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"Sarkozy est très loin du Général de Gaulle"


Entretien au JDD.fr, propos recueillis par Arthur Nazaret, mardi 9 novembre 2010.


"Sarkozy est très loin du Général de Gaulle"
Alors que Nicolas Sarkozy se rend mardi sur la tombe du Général de Gaulle, Jean-Pierre Chevènement, admirateur du second, nous livre sa conception du Gaullisme. Il revient sur ce qu’il en reste - "pas grand chose"- et sur le rapport du Président actuel à l’homme du 18-juin

Le JDD.fr : Qu’est-ce que le gaullisme: une attitude, des principes, une doctrine?
Jean-Pierre Chevènement :
De Gaulle existe. Le gaullisme existe-il ? Cela prête à d’abondantes dissertations. S’il existait, le gaullisme serait pour moi une forme de patriotisme républicain qui s’est manifesté évidemment en 1940 par le refus de la défaite, de l’armistice et de la collaboration avec l’Occupant. Mais, plus généralement, le gaullisme, c’est un sens très élevé de l’intérêt général et de la République.

Qu’en reste-t-il aujourd’hui?
Pas grand-chose car la droite a tourné le dos à la nation et la gauche a perdu les couches populaires. Nous avons eu des gouvernements successifs qui ont sacrifié la souveraineté nationale sur l’autel d’une certaine Europe et ont livré la France à une mondialisation sans règle. Nous avons aujourd’hui un pays qui n’a plus ni monnaie ni défense, ni droit autonome. Beaucoup de nos industries ont été délocalisées ou sont en voie de délocalisation. Notre langue et notre influence reculent. Il ne reste du gaullisme que la constitution de 1958 mais avec un Président très diminué et une constitution qui a été profondément altérée.

Quelle place tient de Gaulle dans votre panthéon personnel?
Le Général de Gaulle a été le grand homme d’Etat de la France au XXè siècle. Mitterrand a aussi été un homme d’Etat à la vue longue mais il a fait embrasser à la France la cause d’une Europe mal définie. Je pense notamment à la monnaie unique.

Le Général De Gaulle se voulait au dessus des partis, diriez-vous la même chose de Nicolas Sarkozy?
De Gaulle ne prétendait pas incarner la droite ou la gauche, il voulait rassembler la France. Il y a réussi, en tout cas dans la Résistance. Grâce à l’appui de Jean Moulin, il a acquis la légitimité du soutien de la résistance intérieure puis il a unifié la Résistance dans le gouvernement provisoire de la République française. Nicolas Sarkozy, lui, arrive même à diviser son camp. Il est très fort ! Il n’est plus l’homme de la Nation. Il est l’élu d’un parti majoritaire. Je ne conteste pas sa légitimité mais j’observe que la définition du Président comme étant l’émanation de la Nation tout entière n’existe plus guère.

Il ne s’inscrit donc pas, selon vous, dans l’héritage du Général de Gaulle?
Il ne me paraît pas être l’héritier du général de Gaulle. Il a réintégré le commandement de l’Otan, un geste hautement symbolique. Il a voté le traité de Maastricht, fait voter le traité de Lisbonne qui est la reprise de la Constitution européenne que le peuple a rejetée. Je pense que le Général de Gaulle respectait les décisions du peuple. Sarkozy est très loin du Général de Gaulle.

J’ajoute que le général De Gaulle, comme disaient ses fidèles, habitait sa statue. Monsieur Sarkozy n’habite pas sa statue. Pour une raison très simple: il n’en a pas et a beaucoup de peine à habiter sa fonction. Je le regrette parce qu’il n’a pas que des défauts.

Beaucoup se réfèrent à l’héritage du Général. Quelqu’un incarne-t-il le Gaullisme à vos yeux?
Il ne suffit pas de s’en réclamer. En tout cas, la France est aujourd’hui dans une situation très difficile. Donc, il est possible qu’il y ait quelqu’un qui puisse évoquer le Général de Gaulle mais il faudra qu’il surgisse au bon moment et qu’il fasse des propositions qui tiennent la route. Pour le moment, je scrute l’horizon. Je regarde s’il y a un nuage de poussière qui me permettrait de répondre de manière optimiste…

Source : LeJDD.fr.


Rédigé par Chevenement.fr le Mardi 9 Novembre 2010 à 11:41 | Lu 7875 fois



1.Posté par Joël BOSSARD le 09/11/2010 15:07
GIBET
Pour moi accoler ces deux noms est presque une injure faite au général. Je pense qu'il ne doit pas y avoir plus de 2% de gens , et encore, qui oseraient tenter une comparaison.
De Gaulle se fut la classe dans l'expression et la tenue
De Gaulle se fut une vision de la France et de ce qu'elle devait être dans le monde
De Gaulle fut un homme d'esprit et de lettre
De Gaulle se fut la grande bourgeoisie au sommet de l'État
Il ne fut pas exempt d'erreur en Algérie , en 1968 et eut des propos très colonialistes, pour ne pas dire plus, a propos des autochtones des Algériens.
Mais pour tous il avait sauvé la France et c'est ce que l'Histoire retiendra.
Alors que mettre en ce qui concerne Sarkozy comme pendant des qualités ci-dessus?
Pour rester respectueux je dirai qu'il est exactement le contraire, n'usant ni d'adjectifs ni de compléments, reproches d'utilisation que De Gaulle utilisa, parait-il,souvent contre son secrétaire d'État Valéry Giscard. d'Estaing '

2.Posté par JACQUES CARLE le 10/11/2010 07:57
Effectivement, il y a un abîme au sens pascalien du terme entre le général et l'actuel président; il est difficile de comparer les deux personnalités. L'on ne peut que prendre acte de l'évolution du monde vers une mondialisation certaine mais jamais le général n'aurait accepté que la France soit à la traîne des USA.
Après le suivisme européen, le suivisme atlantiste!
L'on peut se demander quelle sera la prochaine abdication. C'est en effet l'impression permanente que laisse l'actuel gouvernement: abdication dans les domaines du savoir, notamment dans celui des sciences humaines menacées dès le lycée. Quelles luttes le CNRS (datant de l'ère gaullienne) n'a-t-il pas dû mener ces dernières années pour maintenir son existence dans certains pôles de ces mêmes sciences humaines? A quelle place les humanités n'ont-elles pas été reléguées par l'actuel gouvernement pour qui le seul horizon semble être celui de l'économie, de la finance, de la rentabilité, du profit immédiat et du bling- bling médiatique?
Faut-il parler de l'abandon de la souveraineté militaire, de l'entretien du matériel? Il paraît que les bateaux parfois en panne, ne peuvent accomplir leurs missions contre les pirates, au sein d'une force internationale qui doit par moments bien rire de nous! Abdication de l'image de la France dans le monde: à quelles risées médiatiques la lecture des journaux étrangers ne nous expose-t-elle pas? Je les ai lus!
Curieusement, Il a fallu les mouvements sociaux de défense des retraites, très appréciés à l'étranger, pour redonner un peu de lustre à notre pays; mais cela vient du peuple!
Faut-il parler de l'abdication de l'image même de ce que doit être chef d' Etat: l'actuel n'a pas compris que les gens n'attendent pas une image familière du pouvoir; un président qui use parfois d'un langage de charretier et d'une syntaxe souvent approximative pour s'exprimer ne passe pas. Quel écart avec le respect de la langue qui était celui de de Gaulle!
Les gens font parfaitement la différence entre l'image d'un artiste médiatique et celle d'un chef d'Etat. C'est là que les "gens" se séparent des "citoyens" . Ils savent ce qu'ils doivent attendre de l'un et de l'autre. De Gaulle savait l'importance des medias mais il s'en servait avec grandeur, sans rien sacrifier de la représentation souveraine de soi! Il ne perdait jamais de vue que l'Etat doit rester au dessus de tous pour mieux être au service de tous. Les citoyens souhaitent une proximité dans le dialogue, sur le fond, (ce qui est inopérant sous Sarkosy! Avec quel sens du dialogue, quel respect de l'opinion la réforme des retraites a-t-elle été conduite!!!) Où est, au passage l'esprit de referendum gaullien dans tout cela? Ce n'est pas d'une proximité d'image qu'ont besoin les gens mais d'une proximité sur le fond, d'une véritable prise en compte de leurs attentes; c'est à dire simplement du respect qui leur est dû!
Non, M. Sarkosy a oublié que l'image d'un chef d'Etat, même derrière le petit écran, même dans le monde modrene, reste encore coulée dans le marbre ou le bronze d'une statue!
L'actuel président n'a jamais voulu prendre en compte le sens de la majesté, de la dignité de la fonction du souverain qui ne s'abaisse jamais vers la familiarité et lui confère à partir de là l'autorité vraie et acceptée de tous. C'est l'image que donnait le République romaine de ses dirigeants; celle que donnaient Saint-Just ou Robespierre; c'était celle de de Gaulle. Ce n'est pas celle que M Sarkosy a apparemment choisie pour lui!

3.Posté par Sébastien NANTZ le 17/11/2010 01:59
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Président d'un mouvement gaulliste, l'Union du Peuple Français, je confirme que Sarkozy est tous sauf gaulliste.

Qui incarnerait le mieux le gaullisme aujourd'hui ? Villepin ? Il a approuvé tous les traités européens qui enlève un peu plus à chaque fois à la France sa souveraineté mais évolution à suivre quand même. Dupont-Aignan ? Pas assez de charisme, homme qui se revendique clairement de droite et qui a tendance à suivre le vent.

Je n'en vois pour ma part qu'un qui à un charisme d'homme d'état et une vision de la France proche de celle du général (indépendante, souveraine, populaire et sociale). Cet homme a été candidat en 2002 et siège aujourd'hui au sénat.

4.Posté par Joël BOSSARD le 17/11/2010 19:29
GIBET

La vraie question qu'il faut se poser, ceci bien évidement sans vouloir froisser quiconque et dans le seul but d'instaurer un débat, est de savoir si la France d'aujourd'hui a besoin d'un homme comme De Gaulle, ou qui s'inscrirait dans sa ligne? Il ne faut pas oublier, pour faire court, que De Gaulle a présidé aux destinées de la France à un moment où il existait un monoculturalisme issu de la 4è République et un socle politique assez fortement conservateur. De Gaulle a été porteur d'une Europe qui ne voulait pas perdre les autonomies nationales et d'une France qu'il trouvait trop soumise au bon vouloir bancaire. Au fond sa politique monétaire s'inspirait plus de la fierté du drapeau français que des grands équilibres des masses monétaires. Son but ultime était de ne pas dévaluer car c'était déshonorer la puissance de la France quel que soit par ailleurs les bonnes raisons économiques de la faire. Cet homme fier a donné de la fierté à la France mais ne s'est pas plié aux mécanismes qui parfais sont nécessaires pour exister sur un marché très tendu et surtout pour innover. Une telle rigidité aujourd'hui serait certainement un handicap car l'environnement international ne joue plus des manettes avec les mêmes scrupules par rapport à l'hyper spéculation financière à très court terme.
Au fond il serait intéressant de se demander aujourd'hui, à partir des lignes politiques du Général de De Gaulle, quelles seraient les réponses qu'il apporterait sur les grands dossiers immédiats: la croissance , les bulles du baby boom pour traiter la retraite, la dépendance , les choix par rapport à la mondialisation économique et politique pour faire face à un appauvrissement qui s'accroit et un chômage qui repart en hausse...
La France d'aujourd'hui ne me semble plus attachée à des notions idéologiques de droite et de gauche qui créée des fissures profondes lors des alternances. Elle est en recherche d'une personnalité forte qui rassure par sa stature et sa maturité politique et des réponses à des questions de plus en plus existentielles. Une telle personnalité ne me semble pas perceptible actuellement à droite. Pour ma part je pense qu'elle existe plus à gauche avec DSK et Chevènement. L'un incarne une espèce d'autorité naturelle mais tout le monde sait qu'il ne fera pas une politique de gauche n'ayant dans sa vie politique jamais eu en charge le moindre dossier social. L'autre est issu d'une histoire où le PS incarnait alors une utopie possible et même espérée, et qui a une dimension Gaullienne. De nombreuses orientations politiques des projets de Sarkozy se sont imposés à lui sans qu'il ne puisse rien infléchir et il est probable qu'une alternance ne fera pas changer ces dossiers de rails. Alors être de gauche à mes yeux c'est surtout agir pour l'homme en considérant tous les autres leviers comme des moyens et non l'inverse. Rien n'est pire aujourd'hui pour les Français que le mépris . J'ai bien connu l'époque de De Gaulle et de ses successeurs. Leur indifférence à l'homme était grande dans leurs décisions politiques mais jamais ils n'avaient atteint le mépris qu'on a témoigné au Peuple depuis. Le futur Président de la France aura à soigner ces stigmates qui ne sont pas superficiels. Cela peut-il être vraiment l'enjeu de l'élection d'un gaulliste?
GIBET

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