Il est sans doute impossible de faire admettre leur erreur aux élites qui ont fait de l'euro leur projet politique commun et leur fétiche. Mal pensée, la monnaie unique européenne a été dès l'origine un mark-bis faisant fi de la diversité des nations qui allaient la composer et particulièrement de l'hétérogénéité de leurs économies.
Treize ans après son introduction, où sont passées les promesses de ceux qui l'avaient portée sur les fonds baptismaux ? Car si la France vient de perdre son triple A, c'est en réalité toute la zone euro qui, année après année, se trouve déclassée dans la mondialisation. Seule zone au monde marquée par une stagnation économique de longue durée, elle donne en outre l'étrange spectacle d'une construction à la dérive. Ses élites célèbrent le "printemps arabe" avant d'organiser le remplacement plus ou moins subreptice de gouvernements démocratiquement élus par des technocrates européens imprégnés de néolibéralisme dogmatique. L'Europe "post-démocratique" pointée par Hubert Védrine devient l'ultime projet de ces élites pour ne pas avoir à reconnaître leurs erreurs.
Ce qui mine pourtant la zone euro, ce n'est pas son niveau d'endettement public, comparable à celui des Etats-Unis et inférieur à celui du Japon. Ce sont les écarts de compétitivité entre les pays européens, qui se traduisent par l'accumulation d'excédents commerciaux en Allemagne et aux Pays-Bas et de déficits partout ailleurs. En 2011, le déficit commercial de la France aura atteint plus de 70 milliards d'euros. Sur cette somme, notre déficit est de 25 milliards avec l'Allemagne, soit six fois plus qu'en 1982 ! Comment parler d'égal à égal sur la base d'un tel déséquilibre ? L'euro a agi pendant la décennie 2000 comme un accélérateur des divergences économiques, creusant l'écart entre un centre industriel compétitif et une périphérie sous-industrialisée et déficitaire, dopée au crédit et aux subventions. Ce sont les déséquilibres internes de l'euro qui portaient en eux l'inéluctabilité de la dérive budgétaire.
Treize ans après son introduction, où sont passées les promesses de ceux qui l'avaient portée sur les fonds baptismaux ? Car si la France vient de perdre son triple A, c'est en réalité toute la zone euro qui, année après année, se trouve déclassée dans la mondialisation. Seule zone au monde marquée par une stagnation économique de longue durée, elle donne en outre l'étrange spectacle d'une construction à la dérive. Ses élites célèbrent le "printemps arabe" avant d'organiser le remplacement plus ou moins subreptice de gouvernements démocratiquement élus par des technocrates européens imprégnés de néolibéralisme dogmatique. L'Europe "post-démocratique" pointée par Hubert Védrine devient l'ultime projet de ces élites pour ne pas avoir à reconnaître leurs erreurs.
Ce qui mine pourtant la zone euro, ce n'est pas son niveau d'endettement public, comparable à celui des Etats-Unis et inférieur à celui du Japon. Ce sont les écarts de compétitivité entre les pays européens, qui se traduisent par l'accumulation d'excédents commerciaux en Allemagne et aux Pays-Bas et de déficits partout ailleurs. En 2011, le déficit commercial de la France aura atteint plus de 70 milliards d'euros. Sur cette somme, notre déficit est de 25 milliards avec l'Allemagne, soit six fois plus qu'en 1982 ! Comment parler d'égal à égal sur la base d'un tel déséquilibre ? L'euro a agi pendant la décennie 2000 comme un accélérateur des divergences économiques, creusant l'écart entre un centre industriel compétitif et une périphérie sous-industrialisée et déficitaire, dopée au crédit et aux subventions. Ce sont les déséquilibres internes de l'euro qui portaient en eux l'inéluctabilité de la dérive budgétaire.
Les politiques d'austérité budgétaire ne règleront en rien ces déséquilibres de compétitivité. Pire, mises en œuvres ensemble, elles vont accélérer le déclin relatif de l'Europe en la plongeant dans une dépression de longue durée, alors même que la montée en puissance des pays émergents s'accélère. A l'impéritie économique s'ajoute ainsi la myopie géopolitique.
Les acteurs de l'économie ont d'ores et déjà intégré la possibilité d'un naufrage de la zone euro. La Grèce ne pourra sans doute se relever qu'en recouvrant sa souveraineté monétaire et en dévaluant très fortement. A bien y réfléchir, comment le Portugal et l'Espagne pourraient-ils renouer avec le dynamisme économique sans l'aide d'une dévaluation qui leur donnerait l'oxygène qui leur fait aujourd'hui défaut ? Elargissons le raisonnement : pouvons-nous nous-mêmes assumer le coût gigantesque du statu quo sur notre économie en termes de chômage, de retard d'investissement, de déficits publics? De surcroît, le FESF est une pompe à incendie insuffisante et deviendrait vite un tonneau des Danaïdes, s'il fallait l'activer à la mesure des difficultés prévisibles.
Dans Sortir la France de l'impasse (Fayard, octobre 2011), je me faisais l'avocat d'une refonte complète de l'architecture de la zone euro. Intervention massive de la Banque centrale européenne sur le marché de la dette et extension de ses missions, abaissement du cours de l'euro face au dollar et au yuan, gouvernement économique de la zone privilégiant la coopération à la compétition. Malheureusement l'actuel gouvernement allemand ne veut pas de cette solution, pourtant la seule à pouvoir préserver la monnaie unique et offrir un répit d'au moins quelques années. Thomas Mann a écrit que l'Allemagne était trop grande pour ne pas chercher à dominer l'Europe, mais aussi trop petite pour y parvenir. C'est pourquoi il préconisait une "Allemagne européenne".
L'Europe, elle-même, si elle veut continuer à exister comme un pôle entre l'Amérique du Nord et l'Asie, ne peut être qu'européenne. L'intuition du général de Gaulle reste pleinement valable. Il n'y a plus de place pour un leadership allemand ou français en Europe, mais il y a une responsabilité particulière de nos deux pays, à l'articulation de l'Europe germanique et de l'Europe latine.
Plutôt que d'assister passivement à l'effondrement de l'euro et aux catastrophes économiques et sociales qui s'ensuivraient, je propose d'étudier de manière concertée un plan B et d'organiser la mutation de l'euro en monnaie commune réservée aux transactions extérieures. Dans chaque pays de la zone, des euros nationaux verraient le jour à la même date. Ceux-ci ne pourraient être convertibles qu'avec l'euro monnaie commune. La parité des euros nationaux entre eux serait établie de manière concertée, afin de prendre en compte les différentiels de compétitivité creusés au cours des treize dernières années. Cette flexibilité retrouvée des monnaies serait infiniment moins coûteuse qu'un ajustement déflationniste par voie de réduction des salaires, des pensions et des dépenses publiques. Pour mener à bien cette mutation qui n'est envisageable que pour parer à une catastrophe probable, il faudrait envisager la réquisition de la Banque de France car nous aurions besoin d'une banque centrale qui distribue du crédit aux entreprises et aux particuliers si la menace de faillites bancaires venait à se préciser. Sous la pression des événements, il faudra bien enfreindre les tabous. Le coût de cette mutation serait bien moindre que le coût du maintien à tout prix d'un système pénalisant pour la croissance et aujourd'hui à bout de course.
En tout état de cause, il n'est pas besoin d'être un grand stratège pour comprendre qu'il n'y a pas de plan A qui puisse réussir, sans l'alternative d'un plan B seul moyen de lever les réticences à la mise en œuvre du plan A.
Si nos élites n'ont pas le courage de revenir sur leurs choix, alors le désordre appellera l'ordre. Il serait préférable qu'il existe alors un recours républicain et qu'une voie raisonnable se dessine en Europe afin de préserver la cohérence du marché "européen" et d'y maintenir un cap conforme à l'intérêt de tous ses peuples.
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Source : Le Huffington Post
Les acteurs de l'économie ont d'ores et déjà intégré la possibilité d'un naufrage de la zone euro. La Grèce ne pourra sans doute se relever qu'en recouvrant sa souveraineté monétaire et en dévaluant très fortement. A bien y réfléchir, comment le Portugal et l'Espagne pourraient-ils renouer avec le dynamisme économique sans l'aide d'une dévaluation qui leur donnerait l'oxygène qui leur fait aujourd'hui défaut ? Elargissons le raisonnement : pouvons-nous nous-mêmes assumer le coût gigantesque du statu quo sur notre économie en termes de chômage, de retard d'investissement, de déficits publics? De surcroît, le FESF est une pompe à incendie insuffisante et deviendrait vite un tonneau des Danaïdes, s'il fallait l'activer à la mesure des difficultés prévisibles.
Dans Sortir la France de l'impasse (Fayard, octobre 2011), je me faisais l'avocat d'une refonte complète de l'architecture de la zone euro. Intervention massive de la Banque centrale européenne sur le marché de la dette et extension de ses missions, abaissement du cours de l'euro face au dollar et au yuan, gouvernement économique de la zone privilégiant la coopération à la compétition. Malheureusement l'actuel gouvernement allemand ne veut pas de cette solution, pourtant la seule à pouvoir préserver la monnaie unique et offrir un répit d'au moins quelques années. Thomas Mann a écrit que l'Allemagne était trop grande pour ne pas chercher à dominer l'Europe, mais aussi trop petite pour y parvenir. C'est pourquoi il préconisait une "Allemagne européenne".
L'Europe, elle-même, si elle veut continuer à exister comme un pôle entre l'Amérique du Nord et l'Asie, ne peut être qu'européenne. L'intuition du général de Gaulle reste pleinement valable. Il n'y a plus de place pour un leadership allemand ou français en Europe, mais il y a une responsabilité particulière de nos deux pays, à l'articulation de l'Europe germanique et de l'Europe latine.
Plutôt que d'assister passivement à l'effondrement de l'euro et aux catastrophes économiques et sociales qui s'ensuivraient, je propose d'étudier de manière concertée un plan B et d'organiser la mutation de l'euro en monnaie commune réservée aux transactions extérieures. Dans chaque pays de la zone, des euros nationaux verraient le jour à la même date. Ceux-ci ne pourraient être convertibles qu'avec l'euro monnaie commune. La parité des euros nationaux entre eux serait établie de manière concertée, afin de prendre en compte les différentiels de compétitivité creusés au cours des treize dernières années. Cette flexibilité retrouvée des monnaies serait infiniment moins coûteuse qu'un ajustement déflationniste par voie de réduction des salaires, des pensions et des dépenses publiques. Pour mener à bien cette mutation qui n'est envisageable que pour parer à une catastrophe probable, il faudrait envisager la réquisition de la Banque de France car nous aurions besoin d'une banque centrale qui distribue du crédit aux entreprises et aux particuliers si la menace de faillites bancaires venait à se préciser. Sous la pression des événements, il faudra bien enfreindre les tabous. Le coût de cette mutation serait bien moindre que le coût du maintien à tout prix d'un système pénalisant pour la croissance et aujourd'hui à bout de course.
En tout état de cause, il n'est pas besoin d'être un grand stratège pour comprendre qu'il n'y a pas de plan A qui puisse réussir, sans l'alternative d'un plan B seul moyen de lever les réticences à la mise en œuvre du plan A.
Si nos élites n'ont pas le courage de revenir sur leurs choix, alors le désordre appellera l'ordre. Il serait préférable qu'il existe alors un recours républicain et qu'une voie raisonnable se dessine en Europe afin de préserver la cohérence du marché "européen" et d'y maintenir un cap conforme à l'intérêt de tous ses peuples.
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Source : Le Huffington Post