La décentralisation décidée par François Mitterrand a irrigué de démocratie élective les rouages administratifs du pays. Elle a participé à unir les citoyens autour d’engagements de proximité et à accroître, par leur contrôle, l’efficacité de l’action publique. Il convient toutefois de ne pas confondre l’aspiration légitime aux libertés locales et le réflexe identitaire. Après la création de la Collectivité unique de Corse et de la Collectivité européenne d’Alsace, nous craignons que de prochains projets de loi, sous couvert de décentralisation, ne conduisent à une France de communautés régionales disposant chacune de son statut «cousu main».
Le vote de la proposition de loi Molac permettant un enseignement uniquement et exclusivement en langue régionale à l’École publique, heureusement largement censurée par le Conseil constitutionnel, comme la volonté de certains de faire de la future loi «4D» le véhicule d’une décentralisation asymétrique multipliant les concessions devant les revendications communautaires en sont les esquisses. La multiplication des projets en vue de 2022 ne concevant la nation que comme addition de territoires pourrait en être l’avenir.
Si la France est riche de ses territoires, il faut se garder d’instrumentaliser ceux-ci contre la France. «La République n’admet aucune aventure séparatiste», disait, très justement, le président de la République le 2 septembre de l’année dernière. Exiger et obtenir des droits et un statut différencié, au nom d’une identité revendiquée, c’est là la définition même du séparatisme.
Les pays voisins nous le crient, la boîte de Pandore ouverte, elle ne se refermera pas. Devant le différentialisme identitaire, notre pays a été désensibilisé, et non immunisé, par des siècles de centralisation. Le choix d’accorder un statut particulier à des collectivités revendiquant une identité concurrente de celle de la nation a été fait il y a vingt ans au Royaume-Uni, il y a trente ans en Espagne. En Écosse, le Labour, se sentant menacé par les nationalistes, a repris leurs revendications en espérant les marginaliser. Une fois le statut spécial acquis, il n’a obtenu que la légitimation d’un adversaire, qui a fini par l’évincer de la vie politique locale.
À terme, les autonomistes modérés se trouvent eux-mêmes supplantés par les indépendantistes. En Corse, la collectivité unique, non seulement n’a pas permis de marginaliser les nationalistes, mais leur a ouvert les portes du pouvoir. Ceux qui jugent, aujourd’hui, que la création de la Collectivité européenne a apaisé l’Alsace s’aveuglent. Une enquête Ifop du 7 janvier 2020 montre ainsi que 57 % des Alsaciens pourraient voter pour un parti régionaliste. Aux municipales, ceux-ci sont entrés aux conseils municipaux de Strasbourg, Colmar et Mulhouse.
L’Alsace comme la Corse doivent être reconnues, mais dans le droit commun qui préserve l’existence des départements et des régions. S’ajoutent aujourd’hui un mimétisme et une compétition entre territoires. On peut s’inquiéter des discours tenus par une partie des élus bretons. Des candidats aspirent à copier le modèle de l’île de Beauté et mettent au cœur de leur programme une Assemblée de Bretagne, étape assumée pour quelques-uns vers un statut à l’écossaise ou à la catalane.
À la veille des régionales, il est compréhensible que certains, dans la majorité comme dans l’opposition, souhaitent une différenciation entre territoires. Qu’ils sachent que le régionalisme dévore ses propres enfants. À l’instar des travaillistes écossais, ils finiront demain victimes d’un processus qu’ils auront enclenché. Qu’ils comprennent qu’ils sont le jouet de minorités activistes bien organisées, mais peu représentatives. L’opinion peut être favorable à plus de décentralisation. Toutefois, un sondage Ifop du 13 décembre 2019 pour l’Aurore (think-tank) montre que 63 % des Français, 87 % à LREM, considèrent qu’il faut affirmer l’unité de la République et refuser tout statut particulier aux territoires.
La décentralisation n’a jamais été pensée par les républicains, libéraux ou socialistes, depuis le XIX siècle comme un instrument de promotion des communautarismes, mais comme un instrument de démocratisation des politiques publiques. Les républicains conséquents doivent se souvenir que, au-delà des calculs, c’est devant l’histoire qu’ils s’engagent. Pour la pérennité de la République, on ne peut mélanger décentralisation et séparatisme, girondisme et maurassisme. La responsabilité politique, l’éthique publique impliquent de mettre au-dessus de soi l’unité et la stabilité de la nation.
Source : Le Figaro
Si la France est riche de ses territoires, il faut se garder d’instrumentaliser ceux-ci contre la France. «La République n’admet aucune aventure séparatiste», disait, très justement, le président de la République le 2 septembre de l’année dernière. Exiger et obtenir des droits et un statut différencié, au nom d’une identité revendiquée, c’est là la définition même du séparatisme.
Les pays voisins nous le crient, la boîte de Pandore ouverte, elle ne se refermera pas. Devant le différentialisme identitaire, notre pays a été désensibilisé, et non immunisé, par des siècles de centralisation. Le choix d’accorder un statut particulier à des collectivités revendiquant une identité concurrente de celle de la nation a été fait il y a vingt ans au Royaume-Uni, il y a trente ans en Espagne. En Écosse, le Labour, se sentant menacé par les nationalistes, a repris leurs revendications en espérant les marginaliser. Une fois le statut spécial acquis, il n’a obtenu que la légitimation d’un adversaire, qui a fini par l’évincer de la vie politique locale.
À terme, les autonomistes modérés se trouvent eux-mêmes supplantés par les indépendantistes. En Corse, la collectivité unique, non seulement n’a pas permis de marginaliser les nationalistes, mais leur a ouvert les portes du pouvoir. Ceux qui jugent, aujourd’hui, que la création de la Collectivité européenne a apaisé l’Alsace s’aveuglent. Une enquête Ifop du 7 janvier 2020 montre ainsi que 57 % des Alsaciens pourraient voter pour un parti régionaliste. Aux municipales, ceux-ci sont entrés aux conseils municipaux de Strasbourg, Colmar et Mulhouse.
L’Alsace comme la Corse doivent être reconnues, mais dans le droit commun qui préserve l’existence des départements et des régions. S’ajoutent aujourd’hui un mimétisme et une compétition entre territoires. On peut s’inquiéter des discours tenus par une partie des élus bretons. Des candidats aspirent à copier le modèle de l’île de Beauté et mettent au cœur de leur programme une Assemblée de Bretagne, étape assumée pour quelques-uns vers un statut à l’écossaise ou à la catalane.
À la veille des régionales, il est compréhensible que certains, dans la majorité comme dans l’opposition, souhaitent une différenciation entre territoires. Qu’ils sachent que le régionalisme dévore ses propres enfants. À l’instar des travaillistes écossais, ils finiront demain victimes d’un processus qu’ils auront enclenché. Qu’ils comprennent qu’ils sont le jouet de minorités activistes bien organisées, mais peu représentatives. L’opinion peut être favorable à plus de décentralisation. Toutefois, un sondage Ifop du 13 décembre 2019 pour l’Aurore (think-tank) montre que 63 % des Français, 87 % à LREM, considèrent qu’il faut affirmer l’unité de la République et refuser tout statut particulier aux territoires.
La décentralisation n’a jamais été pensée par les républicains, libéraux ou socialistes, depuis le XIX siècle comme un instrument de promotion des communautarismes, mais comme un instrument de démocratisation des politiques publiques. Les républicains conséquents doivent se souvenir que, au-delà des calculs, c’est devant l’histoire qu’ils s’engagent. Pour la pérennité de la République, on ne peut mélanger décentralisation et séparatisme, girondisme et maurassisme. La responsabilité politique, l’éthique publique impliquent de mettre au-dessus de soi l’unité et la stabilité de la nation.
Source : Le Figaro