(Retrouvez la première partie de l'émission ci-dessus, et la seconde partie en bas de l'article)
Verbatim express :
Sur Matignon
Verbatim express :
Sur Matignon
- Je n'ai pas du tout envie de prendre la place de M. Ayrault. C'est une place qui n'est pas enviable, sauf si on a les mains pour faire une autre politique. Ce serait un cas de figure tout à fait différent. Mais je ne l'envisage pas, et je ne pense pas que ce soit dans les intentions de François Hollande, aujourd'hui, de changer franchement de cap.
- Lorsque j'ai apporté mon soutien à François Hollande, les yeux ouverts, j'ai dit que j'excluais de redevenir ministre. Je l'ai été à cinq reprises pendant presque 10 ans, bien que j'ai démissionné trois fois.
- Je considère qu'il y a une équation générale, qui est malheureusement erronée, depuis près de trois décennies. On a voulu substituer l'Europe à la nation, une dérégulation totale, un choix de monnaie unique qui juxtapose des économies profondément hétérogènes, et on le voit bien, ça ne marche pas.
- Je ne me situe pas vraiment au niveau des partis politiques. J'essaye de regarder ce qui est conforme à l'intérêt du pays. Je m'exprime raisonnablement.
- Je trouve qu'on ne se pose pas les questions de fond. François Hollande est là depuis longtemps. Il ne mérite pas le flot d'avanies dont il est accablé.
- Dans mon dernier livre, j'essaye de prendre la mesure du siècle écoulé. Je compare deux mondialisations. Je vois qu'à l'intérieur de chacunes d'elles, il y a une modification profonde de la hiérarchie des puissances. Alors qu'on voyait monter l'Allemagne impériale, aujourd'hui c'est la Chine.
- La montée fantastique de l'Allemagne impériale aboutit à la Première Guerre mondiale, dont je donne une explication rationnelle, alors qu'aujourd'hui un silence total prévaut, parce que le politiquement correct est immense.
Sur les questions de politiques extérieures
- J'ai toujours considéré qu'en politique extérieure, l'indépendance nationale, la politique gaullienne, la non-ingérence, devaient prévaloir.
- Je ne pense pas qu'on puisse dire que la France soit devenue « le gendarme de l'Afrique ». Il y a une résolution de l'ONU, c'est très important, qui nous donne un mandat, celui d'aider les forces africaines à remettre un peu d'ordre en Centrafrique, qui en a bien besoin. Si la France peut aider, c'est tout à fait souhaitable.
- Cela se révèle être une mission assez difficile. Les forces adverses ont des éléments incontrôlés.
- Si on n'a pas l'autorisation des Nations Unies, il ne faut pas intervenir. Je m'étais prononcé contre une intervention en Syrie.
- L'Histoire a tissé entre la France et l'Afrique des liens qu'il est hypocrite de vouloir nier.
- L'Europe a été la grande absente en Centrafrique, au Mali également. L'impotence stratégique de l'Europe n'est plus à démontrer. L'Europe n'a pas la capacité de se mouvoir et de décider. L'Europe à 28 est extrêmement lourde : il y a des pays qui ne veulent pas intervenir, comme l'Allemagne, qui sont profondément pacifistes, d'autres qui ne veulent pas intervenir parce qu'ils n'y voient pas l'intérêt... Je ne veux pas les citer tous, car la liste serait longue.
- Le problème de fond, c'est que les Etats en Afrique sont très fragiles. Les armées sont quasi-inexistantes, elles sont déliquescentes. Si malheureusement, la France doit intervenir, ce n'est pas comme gendarme de l'Afrique. Le but c'est de faire en sorte que la défense de l'Afrique soit assumée par les Africains. Dans l'immédiat, ce n'est pas possible. Le renfort d'éléments français reste nécessaire.
- L'Europe doit contribuer, au moins financièrement. J'ai proposé de soustraire du montant des déficits autorisés les budgets de la défense, ou au moins ce qui est en surplus pour des missions qu'aucun autre État en Europe n'est capable d'accomplir.
- Ca devrait faire réfléchir sur l'Europe. L'Europe n'est qu'un mot. Elle n'existe pas.
Sur l'emploi
- Le déclin de l'emploi industriel a commencé il y a un peu plus de trente ans. J'étais ministre de l'Industrie, et j'ai démissionné de mes fonctions, car j'ai pensé que l'accrochage du franc au mark, c'est à dire une monnaie forte, dont la monnaie unique fut la suite, était une idée suicidaire pour notre industrie.
- Nous avions à l'époque près de 6 millions d'emplois industriels, aujourd'hui c'est à peine plus de 3 millions. C'est une tendance de longue durée, dont tous les gouvernements sont responsables.
- Je revendique l'antériorité par rapport à tous les autres, puisque j'ai été le premier à dire que l'on faisait fausse route.
Sur la réforme de l'Etat
- Ceux qui disent qu'il faut baisser les dépenses publiques en général ne disent jamais lesquelles en particulier il faudrait baisser.
Sur la relance de la croissance
- François Hollande a été élu pour cinq ans. Il est là jusqu'en 2017. Il me semble déraisonnable de le critiquer sans cesse. On finit par se tirer une balle dans le pied à force de diaboliser les dirigeants de son pays.
- La TVA sociale, c'est ce qu'on fait les Allemands. Mais il y a de bons moments pour le faire et d'autres ou c'est plus difficile. Quand le pouvoir d'achat souffre, et c'est le cas aujourd'hui, augmenter la TVA de 3 points n'est peut être pas tout à fait raisonnable.
- Le rapport Gallois a donné certaines indications qui sont justes. L'objectif d'améliorer la compétitivité du pays a été fixé. Nous y sommes un peu parvenu, le déficit de la balance commerciale a baissé de 15 milliards d'euros depuis deux ans. Mais je pense que ça ne suffira pas : il faut donc poser le problème au niveau européen.
- Soit il y a une relance allemande, mais ce n'est pas le petit SMIC qui va entrer en vigueur en 2016 qui changera grand chose, soit la BCE joue son rôle de banque centrale et verse des liquidités dans le système, soit alors il faut revoir cette erreur qu'a été la monnaie unique et la transformer en monnaie commune, pour permettre qu'il y ait des marges d'ajustements monétaires entre les différents pays.
Sur PSA
- Nous devons soutenir Peugeot, mais pas sans contreparties. L'Etat va rentrer au capital de Peugeot, Dongfeng, une entreprise chinoise, aussi. Le problème de débouchés de Peugeot va se trouvé résolu par le fait qu'il va trouver des marchés en Asie, aujourd'hui le centre de gravité de l'économie mondiale.
- Le retrait de General Motors n'empêche pas la poursuite des coopérations industrielles.
- Nous avons de très bonnes nouvelles pour l'emploi dans l'industrie automobile dans la Franche Comté du nord. Il faut quand même le souligner !
Sur les questions d'Education nationale
- Je ne conteste pas la baisse du niveau de la formation. Mais je salue le rapport très récent de l'inspection nationale, qui montre que les enseignants aujourd'hui ne disposent pas toujours des moyens nécessaires pour redresser les choses.
- Un point essentiel, c'est ce qu'on appelle « l'effet maître » que l'enseignant crée avec l'élève. D'une certaine manière, il n'y a pas de dossiers plus important que la formation des enseignants.
- Je regrette que l'on ait parlé beaucoup trop des rythmes scolaires, comme si ce n'était pas une évidence qu'il fallait revenir à une semaine de 4,5 jours !
- Je n'ai jamais dit que je voulais 80% d'une classe d'âge au Bac quand j'étais ministre de l'Education nationale, mais « au niveau » du bac : sans rabais d'exigence justement. Je n'ai jamais demandé à ce que l'on note les copies sur 22 au lieu du 20 !
- Je suis pour l'élitisme républicain, parce que je pense que les enfants des milieux les plus démunis ont besoin d'une école forte, d'une pédagogie structurée, un peu directive, sur laquelle il puisse s'appuyer.
- La mode aujourd'hui c'est que les enfants doivent construire leur savoir. Ce sont les pédagogies constructivistes. C'est l'enfant qui doit redécouvrir les théorèmes de Thalès ou réinventer seuls les tables de Pythagore ! Alors évidemment, cela ne marche pas !
- Il faut mettre le paquet sur les disciplines fondamentales : le français, les mathématiques, l'histoire et la géographie.
Sur les sujets de de sécurité
- La philosophie de l'ordonnance de 1945 sur la délinquance des mineurs, c'est la priorité à l'éducation. On s'est aperçu à un moment que ça ne marchait plus pour un certain nombre de jeunes, notamment les multirécidivistes. Donc je pense toujours que la priorité doit aller à l'éducation, mais à un moment, il faut que l'enfant sente la présence d'une autorité forte. L'Etablissement Public d'Insertion de la Défense est, à cet égard, un très bon exemple de ce que l'on peut faire.
- Le seul reproche que je peux faire à Valls, c'est de ne pas avoir fait une Zone de Sécurité Prioritaire à Belfort !
Sur la redistribution des cartes en Europe
- Je précise que je ne suis pas candidat à Matignon, sauf si on changeait complètement de politique, et il n'en est pas pour l'instant question. Mais ce dont la France a besoin, c'est d'une redistribution des cartes qui impliquent forcément nos partenaires européens et surtout allemands. C'est avec eux qu'il faut négocier des changements profonds. Cela ne se fera pas sans des secousses que je vois venir. Et je m'en inquiète. Et je ne dis pas comme Marine Le Pen qu'on va s'en sortir en quittant tout. C'est une négociation qu'il faut avoir avec l'Allemagne.
- L'idée européenne est une belle idée. Mais la méthode choisie, faire en sorte que cette Europe se fasse en substitut des nations, voir contre elles, donner des pouvoirs extraordinaires à une technocratie, tout cela est une erreur. La monnaie unique a été un choix erroné. Il faut le reconnaître, revenir en arrière, choisir une meilleure bifurcation, penser d'autres règles du jeu, construire une Europe à l'échelle du XXIe car, dans la rivalité sino-américaine, il y a place pour une grande Europe, de la Méditerranée à l'Oural.
Sur les élections municipales à Belfort et les sénatoriales
- Etienne Butzbach, élu maire MRC de Belfort, a été débauché par le PS en 2012. Je pense que c'était une grave erreur de la part d'Yves Ackermann, le président du Conseil général du Territoire de Belfort. Je crains fort que, dans ces conditions, la ville de Belfort change de mains.
- J'ai été maire pendant plus de 20 ans. Je ne serai pas candidat. J'essayerai d'éclairer les Belfortins sur le choix qu'ils devront faire, à la lumière des intérêts de Belfort et de la République.
- Il y a un candidat du MRC, Bastien Faudot, qui va solliciter les suffrages des électeurs. Je lui souhaite bon vent !
- Pour les sénatoriales, j'attendrai le 15 juin avant de faire connaître ma décision.
Sur les tentatives de récupération auxquelles se livrent le FN
- Paul-Marie Couteaux, ex-pasquaïen, aujourd'hui au RBM, m'a apporté un soutien en 2002, dont je me serais d'ailleurs volontiers passé.
- Il y a un garçon que je connais pas, que je n'ai jamais rencontré, qui s'appelle Florian Philippot, qui dit que le FN est le vrai parti gaulliste. Mais enfin, le parti de Jean-Marie Le Pen, c'était des anciens de la Collaboration, de Vichy, des anciens de l'OAS... Je ne sais pas par quelle transmutation ils sont devenus le vrai parti gaulliste ! Tout cela, c'est un pot de peinture.
- J'ai démissionné en 1983 pour protester contre le choix structurant d'accrocher le franc au mark fort. Le Pen a gagné les élections européennes en 1984. Alors, je pense quand même avoir mis clairement le curseur au bon endroit, et avoir le privilège de l'antériorité sur tous les autres.
- Aujourd'hui, ceux qui ont fait le lit de Le Pen, en faisant une dérégulation totale, ou qui ont fait le petit bois en parlant des immigrés comme des gens qui avaient une odeur, dont il faudrait se méfier, c'est ces gens-là qui disent aujourd'hui sur moi des choses déraisonnables.
- Je regarde avec une distance amusée les essais de récupération auxquels certains se livrent.