Première partie de l'émission
Deuxième partie de l'émission
Verbatim :
- La réprobation est unanime dans l'opinion publique française, vis-à-vis d'actes aussi monstrueux, et qui frappent des journalistes – dont certains étaient des amis, je pense à Georges Wolinski – ou des policiers dans l'accomplissement de leur mission. Je voudrais qu'on ait une pensée pour leurs familles, parce que les policiers défendent la liberté des citoyens. Les citoyens se reconnaissent dans le combat que ceux-ci mènent à l'heure qu'il est pour arrêter ces criminels.
- La France ne cédera pas devant le terrorisme. Aucune démocratie n'a été, en quelque sorte, renversé par le terrorisme. Nous pouvons faire face.
- Il est tout à fait important de comprendre ces itinéraires de radicalisation, qui concernent des petits voyous au départ, mais qui par le biais d'un engagement dans une filière djihadiste, en sont arrivés à devenir des terroristes tout à fait redoutable. Je pense qu'il faudra les chercher un à un, sans pitié, et leur appliquer toute la rigueur des lois républicaines, en les durcissant au besoin, s'il le faut.
- Il faudra, le moment venu, l'émotion passée, s'interroger avec objectivité, sérénité, exigence, sur les facteurs de ce terrorisme islamiste radical. Il y a des facteurs internationaux, et il faudrait peut-être revisiter l'Irak, la Libye, la Syrie, pour savoir si les Occidentaux ont toujours fait des choix judicieux. Je pense que la guerre en Irak n'était pas un choix très judicieux. Il y a des facteurs propres à la société française, qui favorisent la contagion.
- S'il y a une chose à retenir, c'est que pour venir à bout du terrorisme, il faut le dissocier du terreau sur lequel il pourrait prospérer, et par conséquent bien distinguer l'islam, religion pacifique de millions de Français, ou de résidents établis légalement sur notre sol, et puis d'autre part l'islamisme. Il y a la variante islamisme politique, et puis il y a le salafisme, et les dérives radicales djihadistes, terroristes. Ce ne sont pas les mêmes choses. Il ne faut pas procéder par amalgames. Il est important de dessouder les terroristes de ce qu'ils recherchent comme terreau pour pouvoir se cacher, poursuivre leurs entreprises.
- Tous les pays des mondes musulmans sont confrontés à des problèmes divers, de sorte qu'aujourd'hui en France, on fait aujourd'hui face à une menace permanente, diffuse, qui n'est jamais tout à fait la même.
- L'Algérie a connu une décennie terrible dans les années 90, une guerre civile épouvantable, pour se débarrasser du GIA, du GSPC. Il semble que l'Algérie est quand même retrouvée un certain équilibre, et il faut s'en féliciter.
- Mais le problème n'est pas le même dans la zone sahélienne, où il y a toute une efflorescence d'influences venues des pays du Golfe, car depuis les grands chocs pétroliers, le centre du monde arabo-musulman a basculé vers le Golfe. Là nous sommes en présence d'une autre école, le wahhabisme, le salafisme, dont les dérives sont connues, et qu'on observe également, mais c'est encore un autre problème, au Caucase, et aussi au Pakistan, encore un autre problème, un Etat fondé sur la religion au moment de la partition des Indes britanniques.
- Par conséquent, ne confondons pas tout, et examinons le problème de nos djihadistes, un bon millier de jeunes paumés, qui se sont laissés embarqués dans ce genre d'affaires, sans doute pour donner un sens à leur pauvre existence.
- Interrogeons nous aussi sur ce que peut et doit faire une République active. La laicité n'est dirigée contre aucune religion. Il faut le dire et le répéter. Mais il y aussi des valeurs d'égalité, de promotion : il faut que chacun sente que l'avenir lui est ouvert. J'avais jadis créé les commissions d'accès la citoyenneté. Il y a toute une action multiforme, ce qui a été fait en direction d'un islam de France, éclairé.
- Tous les musulmans de France sont horrifiés par ce qui s'est passé, et en même temps terrorisés par les amalgames, les assimilations, toujours possible. Donc nous-même, rappelons nous que pour venir à bout du terrorisme, il faut les dissocier de ceux qu'ils voudraient amalgamer à leur combat. Gardons tout notre sang-froid, notre résolution, notre détermination, à extirper ce mal, en prenant les moyens et le temps nécessaire.
- L'objectif de la traque, c'est bien sûr de les arrêter, mais s'ils mettent en danger la vie des fonctionnaires de police ou de gendarmerie, il y a la légitime défense.
- Clemenceau disait que le Sénat, c'est le temps de la réflexion. Nous sommes prisonniers du court terme. Or il faut voir loin. Il faut affirmer les valeurs républicaines, ne pas se laisser aux dérives de l'hyper individualisme libéral. Les valeurs républicaines, ce sont aussi des valeurs d'ordre, de progrès, de civisme. Cette leçon s'adresse à tous.
- Il ne faut pas se réfugier dans un occidentalisme à courte vue. Revenons sur l'Irak, la Syrie, la Libye : il y a eu beaucoup d'erreurs. Il ne suffit de dire qu'on va faire des élections pour que la démocratie s'installe. Il faut l'éducation, les Lumières, la réflexion approfondie. Et tout cela passe par un dialogue qui, quelque fois, peut-être un peu conflictuel.
- J'ai lancé la consultation sur l'islam de France, associant toutes les sensibilités, et ensuite Nicolas Sarkozy quand il était ministre de l'Intérieur, a mis sur pied ce Conseil Français du Culte Musulman, qui doit encore se développer dans la durée. Il a un rôle à jouer. Qu'est ce que c'est en réalité ? Un acte de confiance dans un islam de progrès, éclairé. C'est la leçon que je retiens de Jacques Berque, qui pensait qu'un islam de France éclairé serait un phare pour le reste du monde.
- Ceux qui se sont attaqués à des lieux de culte musulmans font le jeu des terroristes, car il faut absolument couper ces groupes terroristes de la base dont ils espèrent qu'elle va les soutenir. Faisons vivre ensemble la laïcité, qui respecte toutes les religions, y compris celle de ceux qui n'en ont pas.
- Il y a la mobilisation du peuple français, pour défendre la liberté de s'exprimer, et manifester son horreur devant un acte ignoble, mais plus profondément, il y a les valeurs républicaines qu'il faudra faire vivre. Et cela, c'est beaucoup plus difficile, parce que cela demande un travail d'éducation, qui en France est à beaucoup d'égards à refaire. Cette immense effort de refondation de la République, c'est celui qui nous attend, et c'est comme cela que le peuple français, comme je le crois, manifestera sa résilience.
- La formation des imams en France est une des clefs du problème. Mais il faudrait encore que les propositions, qui ont été faites il y a longtemps, soit suivies.
- Péguy disait que « la mystique républicaine, c'est quand on meurt pour la République ». Alors lui il est mort, mais il y a plusieurs manières de mourir. Vivre avec abnégation, c'est une façon de servir la République.
- Je dis aux Français que l'heure est au sang froid, à la détermination, et demain à la réflexion. Il faudra des capacités d'analyses, peut-être d'auto-critique, jusqu'à un certain point, pour cerner le problème dans sa globalité. Chacun comprend que ce n'est pas un problème simple. On a vu la pointe de l'iceberg qui émerge. Mais il faut comprendre le monde dans lequel nous sommes. Si la République fait ce travail, mais qui demande du courage, de l'exigence, alors on pourra avoir confiance en elle.