Agenda et médias

"Barack Obama a besoin que l'Europe ne s'enfonce pas dans une politique récessive"


Jean-Pierre Chevènement était l'invité du Rendez-vous RFI - France 24, jeudi 8 novembre 2012. Il répondait aux questions de Roselyne Febvre et Frédéric Rivière


Verbatim express

  • La réélection de Barack Obama était bien la moindre des choses compte tenu de la difficulté de la tâche qui lui incombe. Il a été élu en 2008 au moment où éclatait la grande crise du capitalisme financier globalisé. Il a donc dû faire face, avec un relatif succès, aux problèmes de chômage, mais on sent bien qu'il a besoin de davantage de temps. Rappelez-vous que Roosevelt a exercé 4 mandats.
  • Barack Obama a traité des problèmes de société, des questions de santé, de chômage. Il a redonné une perspective à l'économie américaine : la réindustrialisation.
  • Il a posé le problème d'un certain rééquilibrage avec la Chine et, de ce point de vue là, on remarquera qu'il a désengagé les Etats-Unis d'une direction erronée choisie par l'administration républicaine : la guerre en Afghanistan et en Irak. Barack Obama a vu assez clairement que le problème était entre les États-Unis et la Chine, deuxième puissance économique mondiale.
  • Il n'a pas du tout été question de l'Europe durant cette campagne. Les Européens devraient se poser la question de savoir s'ils ont pris le problème par le bon bout et si, avec la monnaie unique, ils n'ont pas mis la charrue avant les bœufs.
  • Du point de vue économique, l'élection de Barack Obama va dans le sens de ce que souhaite François Hollande, c'est à dire la relance concertée à l'échelle mondiale. Les États-Unis ont également besoin que l'Europe ne s'enfonce pas dans une politique récessive comme c'est le cas aujourd'hui, sous le coup des plans de rigueur multipliés.
  • L'impulsion peut venir des États-Unis mais elle peut également venir de la Chine, de la Russie, des pays émergents : tous ont besoin d'une Europe qui retrouve la voie de la croissance. De ce point de vue là, nous devons pouvoir exercer sur Mme Merkel une certaine pression pour l'amener à revoir un peu sa copie.

  • En anglais, il y existe ce que l'on appelle un policy mix, c'est à dire un mix de politiques budgétaire et monétaire. On pourrait tout à fait imaginer que le BCE ait une politique de création monétaire comme la Fed, la banque d'Angleterre ou celle du Japon. Il faudrait qu'elle ait une vision un peu plus dynamique des années qui viennent pour relancer l'activité économique à l'échelle mondiale. Naturellement cela suppose une concertation à l'échelle du G20.
  • Il y a un équilibre entre la Chine et les États-Unis puisque les Chinois sont les premiers créanciers des Américains. En même temps, il y a un déficit commercial des États-Unis vis à vis de la Chine qui est à peu près de 300 milliards de dollars par an. Barack Obama voudrait une certaine réévaluation du yuan pour permettre aux entreprises américaines de se développer à nouveau sur leurs marchés. Les Chinois sont prêts à faire un effort du point de vue social, de l’élévation du niveau de vie de leurs classes moyennes.
  • Il faut privilégier autant que faire se peut la concertation avec la Chine. Il faudrait également que l'Europe se soucie de ses propres intérêts.
  • L'idée que l'on pourrait faire des élections générales en Chine est prématurée. Ce que l'on peut espérer, c'est que la Chine aille vers une certaine décentralisation et une association de la population aux impulsions données. Mais il ne faut pas se raconter d'histoires : le Parti Communiste restera la force directrice pendant encore pas mal de temps. Simplement, il doit tenir compte d'une société qui évolue.
  • Les Chinois sont très vigilants quant aux pressions qui pourraient être exercées sur eux-mêmes. Ils ont par exemple été très irrités par l’interprétation qui a été donnée de la résolution 1973 sur la Libye. Ils considèrent que nous sommes allés trop loin. Les Chinois, comme les Russes d'ailleurs, sont également très vigilants concernant la Syrie pour que l'on en revienne au respect de la souveraineté des États.
  • Il semble bien que Bachar El-Assad devra quitter le pouvoir en Syrie. Cependant, il n'y a pas d'autre issue qu'une certaine négociation. Il faut également trouver un équilibre entre les différentes communautés.
  • Personnellement, je crois à la force de l'Etat-Nation, qui repose sur l'idée de la citoyenneté. Je ne crois pas que la dissociation ethnique soit la bonne solution. Je pense qu'il vaut mieux maintenir l’équilibre des États, que nous avons hérité de l'Histoire.
  • La Nation est la formule moderne qui permet de faire vivre ensemble des gens différents. Je crois à la modernité de la Nation, ce qui ne signifie pas que les Nations ne coopèrent pas entre elles.
  • Voilà 30 ans que je souligne le décrochage industriel de la France et que je mets l'accent sur la nécessité d'une politique industrielle. Le rapport Gallois est un rapport lucide, courageux.
  • La France a beaucoup d'atouts sur le plan industriel, il est temps qu'elle les mobilise. Nous avons par exemple des grands groupes mondiaux mais nous ne nous intéressons pas au développement de notre tissu de PME industrielles.
  • Redonner de la compétitivité à l'économie française, c'est le bon sens. En temps normal, nous aurions dévalué. On ne peut plus à cause de la monnaie unique.
  • Le problème de la monnaie unique n'est pas un problème de dette mais de compétitivité, qui est très différente selon les économies hétérogènes qui composent la zone euro.
  • J'approuve les décisions prises par Jean-Marc Ayrault. C'est un homme courageux, droit, sincère. Il a pris connaissance du rapport Gallois et s'est laissé convaincre. Je suis derrière lui pour appuyer ce qui me paraît être une ligne de salut pour l'économie française dans les prochaines années.
  • La gauche a pris conscience du déclin industriel. Il y a eu un état des lieux, notamment la conférence sociale au moins de juillet. François Hollande y a d'ailleurs dit qu'on ne pouvait pas continuer à asseoir sur le travail le coût de la protection sociale. Il faut le temps d'en tirer les conclusions et de faire bouger les esprits de nos amis socialistes mais ils ont évolué positivement et les choix faits par François Hollande et Jean-Marc Ayrault sont tout de même les bons.
  • La direction prise est la bonne. C'est le choix du patriotisme français et de ce point de vue là, ça ne peut pas être seulement le choix de la gauche mais bien de toutes les forces de la France.


Rédigé par Chevenement.fr le Vendredi 9 Novembre 2012 à 11:37 | Lu 3892 fois



1.Posté par Sylvie GOMES le 12/11/2012 23:57
Monsieur Desir , qui est un spécialiste du mensonge occupe aujourd'hui un role qui lui convient au sein du PS qui ne sait plus faire que ça. L'incompétence de ce parti ne fait plus maintenant de doute.
Donner des mauvaises réponses à tous les problèmes, soit, mais en promettant le contraire, cela n'est pas acceptable.
Gomes

2.Posté par CARMAGNOLE31 le 13/11/2012 23:54
Monsieur le ministre,

Concernant Obama, je me permets d'ajouter qu'on n'a guère souligné le débat idéologique majeur qu'il a gagné aux Etats-Unis face aux tenants néo-libéraux d'une réduction drastique des dépenses et du rôle de l'Etat. Souvenons-nous : l'échec de John Mc Cain en 2008 et la réforme de la santé d'Obama a conduit à la création du Tea Party, un mouvement ultra-conservateur avant tout partisan d'une réduction à sa plus simple expression du rôle de l'Etat.
En 4 ans, ce mouvement que beaucoup annonçaient qu'il balaierait Obama en 2012 a perdu de sa force. Il n'a pas su non plus imposer ses candidats. Et si le colistier de Romney, Paul Ryan, est issu de ses rangs, on peut se demander s'il n'a pas servi d'épouvantail plus que d'atout pour le candidat républicain.
Au final, après une guérilla parlementaire de quatre années sur l'Obamacare, la réforme de la santé d'Obama, le patron des Républicains à la chambre des représentants vient d'annoncer qu'il renonçait (temporairement) à se battre contre elle. Preuve s'il en est de la lecture que font les Républicains de l'élection d'Obama : une belle victoire pour tous les tenants d'un Etat-(plus ou moins)providence face aux fondamentalistes néo-libéraux.

Salutations républicaines et laïques

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