Carnet de Jean-Pierre Chevènement

Le traité simplifié ou le retour de l’européisme


M. Sarkozy ne paraît avoir rien de plus pressé que de faire adopter son « traité simplifié », succédané de Constitution européenne, par le sommet européen des 20 et 21 juin prochains.


Cette fébrilité qui le fait rencontrer successivement et précipitamment les principaux chefs de gouvernement européens interpelle : ce traité institutionnel qui devrait être ratifié par la voie parlementaire (et non par referendum comme l’aurait voulu la règle du parallélisme des formes et comme l’avait d’ailleurs proposé Ségolène Royal) vise paraît-il, à remédier à la « panne » de l’Europe. Mais cette « panne » n’existe que dans la pensée unique qui domine l’esprit de nos dirigeants. Ceux-ci éprouvent un fort sentiment de culpabilité, après le « non » retentissant par lequel le peuple français, le 29 Mai 2005, a rejeté le projet de constitution européenne. Le « traité simplifié » de M. Sarkozy est un rite de purification ou plutôt d’expiation. Il ne répond en aucune manière à la nécessité de redresser la construction européenne. M. Sarkozy, pendant sa campagne, avait lui-même fustigé l’euro fort et l’absence de préférence communautaire qui nous affaiblissent dans la mondialisation.

En quoi le « trait simplifié » permet-il de remédier à ces handicaps ? En rien ! Au contraire nous accepterions, par la voie de ce traité, des dispositions hautement contestables :
-La création d’un ministre européen des affaires étrangères qui dans le rapport de forces interne de l’Union à 27 nous mettrait systématiquement en minorité c'est-à-dire à la remorque de la diplomatie américaine.
-L’extension du vote à la majorité qualifiée à des sujets ultrasensibles comme la politique de l’immigration sonnerait le glas de notre indépendance en la matière.
-Enfin la pondération démographique des votes du Conseil romprait la traditionnelle égalité de la France et de l’Allemagne dans les institutions européennes. Cette parité qu’avaient voulue les « pères fondateurs » pour des raisons d’équilibre politique, serait évidemment rompue au bénéfice de l’Allemagne (82 millions d’habitants). Cette modification figurait dans le projet de Constitution rejeté en 2005. Elle peut, certes, se discuter. Mais il est frappant de voir que M. Sarkozy la réintroduit sans aucune contrepartie : il aurait pu par exemple négocier un complément aux statuts de la Banque Centrale européenne : que celle- ci soit chargée de soutenir la croissance et l’emploi et pas seulement de lutter contre une inflation aujourd’hui jugulée. La concession -énorme- faite par M. Sarkozy aurait pu être mise dans le paquet d’une négociation franco-allemande particulièrement difficile (problèmes industriels sur EADS et Galileo, positions de négociation à l’OMC sur les droits de douane agricoles etc..).

Rien de tout cela ! M. Sarkozy commence son quinquennat sous les auspices de l’idéologie « boniste », en « grand seigneur » qui jugerait de mauvais goût de défendre d’abord les intérêts de la France tels qu’ils les avaient lui-même reconnus (à moins que ce ne fût par la plume de M. Guaino !). Vieille tradition européiste de notre diplomatie qui va à rebours de nos intérêts… Comme M. Jouyet doit être content !


Rédigé par Jean-Pierre Chevènement le Samedi 2 Juin 2007 à 12:25 | Lu 7157 fois



1.Posté par FRANCOIS jean M.R.C. 62 le 02/06/2007 15:53
le refus du traité de Maastricht par le MDC
le refus de la constitution européenne par le MRC
devront se retrouver dans la refondation de la gauche
assortis de propositions précises et concrètes allant dans le sens
de la coopération avec nos partenaires dans le respect des identités nationales.....
les faits nous donnent raison mais il ne faut pas s'en contenter et dialoguer avec ceux qui n'ont pas fait les mêmes choix

2.Posté par Xavier DUMOULIN le 03/06/2007 07:03
Le retour du traité : une sortie par le bas...

Le traité concentre des éléments décisifs pour l'avenir de la France, de l'Europe et de ses peuples. L'annonce d'un accord entre Nicolas Sarkozy et le Président du conseil espagnol fait suite au dialogue avec la chancelière allemande et le chef du gouvernement anglais. Ce que le président français semble considérer comme une victoire diplomatique traduit plutôt une sortie par le bas. Le bras de fer n'a jamais eu lieu. Quand Chirac, honteux du Non, est resté dans une posture attentiste, son successeur fait mine de poser des exigences le temps d'une campagne pour s'aligner totalement, sinon se coucher, sur des positions européistes refusées massivement par notre peuple en 2005. On savait que la partie serait difficile.

En adoptant ce projet par voie parlementaire, N Sarkozy commet une sorte de forfaiture envers les citoyens français. Ségolène Royal avait clairement annoncé la nécessité d'un référendum, dans le respect du parallélisme des formes. Il est parfaitement regrettable d'accepter sans aucune contrepartie des évolutions institutionnelles quand les vraies questions portent aujourd'hui sur le fond : l'indépendance de la BCE pour conduire une autre politique monétaire favorisant la croissance, l'emploi et non la stricte orthodoxie libérale de l'euro fort. Sur ce point, malgré ses annonces, le nouveau président avale son chapeau en se privant de propositions cohérentes dans une situation de négociation. Malgré ses dénégations savamment distillées, N Sarkozy s'enlise dans le conformisme européiste le plus plat. Il est sans doute en total accord avec une majorité de pays de l'union pour une pesée diplomatique plus affirmée de l'Europe avec l'institution d'un ministre européen des affaires étrangères. Sur ce point, par delà les rêves pieux, la réalité de l'atlantisme trop marqué de l'Union conduit fatalement celle-ci à rejoindre la diplomatie américaine. Deuxième forfaiture, bien prévisible au demeurant ! Quant à l'extension des domaines adoptés à la majorité qualifiée, cette procédure enlève toute réelle maîtrise politique nationale sur des sujets sensibles.

C'est sur ces points que portent la critique du Mouvement Républicain et Citoyen exprimée par son président d'honneur, Jean Pierre Chevènement. On sait pouvoir compter sur lui et sur sa capacité d'entraînement à gauche pour dénoncer avec la plus grande fermeté cette position de N Sarkozy et de sa majorité. La campagne des législatives permet d' interpeller l'ensemble des candidats. Il ne saurait y avoir d'ambiguité sur ce dossier majeur. Les choix citoyens doivent se faire entendre. Dans la campagne et dans les urnes !


3.Posté par Antoine le 11/06/2007 21:07
Souverainiste (comme l'on dit) et admirateur de JP Chevénement, je suis scandalisé par le coup d'état de NS.
Mais aussi un regret pour le passé et un souhait pour l'avenir.
Face à l'enjeu vital pour l'avenir de notre pays et de l'Europe que représente cette forfaiture, confronté à la déferlente de NS, peut-on imaginer une vraie alliance de tous les partisans du "non" de la gauche (y compris qu'on dit extrème) à la droite (y compris qu'on dit extrème). Un parti ou une alliance national au sens strict car l'enjeu fondamental est là et je crois que le "non" avait en commun un sens de la démocratie qui s'exerce dans la nation, de la justice social et d'un vraie souci de l'autre et dela richesses des différentes cutres dans un monde dominé par l'utilitarisme.
Merci pour tout ce que vous faites M. Chevénement. Même si c'est dans le cadre d'un parti qui a fait (hélas) sien le projet fédéraliste.

4.Posté par roger arnardi le 15/06/2007 11:13
La menace de J.P. Chevènement de ne pas se représenter à Belfort en 2008 , dans le cas où les Belfortains ne l'éliraient pas député, est la seule réponse digne d'un leader, c'est gaullien. Démissionner dès le lendemain des élections le serait encore plus. Le peuple n'est pas excusable en tout parce qu'il est le peuple.
Il est temps que les Français mesurent la portée et les conséquences de leurs choix, de leurs inactions et qu'il subissent immédiatement les sanctions qui en découlent.

5.Posté par Anne Carré le 09/10/2007 17:13
Un site où l'on peut trouver les textes officiels ( projet de traité modicatif, protocoles, déclarations, et une version des textes des traités avec les modifications insérés das ceux-ci) : c'est là, www.traite-simplifie.org, pour que chacun puisse juger en connaissance de cause.

On y trouve aussi des textes s'élevant contre une adoption par la voie parlemantaire et en appelant à l'expression du peuple par un référendum.

Une adresse à faie peut-être circuler pour que le débat démocratique s'engage enfin...
Anne

6.Posté par yane le 19/10/2007 19:27
Je viens de découvrir le site :
www.traite-simplifie.org
il fédère les textes officiels, les textes de ceux qui s'étonnent du mode de ratification et qui appellent à un référendum , des propositions d'actions.
Je vous le conseille

7.Posté par fredebone le 20/10/2007 19:52
Monsieur Chevènement vos analyses sont toujours très éclairantes
Les médias sont pour, le couvercle est bien fermé. Seules quelques volutes de fumée contestataires apparaissent pour simuler un semblant de débat démocratique

De plus le ralliement des personnalités de gauche à marche forcée qui a coûté en crédibilité au gouvernement actuel révèle la manœuvre politicienne au grand jour. Nicolas Dupont Aignan en parlant de l’ « Ouverture » la qualifie de « piège à cons ». Moi, je pense que la principale raison de cette orientation politique bizarre, en particulier en tout début de mandat, est le vote nécessaire par le Parlement du « Traité simplifié » à une majorité des 3/5 èmes. L’apport d’une partie des voix socialistes est nécessaire et indispensable. Pierre Moscovici, qui a viré de bord, ne dit pas autre chose : « Le traité simplifié n'est pas une mauvaise chose ». Simplement le député du Doubs oublie de façon opportune la proposition de Ségolène Royal qu’il soutenait, qui sans être opposée à cette forme d’Europe tendant vers le fédéralisme, avait ajouté une condition majeure : ce texte doit passer devant les Français par référendum.


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