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"Arrêtons d'enflammer la France avec des idées marginales"


Entretien de Jean-Pierre Chevènement au Monde, vendredi 14 décembre 2012.


"Arrêtons d'enflammer la France avec des idées marginales"
Le Monde : Pensez-vous que le gouvernement s’est "couché" devant Mittal à propos de Florange ?
Jean-Pierre Chevènement : Il y avait trois solutions possibles. La première, c’était la nationalisation partielle, celle du seul site de Florange. Cela posait des problèmes d’approvisionnement et de débouchés, en fait maîtrisés par Mittal. La deuxième, c’était la nationalisation intégrale d’ArcelorMittal qui avait un sens car la sidérurgie est une industrie de haute technologie dont la France ne peut se désintéresser. Mais le risque aurait été moins financier que politique : la France doit continuer à pouvoir emprunter à des taux très bas. Le Premier Ministre a choisi une la troisième solution, celle d’un accord avec Mittal pour préserver l’emploi. C’est une solution à minima, je le concède, mais elle préserve l’avenir.

Arnaud Montebourg a-t-il eu raison de parler de nationalisation ?
Oui, il était dans son rôle. Il a agi avec panache. C’est son style. Ce qu’il a dit a contribué à amener Mittal à assouplir sa position.

Vous ne lui conseillez donc pas d’appliquer la « jurisprudence » Chevènement de 1983, à votre départ du gouvenrement : "Un ministre, ça ferme sa gueule. Et si ça veut l’ouvrir, ça démissionne"?
J’aurais eu mille raisons de démissionner quand j’ai été ministre. Je ne l’ai fait qu’à trois reprises, et chaque fois parce qu’ un intérêt essentiel était en jeu. Là, c’est différent : il y a un désaccord sur un dossier. Un arbitrage été rendu. Tant que l’essentiel n’est pas en jeu, un ministre doit privilégier l’image de cohérence du gouvernement auquel il appartient.

Qu’appelez-vous l’essentiel ?
La décision qu’a prise le gouvernement après la remise du rapport Gallois -traiter à bras le corps le problème de la compétitivité de l’économie française.


Les choix qui ont été faits sont-ils les bons ?

Dès lors que vous ne pouvez pas dévaluer votre monnaie pour rendre vos produits plus attractifs à l’exportation, vous ne pouvez utiliser que le levier fiscal et budgétaire : c’est ce qu’a fait le gouvernement avec le crédit d’impôt et la restructuration des taux de TVA. Cela dit, tant que notre monnaie restera surévaluée, nous peinerons à regagner des parts de marché. Le vrai choc de compétitivité, ce serait que l’euro revienne à son cours de lancement, celui d’il y a dix ans, quand il valait à peu près un dollar.

A vos yeux, le « pacte de compétitivité » présenté par le gouvernement ne résout donc qu’une partie du problème ?…
Il est un signe donné par le gouvernement aux chefs d’entreprises. Mais il faut aller plus loin. Cela implique, comme l’a écrit Louis gallois, la refonte en profondeur du « pacte social ». Cela passe par la mise en place d’un nouveau CDI, combinant la stabilité nécessaire aux salariés et la flexibilité dont ont besoin les entreprises, et aussi par une nouvelle charte de l’entreprise associant les actionnaires, les managers et le personnel salarié. C'est la condition pour ressusciter la dimension du long terme, que le capitalisme financier a sacrifiée au profit de la rentabilité immédiate.

Si vous avez fini par soutenir la candidature de François Hollande, en mars dernier, c’est notamment parce qu’il s’était engagé à renégocier le traité budgétaire européen. Or ce traité n’a pas été renégocié. Vous sentez-vous trahi ?
Non, j’ai apporté mon soutien à François Hollande « les yeux ouverts ». Le traité n’a pas véritablement été renégocié, donc les parlementaires du MRC ne l’ont pas voté. Je continue de penser qu’on ne fera pas l’économie d’un réaménagement de l’euro, avec le passage d’une monnaie unique erronée, dans son principe, à une monnaie commune. Un système monétaire commun permettrait de faire cohabiter plusieurs euros rattachés chacun à un groupe de pays dont les économies sont voisines.
La BCE doit être une vraie banque centrale, jouant pleinement son rôle en matière de création monétaire. A défaut de solutions audacieuses, nous en resterons aux soins palliatifs, allant de sommet de la dernière chance en sommet de la dernière chance….

Voterez-vous la loi sur le mariage et l’adoption pour les homosexuels ?
Le MRC n’a pas encore défini sa position, mais ce sera pour la majorité soit le non soit un refus de participer au vote. Je continue pour ma part, de penser qu’un enfant doit avoir une mère et un père ou au moins l’idée d’un père et d’une mère, et qu’on ne peut rompre, sans alimenter le désarroi social, avec des repères fondamentaux.

Le PS lance cette semaine une campagne en faveur du droit de vote des étrangers. Qu’en pensez-vous ?
La direction du PS fait sait que le droit de vote des étrangers aux élections locales ne se fera pas. La bonne solution, c'est la naturalisation en vue de l'intégration. Il faut faciliter les conditions d'accès à la nationalité française. C'est ce qu’a entrepris, à juste titre, Manuel Valls. D'une façon générale, arrêtons d'enflammer la France avec des questions marginales. Ces réformes dites sociétales sont trop souvent le cache misère d'une insuffisante prise en compte des questions économiques et sociales. Je le redis à François Hollande : il faut mobiliser sur l'essentiel, et surtout ne pas s'égarer sur des chemins de traverse. C'est en assumant pleinement l’intérêt national que nous bâtirons la meilleure digue contre les dérives démagogiques et xénophobes du Front National et la tentation d’une partie de la droite d’y joindre sa voix. La côte d’alerte est atteinte. Seul un langage de salut public sera entendu.

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Propos recueillis par David Revault d'Allonnes et Thomas Wieder



Rédigé par Chevenement.fr le Vendredi 14 Décembre 2012 à 12:58 | Lu 5522 fois



1.Posté par C CG le 14/12/2012 21:29
clausier.cyril@laposte.net
J'allais écrire une énormité, soit : "bien que militant à Debout La République, j'adhère totalement aux propos de M. Chevènement dans cette entrevue" alors que je dois EVIDEMMENT écrire "puisque je suis militant à DLR, etc." ! Encore une fois, les positions fermement républicaines du MRC honorent cette composante de la majorité, et elle seule... Salutations républicaines

2.Posté par Marie Claude le 14/12/2012 23:17
Facebook
le vrai problême qu'aun homme politique français ose aborder,

"L’Europe face à l’hégémonie allemande"

http://www.monde-diplomatique.fr/2012/12/ANDERSON/48468

extraits:

« Dans un article publié dans ‘Merkur’, la plus importante revue d’opinion de la République fédérale, Pr Christoph Schönberger explique que la sorte d’hégémonie que l’Allemagne est destinée à exercer en Europe doit être comprise au sens constitutionnel rassurant, donné par le juriste Heinrich Triepel ; à savoir la fonction de guide dévolue à l’Etat le plus puissant au sein d’un système fédéral, à l’instar de la Prusse dans l’Allemagne des XIX – XX siècles ».

“Pour fonctionner, l’Union requiert que l’Etat qui l’emporte en population et en richesse lui donne cohésion et direction. L’Europe a besoin de l’hégémonie allemande et les Allemands doivent cesser de se montrer timides dans son exercice. La France, dont l’arsenal nucléaire et le siège permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU ne comptent plus pour grand’chose, devrait réviser d’autant ses prétensions. L’Allemagne devrait traiter la France comme Bismarck le faisait avec la Bavière dans cet autre système qui fut le II Reich, gratifiant le partenaire inférieur de faveurs symboliques et de consolations bureaucratiques. »

“On peut se demander pour combien de temps l’autosubordination française durera sans la moindre reaction. Les fanfaronnades de Volker Kauder, secrétaire général de la CDU, disant que ‘ l’Europe parle désormais allemand ‘ sont plus faites pour susciter du ressentiment que de la docilité. Reste que, depuis bien des années, il n’est pas de classe politique dans l’Union qui ne soit pas plus unanimement conformiste dans ses vues que celle de la France. Pour la même raison, il n’y a pas de pays où le gouffre entre l’opinion populaire et les exhortations officielles est demeuré si profond."

...

3.Posté par Carl GOMES le 15/12/2012 16:44
A propos de Florange, vous déclarez: "C’est une solution à minima, je le concède, mais elle préserve l’avenir. "

Quel avenir est préservé? Les hauts fourneaux fermer (dans 3 mois! ), le projet Ulcos va être abandonné. La vérité est que Hollande et Ayrault - tout seul et contre Montebourg - ont pris les employés pour des imbéciles en leur faisant croire qu'ils avaient obtenu un accord avec Mittal. Comme a dit le maire (PS) de Florange: "Ils ont fait le service après-vente, mais on aurait aimé le savoir avant". Il semble que ça n'ait pas servi les habitants d'avoir un maire socialiste!

Et après vous osez parler de ré-industrialisation? Comment voulez-vous être crédible par la suite? Ou alors le métal n'intervient pas dans le domaine industriel? Il faut le dire, le Florange de Hollande est pire que le Guandrange de Sarkozy! D'ailleurs les syndicats n'ont encore rien signé...

Comme vous l'avez bien signalé, le plus important pour ce document, c'est de faire plaisir aux Banques et réduire les déficits . Donc comment faire de la politique sans financement? En ne faisant rien! Je ne pense pas en tout cas qu'il puisse tenir longtemps dans ce rôle de percepteur d'impôts quine cesseraient d'augmenter (comme Monti, etc...)

Il est à noter que personne dans le gouvernement Ayrault (un ancien professeur d'Allemand) n'a la moindre expérience ni connaissance l'industrie, sur le plan économique et encore moins technique.

4.Posté par Michel JOBLOT le 16/12/2012 23:59
Cher Jean-Pierre Chevènement

Je n'ai qu'une chose à vous dire : "Bravo et Merci", pour votre prise de position contre le "Mariage de même sexe"...

En effet, vu la situation actuelle, la Gauche ne devrait pas avoir une minute à perdre avec cette question qui relève de l'évidence :

1 Mariage = 1 Homme + 1 Femme et 1 Enfant = 1 père + 1 Mère !

Pour le reste, comme l'a dit le seul Député ouvrier de l'Assemblée Nationale,
Patrice Carvalho FG-PC : Ils ont le PACS!

Le temps perdu avec ces revendications "sociétales" est immense, comparé à celui consacré aux questions sociales...

Mais une partie de la Gauche, sur ce point confond l'un et l'autre...
(malheureusement pour le MRC, Julien Landfried vient d'en faire les frais!)

Vous avez toujours sû distinguer l'important, de ce qui relève des revendications d'ultra-minorités, qui voudraient que leurs désirs soient des ordres...

Malheureusement il ne semble pas que ce soit le cas de François Hollande et Jean-Marc Ayrault...à moins qu'ils ne soient pas tout à fait libres de faire autrement...

Je vous renouvelle toute mon amitié.

Cordialement

Michel Joblot


5.Posté par Jules DUNORD le 17/12/2012 22:52
Je vous rejoins, M. Chevènement, sur les questions sociétales. Tout comme vous, je suis contre le mariage pour tous (il suffit d’améliorer et de compléter le Pacs) et le droit de vote des étrangers (il suffit de les intégrer en les nationalisant).

Par contre, en matière économique, nous divergeons. Vous vous social libéralisez. Vous acceptez le plan de JM Ayrault sur Florange avec la casse programmée de la sidérurgie, vous demandez plus d’augmentation de tva, un nouveau CDI .. Vous êtes en train d’avaler votre chapeau depuis que vous êtes devenu, de facto, Ministre Plénipotentiaire, sans en avoir officiellement le titre, vous vous appliquez votre formule « un ministre ça ferme sa gueule ou ça démissionne ». Ce faisant, vous commettez une grave erreur dont la première victime est J. Landfried avec son piètre résultat de dimanche dernier. Nul besoin d’être grand clerc, pour deviner la raclée que le PS et ses alliés vont prendre aux municipales de 2014 si la politique actuelle est maintenue.

Comment voulez qu’un électeur de gauche vote pour des personnes qui se disent de gauche et qui font une politique de droite. Certes nous n’avons plus le petit agité et ses sbires de la droite dite décomplexée. Mais cela ne va bientôt plus suffire. Espérons que les classes populaires se tournent alors vers Montebourg et Mélenchon plutôt que vers l’extrême droite ce qui est loin d’être gagné.

(définition de Wikipédia : Un ministre plénipotentiaire est un représentant accrédité d'une puissance étrangère auprès d'une autre. Il prend ce nom lorsqu'il ne jouit pas du rang d’ambassadeur)

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