L'Europe de Jean Monnet, avant tout économique, s'est dissoute dans la mondialisation. De là naissent son incapacité à peser et sa progressive marginalisation. La dissolution de l'Europe économique a commencé avec la libre circulation mondiale des capitaux prévue dans l'Acte unique de 1986 et effective dès 1990. Les réglementations nationales ont disparu. L'espace européen a laissé la place à la mondialisation financière. Six ans plus tard, l'adoption du traité de Maastricht s'est traduite par l'abrogation de la " préférence communautaire " au profit d'un libre-échange mondial. Cette option s'est concrétisée à la conférence de Marrakech de 1995 fondant l'OMC et sacralisant aussi bien le multilatéralisme planétaire que la prédominance des règles commerciales sur toute autre forme de normes internationales, notamment sanitaires, sociales ou environnementales.
L'euro vulnérabilise l'Europe.
La béance du traité de Maastricht en matière de politique de change de l'euro n'a fait qu'amplifier la vulnérabilité de l'Europe. La zone euro est focalisée sur la lutte contre l'inflation et les déficits publics, la Commission européenne sur la déréglementation des services publics ou sur la concurrence intra-européenne au moment où se forment des oligopoles mondiaux dans tous les secteurs. Les résultats sont éloquents : l'Europe des Vingt-Cinq représente 20 % du produit mondial, la même chose que l'Europe des Neuf en 1972. Les élargissements successifs n'ont fait que contrebalancer l'affaiblissement relatif de l'économie européenne. Pendant ce temps, les États-Unis restaient stables à un niveau comparable et la Chine explosait de 3 % à 15 %. L'absorption d'Arcelor par Mittal est un pied de nez à l'intention des fondateurs de la Ceca (Communauté européenne du charbon et de l'acier).
Mais l'événement emblématique, encore à venir, est la fusion annoncée des Bourses de New York et de l'ensemble constitué par Euronext. Dans le même temps, l'euro fort accentue les difficultés d'EADS ou des constructeurs automobiles. Les délocalisations stigmatisées par la plupart des responsables politiques ne sont que le résultat de politiques européennes qu'ils ont cautionnées. Le référendum du 29 mai 2005 a montré l'urgence d'une réorientation économique de la construction européenne au service de la croissance et de l'emploi. Celle-ci doit permettre le dépassement du clivage entre le oui et le non souhaité par Ségolène Royal. C'est d'ailleurs le sens de l'accord MRC-PS du 10 décembre 2006. Tout d'abord, la préférence communautaire doit être rétablie et les règles de l'OMC soumises à la prééminence des normes sanitaires, sociales ou environnementales adoptées par les organisations rattachées à l'ONU comme la FAO, l'OMS ou l'OIT. Les normes découlant du protocole de Kyoto devraient y être assimilées. Ensuite, un nouveau traité devrait prévoir une clause anti-dumping social analogue à la législation américaine de sanction commerciale discriminatoire (section 301 du Trade Act de 1974) que l'OMC a jugée valide sous réserve d'utilisation non abusive.
En contrepartie, il conviendrait d'ouvrir sans aucune restriction tous les marchés de l'Union aux pays les moins avancés, notamment ceux d'Afrique, du Pacifique et des Caraïbes auxquels l'Histoire nous associe. Tandis que le cycle de Doha est englué, et au lieu de gloser sur les aspects positifs ou non de la colonisation, cette mesure viendrait concrétiser une volonté politique constructive et tournée vers l'avenir. En troisième lieu, l'Europe ne fera pas l'économie d'une relance de politiques productives sur le modèle des premiers traités européens, notamment en matière de recherche-développement ou de grands travaux d'infrastructure. Cette relance doit concerner des secteurs stratégiques : l'énergie, l'agriculture, le spatial, les biotechnologies, l'électronique de pointe, l'armement...
Gouvernement économique.
Les règles de concurrence ne seraient, bien sûr, plus opposables à ces politiques sectorielles délibérées en commun et démocratiquement contrôlées. Il conviendrait par ailleurs de reconnaître une certaine liberté d'organisation des services publics dont la déréglementation n'a donné que des effets négatifs : dégradation des infrastructures et hausse générale des prix. Le plus important est la mise en oeuvre d'un véritable gouvernement économique de la zone euro, assurant une policy-mix cohérente et fixant les objectifs de change, de croissance et d'inflation. Dans le cadre de ces objectifs, la BCE fixerait le taux d'intérêt en rendant compte à l'Eurogroupe ainsi qu'aux différents Parlements européen et nationaux. Enfin, la réorientation de la construction européenne s'appuierait sur la libéralisation des coopérations renforcées. La relance européenne nécessaire ne peut se faire qu'à " géométrie variable ".
Jean-Pierre Chevènement, président d'honneur du MRC, Auteur de La Faute de M. Monnet, Fayard, oct. 2006
La béance du traité de Maastricht en matière de politique de change de l'euro n'a fait qu'amplifier la vulnérabilité de l'Europe. La zone euro est focalisée sur la lutte contre l'inflation et les déficits publics, la Commission européenne sur la déréglementation des services publics ou sur la concurrence intra-européenne au moment où se forment des oligopoles mondiaux dans tous les secteurs. Les résultats sont éloquents : l'Europe des Vingt-Cinq représente 20 % du produit mondial, la même chose que l'Europe des Neuf en 1972. Les élargissements successifs n'ont fait que contrebalancer l'affaiblissement relatif de l'économie européenne. Pendant ce temps, les États-Unis restaient stables à un niveau comparable et la Chine explosait de 3 % à 15 %. L'absorption d'Arcelor par Mittal est un pied de nez à l'intention des fondateurs de la Ceca (Communauté européenne du charbon et de l'acier).
Mais l'événement emblématique, encore à venir, est la fusion annoncée des Bourses de New York et de l'ensemble constitué par Euronext. Dans le même temps, l'euro fort accentue les difficultés d'EADS ou des constructeurs automobiles. Les délocalisations stigmatisées par la plupart des responsables politiques ne sont que le résultat de politiques européennes qu'ils ont cautionnées. Le référendum du 29 mai 2005 a montré l'urgence d'une réorientation économique de la construction européenne au service de la croissance et de l'emploi. Celle-ci doit permettre le dépassement du clivage entre le oui et le non souhaité par Ségolène Royal. C'est d'ailleurs le sens de l'accord MRC-PS du 10 décembre 2006. Tout d'abord, la préférence communautaire doit être rétablie et les règles de l'OMC soumises à la prééminence des normes sanitaires, sociales ou environnementales adoptées par les organisations rattachées à l'ONU comme la FAO, l'OMS ou l'OIT. Les normes découlant du protocole de Kyoto devraient y être assimilées. Ensuite, un nouveau traité devrait prévoir une clause anti-dumping social analogue à la législation américaine de sanction commerciale discriminatoire (section 301 du Trade Act de 1974) que l'OMC a jugée valide sous réserve d'utilisation non abusive.
En contrepartie, il conviendrait d'ouvrir sans aucune restriction tous les marchés de l'Union aux pays les moins avancés, notamment ceux d'Afrique, du Pacifique et des Caraïbes auxquels l'Histoire nous associe. Tandis que le cycle de Doha est englué, et au lieu de gloser sur les aspects positifs ou non de la colonisation, cette mesure viendrait concrétiser une volonté politique constructive et tournée vers l'avenir. En troisième lieu, l'Europe ne fera pas l'économie d'une relance de politiques productives sur le modèle des premiers traités européens, notamment en matière de recherche-développement ou de grands travaux d'infrastructure. Cette relance doit concerner des secteurs stratégiques : l'énergie, l'agriculture, le spatial, les biotechnologies, l'électronique de pointe, l'armement...
Gouvernement économique.
Les règles de concurrence ne seraient, bien sûr, plus opposables à ces politiques sectorielles délibérées en commun et démocratiquement contrôlées. Il conviendrait par ailleurs de reconnaître une certaine liberté d'organisation des services publics dont la déréglementation n'a donné que des effets négatifs : dégradation des infrastructures et hausse générale des prix. Le plus important est la mise en oeuvre d'un véritable gouvernement économique de la zone euro, assurant une policy-mix cohérente et fixant les objectifs de change, de croissance et d'inflation. Dans le cadre de ces objectifs, la BCE fixerait le taux d'intérêt en rendant compte à l'Eurogroupe ainsi qu'aux différents Parlements européen et nationaux. Enfin, la réorientation de la construction européenne s'appuierait sur la libéralisation des coopérations renforcées. La relance européenne nécessaire ne peut se faire qu'à " géométrie variable ".
Jean-Pierre Chevènement, président d'honneur du MRC, Auteur de La Faute de M. Monnet, Fayard, oct. 2006