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De beaux combats en perspective


Edito de Jean-Pierre Chevènement à Citoyens Militants, le bulletin du Mouvement Républicain et Citoyen, mars 2010.


De beaux combats en perspective
La crise du capitalisme financier a franchi en Europe une nouvelle étape. Après que les Etats ont renfloué les banques privées défaillantes, il est apparu bien vite qu’ils ne pourraient pas recommencer une deuxième fois. Le gonflement de la dette publique est devenu tel que la solvabilité des Etats est mise en question par les marchés financiers. Ceux-ci ont commencé une danse du scalp frénétique autour des émissions de dette publique par les Etats considérés comme étant les plus endettés. Ces derniers ne peuvent déjà plus emprunter qu’à des taux doubles (6 % au lieu de 3 %) de ceux des bons allemands à dix ans (l’Allemagne étant toujours considérée comme la référence, car, avec sa politique de déflation salariale et budgétaire, elle a réussi à dégager un fort excédent commercial (138 Milliards d’euros encore en 2009) et même de contenir son déficit budgétaire (cinq points du PIB au lieu de 8 % pour la France, 12 % pour la Grèce ... et les Etats-Unis).

Evidemment ce jeu est absurde : les marchés financiers spéculent comme c’est leur nature, mais leur spéculation vise à encourager la tribu des « doctrinaires vertueux » qui appellent de partout à lutter contre les déficits, à stopper le gonflement de la dette, etc. pour, enfin, « rentrer dans les clous de Maastricht ».

M. Woerth, en France, a réclamé 50 Milliards d’économies budgétaires d’ici 2013. Les plans de rigueur s’annoncent partout et pas seulement à Athènes, Lisbonne ou Madrid.
C’est une deuxième étape de la crise qui est devant nous. La danse du scalp des marchés financiers n’est pas sans évoquer le bal des sorcières : dans un monde revenu au Moyen-âge, les Etats sont considérés par les marchés financiers comme des faillis en puissance. Les marchés n’oublient qu’une chose : derrière les Etats, il y a les peuples. Ils veulent rayer trois siècles de luttes ! Ils veulent revenir sur la démocratie !

Des gouvernements « socialistes », comme celui de George Papandreou en Grèce, ou Luis Zapatero en Espagne, peuvent bien se prêter aux exercices de rigueur qu’on leur demande, ils vont bientôt se trouver coincés entre la pression des marchés et la pression des peuples.

Il va falloir maintenant proposer des choses sérieuses : remettre en cause les choix de politique monétaire et budgétaire que l’Allemagne impose au reste de l’Europe. C’est cela que j’appelle « un gouvernement économique de la zone euro », c’est-à-dire d’abord une politique de change qui passe par une réforme des statuts de la BCE (emploi, croissance et pas seulement lutte contre l’inflation). Il faut faire tomber le cours de l’euro. La Grèce nous y aide. Pas assez !

Ensuite il faut sortir la zone euro de sa langueur économique. Chacun le sait : elle est la lanterne rouge de la croissance mondiale. Un « grand emprunt » européen permettrait de lancer un programme de relance sur le modèle chinois.

A la crise actuelle il n’y a évidemment de solution que mondiale : La Chine seule n’arrivera pas à prendre le relais du consommateur américain défaillant. Quant à l’objectif avancé par Barack Obama - doubler le montant des exportations américaines -, il est simplement irréaliste. Pour sortir de cette crise immense qui est devant nous, il faudra remettre en cause les sacro-saintes règles du capitalisme financier globalisé :
- le libre-échangisme déséquilibré d’abord ;
- l’anarchie monétaire qui fait de l’euro le paillasson du dollar et du yuan (sans parler de la livre britannique qui a « dévissé » de 40 %. Si ce n’est pas du protectionnisme monétaire, qu’est-ce que c’est ?)
Il faudra surtout remettre au pas le système financier et les oligarchies financières, re-réglementer les banques, reprendre le contrôle politique des banques centrales.

En Europe il ne s’agit pas de « revenir à Maastricht » comme le serinent des dirigeants myopes, il s’agit :
- soit de revoir de fond en comble toutes les règles de gouvernance de l’euro et de la politique économique au sein de la zone euro en s’appuyant sur la volonté des Etats de remettre les oligarchies financières à leur place : subordonnée;
- soit, si cela s’avère impossible, de prendre en France des mesures de salut public, en s’affranchissant de règles dont chacun peut constater qu’elles sont devenues caduques, bref de rétablir la République ! C’est l’enjeu de 2012 en France.

Il y a de beaux combats en perspective .


Rédigé par Jean-Pierre Chevenement le Samedi 6 Mars 2010 à 09:55 | Lu 4354 fois



1.Posté par alain babey le 06/03/2010 10:03
Une des (trop rares) analyses correctes de la situation. Qui peut croire encore qu'un responsable politique puisse impulser quoi que ce soit d'important s'il ne dispose pas de la matrise de sa monnaie. L'euro n'étant qu'un deutschmark relooké, c'est l'Allemagne qui commande en Europe.
CQFD

2.Posté par geo le 06/03/2010 12:51
pour une version plus strictement économique des mêmes vues:


http://j-ai-du-louper-un-episode.hautetfort.com/media/00/02/975766929.pdf

Jacques Sapir plaide pour un programme de rupture unilatéral de la France.

3.Posté par lenormand le 06/03/2010 16:56
Bravo Monsieur Chevenement !
Même analyse que NDA (ou vice-versa) .
Pour 2012... enfin une alliance ?

4.Posté par poussant le 07/03/2010 10:18
pourquoi pas une alliance de tous les républicains y compris Royal ?

5.Posté par lenormand le 07/03/2010 19:13
@poussant
d'après moi "une alliance de tous les républicains" ne peut comporter dans un premier temps que les partis "nonistes" et ne doit pas être un fourre tout anti-Sarko....

6.Posté par dservantie le 07/03/2010 20:06
Analyse on ne peut plus claire sur la situation économique mondiale et singulièrement européenne et nationale. Il est évident que les instances européennes ne sont pas sérieusement intervenu pour redresser l'économie grecque et surtout tenter de sanctionner les spéculateurs comme diverses institutions financières qui ont réussi à faire quelques bénéfices non négligeables sur le dos de la République hellénique et de son peuple, car l'État grec ne s'y est pas sérieusement opposé. Non seulement comme M. Chevènement le dit fort justement il faudrait davantage de courage et d'audace pour enfin mettre en place un gouvernement économique de la zone euro mais aussi réguler davantage sans doute au niveau international pour contrer de telles activités spéculatives qui nuisent aux économies nationales et a fortiori aux plus démunis.

7.Posté par Lambersartois le 08/03/2010 17:28
La seconde hypothèse est plus probable mais qui défendra cette posture ?
Le créneau du gouvernement d'union nationale est déjà pris avec le ralliement de quelques individualités qui ne représentent qu'elles même. Il faut un gouvernement de salut public dans le contexte actuel de perte de Souveraineté, de délocalisation et de repères. Il n' y a rien à attendre de nos élites de gauche, toujours méfiantes quand on parle de la Nation et donc du Peuple Souverain. J.P. Chevènement est le seul à relever le défi. En a-t'il les moyens ? Seul ? Il faudra certainement une crise majeure, avec des effets encore plus tangibles pour changer les choses. Un grand dessein , une volonté commune , unissant les forces populaires et les classes moyennes , comme au temps du Général De Gaulle , seront seuls de nature à créer le sursaut tant espéré. De Paul Marie Couteaux au PCF ? avec un centre de gravité ; J.P. Chevènement ? 2012, c'est demain.

8.Posté par henri34 le 09/03/2010 11:18
Ce qui me sidére ,c'est le rôle des agences de notation dans la crise actuelle.Il suffit que 3 gnomes d'un bureau new-yorkais attribuent une note pour que tout dévisse.Quel intêrets, quels actionnaires sont derriére ces agences?L'expérience montre que leur infaillibilité est une vue de l'esprit.Qu'elles sévissent auprés des entreprises est le probléme de ces derniéres qui les rétribuent pour celà.Une entreprise a un "businness plan" et des actionnaires.Un pays a un projet et des citoyens qui sont des travailleurs et des contribuables.Le fossé est énorme entre les deux parties et ces agences le franchissent avec une outrecuidance qui devrait faire réagir les autorités.Quand j'écris qu'un pays a un projet je n'en suis sûr ni pour la France ni pour la vieille Europe.Alors peut-être que ces agences jouent sur cette vacuité?.

9.Posté par Polycrate le 15/03/2010 22:55

La conclusion "Il y a de beaux combats en perspective" me paraît, par son contenu ludique, assez caractéristique des perversions politiciennes face à la situation.

La crise économique ne fait que commencer et la crise financière renaîtra de braises bien mal éteintes.

Revoyons les éléments de la situation.

A la veille de 2008 le monde connaissait déjà un excédent de liquidités tirant son origine principale des déficits yanquies.

La crise a, durant quelques mois épongé cet excédent; ça s'est momentanément reflété dans les comptes des entreprises essentiellement financières. Maintenant, elles les ont en gros épongé mais, en plus ont été submergées par les énormes crédits débloqués par les Etats au prix de nouveaux déficits (sauf en Chine).

Excès de disponibilité, rareté des objets d'investissement: tous les éléments d'une nouvelle accélération de la spéculation sont réunis.

En france et en Europe les emplois industriels et autres épongés ne renaîtront pas de leurs cendres. Au contraire, la dégradation va se poursuivre.

La résurgence de l'Inde de la Chine et d'autres n'est que la réparation d'iniquités de développement (Relativement récentes à l'échelle des civilisations et dans lesquelles l'Occident n'a, au fond, que peu de responsabilités) Nos avantages scientifiques et techniques quand ils existent encore s'amenuisent à grande vitesse ... de récents et fâcheux résultats d'appels d'offres viennent en témoigner.

Donc nous sommes ramenés au triptyque fondamental: prix de revient = coût des intrants + coût de la main d'oeuvre + rémunération et amortissement du capital investi.

La forte demande de matières premières, conséquence évidente des "émergences nouvelles" et d'un certaine raréfaction entraîne évidemment la hausse des intrants.

La mondialisation - qui n'est pas moralement condamnable dans la mesure où elle permet de réparer des iniquités anciennes - a pour conséquence que la rémunération du capital est désormais homogène sur la planète, à quelques menues primes de risques ça et là qui ont vocation à disparaître...

Donc, pour parler comme les syndicalistes, la seule variable d'ajustement c'est la rémunération du travail.

Nous n'échapperons pas à une baisse de notre niveau de vie mesuré en monnaie constante: il est temps de tenter de compenser cela par une modification radicale de nos habitudes de consommations.

Bien sûr, compte tenu du grand nombre de privilégiés qu'a secrétés la république (fonctionnaires et autres..) qui ont les moyens de se défendre, le poids essentiel de ces restrictions pèsera surtout au début sur les plus misérables (10 ou 20% de la population active... ce qui ne fait pas les "masses populaires") d'où des troubles sociaux et politiques qui viendront encore accélérer le processus.

Pour gouverner tout cela, il faudrait un saint... ou un Roi!

10.Posté par Lambersartois le 18/03/2010 20:15
Le Peuple Français, exalté, proche de l’hystérie, le cœur plein d’espérance dans un moment indescriptible d’angoisse insoutenable, a néanmoins surmonté au fil des semaines ses préventions à l’égard du système qui a su finalement lui rendre justice et l’apaiser. Il attendait ce moment historique depuis la Commune. Qui a dit que la Démocratie était confisquée par une caste ? La plus méritante des siens est enfin reconnue à sa juste mesure : Simone Veil a fait son entrée à l'Académie française.
Merci.

11.Posté par ffi le 24/03/2010 16:53
L'alternative finale est bien exprimée :
- soit il y a une évolution européenne.
- à défaut, refonder la république.

Alliance Républicaine au programme !

Cheminade a aussi une compréhension très fine des problèmes.

L'inconnue c'est Royal.

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