Jean-Pierre Chevènement, sénateur (MRC) du Territoire de Belfort et, peut-être, candidat à l’élection présidentielle, est l’auteur d’un nouvel ouvrage : Sortir la France de l’impasse. Un livre-programme pour 2012.
Le Pays: Les choix politiques faits depuis les années quatre-vingt ont mis, dites-vous, la France dans une impasse. Vos positions sont, vous le soulignez dans le livre, dans la droite ligne de ce vous disiez en 2002. Pourquoi seriez-vous entendu cette fois?
Jean-Pierre Chevènement: Il y a un fait massif : c’est la crise que j’avais vu venir depuis longtemps puisque je n’avais accepté ni la dérégulation financière ni la monnaie unique. Crise du capitalisme financier à partir de 2008, crise de l’euro depuis 2010. Cette dernière n’est pas le fait du hasard, elle résulte du vice constitutif de l’euro qui a voulu donner la même monnaie à dix-sept pays que tout opposait, structures économiques, orientations politiques, culture etc.
Il est difficile, aujourd’hui, de faire confiance pour nous en sortir à ceux qui nous ont conduits dans l’ornière. Je vous rappelle que l’Acte unique et le Traité de Maastricht ont été votés par la droite et le PS.
Et donc ?
Ce sont les événements qui vont faire bouger les esprits. Du moins, je l’espère.
Qu’est-ce qui, aujourd’hui, pourrait vous inciter à ne pas être candidat à l’élection présidentielle?
Ce qui pourrait m’amener à changer de point de vue ? Soit un événement majeur, hélas prévisible, c’est-à-dire la crise de l’euro, soit une évolution politique claire du candidat socialiste sur ces questions qui ne sont jamais abordées. J’ai très peu entendu parler de la crise de l’euro pendant la campagne des primaires. Nous dansons sur un volcan et chacun fait comme si en mai prochain nous allions nous offrir du muguet.
Comment l’Europe pourrait-elle s’identifier à un projet de monnaie unique qui apparaît de plus en plus comme un pont suspendu au-dessus du vide ? Il faut, pendant qu’il est encore temps, proposer une réforme profonde, essentiellement l’accroissement des missions de la Banque centrale européenne ou bien alors organiser la mutation de l’euro de monnaie unique en monnaie commune. C’est le sens de mon livre.
La crise de l’euro pourrait vous inciter à ne pas être candidat?
Je parle de l’effondrement de l’euro : un événement tel qu’il dessillerait les yeux. Mon souci c’est qu’au milieu des secousses prévisibles, la France garde le cap de l’intérêt national.
Le Pays: Les choix politiques faits depuis les années quatre-vingt ont mis, dites-vous, la France dans une impasse. Vos positions sont, vous le soulignez dans le livre, dans la droite ligne de ce vous disiez en 2002. Pourquoi seriez-vous entendu cette fois?
Jean-Pierre Chevènement: Il y a un fait massif : c’est la crise que j’avais vu venir depuis longtemps puisque je n’avais accepté ni la dérégulation financière ni la monnaie unique. Crise du capitalisme financier à partir de 2008, crise de l’euro depuis 2010. Cette dernière n’est pas le fait du hasard, elle résulte du vice constitutif de l’euro qui a voulu donner la même monnaie à dix-sept pays que tout opposait, structures économiques, orientations politiques, culture etc.
Il est difficile, aujourd’hui, de faire confiance pour nous en sortir à ceux qui nous ont conduits dans l’ornière. Je vous rappelle que l’Acte unique et le Traité de Maastricht ont été votés par la droite et le PS.
Et donc ?
Ce sont les événements qui vont faire bouger les esprits. Du moins, je l’espère.
Qu’est-ce qui, aujourd’hui, pourrait vous inciter à ne pas être candidat à l’élection présidentielle?
Ce qui pourrait m’amener à changer de point de vue ? Soit un événement majeur, hélas prévisible, c’est-à-dire la crise de l’euro, soit une évolution politique claire du candidat socialiste sur ces questions qui ne sont jamais abordées. J’ai très peu entendu parler de la crise de l’euro pendant la campagne des primaires. Nous dansons sur un volcan et chacun fait comme si en mai prochain nous allions nous offrir du muguet.
Comment l’Europe pourrait-elle s’identifier à un projet de monnaie unique qui apparaît de plus en plus comme un pont suspendu au-dessus du vide ? Il faut, pendant qu’il est encore temps, proposer une réforme profonde, essentiellement l’accroissement des missions de la Banque centrale européenne ou bien alors organiser la mutation de l’euro de monnaie unique en monnaie commune. C’est le sens de mon livre.
La crise de l’euro pourrait vous inciter à ne pas être candidat?
Je parle de l’effondrement de l’euro : un événement tel qu’il dessillerait les yeux. Mon souci c’est qu’au milieu des secousses prévisibles, la France garde le cap de l’intérêt national.
Avez-vous les 500 signatures nécessaires pour vous présenter à l’élection présidentielle? Et les moyens financiers?
Je pars du principe que le mouvement se crée de lui-même. On apprend à marcher en marchant.
Concernant l’Europe, beaucoup des solutions que vous avancez impliquent un profond changement de la position allemande.
J’ai proposé deux projets. Le premier reste encore jouable à l’heure qu’il est : il s’agit d’autoriser la banque centrale européenne (BCE) à racheter les titres de dettes publiques des pays menacés par la spéculation. C’est ce que fait la banque centrale américaine. Il s’agit de casser la spéculation et de soutenir la croissance à l’échelle européenne. C’est quand même plus intelligent de financer la recherche ou les TGV que de venir au secours des banques pour leur permettre de continuer comme avant à spéculer et à encaisser des bonus.
Il faut convaincre l’Allemagne qui a intérêt à la survie de la zone euro : celle-ci est le marché intérieur de son industrie. Si nous n’y parvenons pas, il faudra réaliser la mutation de l’euro de monnaie unique en monnaie commune.
Faut-il mettre les banques sous tutelle?
Il faut un contrôle public du crédit. C’est une grave erreur d’avoir dénationalisé les banques et d’abord celles que le général de Gaulle avait nationalisées à la Libération (BNP, Société générale, Crédit lyonnais).
Vous écrivez « qu’un pays qui croit en lui et en ses valeurs suscite plus facilement le désir d’appartenance ». Vous ajoutez que « la repentance est un exercice malsain ». Certains ont compris que vous vouliez mettre sous le boisseau les pages peu reluisantes de l’Histoire de France.
C’est mal me connaître. Je préfère la conscience à la repentance. La conscience est un exercice de la raison, elle prend en compte à la fois les ombres et les lumières. Mais je ne me range pas au nombre de ceux qui passent leur temps à baver sur la France. Je considère que notre histoire n’est pas une faillite mais illustre simplement la difficulté que les idées républicaines ont eue à s’imposer. Par exemple, pendant les années 30 et 40 ou bien encore dans les guerres de décolonisation.
Croyance dans le progrès, dans les valeurs républicaines, défense de la Nation comme cadre naturel de la démocratie… Que répondez-vous à ceux qui trouvent votre approche, disons, un peu surannée?
Je leur réponds qu’ils n’ont rien à mettre à la place et que je préfère le fondamental à l’éphémère.
Vous êtes partisan du nucléaire. L’argument de la sûreté est « faible » selon vous. Vous pouvez affirmer qu’il n’y aura jamais d’accident grave sur le territoire national?
ll n’y a pas d’activité humaine sans risque mais on ne peut pas vivre sous l’empire de la peur. L’extraction minière ou l’industrie chimique ont fait un nombre de victimes incommensurablement supérieur au nucléaire qui, en France, n’en a fait aucune depuis soixante-dix ans. Moi je regarde la facture d’électricité. Je sais que le kWh d’électricité solaire photovoltaïque est huit à dix fois plus cher que le kWh d’électricité nucléaire. Et l’éolien deux fois plus cher. Est-ce que les Français sont prêts à voir leur facture augmenter de 50 % voire davantage ?
Concernant la primaire…
Je ne veux pas me mettre là-dedans. Dès le départ nous avons considéré que la loyauté, si nous participions aux primaires, imposerait de respecter la discipline en faveur du candidat qui en sortirait le mieux placé. Or, le PS étant l’organisateur, nous pouvions penser que celui qui serait désigné serait à l’image des choix politiques portés depuis une bonne vingtaine d’années…
Vous avez néanmoins cité Arnaud Montebourg…
C’est l’exception qui confirme la règle. Mais je reconnais qu’Arnaud Montebourg a marqué un point. Cela montre qu’il y a dans la société française une sensibilité importante qui remet en cause une mondialisation financière dont les dégâts sont partout visibles.
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Propos recueillis par Céline Mazeau
Source : LePays.fr
Je pars du principe que le mouvement se crée de lui-même. On apprend à marcher en marchant.
Concernant l’Europe, beaucoup des solutions que vous avancez impliquent un profond changement de la position allemande.
J’ai proposé deux projets. Le premier reste encore jouable à l’heure qu’il est : il s’agit d’autoriser la banque centrale européenne (BCE) à racheter les titres de dettes publiques des pays menacés par la spéculation. C’est ce que fait la banque centrale américaine. Il s’agit de casser la spéculation et de soutenir la croissance à l’échelle européenne. C’est quand même plus intelligent de financer la recherche ou les TGV que de venir au secours des banques pour leur permettre de continuer comme avant à spéculer et à encaisser des bonus.
Il faut convaincre l’Allemagne qui a intérêt à la survie de la zone euro : celle-ci est le marché intérieur de son industrie. Si nous n’y parvenons pas, il faudra réaliser la mutation de l’euro de monnaie unique en monnaie commune.
Faut-il mettre les banques sous tutelle?
Il faut un contrôle public du crédit. C’est une grave erreur d’avoir dénationalisé les banques et d’abord celles que le général de Gaulle avait nationalisées à la Libération (BNP, Société générale, Crédit lyonnais).
Vous écrivez « qu’un pays qui croit en lui et en ses valeurs suscite plus facilement le désir d’appartenance ». Vous ajoutez que « la repentance est un exercice malsain ». Certains ont compris que vous vouliez mettre sous le boisseau les pages peu reluisantes de l’Histoire de France.
C’est mal me connaître. Je préfère la conscience à la repentance. La conscience est un exercice de la raison, elle prend en compte à la fois les ombres et les lumières. Mais je ne me range pas au nombre de ceux qui passent leur temps à baver sur la France. Je considère que notre histoire n’est pas une faillite mais illustre simplement la difficulté que les idées républicaines ont eue à s’imposer. Par exemple, pendant les années 30 et 40 ou bien encore dans les guerres de décolonisation.
Croyance dans le progrès, dans les valeurs républicaines, défense de la Nation comme cadre naturel de la démocratie… Que répondez-vous à ceux qui trouvent votre approche, disons, un peu surannée?
Je leur réponds qu’ils n’ont rien à mettre à la place et que je préfère le fondamental à l’éphémère.
Vous êtes partisan du nucléaire. L’argument de la sûreté est « faible » selon vous. Vous pouvez affirmer qu’il n’y aura jamais d’accident grave sur le territoire national?
ll n’y a pas d’activité humaine sans risque mais on ne peut pas vivre sous l’empire de la peur. L’extraction minière ou l’industrie chimique ont fait un nombre de victimes incommensurablement supérieur au nucléaire qui, en France, n’en a fait aucune depuis soixante-dix ans. Moi je regarde la facture d’électricité. Je sais que le kWh d’électricité solaire photovoltaïque est huit à dix fois plus cher que le kWh d’électricité nucléaire. Et l’éolien deux fois plus cher. Est-ce que les Français sont prêts à voir leur facture augmenter de 50 % voire davantage ?
Concernant la primaire…
Je ne veux pas me mettre là-dedans. Dès le départ nous avons considéré que la loyauté, si nous participions aux primaires, imposerait de respecter la discipline en faveur du candidat qui en sortirait le mieux placé. Or, le PS étant l’organisateur, nous pouvions penser que celui qui serait désigné serait à l’image des choix politiques portés depuis une bonne vingtaine d’années…
Vous avez néanmoins cité Arnaud Montebourg…
C’est l’exception qui confirme la règle. Mais je reconnais qu’Arnaud Montebourg a marqué un point. Cela montre qu’il y a dans la société française une sensibilité importante qui remet en cause une mondialisation financière dont les dégâts sont partout visibles.
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Propos recueillis par Céline Mazeau
Source : LePays.fr