Entretien de Jean-Pierre Chevènement au Courrier de Russie, réalisé le 16 et paru le 22 septembre 2014. Propos recueillis par Nina Fasciaux.


"Il n'y a pas d'indépendance de la France sans une Russie forte"
Le Courrier de Russie : Parlez-nous de votre enfance.
Jean-Pierre Chevènement : Je suis originaire de l’Est de la France, je suis né à Belfort. Mes parents étaient instituteurs, mais j’ai été très tôt attiré par la politique. Peut-être est-ce lié au fait que je suis né en 1939 et que mes premiers souvenirs remontent à la Seconde Guerre mondiale. Mon père avait été fait prisonnier, et l’école où ma mère enseignait a été occupée un moment par les Allemands. Ma mère m’avait interdit de manger les oranges que les soldats allemands m’offraient – elles venaient probablement de Tunisie, en 1943 – mais j’ai pu vérifier par la suite que ces oranges étaient inoffensives, contrairement à ce qu’elle me racontait. Mon enfance a été celle-là.

Un premier souvenir d’ « éveil » politique ?
À quinze ans, je me suis mis à soutenir Pierre Mendès-France, qui avait mis un terme à la guerre d’Indochine. J’étais « mendésiste », comme on disait alors, mais je n’ai pas adhéré au parti radical. Plus tard, quand j’ai étudié les sciences politiques à Paris, je suis resté sur cette orientation. J’ai cependant regretté que Mendès-France n’aide pas de Gaulle en 1958, puis en 1962, car le Général était seul à pouvoir mettre un terme à la guerre d’Algérie. Au fond, j’étais assez gaulliste. Lorsque j’ai été appelé comme sous-lieutenant en Algérie, en 1961, j’étais déjà convaincu qu’elle devait être indépendante – mais qu’il valait mieux que ce soit avec la France que contre.

Dépêche AFP du jeudi 18 septembre 2014, 10h42.


A Moscou, l'envoyé du président français pour une levée des sanctions contre la Russie
Le représentant spécial du président français auprès de la Russie, Jean-Pierre Chevènement, a plaidé jeudi pour une levée sous conditions des sanctions européennes prises à l'encontre de Moscou et appelé à se détourner des "fauteurs de guerre".

"Pour nous, les sanctions sont vouées à être levées à partir du moment où deux conditions sont rassemblées: le maintien du cessez-le-feu (dans l'est de l'Ukraine) et une application stricte des accords de Minsk", a déclaré à Moscou M. Chevènement, rappelant la position de la France.

"Les sanctions et contre-sanctions sont un processus de représailles dont tout le monde voudrait sortir. (...) Elles sont dommageables pour les deux camps", a ajouté le sénateur du territoire de Belfort.

"Les exportations françaises en Russie représentent un demi point de PIB. Ce ne sont pas des enjeux que nous pouvons ignorer", a rappelé M. Chevènement, qui s'exprimait au nom de la France.

La Russie a décrété en août un "embargo total" sur les importations de produits alimentaires en provenance de l'Union européenne en réponse à plusieurs vagues successives de sanctions prises à son encontre par les Occidentaux.

M. Chevènement, qui a rencontré au cours de sa visite en Russie des chefs d'entreprises français et russes, mais également des responsables politiques comme le président du Parlement russe Sergueï Narichkine, a affirmé ne pas avoir évoqué la question des Mistrals, navires de guerre dont la livraison est devenu un casse-tête pour Paris.

"Mon avis reste que les contrats ont été signés et qu'ils doivent être exécutés. La France est un pays souverain", a expliqué le sénateur.

"La France est partisane d'une résolution politique et pacifique de la situation actuelle, qui résulte d'incompréhensions dont l'accumulation au fil du temps a conduit à cette crise ukrainienne dont personne ne voulait au départ", a poursuivi M. Chevènement.

le 18 Septembre 2014 à 11:45 | Permalien | Commentaires (6)

Les actes du colloque du 2 juin 2014 sont disponible en ligne sur le site de la Fondation Res Publica.


Actes du colloque de la Fondation Res Publica : "Etats-Unis - Chine : quelles relations ? Et la Russie dans tout cela ?"
  • Accueil de Alain Dejammet, président du Conseil scientifique de la Fondation Res Publica
  • Une carte chinoise dans le jeu russe ?, par Dominique David, directeur exécutif de l'Institut Français des Relations Internationales (IFRI) et rédacteur en chef de la revue "Politique Etrangère"

le 15 Septembre 2014 à 16:05 | Permalien | Commentaires (0)

Version longue de l'entretien accordé par Jean-Pierre Chevènement au journal "Le Parisien", vendredi 12 septembre 2014. Propos recueillis par Philippe Martinat.


Etat islamique : «La France n'a pas à caracoler au 1er rang»
Le parisien : Que pensez-vous des déclarations de Barak Obama qui veut « éradiquer » l’Etat islamique ?
Jean-Pierre Chevènement :
En dehors d’une extension des frappes américaines au territoire de la Syrie, les déclarations de Barak Obama restent vagues.

C’est peut être un changement d’échelle quant aux moyens engagés ?
C’est possible, mais les pré-requis d’une intervention d’ampleur ne me semblent pas réalisés. Il faut d’abord avoir outre l’autorisation du gouvernement irakien l’appui de forces armées constituées sur le terrain. Et puis on ne connait pas les contours d’une éventuelle coalition internationale qui pourrait compter, dit-on, une quarantaine de pays. Il me parait tout à fait décisif que, si une intervention a lieu à la demande du gouvernement irakien, elle soit autorisée par l’ONU. Plusieurs points restent dans l’ombre : est-ce que le gouvernement irakien, dit d’union nationale, va rallier tout ou partie des sunnites à sa cause ? Ne l’oublions pas, ce sont les ingérences occidentales qui ont détruit l’Etat irakien. Il y a eu la première guerre du Golfe, en 1991, suivie d’un embargo meurtrier, puis la seconde guerre avec l’invasion américaine. L’Etat irakien a été détruit, son administration, sa police, son armée dissoutes. Avec Da’ech (NDLR : acronyme arabe de l’Etat islamique), les Occidentaux mais aussi, malheureusement, le peuple irakien récoltent les résultats d’une ingérence armée disproportionnée, violente, inconséquente, que j’avais dénoncée en son temps.

Il eût été préférable d’agir par la diplomatie, d’obtenir-ce qui était possible - le retrait des armées irakiennes du Koweit - et d’exercer sur le régime de Saddam Hussein une magistrature d’influence.

Aujourd’hui il faut reconstruire l’Irak. N’oublions pas que les principales victimes du califat islamique sont d’abord les musulmans. C’est d’abord à eux de se débarrasser de cette lêpre, la communauté internationale ne peut agir qu’en appui. L’erreur ce serait de donner à penser que le combat serait désormais entre les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux et le califat islamique. C’est d’abord aux peuples musulmans qu’il revient de séparer le bon grain de l’ivraie.

Est-ce possible sans l’aide des Occidentaux, compte tenu de la puissance de l’Etat islamique ?
La puissance de l’Etat islamique doit être relativisée. Il dispose de 15 à 20 000 combattants qui contrôlent un territoire semi désertique, quelques ressources en pétrole, mais tous les habitants de cette zone - une bonne dizaine de million - ne font pas allégeance à l’Etat islamique.

Il y a plusieurs problèmes. En premier lieu, en armant le Kurdistan, on risque de lui donner la légitimité d’un Etat indépendant. Or il n’est qu’une partie de l’Irak. Le PKK d’Abdullah Öcalan s’est rendu maitre de plusieurs régions dans le nord de la Syrie. Il y a là l’embryon d’un nouvel Etat kurde. Armer le PKK poserait inévitablement de graves difficultés avec la Turquie. Ensuite, quel est l’objectif de la coalition internationale ? Il ne peut être que de restaurer l’Irak et la Syrie dans leurs frontières et dans leur intégrité.

Un problème se pose enfin avec la Syrie de Bachar Al Assad : si on veut réduire les troupes du califat islamique en Syrie, il faut rompre avec le simplisme idéologique qui a fait de Bachar Al Assad la cible principale de l’Occident depuis 2012.
Mots-clés : irak iran islamisme obama syrie

le 12 Septembre 2014 à 11:08 | Permalien | Commentaires (1)

Jean-Pierre Chevènement était l'invité de I-télé mercredi 10 septembre 2014. Il répondait aux questions de Laurence Ferrari.


Verbatim express :

A propos d'une éventuelle intervention militaire contre l'Etat islamique
  • Quelques conditions doivent être réunies pour une intervention militaire contre l'Etat islamique : un mandat des Nations Unies (donc l'accord des principales puissances), réunir les forces nécessaires, et un certain nombre de pays notamment de la région (les pays arabes, mais je pense aussi à l'Iran).
  • Chacun sait que l'Etat islamique est aussi en Syrie. Des formes de collaborations avec ce pays devront-être trouvées.
  • Cette situation ne résulte pas de rien : elle résulte des ingérences occidentales.
  • On a désigné un nouveau gouvernement irakien, rassemblant un peu plus, à côté des chiites et des Kurdes, les sunnites, qui avaient été laissés pour compte. Donc la vraie question, c'est de reconstruire l'Irak.
  • Mieux valait influait sur une dictature laïque, qui était quand même sensible à nos pressions, que d'ouvrir un cycle de vingt ans de guerre, qui a probablement causé près d'un million de morts, et qui a détruit un Etat, qu'il va falloir reconstruire.
  • Il faut respecter les frontières tracées à la fin de la Première Guerre mondiale. Chacun voit bien qu'il y a deux grandes capitales, Bagdad et Damas. Il est donc normal qu'il y ait deux grands États arabes.

le 11 Septembre 2014 à 10:26 | Permalien | Commentaires (2)

Entretien de Jean-Pierre Chevènement au journal "Le Figaro", jeudi 4 septembre 2014. Propos recueillis par Sébastien Lapaque.


"Charles Péguy vu par Jean-Pierre Chevènement"
LE FIGARO : Existe-t-il des pages en prose de Charles Péguy qui ne vous ont pas quitté depuis que vous les avez découvertes, des vers que vous savez par cœur ?
JEAN-PIERRE CHEVÈNEMENT : Il y a la litanie de quatrains d'Ève, que je cite dans mon dernier livre :

« Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle,
Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre.
Heureux ceux qui sont morts pour quatre coins de terre.
Heureux ceux qui sont morts d'une mort solennelle.
»

Ces vers émouvants interpellent d'autant plus qu'ils ont été écrits en 1913, peu de temps avant ce qui pour la France agressée était bien une « juste guerre ». Ce qui me touche chez Péguy, c'est sa capacité à inscrire son idéal républicain sans concession dans une visée temporelle, en rappelant que la « République, notre Royaume de France » a aussi besoin d'être défendue. Dès 1905, quand le coup de Tanger a contraint le ministre des Affaires étrangères français Delcassé à la démission, il a pressenti avec une acuité prémonitoire ce qui allait suivre. Il faut rappeler que le caractère mondial de la guerre de 1914 résulte de l'application du plan Schlieffen. On ne peut pas mettre sur le même plan les accords d'état-major franco-russes de 1912, qui visaient à une simple coordination militaire, et le plan Schlieffen, qui prévoyait l'invasion d'un pays neutre pour mettre la France hors de combat en six semaines avant d'envahir la Russie. Ce sont des faits qui ont été presque totalement occultés lors des commémorations du centenaire. Leur rappel est nécessaire.
Mots-clés : jaurès ps péguy

le 4 Septembre 2014 à 13:47 | Permalien | Commentaires (1)

Jean-Pierre Chevènement était l'invité de France Info mardi 2 septembre 2014. Il répondait aux questions de Philippe Vandel.




Verbatim express :
  • A propos de la démission en bloc du gouvernement Valls-I : je ne suis pas sûr qu'il n'eût pas été possible de recueillir la démission de un ou deux ministres sans forcément changer tout le gouvernement. Mais c'est la prérogative du président de la République.
  • Il est évident qu'il y a des marges de manœuvre en politique, simplement il faut savoir où on les prend. Quand j'entends M. Cambadélis dire que le mot « social-libéral » n'a pas sa place au PS, excusez-moi, mais le PS est devenu social-libéral dans les années 1980, dans la réalité.
  • Quant on a été ministre, on s'efforce de ne pas attaquer nommément les personnes. On les attaque sur les politiques qu'ils font ou qu'ils ont fait. Par exemple, moi je ne ménage par Jacques Delors, parce que je considère qu'il est le grand architecte, comme ministre de l'Economie puis président de la Commission européenne, du tournant de 1983 et ensuite de la monnaie unique.
  • Cecile Duflot est une femme sympathique, mais elle a toujours été dans cette logique sociale-libérale, même si elle se racontait quelques histoires, au prétexte de l'écologie. Il fallait mâtiner son discours gouvernemental d'un certain nombre d'ingrédients qui faisaient « jeune », « moderne », « dynamique », « branché ». Curieusement, ce qui est branché aujourd’hui, c'est ce qui hier était réactionnaire : le principe de précaution, la décroissance plutôt que la croissance...
  • Je connais bien François Hollande, depuis longtemps, j'ai avec lui des relations amicales, et il ne m'est jamais venu à l'esprit qu'il m'appellerait un jour à Matignon. Et j'exclue totalement de revenir au gouvernement.
  • Je cite Pierre-Mendès France pour faire le bilan de l'action de cette première moitié de quinquennat : « s'il n'y a pas de politique sans risques, il y a des politiques sans chance ». Je crois qu'une dévaluation interne ne peut pas permettre à la France de regagner sa compétitivité.

Les actes du colloque du 28 avril 2014 sont disponibles en ligne sur le site de la Fondation Res Publica.


Actes du colloque de la Fondation Res Publica : "La guerre des monnaies ?"
  • Accueil de Jean-Pierre Chevènement, président de la Fondation Res Publica
  • Risque de guerre, chance de paix ? par Jacques Mistral, économiste, Senior fellow, Brookings Institution, Conseiller à l'Institut Français des Relations Internationales, et auteur de « Guerre et paix entre les monnaies »

le 1 Septembre 2014 à 16:52 | Permalien | Commentaires (1)
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