risque réel de sous-administration de la France, quand des conflits sociaux, par exemple, éclateront dans des départements qui auront été jugés « périphériques ». Ces conflits ne pourraient être suivis et traités efficacement à partir de la capitale régionale.
La mise en œuvre de la RGPP doit donc être évaluée sans tarder et corrigée en tant que de besoin par le maintien d’effectifs raisonnables dans les services départementaux.
Je suis pour une spécialisation de l’impôt par niveau de collectivités afin d’assurer une meilleure transparence et une plus grande responsabilisation des élus locaux : il existe un excellent rapport du Conseil économique et social sur ce sujet (taxe d’habitation pour les communes, taxe professionnelle pour les intercommunalités et les régions, taxes foncières pour les départements, etc.) Bien entendu une telle réforme devra s’étaler sur une période d’au moins dix ans et être accompagnée d’une politique de compensation et de péréquation de l’Etat à travers le partage de certains impôts nationaux.
Une telle réforme générale implique une volonté politique forte et une concertation entre tous les niveaux des collectivités, car elle ne peut pas s’appliquer dans un contexte d’affrontements politiques. Je propose qu’on s’y attache le plus vite possible avec comme objectif d’y parvenir si possible en 2020 sinon en 2026.
II – Pour ce qui concerne l’organisation territoriale proprement dite je ne suis pas partisan de bouleversements d’ampleur.
A) Les compétences exercées par le département (social – routes – collèges) sont mieux exercées dans la proximité qu’à l’échelon régional, souvent lointain. Plutôt que de rattacher l’équipement et l’entretien des collèges aux régions, je préférerais la solution inverse : le rattachement aux départements de l’équipement et de l’entretien des lycées. On parle beaucoup de subsidiarité à propos de la décentralisation : faisons en sorte que le maximum de compétences puissent être exercées près du terrain.
B) Les régions sont très diverses entre elles. Certaines ont une forte identité (Alsace – Bretagne). D’autres sont assez artificielles (Centre). Elles sont également très diverses en leur sein et juxtaposent des pôles distincts, quelquefois antagonistes, héritiers d’histoires particulières. Des regroupements entre régions ou entre départements sont possibles mais uniquement sur la base du volontariat. Si un département veut changer de région (cas de la Loire Atlantique), la fusion des deux régions (Bretagne et Pays de Loire) pourrait être, selon moi, soumise à référendum local. Pour le reste, je suis partisan de coopérations à géométrie variable au niveau si possible de grandes interrégionalités (le « Grand Est » par exemple, soit cinq régions : Alsace – Lorraine - Champagne Ardennes – Bourgogne – Franche-Comté) et cela sur des projets précis : transports – développement économique – coopération universitaire et scientifique. Des « interrégionalités » pourraient ainsi être constituées dans le périmètre des zones de défense. A cette échelle, la masse critique est atteinte pour promouvoir des projets tant soit peu ambitieux et pour attirer des implantations étrangères (ce dont les petites régions ne sont pas capables, faute qu’elles aient atteint un seuil critique suffisant).
C) S’agissant de la clause générale de compétence, elle doit être maintenue pour les communes et pour l’Etat bien sûr.
1. Je m’interroge sur la définition de compétences spéciales pour les départements et les régions. Je crains que cet enfermement tarisse l’initiative publique qui est l’un des grands acquis de la décentralisation. Si on devait renoncer à la compétence générale pour les Régions et les départements, je souhaiterais que les compétences spéciales soient assez largement définies, et qu’aux compétences obligatoires viennent s’ajouter des compétences facultatives dans un champ assez vaste.
2. La mise en cause répétée de financements croisés ne me paraît pas judicieuse : l’Etat ne peut pas critiquer ce qu’il a voulu à travers les contrats de plan dont l’effet général a été heureux. Beaucoup de réalisations ne pourraient pas voir le jour sans les financements croisés. Tout au plus peut-on désigner une collectivité « chef de file » (pas forcément majoritaire). Les contrats de plan et les financements croisés sont un facteur de cohérence et de dynamisation. Ne cassons pas la machine. Ou alors disons-le : c’est pour casser l’investissement des collectivités locales jugé trop important, à mon avis à tort, qu’on voudrait supprimer les financements croisés. Beaucoup des critiques qui leur sont faites (lenteur, etc.) sont superficielles et quelquefois injustes. Donc prudence vis-à-vis des « compétences spéciales ». Gardons plutôt au dispositif actuel toute sa souplesse.
D) S’agissant de l’articulation Région-département, je ne suis pas hostile à une représentation commune à travers des conseillers territoriaux à condition que les cantons soient redessinés de manière politiquement neutre : une commission rassemblant des parlementaires de toutes les sensibilités politiques serait chargée de faire des propositions. Il me semble en effet que les Conseils régionaux actuels élus à la proportionnelle avec une forte prime majoritaire sont un peu éloignés du terrain. Il serait utile de ne pas favoriser une « représentation hors sol » d’élus d’abord désignés par les appareils partisans sans qu’il soit pour autant souhaitable de revenir à la formule des Etablissements publics régionaux de 1973 (EPR) qui rassemblaient alors dans leurs conseils tous les grands élus d’une région.
L’élection de « conseillers territoriaux » aboutirait à gonfler l’effectif des conseils régionaux mais les avantages de cette formule (enracinement dans la « proximité ») balanceraient largement selon moi cet inconvénient.
III – S’agissant de l’intercommunalité, elle est la solution au problème de l’émiettement communal : mise en commun de compétences stratégiques de préférence appuyée sur une ressource forte : la Taxe professionnelle unique.
Quelques observations :
1. La critique selon laquelle les EPCI ajouteraient un niveau de collectivités locales supplémentaire n’est pas fondée. L’EPCI n’est pas une collectivité locale. C’est une « Coopérative de communes ». C’est pourquoi, après mûre réflexion, je ne suis pas favorable à l’élection au suffrage universel du Président de l’intercommunalité. Ce serait créer une double légitimité donc un quatrième niveau de collectivités. Peut-être le « fléchage » des conseillers communautaires à l’occasion des élections municipales est-il admissible pour les communautés urbaines (voire les grandes communautés d’agglomération).
2. Il y a lieu de simplifier les outils de l’intercommunalité :
a) étendre aux grandes agglomérations (plus de 250.000 habitants) le statut de « communauté urbaine » (CU) ;
b) maintenir au-dessus (entre 50.000 habitants et 250.000 habitants) les communautés d’agglomération (CA) ;
c) réserver aux petites villes et au milieu rural le statut des communautés de communes (CC).
Les cinq syndicats d’agglomérations nouvelles (SAN) devraient donc disparaître (au profit de CAou de CC).
Il n’y a au total que 2.583 EPCI. 33.600 communes sont regroupées, soit 92 % du total et 87 % de la population française. 2.583 EPCI ce n’est pas cher pour mettre en œuvre des compétences souvent laissées en friches auparavant (par exemple en matière de développement économique ou de politiques de la ville). L’intercommunalité encore une fois n’est pas un échelon supplémentaire de collectivité. La France, comme la plupart des pays d’Europe occidentale, a trois niveaux de collectivités : la commune, le département, la région.
L’intercommunalité, sous réserve d’une mutualisation des services avec la ville centre principalement, n’est pas source de gaspillages, sauf à considérer que les compétences qu’elle met en œuvre, n’avaient pas à l’être.
J’ajoute que la région parisienne, à mes yeux, requiert d’autres solutions que l’intercommunalité : soit une communauté urbaine rassemblant les quatre départements de la petite couronne soit tout simplement la Région Ile de France.
3. Il faut achever la carte de l’intercommunalité à l’horizon 2014, de préférence à l’intérieur des mêmes départements (sauf concentrations urbaines à cheval sur plusieurs).
4. Il serait souhaitable d’inciter financièrement au regroupement les intercommunalités trop petites (10.000 habitants au moins serait la bonne échelle dans les zones assez densément peuplées).
5. L’Etat devrait utiliser davantage le cadre de l’intercommunalité pour la mise en œuvre de politiques d’équipement ou de politiques nationales (ville – logement, etc.). La pratique des contrats Etat-EPCI trouverait là un bon terrain où s’exercer.
6. Il serait utile de fondre « les pays » dans les intercommunalités. Les « pays » n’ont pas de réalité institutionnelle. En tant que structures informelles ils n’ont pas d’avenir. Ils sont une source de complexification inutile. Ils doivent donc s’effacer. De même les intercommunalités devraient absorber le maximum de syndicats de communes quand cela est possible évidemment.
L’intercommunalité ainsi rationalisée pourrait servir de base à l’élection de conseillers généraux ou territoriaux. Les cantons pourraient coïncider avec une ou plusieurs intercommunalités. Les plus grandes pourraient être divisées. De même la carte des sous-préfectures pourrait-elle être revue à la lumière de celle des intercommunalités.
Au total, beaucoup des critiques de l’intercommunalité effectuées en 2004-2005 apparaissent avec le recul comme des « critiques de jeunesse », qu’il s’agisse de la défectuosité de certains périmètres, des surcoûts entraînés, ou de l’absence de mutualisation des moyens. Ces maladies infantiles de l’intercommunalité sont en voie de résorption ou peuvent être traités efficacement, pour peu que les préfets reçoivent des directives claires, à mettre en œuvre souplement dans le cadre des commissions de coopération intercommunale.
Il convient de se garder de toute démagogie concernant la réduction de certaines compétences : ainsi en matière économique, la Région n’est pas bien armée, à la différence de l’intercommunalité, pour traiter des problèmes de développement économique endogène. Il y faut la proximité. Il n’est d’ailleurs pas sûr que les régions aient la taille critique nécessaire pour favoriser réellement un développement économique exogène (implantations extérieures). Le bon sens est de laisser coexister la compétence de la région et celle de l’intercommunalité.
Le vrai danger qui menace les intercommunalités est constitué aujourd’hui par l’érosion de sa principale ressource : la TPU, aujourd’hui amputée de la part salariale (dont la progression est alignée à environ 1 % sur celle de la DGF) et plafonnée à 3,5 % de la valeur ajoutée, ce qui touche environ 40 % des bases. Par ailleurs la progression de ces mêmes bases est ralentie voire annulée par le retournement de conjoncture économique. Il faut inscrire cette difficulté de financement dans une perspective plus vaste : celle de la réforme de la fiscalité locale pour garantir une progression raisonnable de ses recettes à l’intercommunalité. La création d’une fiscalité additionnelle, aujourd’hui souvent rendue inévitable par la contradiction entre la nécessité de mener à bien de véritables projets d’agglomération et la stagnation des recettes de TPU, n’est pas une solution pour l’avenir à très long terme.
IV – Les missions de l’Etat dans la « République décentralisée »
L’Etat doit garder « la compétence générale ». Son rôle est intact, non seulement du point de vue de la péréquation - où il y a beaucoup à faire – mais aussi de l’impulsion : on le voit d’ailleurs avec le Plan de relance, dans le domaine des grandes infrastructures notamment.
Pour la cohésion et le dynamisme de l’ensemble national, rien ne peut remplacer l’Etat républicain, c’est-à-dire l’Etat des citoyens. Bien sûr, il faut donc faire une évaluation précise des compétences décentralisées. Il n’y a pas de raison en effet de maintenir des services de l’Etat dont les compétences ont disparu, sauf peut-être des services de veille et d’évaluation.
S’agissant de la mise en œuvre de ses propres compétences, l’Etat doit maintenir une administration de qualité. Celle-ci a toujours été un atout pour la France. A cet égard, la révision générale des politiques publiques est source d’inquiétudes. Elle aboutit de fait à une régionalisation de l’Administration de l’Etat et à la sous-préfectoralisation des villes chefs-lieux qui ne sont pas capitales régionales et des départements correspondants.
Il y a un risque réel de sous-administration de la France, quand des conflits sociaux, par exemple, éclateront dans des départements qui auront été jugés « périphériques ». Ces conflits ne pourraient être suivis et traités efficacement à partir de la capitale régionale.
La mise en œuvre de la RGPP doit donc être évaluée sans tarder et corrigée en tant que de besoin par le maintien d’effectifs raisonnables dans les services départementaux.