Le Monde : Pensez-vous que le gouvernement s’est "couché" devant Mittal à propos de Florange ?
Jean-Pierre Chevènement : Il y avait trois solutions possibles. La première, c’était la nationalisation partielle, celle du seul site de Florange. Cela posait des problèmes d’approvisionnement et de débouchés, en fait maîtrisés par Mittal. La deuxième, c’était la nationalisation intégrale d’ArcelorMittal qui avait un sens car la sidérurgie est une industrie de haute technologie dont la France ne peut se désintéresser. Mais le risque aurait été moins financier que politique : la France doit continuer à pouvoir emprunter à des taux très bas. Le Premier Ministre a choisi une la troisième solution, celle d’un accord avec Mittal pour préserver l’emploi. C’est une solution à minima, je le concède, mais elle préserve l’avenir.
Arnaud Montebourg a-t-il eu raison de parler de nationalisation ?
Oui, il était dans son rôle. Il a agi avec panache. C’est son style. Ce qu’il a dit a contribué à amener Mittal à assouplir sa position.
Vous ne lui conseillez donc pas d’appliquer la « jurisprudence » Chevènement de 1983, à votre départ du gouvenrement : "Un ministre, ça ferme sa gueule. Et si ça veut l’ouvrir, ça démissionne"?
J’aurais eu mille raisons de démissionner quand j’ai été ministre. Je ne l’ai fait qu’à trois reprises, et chaque fois parce qu’ un intérêt essentiel était en jeu. Là, c’est différent : il y a un désaccord sur un dossier. Un arbitrage été rendu. Tant que l’essentiel n’est pas en jeu, un ministre doit privilégier l’image de cohérence du gouvernement auquel il appartient.
Qu’appelez-vous l’essentiel ?
La décision qu’a prise le gouvernement après la remise du rapport Gallois -traiter à bras le corps le problème de la compétitivité de l’économie française.
Jean-Pierre Chevènement : Il y avait trois solutions possibles. La première, c’était la nationalisation partielle, celle du seul site de Florange. Cela posait des problèmes d’approvisionnement et de débouchés, en fait maîtrisés par Mittal. La deuxième, c’était la nationalisation intégrale d’ArcelorMittal qui avait un sens car la sidérurgie est une industrie de haute technologie dont la France ne peut se désintéresser. Mais le risque aurait été moins financier que politique : la France doit continuer à pouvoir emprunter à des taux très bas. Le Premier Ministre a choisi une la troisième solution, celle d’un accord avec Mittal pour préserver l’emploi. C’est une solution à minima, je le concède, mais elle préserve l’avenir.
Arnaud Montebourg a-t-il eu raison de parler de nationalisation ?
Oui, il était dans son rôle. Il a agi avec panache. C’est son style. Ce qu’il a dit a contribué à amener Mittal à assouplir sa position.
Vous ne lui conseillez donc pas d’appliquer la « jurisprudence » Chevènement de 1983, à votre départ du gouvenrement : "Un ministre, ça ferme sa gueule. Et si ça veut l’ouvrir, ça démissionne"?
J’aurais eu mille raisons de démissionner quand j’ai été ministre. Je ne l’ai fait qu’à trois reprises, et chaque fois parce qu’ un intérêt essentiel était en jeu. Là, c’est différent : il y a un désaccord sur un dossier. Un arbitrage été rendu. Tant que l’essentiel n’est pas en jeu, un ministre doit privilégier l’image de cohérence du gouvernement auquel il appartient.
Qu’appelez-vous l’essentiel ?
La décision qu’a prise le gouvernement après la remise du rapport Gallois -traiter à bras le corps le problème de la compétitivité de l’économie française.
Les choix qui ont été faits sont-ils les bons ?
Dès lors que vous ne pouvez pas dévaluer votre monnaie pour rendre vos produits plus attractifs à l’exportation, vous ne pouvez utiliser que le levier fiscal et budgétaire : c’est ce qu’a fait le gouvernement avec le crédit d’impôt et la restructuration des taux de TVA. Cela dit, tant que notre monnaie restera surévaluée, nous peinerons à regagner des parts de marché. Le vrai choc de compétitivité, ce serait que leuro revienne à son cours de lancement, celui d’il y a dix ans, quand il valait à peu près un dollar.
A vos yeux, le « pacte de compétitivité » présenté par le gouvernement ne résout donc qu’une partie du problème ?
Il est un signe donné par le gouvernement aux chefs d’entreprises. Mais il faut aller plus loin. Cela implique, comme l’a écrit Louis gallois, la refonte en profondeur du « pacte social ». Cela passe par la mise en place dun nouveau CDI, combinant la stabilité nécessaire aux salariés et la flexibilité dont ont besoin les entreprises, et aussi par une nouvelle charte de l’entreprise associant les actionnaires, les managers et le personnel salarié. C'est la condition pour ressusciter la dimension du long terme, que le capitalisme financier a sacrifiée au profit de la rentabilité immédiate.
Si vous avez fini par soutenir la candidature de François Hollande, en mars dernier, c’est notamment parce qu’il s’était engagé à renégocier le traité budgétaire européen. Or ce traité n’a pas été renégocié. Vous sentez-vous trahi ?
Non, j’ai apporté mon soutien à François Hollande « les yeux ouverts ». Le traité n’a pas véritablement été renégocié, donc les parlementaires du MRC ne l’ont pas voté. Je continue de penser qu’on ne fera pas l’économie d’un réaménagement de l’euro, avec le passage d’une monnaie unique erronée, dans son principe, à une monnaie commune. Un système monétaire commun permettrait de faire cohabiter plusieurs euros rattachés chacun à un groupe de pays dont les économies sont voisines.
La BCE doit être une vraie banque centrale, jouant pleinement son rôle en matière de création monétaire. A défaut de solutions audacieuses, nous en resterons aux soins palliatifs, allant de sommet de la dernière chance en sommet de la dernière chance….
Voterez-vous la loi sur le mariage et l’adoption pour les homosexuels ?
Le MRC n’a pas encore défini sa position, mais ce sera pour la majorité soit le non soit un refus de participer au vote. Je continue pour ma part, de penser qu’un enfant doit avoir une mère et un père ou au moins l’idée d’un père et d’une mère, et qu’on ne peut rompre, sans alimenter le désarroi social, avec des repères fondamentaux.
Le PS lance cette semaine une campagne en faveur du droit de vote des étrangers. Qu’en pensez-vous ?
La direction du PS fait sait que le droit de vote des étrangers aux élections locales ne se fera pas. La bonne solution, c'est la naturalisation en vue de l'intégration. Il faut faciliter les conditions d'accès à la nationalité française. C'est ce qu’a entrepris, à juste titre, Manuel Valls. D'une façon générale, arrêtons d'enflammer la France avec des questions marginales. Ces réformes dites sociétales sont trop souvent le cache misère d'une insuffisante prise en compte des questions économiques et sociales. Je le redis à François Hollande : il faut mobiliser sur l'essentiel, et surtout ne pas s'égarer sur des chemins de traverse. C'est en assumant pleinement l’intérêt national que nous bâtirons la meilleure digue contre les dérives démagogiques et xénophobes du Front National et la tentation d’une partie de la droite d’y joindre sa voix. La côte d’alerte est atteinte. Seul un langage de salut public sera entendu.
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Propos recueillis par David Revault d'Allonnes et Thomas Wieder